Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a demandé une ordonnance de communication de renseignements. Deux questions ont été soulevées concernant la demande : le format des documents et des renseignements supplémentaires liés à la cessation de l’emploi du plaignant. La Commission a déterminé que l’intimé s’était conformé à ses obligations à l’égard des documents fournis au plaignant, malgré les plaintes concernant le format et l’organisation. Elle a conclu que l’intimé s’était acquitté de ses obligations de fournir des documents conformément aux règles d’équité procédurale. La Commission a conclu que les documents liés à la cessation de l’emploi du plaignant étaient potentiellement pertinents à la plainte.

Demande accueillie en partie.

Contenu de la décision

Date: 20241223

Dossier: 771-02-48817

 

Référence: 2024 CRTESPF 181

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la

fonction publique

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Imtiaz Rajab

plaignant

 

et

 

Administrateur en chef du Service administratif des tribunaux judiciaires

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Rajab c. Administrateur en chef du Service administratif des tribunaux judiciaires

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes de l’alinéa 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Christopher Rootham, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Melynda Layton, avocate

Pour l’intimé : Richard Vallee, représentant

Pour la Commission de la fonction publique : Personne

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés le 12 juillet et les 10 et 12 septembre 2024.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Aperçu

[1] Le plaignant a présenté une demande d’ordonnance de communication de renseignements (OCR). La présente décision porte sur deux questions préliminaires concernant cette demande : la question de savoir si les renseignements déjà fournis par l’intimé doivent être organisés et fournis différemment, et la question de savoir si l’intimé doit fournir des documents supplémentaires concernant la cessation présumée de l’emploi du plaignant.

[2] J’ai conclu que l’intimé s’est conformé à ses obligations en vertu du Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique, DORS/2006-6 (RPDFP) dans la façon dont il a fourni et organisé la communication des documents et des renseignements jusqu’à présent dans le cadre de la présente plainte.

[3] J’ai également accueilli la demande de documents du plaignant qui sont pertinents à la requête préliminaire de l’intimé et à la prétendue cessation d’emploi du plaignant.

[4] Mes motifs sont les suivants.

II. Requête concernant la forme de la divulgation fournie à ce jour

[5] Le paragraphe 16(1) du RPDFP exige que les deux parties « se communiquent [...] les renseignements pertinents relatifs à [la plainte] », et le paragraphe 16(2) exige que cet échange soit effectué dans les 25 jours suivant l’accusé de réception de la plainte par la Commission. La présente plainte a été déposée le 2 janvier 2024. Comme il en sera question plus loin, l’intimé a déposé une requête en rejet de la plainte le 29 janvier 2024. La Commission a suspendu la date limite pour terminer l’échange de renseignements jusqu’à ce que la requête soit tranchée. La Commission a rejeté la requête le 15 mai 2024, ce qui a ramené le délai pour l’échange de renseignements.

[6] L’intimé a fourni des documents et des renseignements de deux façons. Premièrement, il a répondu à plusieurs questions posées par le plaignant dans un courriel daté du 23 mai 2024 et a joint cinq documents à ce courriel. Deuxièmement, il a fourni une liste de documents dans le dossier de dotation qu’il a déclaré ne pas considérer comme pertinents, mais qu’il a énumérés par excès de prudence. La représentante du plaignant a répondu [traduction] « Veuillez tout envoyer ». La représentante du plaignant a également demandé à l’intimé de fournir un index des documents et de les envoyer en format pdf.

[7] L’intimé a fourni des documents en envoyant quatre courriels le 28 mai 2024. Chaque courriel contenait une liste des documents qui y étaient joints. Les documents eux-mêmes ont été joints sous forme de fichiers distincts, à l’exception d’un fichier Zip contenant des [traduction] « courriels d’autorisation de priorité de la CFP ». Le plaignant affirme qu’un total de cinquante documents ont été fournis à sa représentante dans le cadre de ce processus.

[8] La représentante du plaignant a écrit à la Commission plus tard ce jour-là pour se plaindre qu’elle n’avait pas pu recevoir d’autres courriels de la part de l’intimé parce que ces quatre courriels avaient [traduction] « envahi ma boîte de réception et paralysé ma capacité de travailler ». Le plaignant a demandé à la Commission d’ordonner que la divulgation se fasse dans un seul document pdf.

[9] C’est la première fois que l’on demande à la Commission de décider du format dans lequel les documents sont fournis en vertu de l’article 16 du RPDFP. Par conséquent, la Commission a demandé des arguments écrits sur cette question.

[10] Les arguments du plaignant portaient davantage sur les problèmes techniques causés par les courriels du 28 mai 2024. Le plaignant affirme que les documents contenaient plus de 5 600 kilo-octets d’information et plus de 200 pages. Pour mettre cette taille de fichier en perspective, le fichier PDF qui comprenait les arguments du plaignant dans la présente affaire était de 19 419 kilo-octets, bien qu’il ne comptait que 17 pages. Le plaignant a déclaré que la divulgation de l’intimé avait provoqué l’arrêt du système de courriel de sa représentante et qu’il avait fallu à cette dernière plus de trois heures à organiser l’information et à la sauvegarder dans un seul document.

[11] Les deux parties ont adopté des positions relativement extrêmes sur la manière dont l’échange de renseignements doit se faire.

[12] Le plaignant a fait valoir que les documents doivent être regroupés en un seul fichier pdf parce que cela est nécessaire pour lui permettre de donner une réponse significative. Le plaignant a soutenu que le fait de ne pas l’avoir fait démontrait de la mauvaise foi.

[13] Le plaignant a de plus soutenu que le Code de déontologie pour les avocats en Ontario exige un niveau de courtoisie qui s’étend à la fourniture de documents de la manière qu’il a demandée. La personne qui a fourni les documents pour l’intimé n’est pas un avocat, mais la personne qui a répondu à la requête l’est. Le plaignant n’a cité aucun cas ni aucune autre autorité pour soutenir que le Code de déontologie est pertinent aux obligations de divulgation dans un tribunal ou pour déterminer les règles d’équité procédurale dans une affaire donnée.

[14] À ma connaissance, la décision qui se rapproche le plus de l’imbrication du Code de déontologie avec l’équité procédurale est Bédirian c. Conseil du Trésor (Justice Canada), 2001 CRTFP 57. Cette affaire concernait une ordonnance d’exclusion de témoins. Le commissaire a averti un témoin, qui était en train de subir un interrogatoire principal, de ne pas parler de l’affaire avec l’avocat de l’employeur. L’avocat de l’employeur s’est opposé à cet avertissement. Le commissaire a retiré son objection. Le commissaire s’est fondé sur le Code de déontologie de l’Association du Barreau canadien, qui permet à un avocat de parler à un témoin pendant l’interrogatoire principal, à condition que l’avocat ne discute pas d’une question qui n’a pas encore été abordée dans l’interrogatoire jusqu’à ce moment-là, et il a rendu une ordonnance à cet effet. La Cour fédérale est parvenue à une conclusion semblable dans Agnaou c. Canada (Procureur général), 2014 CF 850, qui était un contrôle judiciaire du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le prédécesseur de la Commission) au sujet d’une ordonnance semblable excluant des témoins. Lors du contrôle judiciaire, la Cour fédérale a cité Bédirian et le Code de déontologie de l’Ontario à l’appui de la proposition selon laquelle il n’y avait pas eu d’atteinte à l’équité procédurale lorsque l’avocat de l’intimé a parlé aux témoins de l’intimé (dans cette affaire, pendant l’audience, mais avant que les témoins ne commencent à témoigner).

[15] La question soulevée dans la présente requête est très différente de celle soulevée dans Bédirian ou Agnaou. L’argument du plaignant équivaut à ce syllogisme : le Code de déontologie exige que vous soyez courtois; je veux que les documents soient organisés d’une manière particulière; il serait courtois que vous fassiez ce que je veux; par conséquent, vous devez faire ce que je veux.

[16] Comme l’a souligné l’intimé, la divulgation de renseignements contenus dans les dossiers de plaintes de dotation est habituellement assurée par des personnes qui ne sont pas des avocats au sein des services qui répondent aux plaintes. L’argument du plaignant créerait des obligations différentes pour les parties, selon qu’elles sont des avocats ou qu’elles ont retenu les services d’un avocat. Je suis d’accord avec l’intimé que le Code de déontologie ne constitue pas le cadre approprié pour la divulgation dans le présent cas.

[17] Le plaignant a également cité Jaroc Holdings Ltd. v. Calgary (City), 2018 ABQB 969 à l’appui de sa position. Cette affaire était une demande de contrôle judiciaire de cinq décisions du Calgary Assessment Review Board (CARB). Le CARB a refusé d’examiner 1 392 des 1 593 pages de preuve présentées lors d’une audience d’évaluation fiscale parce que le demandeur n’avait pas fourni de résumé ou d’organisation pour cette preuve, et la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta (comme elle était appelée) a confirmé cette décision. Le plaignant soutient que cette affaire appuie la proposition voulant que l’intimé dans le présent cas soit tenu de fournir un fichier PDF unique et organisé. Toutefois, cette affaire se distingue de deux façons.

[18] Premièrement, le CARB est régi en partie par le Matters Relating to Assessment Complaints Regulation, Alta. Reg. 310/2009, dont l’alinéa 8(2)a) exige expressément que chaque partie fournisse un [traduction] « résumé de la preuve testimoniale » et [traduction] « tout argument écrit » avant l’audience [traduction] « avec suffisamment de détails pour permettre à l’intimé de répondre à la preuve ou de la réfuter à l’audience ». Le CARB et la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta se sont tous deux appuyés sur cette disposition, qui est absente du RPDFP.

[19] Deuxièmement, et plus important encore, la nature de la preuve et des questions était différente. Le CARB entend les demandes d’examen de l’impôt foncier. Dans les cas concernant des entreprises commerciales complexes, cela implique l’évaluation d’informations économiques et financières hautement techniques. Les pages supprimées dans Jaroc Holdings étaient 1 392 pages de données sur les taux d’inoccupation, de rapports de tiers et de dossiers d’information sur l’évaluation. En revanche, les renseignements dans le présent cas (que le plaignant qualifie de [traduction] « vidage de documents ») sont des formulaires de dotation, des évaluations du candidat reçu et d’autres éléments courants dans des dossiers de dotation. Ces informations ne sont ni très techniques ni très complexes. Selon le plaignant, il y avait également un peu plus de 200 pages de documents, soit bien moins que les 1 593 pages présentées dans Jaroc Holdings.

[20] Cela dit, je ne suis pas non plus d’accord avec l’argument de l’intimé selon lequel il n’y a pas de façon précise de fournir les renseignements et la documentation. Je ne suis pas non plus d’accord avec l’intimé sur le fait que la possibilité d’une rencontre en personne atténue toute obligation d’organiser les documents de façon appropriée. L’article 17 du RPDFP prévoit expressément qu’une partie peut être sommée de fournir des documents à une autre partie. Si une réunion était suffisante pour satisfaire aux obligations de divulgation d’une partie, le RPDFP ne contiendrait pas une telle exigence.

[21] J’ai trouvé la jurisprudence des tribunaux des droits de la personne utile pour évaluer cette question parce que les règles de ces tribunaux ne précisent pas le format dans lequel les documents doivent être divulgués, et parce que la nature des documents dans les plaintes en matière de droits de la personne peut être semblable au type ou au format des documents utilisés dans les plaintes en matière de dotation.

[22] Dans Cormie v. Laurentian University, 2008 HRTO 44, la Commission ontarienne des droits de la personne a divulgué plus de 2 000 pages à feuillets mobiles contenues dans 17 dossiers avec des étiquettes manuscrites. Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) a conclu que la Commission ontarienne des droits de la personne ne s’était pas conformée à ses obligations de divulgation, déclarant ce qui suit :

[Traduction]

[5] La Commission et le plaignant ont raison de dire que le Règlement ne contient aucune exigence expresse régissant la forme de la divulgation. Il est toutefois implicite dans le Règlement que les documents soient lisibles et que la nature des documents soit identifiée si cela n’est pas clair à première vue. Dans la mesure où la divulgation de la Commission en l’espèce ne satisfait pas à ces exigences, elle est contraire au Règlement.

[23] Le TDPO a ordonné à chaque partie de fournir sa divulgation dans l’ordre chronologique et un index identifiant chaque document par nature et par date.

[24] Le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) est parvenu à une conclusion semblable dans Grand Chef Stan Louttit et al. c. Procureur général du Canada, 2013 TCDP 3. Dans cette affaire, l’intimé avait fourni la divulgation sur un CD contenant de gros fichiers PDF non indexés et non triés. Les plaignants ont demandé une ordonnance pour que la divulgation soit organisée de façon pratique. Le TCDP a accepté, déclarant ce qui suit :

[14] Bien que les Règles ne précisent pas la manière ou la forme que doit prendre la divulgation, l’objet des règles et, plus généralement, les principes d’équité exigent que la divulgation et la production de documents soient suffisantes pour que chaque partie ait la possibilité pleine et entière de se faire entendre. La production d’un CD dont le contenu n’est pas structuré, qui n’a pas de table des matières et qui renferme des documents non classés nuit à la capacité des plaignants d’invoquer des éléments de preuve que l’intimé estime pertinents en l’espèce ou de répondre à ceux-ci. De plus, en l’espèce, la désorganisation du premier CD de divulgation a fait que l’argumentation et la preuve n’ont pas pu être présentées en temps opportun et de façon efficace. [...] Peut-être que si les documents avaient été produits plus efficacement dès le départ, la requête en cause – ou au moins certains de ses éléments – n’aurait peut-être pas été nécessaire et l’instance aurait peut-être progressé plus rapidement.

[25] Le TCDP a ordonné à l’intimé de produire une liste de documents qui permettrait aux plaignants de connaître le contenu du CD.

[26] Je suis d’accord avec ces cas pour dire que les documents fournis doivent être lisibles et accessibles. Dans le contexte de la divulgation électronique, cela exige que les documents soient organisés et consultables. Le degré d’organisation peut varier selon le volume des documents. Enfin, par « consultable », j’entends que le document doit pouvoir faire l’objet d’une recherche après l’utilisation d’une fonction de reconnaissance optique de caractères (ROC) qui est une fonction standard sur les lecteurs PDF, ou qu’il soit clairement identifié à l’aide d’un index pour les documents plus courts (y compris toute note manuscrite qui ne peut pas être lue à l’aide de la ROC); voir par exemple R. v. Cuffie, 2020 ONSC 4488, aux paragraphes 31 et 59, où la production de plus de 300 000 pages de documents était inaccessible parce qu’elles ne pouvaient pas être numérisées à l’aide d’un programme de ROC.

[27] Dans le présent cas, j’ai conclu que l’intimé s’est acquitté de son obligation de fournir des documents conformément aux règles d’équité procédurale. Comme je l’ai indiqué précédemment, il a fourni des documents en les joignant à des courriels. Chaque courriel contenait une liste des documents qui y étaient joints, à l’exception d’un courriel qui contenait un fichier ZIP (et un fichier ZIP contient sa propre liste des documents qu’il contient une fois qu’il est ouvert). Le plaignant n’a pas soutenu ou laissé entendre que les documents ne pouvaient pas faire l’objet de recherches. Enfin, les documents n’étaient pas si volumineux qu’ils méritaient une attention particulière. Compte tenu du nombre et de la taille des documents, l’intimé n’était pas tenu de fusionner les documents en un seul fichier PDF ou de créer un seul index pour tous ses documents.

III. Demande de production supplémentaire au moyen d’une ordonnance de communication de renseignements (OCR)

[28] Comme je l’ai mentionné précédemment, l’intimé a demandé le rejet de la plainte. L’intimé a allégué que le plaignant n’était pas une personne employée dans la zone de sélection indiquée pour la nomination à la date d’affichage de la période de recours (c.-à-d. le 3 janvier 2024) parce que son emploi avait pris fin avant cette date. Le plaignant affirme qu’il n’a pas pris volontairement sa retraite et qu’il n’a jamais été licencié et qu’il était donc toujours un employé à cette date.

[29] La Commission a rejeté la requête de l’intimé au motif qu’elle ne disposait pas de renseignements suffisants à cette étape préliminaire pour la trancher, mais sans préjudice du droit de l’intimé de soulever la question à l’audience. L’intimé a confirmé qu’il avait l’intention de poursuivre cette requête lors de l’audience de la présente plainte. Par conséquent, le plaignant a demandé la divulgation de tous les documents démontrant comment il a cessé d’être un employé, y compris la correspondance entre l’intimé et le Centre des pensions.

[30] Lorsqu’une demande d’ordonnance de communication de renseignements est présentée, il incombe à la partie qui demande l’ordonnance de démontrer la pertinence discutable des documents demandés. Dans Akhtar c. Sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 26, l’ancien Tribunal a confirmé que le critère de seuil associé à ces demandes est une pertinence discutable :

[27] [...] Le critère préliminaire pour examiner une demande d’ordonnance de communication de renseignements est que l’on peut soutenir leur pertinence. Ce critère exige qu’il existe une certaine pertinence, et il incombe à la partie requérante de démontrer qu’il existe une corrélation, ou un lien direct, entre les renseignements demandés et la plainte. Le Tribunal n’ordonnera pas la communication de renseignements lorsqu’une partie se contente de soupçonner que certains documents pourraient être pertinents, sans plus, ce qui constituerait une demande vague correspondant à une « recherche à l'aveuglette » [Traduction] » [...]

 

[31] Normalement, les documents concernant une cessation d’emploi ne seraient pas pertinents à une plainte en matière de dotation. La présente plainte a été déposée en vertu de l’alinéa 77(1)b) de la LEFP, ce qui signifie que la seule question en litige dans la plainte est celle de savoir si l’intimé a abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé. Les documents relatifs à la cessation d’emploi du plaignant ne sont pas pertinents à cette question.

[32] Toutefois, ce critère de seuil pour la fourniture de renseignements s’applique aux requêtes préliminaires ainsi qu’au fond d’une plainte. Dans Shafaie c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2022 CRTESPF 15, au paragraphe 27, la Commission a confirmé qu’elle exigeait la production de renseignements pour permettre à la plaignante de répondre à une requête en rejet de sa plainte, en déclarant ce qui suit :

[27] La plaignante a également semblé soutenir qu’en émettant une ordonnance de production de renseignements (OPR) plus tôt dans le processus de plainte, la Commission a laissé entendre qu’il pourrait y avoir des preuves indiquant que [traduction] « [...] l’établissement du recours est entaché et donc douteux ». Il serait incohérent que la Commission décline sa compétence après avoir ordonné plus tôt la « divulgation ». Une demande d’OPR est un mécanisme permettant à une partie d’obtenir, avant une audience, des informations qui pourraient être pertinentes pour sa plainte. Elle permet à la partie requérante d’avoir les informations nécessaires pour faire valoir ses arguments. Dans le cas de la plaignante, la Commission a déterminé que l’information qu’elle cherchait était sans doute pertinente pour lui permettre de répondre à la requête en rejet de l’intimé. La décision n’était en aucun cas déterminante quant à la compétence de la Commission sur la question.

 

[33] L’intimé affirme que le plaignant était à l’extérieur de la zone de sélection parce qu’il n’était plus un employé. Le plaignant nie qu’il n’était plus employé. La Commission n’a pas été en mesure de trancher cette question en se fondant sur les documents que l’intimé a déjà fournis.

[34] Les documents relatifs à la cessation d’emploi du plaignant (s’il y en a eu une) sont sans doute pertinents à la requête en rejet de l’intimé, et le plaignant a le droit de recevoir ces documents.

[35] L’intimé affirme que les raisons ou le mécanisme à l’origine de la cessation de l’emploi du plaignant ne sont pas pertinents parce qu’il se trouvait à l’extérieur de la zone de sélection, peu importe la façon dont son emploi a pris fin. Je rejette cet argument pour deux raisons. Premièrement, le plaignant nie que son emploi a pris fin, de sorte que les documents dont l’intimé dit qu’ils montrent que son emploi a pris fin sont pertinents à cet argument. Deuxièmement, le critère de seuil à ce stade est la pertinence défendable. La Commission peut, ou non, convenir avec l’intimé que le mécanisme par lequel le plaignant a cessé d’être employé n’est pas pertinent, mais ce n’est pas la question dont la Commission est saisie dans la présente demande. Dans Shafaie, l’intimé a finalement eu raison de dire que les documents (qui, dans ce cas, portaient sur la question de savoir si la zone de sélection avait été conçue de mauvaise foi) n’étaient pas pertinents; toutefois, l’intimé dans cette affaire devait toujours les fournir.

[36] J’en suis arrivé à une conclusion semblable dans le présent cas. Il est trop tôt pour dire avec certitude si les documents sont pertinents, mais on peut soutenir qu’ils le sont, et c’est suffisant.

[37] La demande de documents du plaignant comportait quatre éléments. Ma décision sur chacun d’eux est la suivante :

Copies des courriels, des notes, des communications et de la correspondance de Mme Carreau, de M. Lepine et de Mme Anderson (directrice des ressources humaines) concernant l’emploi de M. Rajab et sa cessation d’emploi au sein des Services administratifs des tribunaux judiciaires.

 

[38] Les documents relatifs à la cessation d’emploi du plaignant sont sans doute pertinents à la question de savoir si l’emploi du plaignant a cessé et doivent être fournis.

[39] En revanche, le plaignant n’a pas démontré en quoi les documents relatifs à son emploi en général sont potentiellement pertinents. La demande est trop large.

Des copies du courriel distribué par Mme Carreau, M. Lepine et/ou Mme Anderson annonçant que M. Rajab était malade et en congé pour raisons médicales.

 

[40] Ce document n’est pas pertinent à la question de savoir si l’emploi du plaignant a cessé. Pour mettre les choses en contexte, le plaignant affirme qu’il était absent pour des raisons médicales, qu’il est retourné au travail pendant plusieurs mois, puis que l’intimé a adopté la position selon laquelle il avait accepté de prendre sa retraite. L’annonce de son congé pour des raisons médicales n’est pas pertinente à la question de savoir si son emploi a cessé.

Toutes les correspondances concernant la pension de M. Rajab.

[41] Le plaignant soutient que l’intimé a agi de mauvaise foi et en violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, en communiquant avec le Centre des pensions pour lui demander de lui verser une pension. Ces questions ne sont pas pertinentes à la requête en rejet : soit le plaignant se trouvait dans la zone de recours, soit il ne s’y trouvait pas.

[42] Toutefois, la correspondance de l’intimé avec le Centre des pensions en 2023 pourrait éclairer la question de savoir si son emploi a cessé et, dans l’affirmative, à quelle date. Je vais donc ordonner la fourniture de cette correspondance de 2023.

Tous les autres documents dont on peut dire qu’ils sont pertinents.

[43] La présente Commission a déjà déclaré dans Akhtar qu’elle n’ordonnera pas la communication de renseignements si une partie ne fait que soupçonner que les documents pourraient être pertinents. Cette demande n’est pas suffisamment précise pour que la Commission émette une ordonnance à son égard.

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[44] La demande est accueillie en partie.

[45] La Commission ordonne à l’intimé de fournir ce qui suit au plaignant d’ici le 17 janvier 2025 :

a) Des copies des courriels, des notes, des communications et de la correspondance envoyés à ou par Mme Carreau, M. Lepine et Mme Anderson au sujet de la cessation d’emploi de M. Rajab.

b) Toute la correspondance en possession de l’intimé concernant la pension de M. Rajab datée du 1er janvier au 31 décembre 2023.

[46] La Commission avait mis la plainte en suspens jusqu’à ce qu’elle rende sa décision. Maintenant qu’une décision a été rendue, les délais peuvent être réactivés. L’échange de renseignements entre le plaignant et l’intimé doit être terminé d’ici le 17 janvier 2025. Le plaignant doit soumettre ses allégations d’ici le 31 janvier 2025.

[47] Toutes les parties devraient consulter le RPDFP et le Guide de procédures pour calculer les délais modifiés découlant du rétablissement des délais.

Le 23 décembre 2024.

Traduction de la CRTESPF

Christopher Rootham,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 

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