Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
La fonctionnaire s’estimant lésée a été informée que son poste faisait l’objet d’un réaménagement des effectifs en raison d’un manque de travail. L’administrateur général a déclaré qu’elle était une employée optant et lui a remis une lettre d’options qui indiquait qu’elle ne bénéficierait pas d’une garantie d’offre d’emploi raisonnable (GOER). La lettre lui donnait aussi trois options parmi lesquelles choisir, conformément à la Directive sur le réaménagement des effectifs (RE) du Conseil national mixte. La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief alléguant que l’employeur ne l’avait pas traitée conformément au RE parce qu’elle était une employée excédentaire, mais il a refusé de reconnaître son statut prioritaire. L’employeur a d’abord soutenu que la Commission n’avait pas compétence pour déterminer les droits d’excédentaire de la fonctionnaire s’estimant lésée. Subsidiairement, il a soutenu que la fonctionnaire s’estimant lésée était une employée optant en vertu du RE et que le statut de priorité excédentaire n’était disponible que si un administrateur général fournissait une GOER ou si un employé optant choisissait la première des trois options (option A) prévues dans la lettre d’options. La Commission a d’abord déterminé qu’elle avait compétence pour interpréter et appliquer le RE, puisqu’il faisait partie de la convention collective. Ensuite, elle a déterminé que la fonctionnaire s’estimant lésée était une employée optant, et non une employée excédentaire, en vertu du RE. En l’absence d’une GOER, un employé n’a pas de statut excédentaire et ne bénéficie pas des avantages qui en découlent, à moins qu’il ne choisisse l’option A. Le RE ne prévoyait pas d’autres statuts de priorité au cours de la période de choix. Le Commission a rejeté le grief.
Grief rejeté.
Contenu de la décision
Date : 20250109
Référence : 2025 CRTESPF 3
Loi sur la Commission des
relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral et
Loi sur les relations de travail
dans le secteur public fédéral
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Devant une formation de la
Commission des relations
de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral
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ENTRE
Renuka Verma
fonctionnaire s’estimant lésée
et
GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
employeur
Répertorié
Verma c. Gendarmerie royale du Canada
Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage
Devant : Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Nicolas Brunette-D’Souza et Matthew Létourneau, avocats
Pour l’employeur : Lauren Benoit, avocate
Affaire entendue par vidéoconférence,
Arguments écrits déposés les 13 et 22 mars 2024.
(Traduction de la CRTESPF)
MOTIFS DE DÉCISION
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(TRADUCTION DE LA CRTESPF)
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I. Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage
[1] Renuka Verma (la « fonctionnaire s’estimant lésée ») occupait le poste de conseillère en gestion financière de groupe et niveau FI-03 au sein de la Division K de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC » ou l’« employeur ») à Edmonton, en Alberta. Le 7 août 2019, on l’a avisée que son poste faisait l’objet d’un réaménagement des effectifs en raison d’un manque de travail (la « lettre d’options »).
[2] Il était mentionné dans la lettre d’options qu’elle n’obtiendrait pas de garantie d’offre d’emploi raisonnable (GOER). L’administrateur général l’a désignée employée optante; elle avait donc le choix entre trois options, conformément à la section 6.4.1 de la Directive sur le réaménagement des effectifs du Conseil national mixte (la « Directive du CNM »).
[3] Elle a eu 120 jours à compter de la date de la lettre d’options pour faire un choix. La période de réflexion s’étendait du 7 août 2019 au 4 décembre 2019 (la « période de réflexion »). Elle avait le choix entre les trois options suivantes : Option A — « Période de priorité excédentaire de 12 mois », Option B — « Mesure de soutien à la transition (MST) » et Option C — « Indemnité d’études ».
[4] La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle avait droit à la priorité d’employé excédentaire au titre de la Directive du CNM du 7 août 2019 jusqu’à la date de sa mise en disponibilité prévue, soit le 4 décembre 2019. L’employeur n’était pas d’accord. Elle a avancé que l’employeur refusait de reconnaître sa priorité d’employé excédentaire et que cela avait retardé jusqu’au dernier jour de sa période de réflexion l’obtention de réponses précises à ses questions sur les options qui s’offraient à elle.
[5] En outre, elle a avancé que l’employeur n’avait expressément pas reconnu sa priorité d’employé excédentaire pendant la recherche d’une offre d’emploi raisonnable durant sa période de réflexion. Elle affirme qu’elle a perdu du temps et des possibilités d’emploi et qu’elle s’est sentie poussée à partir sans aucune possibilité de maintenir un emploi. Le 4 décembre 2019, elle a choisi l’option C.
[6] Le 2 janvier 2020, elle a présenté un grief au titre de la convention collective du groupe Gestion financière (FI) entre le Conseil du Trésor et l’Association canadienne des agents financiers (l’« agent négociateur ») qui venait à échéance le 6 novembre 2022 (la « convention collective »).
[7] Elle a démissionné de son poste le 23 janvier 2020.
[8] Le 4 mai 2021, le grief a été présenté au Comité du réaménagement des effectifs du CNM. Le comité exécutif du CNM a rejeté le grief et jugé que la fonctionnaire s’estimant lésée était une employée optante au titre de la Directive du CNM et que la priorité d’employé excédentaire, telle qu’établie dans la Directive du CNM, n’est applicable que lorsqu’un employé optant choisit l’option A ou qu’un administrateur général lui donne une GOER. En l’absence de GOER, il n’y a priorité d’employé excédentaire qu’après le choix d’une option. La Directive du CNM ne prévoit aucune autre priorité durant la période de réflexion.
[9] La fonctionnaire s’estimant lésée a porté son grief en arbitrage le 15 novembre 2021.
[10] Pour les motifs qui suivent, je souscris aux conclusions du Comité exécutif du CNM et je dois rejeter le grief.
II. Résumé de la preuve
[11] Les parties ont présenté un exposé conjoint de faits. Ce qui suit est un résumé des faits pertinents et des témoignages qui ont mené au dépôt d’un grief.
A. Contexte
[12] La fonctionnaire s’estimant lésée est titulaire d’un baccalauréat en éducation et d’un baccalauréat en arts spécialisé en mathématiques de l’université de Delhi, en Inde. Elle est titulaire d’un MBA modulaire de l’université Heriot-Watt, à Édimbourg, en Écosse, ainsi que d’un certificat supérieur en administration des affaires, profil comptabilité, du Red River College, à Winnipeg, au Manitoba. Enfin, elle est titulaire d’un certificat en éducation permanente pour adultes de l’Université du Manitoba, à Winnipeg.
[13] Elle est entrée dans la fonction publique fédérale en 1988. Au cours de sa période d’emploi, elle a occupé plusieurs postes, dont celui de cheffe des services ministériels de la Division des levés officiels, région du Nord, de Ressources naturelles Canada et de sous-directrice des finances et de l’administration, un poste au sein d’un gouvernement territorial. Elle a commencé à travailler pour l’employeur le 11 mars 2002.
[14] Le 17 juillet 2019, Kyle Adam, directeur de la région du Nord-Ouest, l’a avisée verbalement qu’elle serait assujettie à un réaménagement des effectifs en raison d’un manque de travail. Nena Publicover, cheffe d’équipe, Ressources humaines de la fonction publique, et Nicolas Brunette-D’Souza, représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée, étaient présents au moment de cet échange.
[15] À partir du 18 juillet 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée était en contact avec Mme Publicover pour lui poser des questions sur ses options. Elle a envoyé des questions à Mme Publicover par courriel sur les options citées aux sections 6.4.1a), b), et c) de la Directive du CNM.
[16] La section 6.4.1 de la Directive du CNM est libellée ainsi :
6.4 Options
6.4.1 Seul l’employé optant qui ne reçoit pas une garantie d’offre d’emploi raisonnable de son administrateur général aura le choix entre les options suivantes :
a) Option A :
1) Une priorité d’employé excédentaire d’une durée de douze mois pour trouver une offre d’emploi raisonnable. Si une offre d’emploi raisonnable n’est pas faite au cours de ces douze mois, l’employé sera mis en disponibilité conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. L’employé qui exerce cette option ou qui est présumé l’exercer est excédentaire.
2) À la demande de l’employé, cette période de priorité d’excédentaire de douze mois est prolongée de la période non utilisée de 120 jours décrite au paragraphe 6.1.2, une fois qu’il a choisi par écrit l’Option 6.4.1a).
3) Lorsqu’un employé excédentaire qui a choisi, ou est réputé avoir choisi, l’Option 6.4.1a) propose de démissionner avant la fin de sa période de priorité d’excédentaire de douze mois, l’administrateur général peut autoriser le versement d’un montant forfaitaire égal à la rémunération du poste d’attache pendant le reste de la période de priorité d’excédentaire jusqu’à un maximum de six mois. Le montant forfaitaire de rémunération en remplacement de la période excédentaire ne peut pas dépasser le maximum que l’employé aurait touché s’il avait choisi l’Option 6.4.1b), la MST.
4) Les ministères ou les organisations feront tous les efforts raisonnables pour présenter un employé excédentaire au cours de sa période de priorité d’excédentaire dans sa zone de mobilité privilégiée.
ou
b) Option B :
une MST, à savoir un montant forfaitaire versé à l’employé optant. Le montant est calculé selon le nombre d’années de service au sein de la fonction publique (voir Appendice C). L’employé qui choisit cette option doit démissionner mais il aura droit à une indemnité de départ au taux de mise en disponibilité.
ou
c) Option C :
L’indemnité d’études est une MST (voir l’Option 6.4.1b)) plus un montant n’excédant pas 17 000 $ pour le remboursement des frais de scolarité d’un employé optant, les frais des livres et d’équipement pertinent, appuyés par un reçu. Les employés qui choisissent l’Option 6.4.1c) pourraient soit :
1) choisir de démissionner de l’administration publique centrale et recevoir une indemnité de départ au taux de mise en disponibilité le jour de sa cessation d’emploi. La MST sera versée en un ou deux paiements forfaitaires sur une période maximale de deux ans; ou
2) reporter sa mise en disponibilité et prendre un congé sans solde pour une période maximale de deux ans pour effectuer sa formation. La MST sera versée en un ou deux paiements forfaitaires sur une période maximale de deux ans. Au cours de cette période, l’employé peut continuer à bénéficier des régimes offerts et contribuer sa part et celle de l’employeur aux régimes d’avantages sociaux et du régime de retraite, conformément à la Régime de pensions de retraite de la fonction publique. À la fin de la période de deux ans de congé non payé, l’employé est mis en disponibilité conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, sauf s’il a trouvé un autre emploi au sein l’administration publique centrale.
[17] La fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué avoir lu ses options et avoir posé des questions précises sur chacune d’elles. Pendant sa conversation avec Mme Publicover, elle a pris des notes directement sur le courriel qu’elle lui avait envoyé. Elle voulait connaître le type de travail qu’elle ferait et de qui elle relèverait si elle choisissait l’option A, puis, si elle optait pour l’option C, le type de cours qui serait payé, par exemple si des cours en immobilier seraient admissibles, et si les frais de déplacement étaient remboursés. Elle s’est également renseignée sur l’option B et sur le versement de la MST. Elle voulait savoir s’il était possible de la recevoir sur une période de deux ans.
[18] Mme Publicover s’est souvenue d’une conversation téléphonique avec la fonctionnaire s’estimant lésée le 31 juillet 2019, et a convenu qu’elle n’avait pas répondu à deux questions, à savoir celle sur le remboursement des frais de déplacement pour les cours et celle sur l’admissibilité des cours en immobilier.
[19] Le 7 août 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a reçu de l’employeur la lettre d’options, accompagnée d’un formulaire (« le formulaire de sélection des options »). Dans l’ensemble de son témoignage, la fonctionnaire s’estimant lésée a maintenu qu’aucun formulaire n’était joint à la lettre d’options. L’employeur n’est pas d’accord. Je reviendrai sur ce point plus loin.
[20] La lettre d’options reprenait la section 6.4 de la Directive du CNM et fournissait plus d’explications sur chacune des options. Les passages clés sont fournis ci-après :
[Traduction]
Il a été établi que la commissaire ne peut pas vous garantir une offre d’emploi raisonnable. Ainsi, vous avez 120 jours civils à compter de la date de la présente pour envisager les trois options établies dans la Directive sur le réaménagement des effectifs et en choisir une.
[...] Une fois arrêté, votre choix est irrévocable. De plus, si vous choisissez l’option B ou C, c’est la direction qui décidera de la date de départ. Veuillez noter que, si vous ne faites pas votre choix d’ici le 5 décembre 2019, l’option A s’appliquera par défaut [...]
[21] Dans son témoignage, Mme Publicover a déclaré que M. Adam avait traité de la lettre d’options et de son contenu dans le détail. La fonctionnaire s’estimant lésée a été avisée qu’elle ne recevrait pas de GOER, mais qu’on lui offrirait plutôt des options. C’est M. Adam qui a mené la réunion où le formulaire de sélection des options, une liste de personnes-ressources — par exemple pour obtenir de l’aide au Centre des pensions et au Centre des services de paye — ainsi qu’une copie de la Directive de CNM et du Guide sur l’administration des priorités ont été remis à la fonctionnaire s’estimant lésée. Les gestionnaires devaient répondre à toutes les questions sur le formulaire de sélection des options et sur la lettre d’options.
[22] Au deuxième paragraphe de la lettre d’options, on peut lire : [traduction] « [...] vous avez été désignée aux fins de mise en disponibilité et vos services ne seront plus requis après le 21 août 2019 ». La fonctionnaire s’estimant lésée en a conclu qu’elle était une employée excédentaire. De plus, puisque l’employeur ne pouvait pas lui offrir une GOER, elle avait droit aux options, et disposait d’une période de 120 jours pour faire son choix.
[23] La fonctionnaire s’estimant lésée a soulevé ce point auprès de l’employeur à plusieurs reprises. La réponse de ce dernier n’a qu’amplifié sa confusion. Dans son témoignage, elle a déclaré avoir fait des recherches et avoir constaté qu’un employé mis en disponibilité est un employé excédentaire ayant droit de priorité. Selon elle, elle était une employée excédentaire et on lui a aussi donné le choix entre trois options.
[24] Au cours du contre-interrogatoire, on a demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée quel était le fondement de son grief. Elle était d’accord pour dire que, selon la déclaration préliminaire de son agent négociateur et son propre témoignage, sa réclamation portait sur la priorité d’employé excédentaire pendant la période de réflexion. Elle a déclaré avoir été dans cette situation du 7 au 21 août 2019 et qu’elle n’avait pas été adéquatement avisée de ses droits. Elle a convenu que la lettre d’options ne faisait pas d’elle une employée [traduction] « excédentaire », puisque ce mot n’a pas été utilisé. Elle n’a rien reçu d’autre par écrit qui confirmait qu’elle était employée excédentaire. Elle n’a pas fait la distinction entre employée excédentaire et poste excédentaire.
B. La période de réflexion
[25] La période de réflexion s’étendait du 7 août 2019 au 5 décembre 2019. Au cours de cette période, la fonctionnaire s’estimant lésée a déployé des efforts pour trouver un poste au sein de la fonction publique fédérale, entre autres à un poste de groupe et niveau EX-01 et un autre de groupe et niveau FI-03. En juillet 2019, elle a participé à un processus de sélection pour constituer un bassin d’EX-01. L’employeur ne l’a pas traitée comme une employée excédentaire au sens de la Directive du CNM.
[26] Le 13 août 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a envoyé un courriel à John Ferguson, commissaire adjoint, officier responsable des enquêtes criminelles, pour obtenir des renseignements sur un poste de groupe et niveau EX-01.
[27] Les 20 août et 12 septembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a envoyé un courriel de suivi à Mme Publicover au sujet des questions qu’elle avait posées à la réunion du 7 août 2019, dans lequel elle demande aussi qu’on lui transmette le formulaire de sélection des options.
[28] Du 20 août au 29 novembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a échangé des courriels avec M. Ferguson à propos du poste de EX-01. À la demande de M. Ferguson, elle lui a envoyé une copie de la lettre d’options.
[29] Le 12 septembre 2019, elle a écrit à Mme Publicover. Elle avait plusieurs questions et n’avait toujours pas reçu le formulaire de sélection des options. Ces réponses étaient importantes pour elle afin de prendre une décision éclairée. Elle voulait obtenir le formulaire de sélection des options, puis le lire. Elle a essayé de le trouver en ligne, sans succès. Elle l’a demandé à maintes reprises à Mme Publicover — au moins quatre fois selon ses souvenirs.
[30] Le 17 septembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a posé sa candidature à un poste de FI-03 à Emploi et Développement social Canada (EDSC). Sa candidature a été retenue dans le cadre du concours, mais elle n’a pas obtenu le poste. Mme Publicover et l’employeur ne lui ont apporté aucune aide dans le cadre de ce processus de nomination.
[31] Le 20 septembre 2019, le représentant de l’agent négociateur de la fonctionnaire s’estimant lésée a effectué un suivi par écrit auprès de Mme Publicover sur une série de questions, précisant que celles-ci causaient beaucoup de soucis à la fonctionnaire s’estimant lésée, car elle devrait bientôt faire un choix, la date butoir approchant à grands pas. L’agent négociateur a fait un suivi les 25 et 30 septembre 2019. Dans le courriel du 30 septembre 2019, le représentant a demandé pourquoi les questions sur le remboursement des cours et des frais de déplacement étaient demeurées sans réponse depuis juillet, puis il a demandé quand on répondrait à la fonctionnaire s’estimant lésée.
[32] Le 11 octobre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a informé Mme Publicover qu’elle avait posé sa candidature à un poste de FI-03 à EDSC. Mme Publicover l’a avisée qu’elle ne devait pas se présenter comme une candidate à nomination prioritaire et lui a expliqué que, si elle choisissait l’option A, soit la priorité d’employé excédentaire de 12 mois, elle pourrait alors être vue comme bénéficiaire de priorité au sein de la fonction publique. La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que, à la réception de la lettre d’options du 7 août 2019, elle avait compris être une employée excédentaire. Mme Publicover a répondu que la fonctionnaire s’estimant lésée était une employée optante et l’a invitée à consulter les parties pertinentes de la Directive du CNM, y compris l’appendice D.
[33] Le 13 novembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a informé Mme Publicover qu’elle n’avait pas fait son choix et qu’elle n’avait toujours pas reçu le formulaire de sélection des options. Elle a déclaré qu’elle réclamait le formulaire en question depuis le 7 août 2019. Mme Publicover a répondu que le formulaire lui avait été envoyé avec la lettre d’options et qu’elle allait le lui renvoyer. La fonctionnaire s’estimant lésée a précisé que c’était là sa cinquième demande écrite depuis la réception de la lettre d’options.
[34] Le même jour, elle a envoyé un courriel à Mme Publicover dans lequel elle lui demandait ce qu’il adviendrait de tout versement reçu de MST si elle choisissait l’option B tout en poursuivant ses démarches pour une nomination. Mme Publicover lui a répondu qu’elle devrait rembourser tout versement reçu de MST. La fonctionnaire s’estimant lésée a posé plusieurs questions de suivi, et Mme Publicover y a répondu au mieux de ses connaissances. Pour les dernières questions de la fonctionnaire s’estimant lésée, Mme Publicover l’a orientée vers le Centre des services de paye et le représentant de son agent négociateur.
C. Le formulaire de sélection des options a été reçu le 21 novembre 2019
[35] La fonctionnaire s’estimant lésée a reçu le formulaire de sélection des options pour la première fois le 21 novembre 2019. Selon le formulaire en question, elle avait jusqu’au 5 décembre 2019 pour faire son choix et retourner le formulaire à l’employeur, sans quoi, elle sera réputée avoir choisi l’option A.
[36] Le 26 novembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a écrit à Mme Publicover pour lui poser des questions au sujet du droit de priorité. Dans son message, elle a copié et collé un passage selon lequel les employés excédentaires d’une organisation qui ont été avisés par leur administrateur général que leurs services n’étaient plus requis, mais qui n’avaient pas été mis en disponibilité de la fonction publique, bénéficiaient d’une priorité prévue par la loi. La fonctionnaire s’estimant lésée et Mme Publicover ont eu une discussion. La fonctionnaire s’estimant lésée y a donné suite avec un courriel précisant que, de ce qu’elle avait compris, elle était une employée excédentaire.
[37] Le 28 novembre 2019, elle a envoyé un courriel à M. Ferguson pour demander qu’on tienne compte de sa candidature au poste de EX-01 à titre d’offre d’emploi raisonnable selon la Directive du CNM. Cela constituait une promotion. Le même jour, M. Ferguson et Naomi Harasym, gestionnaire, Ressources humaines de la fonction publique, divisions K et G, et gestionnaire de Mme Publicover, ont discuté du statut de la fonctionnaire s’estimant lésée. Dans ses notes personnelles, M. Ferguson a reconnu qu’elle avait été jugée excédentaire. Il a précisément écrit : [traduction] « J’ai parlé à Naomi à propos de Renuka Verma. Renuka m’avait préalablement envoyé un courriel. Renuka doit prendre une décision d’ici le 4 décembre à propos de son poste ou de son statut au sein de la GRC. Son emploi est jugé excédentaire. On lui a donné 3 options. » [Caractères gras ajoutés.] Dans son témoignage, M. Ferguson a déclaré qu’il s’était trompé, car ce n’était pas la fonctionnaire s’estimant lésée qui était jugée excédentaire, mais plutôt son poste.
[38] M. Ferguson s’est souvenu que la fonctionnaire s’estimant lésée lui avait dit se sentir sous contrainte. Après sa rencontre avec elle, il a communiqué avec les ressources humaines, parce qu’il voulait s’assurer de bien comprendre son statut. Elle avait l’impression qu’il avait le pouvoir de la nommer au poste de EX-01, qui était de niveau supérieur au poste qu’elle occupait. Mme Harasym a déclaré que la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas qualifiée pour le poste de EX-01 et que, même s’il y avait des circonstances où un employé peut être transféré à un poste de niveau supérieur, dans le cas présent, ce n’était pas possible. La fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas priorité et elle n’avait pas choisi l’option A. Elle devait être qualifiée pour le poste de EX-01, ce qui n’était pas le cas. Le 29 novembre 2019, un échange de courriels a une fois de plus confirmé qu’elle était une employée optante.
[39] La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré dans son témoignage qu’elle n’avait pas été traitée comme une employée excédentaire dans le cadre de ce processus de nomination ni dans tous ceux qui ont suivi. Elle s’est rappelé avoir parlé à M. Ferguson de la possibilité d’un recyclage pour être admissible au poste de EX-01, mais que cela lui avait aussi refusé. Selon ce qu’elle avait compris, elle avait droit à un recyclage parce que son poste faisait l’objet d’un réaménagement des effectifs. Personne ne lui a offert cette possibilité.
[40] Le 3 décembre 2019, Mme Harasym a répondu au courriel de la fonctionnaire s’estimant lésée et a précisé que, selon la Directive du CNM, elle était une employée optante et non une employée excédentaire, puis elle lui a fourni des liens vers les ressources pertinentes.
[41] Le 4 décembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a écrit à Mme Harasym, affirmant que les ressources humaines n’avaient pas répondu à ses questions et qu’elle avait beaucoup de mal à comprendre la définition d’« employé excédentaire ». Elle a posé d’autres questions et a déclaré qu’elle ne voulait plus recevoir de liens ou de lettres en guise de réponse, mais un simple oui ou non.
[42] Le même jour, Mme Publicover a répondu à ses questions et lui a confirmé que, pendant la période de réflexion, l’employeur continuait de chercher d’autres possibilités d’emploi correspondant à son niveau de titularisation ou à un niveau équivalent. Mme Publicover a proposé la tenue d’un appel téléphonique avant que la fonctionnaire s’estimant lésée sélectionne une option. Mme Publicover, M. Adam, la fonctionnaire s’estimant lésée et le représentant de son agent négociateur y seraient conviés.
[43] Le 4 décembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu qu’elle n’avait toujours pas obtenu de réponse à ses questions et que ce retard dans l’obtention de réponses amplifiait son stress. Elle a rempli le formulaire et sélectionné l’option C(i), soit l’indemnité d’études, et a déclaré que son choix s’expliquait en grande partie par le fait qu’on lui avait fourni peu de renseignements, ce qui avait entraîné des retards constants. Elle a fourni le 23 janvier 2020 comme date de démission. Dans son témoignage, elle a déclaré avoir fait ce choix sous la contrainte. Elle a affirmé avoir pris une décision qu’elle ne voulait pas prendre.
[44] En contre-interrogatoire, la fonctionnaire s’estimant lésée a confirmé qu’elle voulait continuer à travailler au sein de la fonction publique. Elle savait que, si elle choisissait l’option A, elle aurait la priorité d’employé excédentaire au sein d’autres organisations et de la sienne. Elle a sélectionné l’option C parce qu’elle jugeait qu’elle n’avait pas d’autre choix. L’employeur ne l’aidait pas quand des postes étaient affichés et elle n’a reçu aucun counseling. S’il ne l’aidait pas pendant sa période de réflexion, il ne l’aiderait pas plus après celle-ci. Elle n’a pas demandé d’aide pour rédiger son curriculum vitæ puisque personne ne lui en a offert.
[45] Toujours en contre-interrogatoire, la fonctionnaire s’estimant lésée a dit qu’elle avait sélectionné l’option C(i), même si elle avait compris que la deuxième option lui aurait permis d’être en congé non payé pendant deux ans, dont un an à titre d’employée prioritaire. Elle a affirmé qu’elle avait eu du mal à comprendre la différence entre les options C(i) et C(ii). Elle est célibataire et n’a pas d’autre source de revenus. Elle croyait que choisir cette option lui permettrait d’obtenir une aide financière et qu’elle pourrait chercher un emploi. En ce qui concerne l’option de la MST et celle de l’indemnité d’études, elle voulait connaître la somme à rembourser si elle choisissait cette option et achetait de l’équipement. L’employeur n’a pas pu lui dire si elle pourrait se faire rembourser des cours pour devenir courtière en immobilier, ni si les frais de déplacement relatifs à une formation seraient remboursés. L’employeur n’a jamais répondu à ses questions. La fonctionnaire s’estimant lésée ne se souvenait pas si elle avait demandé de l’aide pour les entrevues ou si elle s’était renseignée sur l’échange de postes.
[46] Le 6 décembre 2024, l’employeur a approuvé le formulaire de sélection des options de la fonctionnaire s’estimant lésée et lui a envoyé des renseignements supplémentaires sur l’option C(i), qu’elle avait choisie.
[47] Le 18 décembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a écrit à Mme Publicover pour lui demander quels efforts l’employeur avait déployés pendant sa période de réflexion pour lui trouver d’autres possibilités d’emploi. Elle a déclaré qu’on ne lui avait pas fourni les bons renseignements quant aux modalités et à l’interprétation des concepts d’« employé excédentaire », de « statut d’employé excédentaire » et de « priorité d’employé excédentaire ».
[48] La démission de la fonctionnaire s’estimant lésée est entrée en vigueur le 23 janvier 2020. Elle a reçu un versement de la MST. Cela dit, elle n’a pas demandé ni reçu le moindre versement relatif à des dépenses de formation. En contre-interrogatoire, elle a admis que cette date lui était profitable d’un point de vue financier. Elle a convenu qu’elle avait reçu 100 000 $ à titre de MST, ainsi qu’une indemnité de départ, des crédits de congé non utilisés et un montant pour dommages causés par le système de paye Phénix.
[49] Après sa démission, la fonctionnaire s’estimant lésée a posé sa candidature à d’autres postes, mais tous ceux au sein de la fonction publique fédérale étaient des postes internes. Elle s’est inscrite au service Alertes-Emplois et au site Web Indeed. En date de l’audience, elle était sans emploi depuis sa date de démission.
D. Les efforts déployés par l’employeur pour trouver des possibilités d’emploi
[50] La fonctionnaire s’estimant lésée a affirmé que l’employeur ne l’avait pas aidée à se trouver un emploi et qu’il ne l’avait pas soutenue quand elle a elle-même posé sa candidature à des postes. Elle avait l’impression qu’il voulait se débarrasser d’elle. Même si son poste faisait l’objet d’un réaménagement des effectifs, d’autres employés du groupe FI ont été nommés aux bureaux de Winnipeg et d’Edmonton. Elle a déclaré que le directeur de la région avait admis que le travail de nature financière pouvait se faire de n’importe où au pays. Elle avait les compétences pour ces postes. À son avis, si l’employeur jugeait qu’elle n’avait pas les compétences, elle avait droit à un recyclage.
[51] Il y a eu un processus de nomination non annoncé pour un poste de FI-04 à Edmonton, et la personne nommée était jusque-là de niveau et groupe FI-03. La fonctionnaire s’estimant lésée a affirmé que des membres du personnel de la GRC lui avaient dit que la personne nommée avait été transférée à ce poste pour éviter un cas de réaménagement des effectifs.
[52] La fonctionnaire s’estimant lésée a dit que personne n’avait pris le temps de lui expliquer les options qui s’offraient à elle ni leur incidence sur elle. Elle a affirmé qu’on ne lui avait jamais dit qu’elle devait sélectionner l’option A pour avoir priorité de nomination. De son point de vue, il était avantageux d’avoir priorité puisqu’elle avait ainsi un statut prioritaire dans son organisation d’attache. Si un poste était affiché et vacant ou si d’autres postes vacants étaient éventuellement dotés à son niveau ou à un niveau inférieur, alors l’employeur aurait dû lui faire une offre. Dans le cas d’un poste de niveau supérieur, elle aurait eu à faire elle-même les démarches. Il lui aurait suffi d’avoir les qualifications essentielles, rien d’autre. Les ministères ont 60 jours pour évaluer les qualifications essentielles et tenir compte des priorités normales avant de mener des entrevues et d’accepter d’autres candidatures. Personne n’a expliqué les directives prioritaires, les guides et la réglementation applicables à la fonctionnaire s’estimant lésée.
[53] Elle ne se souvient pas avoir reçu du counseling, comme l’exige la section 1.1.36 de la Directive du CNM. Personne ne lui a expliqué ses droits et ses obligations au titre de la Directive du CNM. Elle se souvient uniquement d’avoir reçu la lettre d’options datée du 7 août 2024 et d’avoir été avisée qu’elle pouvait déposer un grief si elle se sentait lésée.
[54] La fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas souvenue avoir reçu des renseignements sur les possibilités d’échange de postes. Contrairement à ce qui est exigé à la section 1.1.3, aucun comité mixte de réaménagement des effectifs n’a été mis en place. Elle s’est souvenue qu’on lui avait seulement dit qu’elle n’était pas une employée excédentaire et qu’on ne pouvait pas lui offrir de poste. Ni la réinstallation ni le recyclage n’ont été abordés. Quand elle a discuté avec M. Ferguson et lui a dit que la Directive du CNM permettait le recyclage, celui-ci lui a répondu que, dans son cas, ce n’était pas applicable. On ne lui a pas fourni la moindre information sur le versement de la MST ni sur l’indemnité d’études. Elle a posé beaucoup de questions là-dessus, mais elle n’a pas obtenu de réponse pour quelques-unes de ces questions.
[55] Quand la fonctionnaire s’estimant lésée a reçu sa lettre d’options, elle comptait 31 ans de service. Elle espérait trouver un emploi au moins à son niveau pour maximiser sa pension de retraite, qui représente 70 % de ses 5 années les mieux payées. Il y a aussi eu une incidence sur ses avantages sociaux. Puisqu’elle a pris sa retraite plus tôt que prévu, elle a perdu 2 % par année de service. Elle prévoyait de prendre sa retraite en janvier 2024.
[56] Mme Publicover a déclaré avoir cherché des possibilités d’emploi pour la fonctionnaire s’estimant lésée durant toute la période de réflexion. Elle est restée à l’affût de postes de FI-03 et d’AS-07, qui est un groupe et niveau équivalent. À titre de cheffe d’équipe, Ressources humaines de la fonction publique, elle appartient à un groupe de professionnels en relations du travail provenant de différents ministères et de professionnels des ressources humaines. Ils assistent à des réunions et échangent des renseignements sur les postes qui seront à pourvoir. Elle a demandé qu’on la tienne au courant des postes à pourvoir, parce que la GRC avait des employés optants qu’elle tentait de maintenir en poste. Toutefois, pendant la période de réflexion, Mme Publicover n’était pas au courant de poste qui correspondait au niveau de la fonctionnaire s’estimant lésée ou à un niveau inférieur.
[57] Mme Publicover a expliqué que, si la fonctionnaire s’estimant lésée avait choisi l’option A, qui lui donnait un statut prioritaire, cette dernière aurait pu entreprendre des démarches pour obtenir un poste de niveau supérieur. Si elle avait répondu aux critères de mérite et possédé les qualifications essentielles, elle aurait eu priorité et sa candidature aurait été évaluée sous cet angle. Pendant la période de réflexion, Mme Publicover a continué à chercher un autre emploi pour la fonctionnaire s’estimant lésée, mais aucune possibilité ne s’est ouverte. Elle était toujours à l’affût de possibilités dans d’autres ministères.
[58] Mme Publicover s’est souvenue du courriel de la fonctionnaire s’estimant lésée daté du 18 décembre 2019, dans lequel cette dernière demandait des détails sur les efforts qu’elle avait déployés pour lui trouver d’autres possibilités d’emploi. Malheureusement, Mme Publicover n’avait plus accès à ses carnets de notes ni aux procès-verbaux des réunions de son groupe de professionnels. Elle croit que la fonctionnaire s’estimant lésée confondait les modalités et l’interprétation des concepts d’« employé excédentaire », de « statut d’employé excédentaire » et de « priorité d’employé excédentaire ». Elle a toujours dit à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle était une employée optante sans GOER. L’administrateur général doit déclarer le fonctionnaire employé excédentaire ou, s’il s’agit d’un employé optant, ce dernier doit choisir l’option A afin d’être considéré comme un employé excédentaire. Mme Harasym et Mme Publicover ont dit à maintes reprises à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle était une employée optante et que, si elle voulait avoir un statut prioritaire, elle devait sélectionner l’option A. Selon Mme Publicover, la fonctionnaire s’estimant lésée a simplement refusé d’accepter ses explications.
E. L’incidence sur la fonctionnaire s’estimant lésée
[59] Durant la période de réflexion, la fonctionnaire s’estimant lésée a eu l’impression d’être négligée. L’incapacité d’obtenir suffisamment de renseignements et des réponses à ses questions a rendu cette période extrêmement difficile pour elle. Tant la période de réflexion que le traitement qu’on lui a réservé ont eu une incidence sur son bien-être. Elle faisait de l’insomnie, se sentait seule et estimait que personne ne l’aidait dans le processus.
[60] La fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué que, si elle avait eu l’impression que l’employeur la traitait de façon équitable, elle aurait sélectionné l’option A, celle de la période de priorité excédentaire. Elle devait continuer à travailler pour honorer ses engagements financiers et elle voulait cumuler ses 35 ans de service pour obtenir les prestations de retraite maximales. Elle a choisi l’option C, mais elle ne s’en est jamais prévalue. Elle l’a choisie sans avoir reçu tous les renseignements. Au dernier jour de la période de réflexion, elle n’avait toujours pas reçu de réponse à toutes ses questions. Tout au long de cette période, elle s’est sentie sous contrainte. Elle avait peu d’estime de soi et de confiance en soi.
III. Les questions en litige
[61] La présente affaire soulève les trois questions suivantes :
1) Est-ce que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a la compétence pour interpréter et appliquer les dispositions de la Directive du CNM qui ont trait au statut d’employé excédentaire, à la priorité d’employé excédentaire et à l’employé excédentaire?
2) Si oui, quel était le statut de la fonctionnaire s’estimant lésée au titre de la Directive du CNM?
3) Est-ce que l’employeur a contrevenu à la Directive du CNM?
4) Si oui, quelle est la réparation appropriée?
IV. Arguments et analyse
A. Est-ce que la Commission a la compétence pour interpréter et appliquer les dispositions de la Directive du CNM qui ont trait au statut d’employé excédentaire, à la priorité d’employé excédentaire et à l’employé excédentaire?
[62] La compétence de la Commission en matière de griefs individuels découle du paragraphe 209(1) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTSPF »). La fonctionnaire s’estimant lésée a renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a), qui porte sur « [...] l’interprétation ou l’application à son égard [...] de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale [...] ». Elle a écrit ce qui suit dans son grief :
[Traduction]
Je conteste le défaut et l’omission de l’employeur de me permettre de profiter pleinement de mes droits en vertu de la Directive sur le réaménagement des effectifs du Conseil national mixte (la « Directive du CNM »); de la Convention entre le Conseil du Trésor et l’Association canadienne des agents financiers (la « convention collective du groupe FI »); ainsi que de l’ensemble des autres politiques, règles, directives, ententes, lois, droits, pratiques, coutumes, principes ou documents qui peuvent s’appliquer.
Je conteste le comportement de l’employeur et son traitement à l’égard de ma personne au motif qu’il a enfreint, entre autres : la Directive du CNM, la convention collective du groupe FI et l’ensemble des autres politiques, règles, directives, ententes, lois, droits, pratiques, coutumes, principes ou documents qui peuvent s’appliquer.
[63] Puisque la Directive du CNM fait partie de la convention collective, la Commission possède pleine compétence quant à son interprétation (voir la décision Chénard c. Conseil du Trésor (Emploi et Développement social Canada et Statistique Canada), 2020 CRTESPF 15, par. 30).
[64] Au cours de la vidéoconférence préparatoire à l’audience, l’employeur a fait valoir que la Commission (il convient de prendre acte que dans la présente décision, la « Commission » s’entend de l’entité dans sa forme actuelle et de ses prédécesseurs) n’a pas la compétence pour entendre l’affaire parce que les dispositions applicables de la Directive du CNM ne faisaient pas partie de la convention collective, puisqu’elles relèvent de la Commission de la fonction publique (la CFP) au titre de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la LEFP) et du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (DORS/2005-334; le REFP). Ainsi, elles ne peuvent pas faire l’objet d’un arbitrage sous le régime de l’alinéa 209(1)a) de la LRTSPF. À titre subsidiaire, si la Commission juge qu’elle a la compétence nécessaire, l’employeur a avancé ne pas avoir contrevenu à la Directive du CNM ni à la convention collective et que la fonctionnaire s’estimant lésée a été traitée conformément aux dispositions applicables.
[65] La fonctionnaire s’estimant lésée a maintenu que les dispositions relatives à la compétence de la CFP, établies à la section 1.3 et à l’appendice F de la Directive du CNM, ne sont pas au cœur du grief. La Directive du CNM prévoit expressément le droit de l’employé à déposer un grief et à soumettre celui-ci à l’arbitrage. L’employeur extrapole que la Commission n’a pas compétence chaque fois que le mot « excédentaire » est utilisé, ce que la fonctionnaire s’estimant lésée juge erroné.
[66] Il était évident durant tout le témoignage de la fonctionnaire s’estimant lésée et dans ses échanges avec l’employeur et l’agent négociateur que sa principale allégation portait sur son traitement, qui n’était pas conforme à la Directive du CNM, puisqu’elle n’avait pas obtenu le droit de priorité d’employé excédentaire. Elle a déclaré être une employée excédentaire ayant droit à la priorité de nomination.
[67] Dans ses observations exhaustives, l’employeur avance en somme que, pour profiter de la priorité de nomination, un employé doit être déclaré excédentaire par son administrateur général. La Commission n’a pas la compétence nécessaire pour établir s’il y a priorité de nomination. La fonctionnaire s’estimant lésée fait valoir que la Commission peut déclarer un employé excédentaire, établissant par le fait même une priorité de nomination jusque-là inexistante. L’employeur avance que cela irait au-delà de la compétence de la Commission et constituerait une infraction de l’alinéa 113b) de la LRTSPF, qui interdit la modification des conditions de la convention collective.
[68] Selon l’employeur, la Commission ne peut pas établir s’il y a eu violation des droits d’employée excédentaire de la fonctionnaire s’estimant lésée au titre de la LEFP et du REFP, puisque cela va au-delà de la compétence que lui confère l’alinéa 209(1)a) de la LRTSPF. La Commission ne peut qu’interpréter et appliquer la convention collective et les documents qui y sont intégrés. Toute affaire relative à une violation supposée de la loi est traitée en contrôle judiciaire. En réclamant la priorité d’employé excédentaire, la fonctionnaire s’estimant lésée a opté pour une autre avenue. L’article 5 du REFP énonce clairement qu’un employé doit être déclaré excédentaire par l’administrateur général avant de pouvoir profiter de la priorité de nomination.
[69] L’agent négociateur a fait valoir divers arguments visant à confirmer que la Commission a la compétence nécessaire pour interpréter le sens juridique du mot « excédentaire » et pour conclure que la fonctionnaire s’estimant lésée aurait dû être jugée « employée excédentaire ». Cette dernière a demandé que la Commission corrige cette erreur en concluant qu’elle devrait être traitée comme une employée excédentaire pendant la période de réflexion et qu’il n’était pas nécessaire de tirer des conclusions contre la CFP. Je ne suis pas d’accord.
[70] Le paragraphe 5(2) du REFP précise clairement que seul l’administrateur général peut déclarer un employé excédentaire aux fins d’une priorité de nomination. L’article 51 de la convention collective exclut la section 1.3 et l’appendice F de la Directive du CNM, qui sont exclusivement du ressort de la CFP et comprennent l’administration des droits de priorité correspondants au statut en question. Ces responsabilités sont expressément mentionnées aux sections 1.3 et 1.3.3, cette dernière précisant que « [p]our obtenir davantage de détails sur le rôle de la CFP dans l’administration des droits de priorité des employés excédentaires et des personnes mises en disponibilité [il faut] consulte[r] l’Annexe E du présent document ». Par conséquent, la Commission ne peut pas conclure que la fonctionnaire s’estimant lésée aurait dû être jugée « employée excédentaire ».
[71] L’agent négociateur a avancé que l’interprétation que fait l’employeur de la compétence de la CFP est trop générale. La CFP n’a pas pleine compétence sur tout ce qui a trait au mot « excédentaire ». Elle est strictement responsable de l’administration des droits de priorité. La désignation des employés excédentaires est précisée à la section 1.1 de la partie sur les rôles et responsabilités des ministères et des organisations, et non à la section 1.3, qui précise le rôle et les responsabilités de la CFP. En outre, les rôles et responsabilités des ministères et organisations font bel et bien partie des conditions de la convention collective.
[72] Cela étant dit, ces dispositions de la convention collective doivent être lues de pair avec l’art. 5 du REFP, qui énonce expressément que seul l’administrateur général peut déclarer un employé excédentaire aux fins d’une priorité de nomination. La Commission n’a pas la compétence nécessaire pour désigner la fonctionnaire s’estimant lésée comme employée excédentaire et pour demander qu’elle bénéficie de tous les droits correspondants.
[73] Même si la Commission peut interpréter et appliquer ces dispositions, elle n’a pas la compétence nécessaire pour déclarer un employé excédentaire. Tout fonctionnaire qui a été informé par l’administrateur général que ses services ne sont plus nécessaires, mais dont l’éventuelle mise en disponibilité n’a pas pris effet, bénéficie d’un droit de priorité dès qu’il est déclaré excédentaire par l’administrateur général. La Commission n’a aucun pouvoir en ce qui a trait à l’art. 5 du REFP. Au paragraphe 5(2) du REFP, on peut lire que seul l’administrateur général peut déclarer que la fonctionnaire s’estimant lésée est une employée excédentaire. Ce fait est d’ailleurs clairement précisé dans la définition d’« employé excédentaire » de la Directive du CNM.
[74] La compétence de la Commission se limite à l’interprétation de la Directive du CNM ainsi que des lois et des politiques auxquelles cette directive renvoie. La Directive du CNM et tous ses renvois font partie de la convention collective. Ainsi, la Commission a compétence pour les interpréter et les appliquer au grief; elle peut donc dire si les droits de la fonctionnaire s’estimant lésée ont été violés au titre de la Directive du CNM. Pour arriver à cette décision, la Commission doit interpréter les définitions de la Directive du CNM et cerner le statut de la fonctionnaire s’estimant lésée le 7 août 2019, quand on l’a avisée que son poste faisait l’objet d’un réaménagement des effectifs en raison d’un manque de travail.
B. Quel était le statut de la fonctionnaire s’estimant lésée au titre de la Directive du CNM?
[75] Les principes applicables à l’interprétation et à l’application des dispositions d’une convention collective sont succinctement résumés dans la décision Duhamel c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2022 CRTESPF 87, aux paragraphes 57 à 64. Ils sont composés de règles de rédaction sur lesquelles les arbitres de grief s’appuient pour déterminer l’intention réelle des parties lorsqu’un différend survient quant à la signification et à l’interprétation d’une disposition d’une convention collective. Selon la présomption fondamentale, les parties sont censées avoir voulu les termes exprimés dans cette disposition.
[76] Conformément à ce raisonnement, l’employeur m’a renvoyée à la décision Watchman c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens Combattants), 2019 CRTESPF 28, au par. 90, où la Commission a déclaré que l’objet fondamental de l’interprétation d’une convention collective consiste à découvrir l’intention des parties qui y ont consenti. Cette intention doit être déduite de l’instrument écrit en soi. Le libellé devrait être interprété dans son sens normal ou ordinaire à moins que cette interprétation n’aboutisse à une absurdité ou à une incompatibilité avec les autres dispositions de la convention collective.
[77] Les mêmes principes s’appliquent à l’interprétation de la Directive du CNM. L’agent négociateur a demandé que la Directive du CNM et la convention collective soient interprétées conformément au REFP et à toute autre loi applicable. Il a appuyé sa demande sur les décisions Vidlak c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2014 CRTFP 91, par. 24, Poupart c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 13, par. 90 à 93, rendues par la Commission
[78] En arrivant à la conclusion que la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas à la fois une employée excédentaire et une employée optante, j’ai interprété les dispositions applicables de la Directive du CNM dans le contexte de la LRTSPF, de la LEFP et du REFP. Ces mesures législatives sont incorporées par renvoi dans la Directive du CNM; elles font donc partie de la convention collective.
[79] L’agent négociateur a fait valoir que la question de savoir si un employé peut être à la fois optant et excédentaire avait été tranchée il y a déjà longtemps. Il m’a renvoyée à la décision Ferguson c. Conseil du Trésor (Statistique Canada), 2009 CRTFP 21, par. 7, 26 à 28, 40, 44, 55, 59, 64 et 69, et à la décision Nesic c. Conseil du Trésor (Santé Canada), 2016 CRTEFP 117, par. 14, 15 et 43, où l’employeur a reconnu dans l’exposé conjoint des faits que les employés en question étaient devenus excédentaires le jour où ils avaient reçu une lettre les avisant de l’élimination de leur poste.
[80] L’agent négociateur a déclaré que, dans les deux cas, la lettre est citée dans la décision, et son libellé semble être le même que celui de la lettre envoyée à la fonctionnaire s’estimant lésée dans la présente affaire. La lettre précise que : « [...] en raison d’un manque de travail ou de la cessation d’une fonction, les services de [l’employé] n’étaient plus requis à partir du 1er mai 2012. Par conséquent, il a été désigné aux fins d’une mise en disponibilité à compter du 9 août 2013 ». On a reconnu que, par cette lettre, on avait déclaré les employés excédentaires malgré l’absence d’une GOER. Les deux employés disposaient d’options.
[81] L’employeur a répliqué que ce n’est pas parce que des parties ont convenu de certains faits dans le contexte d’une affaire que ces faits deviennent ensuite un facteur déterminant dans l’instruction d’une question en litige dans une affaire subséquente. Dans les décisions Nesic et Ferguson, la Commission n’a pas traité de la possibilité pour un employé d’être à la fois un « employé optant » et un « employé excédentaire » et n’a pas analysé la question, puisqu’elle n’en était pas saisie.
[82] L’employeur a raison. La Commission n’a pas étudié la possibilité pour un employé d’être à la fois optant et excédentaire. Dans la décision Nesic, au par. 43, la mention d’une lettre informant l’employé qu’il était « déclaré excédentaire et qu’il ne recevrait aucune GOER [...] » ne tranche pas la question de droit en litige en l’espèce. Contrairement à ce que laisse entendre la fonctionnaire s’estimant lésée, il est loin d’être reconnu et accepté qu’un employé est déclaré excédentaire à la réception de son avis officiel. Le libellé non ambigu de la Directive du CNM le confirme.
[83] La situation de la fonctionnaire s’estimant lésée en date du 7 août 2019, ainsi que les définitions de la Directive du CNM, démontrent clairement qu’elle était une employée optante. Puisque l’administrateur général ne l’avait pas déclarée excédentaire et qu’elle n’avait pas sélectionné l’option A, la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas une employée excédentaire. Aucun élément de preuve n’a été soumis pour établir qu’elle avait été déclarée employée excédentaire ou qu’elle avait choisi d’en devenir une. La lettre datée du 7 août 2019 est une lettre d’options où il n’est nullement dit que la fonctionnaire s’estimant lésée est excédentaire. Il n’y a pas chevauchement des statuts d’employée optante et d’employée excédentaire. La Directive du CNM ne compte aucune disposition appuyant cette position. Interpréter la Directive du CNM ainsi pourrait se traduire par des anomalies et rendre certaines dispositions redondantes.
[84] Comme l’exige la section 1.1.7 de la Directive du CNM, la lettre d’options comprend trois options et est conforme à la définition d’« employé optant » de la Directive du CNM. La lettre d’options précise que la fonctionnaire s’estimant lésée ne recevra pas de GOER. Elle n’était donc pas une employée excédentaire bénéficiant d’une priorité de nomination, à moins de choisir l’option A.
[85] Selon la section 1.1.7 de la Directive du CNM, lorsque la situation se produit en raison d’un manque de travail ou à la suite de la suppression d’une fonction, cette communication doit également indiquer si a) une GOER est faite par l’administrateur général et si l’employé est déclaré excédentaire à compter de la date précisée; ou si b) l’employé est déclaré optant et peut bénéficier des options offertes à la section 6.4 de la Directive du CNM, car l’administrateur général ne peut pas garantir une offre d’emploi raisonnable.
[86] L’employé doit recevoir une GOER ou choisir l’option A pour être reconnu comme excédentaire avec le statut correspondant. Cette exigence est confirmée à la section 1.1.10 de la Directive du CNM, qui est libellée ainsi :
1.1.10 Si l’administrateur général ne peut garantir une offre d’emploi raisonnable, il doit donner 120 jours à tout employé optant pour examiner les trois options expliquées à la partie VI de la présente directive et prendre une décision. Si l’employé ne fait pas de choix, il sera réputé avoir choisi l’Option 6.4.1a), une priorité d’employé excédentaire de douze mois pour trouver une offre d’emploi raisonnable.
[87] Il n’y a aucune ambiguïté dans les définitions de la Directive du CNM. Il suffit de les lire, et plus particulièrement celle de « garantie d’une offre d’emploi raisonnable », qui précise que l’employé excédentaire qui reçoit une telle garantie ne se verra pas offrir le choix des options offertes à la partie VI de la Directive du CNM. La fonctionnaire s’estimant lésée a été avisée dans la lettre d’options qu’elle n’avait pas droit à une GOER et qu’elle devait choisir entre trois options. Elle n’a jamais été une employée excédentaire avec un droit de priorité.
[88] Dans la décision Nowlan c. Canada (Procureur général), 2022 CAF 83 au par. 32, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il faut donner aux mots de la Directive du CNM leur sens ordinaire. Les dispositions doivent être lues dans leur ensemble, en donnant effet à chaque mot et en donnant préséance aux dispositions particulières plutôt qu’aux dispositions générales. Le sens ordinaire de la Directive du CNM est clair. La définition d’« employé excédentaire » est fournie dans la Directive du CNM. Pour être excédentaire, un employé doit être déclaré excédentaire par écrit par son administrateur général. L’employé qui reçoit une GOER est jugé excédentaire. Un employé optant devient quant à lui excédentaire quand il choisit l’option A ou s’abstient de choisir avant la date butoir.
[89] Une fois déclaré excédentaire, l’employé bénéficie d’un droit de priorité et obtient le statut d’employé excédentaire. La fonctionnaire s’estimant lésée n’a jamais été déclarée excédentaire par l’administrateur général et elle n’a pas choisi l’option A. Elle a été officiellement avisée dans la lettre d’options qu’elle ferait l’objet d’un réaménagement des effectifs, qu’elle n’obtiendrait pas de GOER et qu’elle avait 120 jours pour choisir l’une des trois options citées à la partie VI de la Directive du CNM. En contre-interrogatoire, la fonctionnaire s’estimant lésée a reconnu que la lettre ne contenait pas les mots « employée excédentaire » et qu’elle ne la déclarait pas excédentaire. Puisqu’elle n’est jamais devenue une employée excédentaire, elle n’a jamais eu droit à la priorité d’employé excédentaire ni au statut d’employé excédentaire; voir la décision Atkinson c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 54, par. 15 et 34. L’employeur, en ne traitant pas la fonctionnaire s’estimant lésée comme une priorité, n’a commis aucune violation de la Directive du CNM.
[90] L’affidavit de M. Chamberlain ne permet pas d’établir la compétence de la Commission ni le statut de la fonctionnaire s’estimant lésée. Cet élément de preuve reprend seulement l’art. 113 de la LRTSPF, c’est-à-dire qu’une convention collective doit respecter la loi. En ce qui concerne le diagramme soumis conjointement comme élément de preuve, il n’a pas d’incidence sur la position de l’agent négociateur voulant que, dans le cas de la fonctionnaire s’estimant lésée, l’employeur ait changé sa pratique de longue date de désigner les employés optants comme employés excédentaires. Le diagramme pourrait indiquer que les employés optants qui choisissent l’option A deviennent des employés excédentaires. C’est une interprétation possible. Je préfère l’élément de preuve de l’employeur selon lequel il s’agit d’une erreur qui a ultérieurement été corrigée. Cela n’avait rien à voir avec la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée.
[91] En plus du libellé de la Directive du CNM qui est sans équivoque, globalement, les employés optants n’ont pas de droit de priorité d’employé excédentaire. La section 6.4.1a)(ii) s’applique aux employés optants qui choisissent une période de priorité d’employé excédentaire de 12 mois et qui souhaitent la prolonger de la période non utilisée de 120 jours décrite à la section 6.1.2, une fois qu’ils ont choisi par écrit l’option 6.4.1a).
[92] Je ne souscris pas à l’argument de l’agent négociateur selon lequel l’interprétation de l’employeur pourrait faire en sorte que les employés excédentaires ont plus de droits que les employés optants. L’agent négociateur a confondu les deux termes et n’a pas tenu compte des définitions très claires et simples d’« employé touché », d’« employé excédentaire », d’« employé optant », de « priorité d’employé excédentaire » et de « statut d’employé excédentaire ». Comme le précisent les sections 1.1.7 et 1.1.11, l’employé excédentaire reçoit une GOER, tandis que l’employé optant reçoit des options. Les droits sont différents.
[93] L’employeur a raison quand il dit que, si l’employé optant bénéficiait du droit d’employé excédentaire durant la période de réflexion de 120 jours comme l’a déclaré la fonctionnaire s’estimant lésée, cette section n’aurait aucun sens. L’employé n’aurait pas à ajouter le temps restant de sa période de réflexion à la période de priorité d’employé excédentaire de 12 mois s’il avait droit à cette priorité pendant sa période de réflexion de 120 jours.
[94] Les parties n’auraient pas pu avoir l’intention d’inclure une disposition n’ayant aucun sens. Comme on peut le lire dans la décision Duhamel, aux par. 57 à 64, il faut donner effet à chaque mot de la Directive du CNM. Les catégories « employé optant » et « employé excédentaire » sont distinctes et correspondent à des droits distincts qui ne se recoupent pas.
[95] La fonctionnaire s’estimant lésée a été avisée que son poste faisait l’objet d’un réaménagement des effectifs en raison d’un manque de travail. Conformément à la section 1.1.7b) de la Directive du CNM, elle était une employée optante sans GOER. Ses obligations et ses droits sont expressément établis à la section 6.4 de la Directive du CNM. Maintenant que j’ai conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée a le statut d’employée optante aux termes de la Directive du CNM, la prochaine question à traiter est de savoir si l’employeur a contrevenu aux dispositions applicables.
C. Est-ce que l’employeur a contrevenu à la Directive du CNM?
1. La fonctionnaire s’estimant lésée a avancé que l’employeur ne lui avait pas fourni des renseignements précis en temps opportun.
[96] L’agent négociateur a fait observer que l’employeur ne s’était pas acquitté de ses obligations au titre de la Directive du CNM. Il a affirmé que l’employeur n’avait pas respecté le droit de la fonctionnaire s’estimant lésée aux services d’une personne-ressource et qu’il a tardé à répondre avec précision à ses questions, et ce, jusqu’au dernier jour de la période de réflexion.
[97] La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que l’employeur avait sciemment omis de lui fournir de l’information et des explications, puis qu’elle devait sélectionner l’option A pour qu’il la considère comme une employée excédentaire. Elle a affirmé que cela l’avait empêchée de trouver une offre d’emploi raisonnable pendant la période de réflexion. Les suivis ont commencé à se faire plus rapidement seulement à compter du 8 novembre 2019, soit au 93e jour de la période de réflexion de 120 jours. Malgré cette accélération, la fonctionnaire s’estimant lésée a affirmé que les renseignements n’étaient pas clairs, ce qui lui causait de la confusion, et qu’elle n’était pas certaine de ses droits.
[98] De plus, l’agent négociateur a déclaré que, selon la preuve, la fonctionnaire s’estimant lésée a commencé à recevoir des réponses plus rapides à ses courriels 27 jours avant la fin de sa période de réflexion de 120 jours. Toutefois, elle a trouvé ces réponses floues, incomplètes et incohérentes par rapport aux renseignements qu’elle avait consultés.
[99] La fonctionnaire s’estimant lésée avait besoin que quelqu’un lui explique les renseignements qu’elle avait reçus. Dans son courriel à l’employeur daté du 3 décembre 2019, elle a déclaré avoir posé des questions sur la Directive du CNM et avoir envoyé des rappels à intervalles réguliers depuis le 7 août 2019. Soit elle ne recevait pas les réponses en temps opportun, soit on lui fournissait des liens. Elle a affirmé avoir lu les renseignements reçus, mais ne pas être une spécialiste en ressources humaines. Elle avait donc besoin d’éclaircissements.
[100] La fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que personne ne lui avait expliqué les nuances de la Directive du CNM. Si on l’avait fait, elle aurait choisi l’option A et le reste de sa période de réflexion aurait pu s’ajouter à sa période d’employé prioritaire. De plus, elle n’a pas été avisée par l’employeur du fonctionnement de la gestion de l’information sur les priorités ni des autres possibilités qui auraient pu s’offrir à elle. On ne l’a pas aidée à rédiger son curriculum vitæ, et elle n’a reçu aucun conseil sur la façon de se préparer aux entrevues. Je remarque que rien dans la preuve n’indique que, dans les deux cas, elle en ait formulé la demande.
[101] Je ne peux pas conclure que l’employeur a traité la fonctionnaire s’estimant lésée de manière inéquitable. Leurs échanges par courriel ne le démontrent pas. Je constate que la fonctionnaire s’estimant lésée a bénéficié de tous les droits qui lui sont conférés par la Directive du CNM et qu’elle a été traitée de façon équitable. Les éléments de preuve soumis par M. Ferguson et Mme Publicover démontrent clairement que des efforts considérables ont été déployés pour aider la fonctionnaire s’estimant lésée. Cette dernière a allégué que ses questions étaient restées sans réponse, que les renseignements qu’on lui transmettait étaient contradictoires et qu’elle n’avait pas reçu les réponses en temps opportun. Pourtant, je souscris à l’avis de l’employeur : toutes ces allégations ont été remises en question en contre-interrogatoire, et il était évident qu’elles manquaient de substance.
[102] En contre-interrogatoire, la fonctionnaire s’estimant lésée a été renvoyée à son courriel du 18 juillet 2019, dans lequel elle admettait que l’on avait répondu à toutes ses questions sauf deux, lesquelles portaient sur le remboursement de cours pour devenir courtière en immobilier et des frais de déplacement pour ces cours, au besoin. Je souscris à l’affirmation de l’employeur selon laquelle il n’était pas nécessaire de répondre à ces questions pour permettre à la fonctionnaire s’estimant lésée de prendre une décision éclairée par rapport aux options offertes. Plus particulièrement, la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait donné aucune indication qu’elle songeait à suivre un cours pour lequel elle aurait à se déplacer ni qu’elle voulait faire carrière comme courtière en immobilier.
[103] En réponse à l’allégation de la fonctionnaire s’estimant lésée voulant que l’employeur lui ait envoyé des renseignements contradictoires, celui-ci a insisté sur le fait qu’en contre-interrogatoire, elle avait admis que les renseignements que lui avaient fournis Mmes Publicover et Harasym étaient compatibles. La correspondance par courriel précise très clairement et de façon constante que la fonctionnaire s’estimant lésée est une employée optante. Elle estimait avoir droit à une priorité d’employé excédentaire et a refusé de croire quiconque lui disant le contraire. Aucun élément de preuve démontrant que la fonctionnaire s’estimant lésée avait reçu des renseignements contradictoires n’a été soumis.
[104] En réponse à l’allégation de la fonctionnaire s’estimant lésée portant qu’elle n’avait commencé à recevoir des réponses plus rapides qu’après le 8 novembre 2019, l’employeur a répliqué que la preuve documentaire confirme le contraire. La fonctionnaire s’estimant lésée a reçu diverses réponses rapides dans ses échanges avec l’employeur du 11 au 16 octobre 2019, lorsqu’elle lui a demandé si elle devait se déclarer prioritaire. La preuve documentaire n’appuie pas l’allégation de l’agent négociateur. C’est en octobre que Mme Publicover a de nouveau avisé par écrit la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle était une employée optante qui ne recevrait pas de GOER. Les réponses fournies à la fonctionnaire s’estimant lésée à compter du 8 novembre 2019 ont été fournies en temps opportun.
[105] À l’exception du formulaire, reçu par la fonctionnaire s’estimant lésée le 21 novembre 2019, il n’y a pas eu de retard majeur dans l’envoi des réponses de l’employeur. Je reviendrai sur ce point plus loin.
[106] La fonctionnaire s’estimant lésée a échangé à diverses reprises par courriel avec M. Ferguson dès août 2019 et elle a confirmé avoir obtenu rapidement des réponses de sa part, souvent le jour même ou le jour ouvrable suivant. La correspondance par courriel en octobre 2019 confirme le délai de réponse, soit le jour même ou en un ou deux jours ouvrables. Tant M. Ferguson que Mme Publicover ont déclaré dans leur témoignage avoir eu de multiples conversations en personne avec la fonctionnaire s’estimant lésée dès juillet et août 2019, au cours desquelles ils lui avaient transmis des renseignements.
[107] Puisque j’ai conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée n’est pas une employée excédentaire, je ne vais pas étudier ses réclamations à cet égard. Même si l’employeur aurait pu répondre plus rapidement à ses demandes à l’occasion, la façon dont il l’a fait ne constitue pas une violation de la Directive du CNM. La preuve n’établit pas que l’employeur aurait sciemment omis de transmettre de l’information essentielle à la fonctionnaire s’estimant lésée ou qu’il aurait mis trop de temps à lui répondre. Un examen de la preuve permet d’établir que la première demande de la fonctionnaire s’estimant lésée sur ses options date du 18 juillet 2019, demande dans laquelle elle a posé une série de questions sur chacune des options. Mme Publicover lui a répondu le 30 juillet 2019, puis lui a parlé au téléphone le 31 juillet 2019. La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que l’on avait répondu à toutes ses questions, sauf celles sur le remboursement de cours pour devenir courtière en immobilier et des frais de déplacement.
[108] Du 20 août au 12 septembre 2019, il y a eu plusieurs échanges par courriel entre Mme Publicover et la fonctionnaire s’estimant lésée, dans lesquels cette dernière a fait un suivi pour obtenir une réponse à ses questions. Le 20 septembre 2019, l’agent négociateur a fait un suivi auprès de Mme Publicover à propos d’un règlement potentiel; il a aussi demandé qu’on réponde aux questions de la fonctionnaire s’estimant lésée. Vu qu’il ne recevait pas de réponse, il a relancé Mme Publicover le 25 septembre 2019. En date du 30 septembre 2019, Mme Publicover n’avait toujours pas fourni de réponse. Même si Mme Publicover a mis un certain temps à répondre au courriel de l’agent négociateur, ce retard n’empêchait pas la fonctionnaire s’estimant lésée de sélectionner une option.
[109] La fonctionnaire s’estimant lésée et Mme Publicover ont ensuite échangé par courriel le 11 octobre 2019. Cette dernière a été avisée par la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle avait posé sa candidature à un poste de FI-03 à EDSC le 17 septembre 2019. Elle a demandé à Mme Publicover si elle pouvait se déclarer bénéficiaire d’une priorité. Mme Publicover lui a répondu le 15 octobre 2019. Dans sa réponse, elle l’a avisée qu’elle ne devrait pas se déclarer comme telle et lui a fourni une explication claire sur son statut au titre de la Directive du CNM. Elle a avisé la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle était une employée optante dans les termes suivants :
[Traduction]
Si vous optez pour l’option A en tant qu’employée optante, c’est-à-dire la priorité d’employé excédentaire d’une durée limitée, vous serez alors reconnue comme ayant un droit de priorité au sein de la fonction publique. Vous serez inscrite dans le Système de gestion de l’information sur les priorités (SGIP), si vous le souhaitez, et votre candidature sera présentée avec droit de priorité à tous les ministères régis par la LEFP quand ils demandent une autorisation [...]
[110] La fonctionnaire s’estimant lésée a répondu que, de ce qu’elle avait compris de la lettre d’options, elle n’était plus une employée touchée, mais une employée excédentaire, parce que la lettre précisait que ses services ne seraient plus requis après le 21 août 2019. Le 16 octobre 2019, Mme Publicover a répondu que la fonctionnaire s’estimant lésée était une employée optante, parce que l’administrateur général ne lui avait pas offert de GOER. Elle a fourni un lien vers un diagramme précisant les étapes du processus de réaménagement des effectifs et ce qui se produit en fonction des étapes choisies par l’employé.
[111] La correspondance suivante est datée du 8 novembre 2019. Mme Publicover y fait référence à sa conversation avec la fonctionnaire s’estimant lésée à propos de ses options et de la date de départ à la retraite qu’elle a choisie, de même que ce qui allait se produire si elle choisissait plutôt les options B ou C. La fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas dit qu’elle cherchait à obtenir un poste de niveau équivalent ou inférieur à celui qu’elle occupait. Elle n’a pas envisagé de se prévaloir de l’option A, ce qui est rendu évident par ses questions sur les cours en immobilier.
[112] Le 13 novembre 2019, Mme Publicover a mentionné qu’elle allait envoyer le formulaire de sélection des options qui aurait dû accompagner la lettre d’options. Le même jour, la fonctionnaire s’estimant lésée a envoyé un autre courriel à Mme Publicover dans lequel elle lui demandait de préciser ce qui arriverait au versement de MST si elle choisissait les options B ou C et si elle était retenue à l’issue d’un processus de nomination. Mme Publicover lui a fourni une réponse détaillée le 18 novembre 2019.
[113] Les 20 et 21 novembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée et Mme Publicover ont eu des discussions plus poussées. Le 22 novembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a avisé Mme Publicover qu’elle avait encore des questions sur l’indemnité d’études, le versement de la MST et le remboursement des frais d’équipement. Ces échanges démontrent que la fonctionnaire s’estimant lésée avait du mal à choisir une option; toutefois, je ne peux pas en conclure que c’était la faute de l’employeur.
[114] Le 20 novembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a écrit à Mme Publicover et déclaré que c’était la cinquième fois depuis la réception de la lettre d’options qu’elle demandait par écrit le formulaire. Le 21 novembre 2019, Mme Publicover lui a envoyé le formulaire de sélection des options par courriel. Le 22 novembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu que c’était la première fois qu’elle voyait le formulaire en question.
[115] Il est malheureux que Mme Publicover ait mis plusieurs semaines à lui envoyer le formulaire. En ce qui concerne ce dernier, Mme Publicover a déclaré dans son témoignage qu’il figurait dans la trousse remise le 7 août 2019 à la fonctionnaire s’estimant lésée. Toutefois, même si le formulaire n’y figurait pas, il ne contenait rien que la fonctionnaire s’estimant lésée ne savait pas déjà ou devait savoir pour soupeser son choix. Cela ne constitue pas une violation de la Directive du CNM. Le formulaire ne contenait aucune information essentielle que la fonctionnaire s’estimant lésée ne possédait pas déjà.
[116] Je suis d’accord avec la fonctionnaire s’estimant lésée quant au manque de clarté de l’information fournie dans le formulaire, puisqu’on peut y lire que la direction atteste que l’employée [traduction] « [...] occupe un poste d’une durée indéterminée qui a été déclaré excédentaire, compte tenu des besoins, en respectant l’esprit de la Directive sur le réaménagement des effectifs ou de l’Entente sur le réaménagement des effectifs, selon le cas. » Toutefois, ni la Directive du CNM ni les définitions ne fournissent le sens de « poste excédentaire ». Comme je l’ai déjà dit, on y trouve la définition d’« employé excédentaire », de « statut d’employé excédentaire » et de « priorité d’employé excédentaire », ce qui est différent d’« employé optant ». Les courriels envoyés précédemment par Mme Publicover à la fonctionnaire s’estimant lésée précisent sans équivoque que cette dernière n’était pas une employée excédentaire et qu’elle devait sélectionner l’option A pour bénéficier du statut d’employé prioritaire.
[117] Le 26 novembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a renvoyé Mme Publicover à un extrait qu’elle lui avait fait parvenir plus tôt à propos du droit de priorité et lui a fourni des renseignements généraux sur les priorités. Elle a une fois de plus demandé à Mme Publicover si elle bénéficiait d’une priorité prévue par la loi, compte tenu des renseignements fournis dans l’extrait en question. Le même jour, son agent négociateur lui a expliqué les priorités, et Mme Publicover a répondu que l’interprétation du droit de priorité fournie par celui-ci était correcte. Aucun renseignement n’a sciemment été omis.
[118] Mme Publicover a une fois de plus rappelé à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle serait jugée prioritaire si elle choisissait l’option A ou que l’employeur le ferait pour elle si elle s’abstenait de choisir, comme le prévoit la Directive du CNM. Elle a une fois de plus déclaré que la fonctionnaire s’estimant lésée était une employée optante sans GOER. Mme Publicover a précisé qu’elle ferait des démarches auprès du Centre des services de paye pour obtenir les renseignements souhaités par la fonctionnaire s’estimant lésée par rapport au versement de la MST et à l’indemnité d’études.
[119] Plus tard le même après-midi, la fonctionnaire s’estimant lésée a de nouveau communiqué avec Mme Publicover, lui disant qu’elle comprenait être une employée excédentaire et que l’absence de tout autre poste de FI-03 à doter au sein de la GRC à Edmonton était la raison pour laquelle la commissaire de la GRC ne pouvait pas lui offrir de GOER. La fonctionnaire s’estimant lésée a demandé si, dans l’éventualité où elle choisissait le statut d’employé prioritaire et qu’un emploi d’un niveau équivalent au sien était offert à Edmonton, on jugerait qu’elle jouit d’une priorité prévue par la loi. Elle a demandé à Mme Publicover de définir la notion de [traduction] « niveau équivalent ». Le 28 novembre 2019, Mme Publicover a répondu qu’elle fournirait une réponse à la fonctionnaire s’estimant lésée à son retour au bureau la semaine suivante.
[120] Le 3 décembre 2019, la fonctionnaire s’estimant lésée a fait un suivi auprès de Mme Harasym afin d’obtenir les renseignements envoyés au Centre des services de paye ainsi qu’une réponse à ses questions. Mme Harasym lui a répondu qu’elle devait attendre le retour de Mme Publicover pour lui répondre. Le même jour, la fonctionnaire s’estimant lésée a envoyé un autre courriel dans lequel elle affirmait avoir demandé des renseignements sur la Directive du CNM. Dans ce courriel, elle faisait de nouveau référence à des passages tirés de diverses sources et posait des questions ciblées. Elle y faisait aussi référence à un passage qui disait que « [...] le gestionnaire avisera les ressources humaines si l’employé est déclaré excédentaire ou si une garantie d’offre d’emploi raisonnable lui est offerte ». Mme Publicover a une fois de plus déclaré que la fonctionnaire s’estimant lésée était une employée optante parce qu’elle n’avait pas reçu de GOER. Mme Publicover l’a une fois de plus avisée qu’elle devait choisir l’option A ou s’abstenir de choisir, après quoi l’employeur la considérerait comme une employée excédentaire. Elle a dit à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle recevrait alors une lettre d’employée excédentaire.
[121] Le 4 décembre 2019, Mme Publicover a répondu aux questions de la fonctionnaire s’estimant lésée, puis l’a avisée que l’employeur continuait de chercher d’autres possibilités d’emploi au cas où elle pourrait maintenir son emploi à son niveau de titularisation ou l’équivalent. Mme Publicover l’a invitée à participer à un appel téléphonique avec elle, le représentant de son agent négociateur et M. Adam pour en discuter plus à fond et l’aider à prendre une décision éclairée. Rien n’indique que l’appel en question a eu lieu, et la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas fourni de réponse.
[122] Durant toute la période de réflexion, l’information fournie par Mmes Publicover et Harasym ne comportait aucune incohérence. Même si elles ont parfois mis du temps à répondre à la fonctionnaire s’estimant lésée, elles n’ont rien fait qui constitue une violation de ses droits. Il est évident que la fonctionnaire s’estimant lésée et son agent négociateur ne s’entendaient pas avec l’employeur sur son statut. Leur interprétation des renseignements fournis étaient différentes. La fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas accepté les réponses de l’employeur à sa question sur le statut d’employé excédentaire. Toutefois, quand on lit l’information fournie de pair avec la Directive du CNM et les textes législatifs applicables, on constate qu’elle ne porte pas à confusion. Au contraire, Mmes Publicover et Harasym sont demeurées polies durant toute la période malgré le refus répété de la fonctionnaire s’estimant lésée d’accepter les renseignements fournis.
[123] Il est évident que, durant toute la période de réflexion, cette dernière a eu du mal à choisir une option parce qu’elle ne voulait pas faire l’objet d’un réaménagement des effectifs. La décision d’inclure son poste dans le réaménagement des effectifs n’avait rien de personnel. Le processus de sélection s’est en effet avéré une période difficile pour la fonctionnaire s’estimant lésée; toutefois, la preuve ne corrobore pas son allégation. L’agent négociateur et l’employeur avaient accès à plusieurs ressources pour bien établir le statut et les droits de la fonctionnaire s’estimant lésée.
[124] L’employeur a respecté les obligations établies à la section 1.1.36, que ce soit par l’intermédiaire des renseignements fournis verbalement ou par courriel à la fonctionnaire s’estimant lésée, dans sa correspondance avec elle ou encore par l’intermédiaire des liens et documents fournis. Même si elle a déclaré que ces ressources étaient insuffisantes et qu’elle avait besoin d’éclaircissements, la preuve confirme qu’elle a reçu des éclaircissements à plusieurs reprises, mais qu’elle a refusé de les accepter. L’agent négociateur aurait aussi pu l’aider à cet égard. Il n’y a pas que l’employeur qui a des obligations au titre de la Directive du CNM. L’agent négociateur et la fonctionnaire s’estimant lésée en ont eux aussi. La fonctionnaire s’estimant lésée a simplement refusé d’accepter le fait qu’elle était une employée optante et que la seule façon pour elle de profiter d’un statut d’employé prioritaire était de sélectionner l’option A ou de s’abstenir de choisir. L’agent négociateur est une partie avisée et il aurait très bien pu expliquer ses droits à la fonctionnaire s’estimant lésée, puis l’aider à faire un choix répondant à ses besoins.
2. La fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que l’employeur ne lui avait pas fourni toutes les possibilités raisonnables de poursuivre sa carrière dans la fonction publique.
[125] L’agent négociateur a avancé que le but de la Directive du CNM est de maximiser les possibilités d’emploi pour les employés touchés par un réaménagement des effectifs et de veiller à ce qu’ils obtiennent, dans la mesure du possible, d’autres possibilités d’emploi. Selon lui, cela signifie que, si un employé perd son emploi, l’employeur fera tout en son pouvoir pour le réembaucher. Je ne suis pas d’accord.
[126] Il est bien établi que l’énoncé général des objectifs et le préambule n’ont pas de valeur intrinsèque comme source de droits ou d’obligations et qu’ils aident strictement à interpréter les dispositions de fond d’une convention collective. Voir la décision Canada (Procureur général) c. Lâm, 2008 CF 874, et la décision Mackwood c. Conseil national de recherches du Canada, 2011 CRTFP 24. Idem pour la Directive du CNM; son but est de maximiser les possibilités d’emploi dans le cadre qu’elle fournit, sans plus. C’est un code complet en soi qui expose clairement les droits des employés.
[127] Dans le cas de la fonctionnaire s’estimant lésée, l’employeur a bel et bien tenté de maximiser ses possibilités d’emploi en lui offrant trois options. Il a, à juste titre, fait valoir qu’un principe fondamental de l’interprétation des contrats veut que l’on donne préséance aux dispositions particulières plutôt qu’aux dispositions générales. Voir la décision Nowlan par. 32. La section sur les objectifs de la Directive du CNM n’octroie pas de droits.
[128] La section 1.1 de la Directive du CNM indique qu’il incombe aux ministères de veiller à ce que les employés soient traités équitablement et à ce qu’on leur donne toutes les possibilités raisonnables de poursuivre leur carrière dans la fonction publique. Les sections 1.1.4 et 1.1.5 précisent que les ministères doivent déployer des efforts pour réaffecter leurs employés et les maintenir en poste. Les sections 1.1.12 et 1.1.13 indiquent que les ministères doivent informer par écrit la CFP du statut d’excédentaire de l’employé et lui transmettre plusieurs détails, formulaires et autres documents. Les ministères doivent fournir à la CFP une déclaration écrite dans laquelle ils précisent qu’ils seraient prêts à nommer l’employé excédentaire à un poste qui convienne à ses qualifications si un tel poste était disponible.
[129] L’employeur s’est conformé à toutes les sections applicables de la Directive du CNM, ce qui comprend le traitement équitable de la fonctionnaire s’estimant lésée et l’offre à celle-ci de toute possibilité raisonnable de poursuivre sa carrière dans la fonction publique. Les obligations qu’elle souligne aux sections 1.1.12 et 1.1.13 s’appliquent uniquement aux employés excédentaires. Elle était toutefois une employée optante et non une employée excédentaire, car elle a choisi l’option A.
[130] Maintenant que j’ai conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas une employée excédentaire au sens de la Directive du CNM, je ne vais pas traiter des allégations de l’agent négociateur selon lesquelles les droits des employés excédentaires au titre de la Directive du CNM, y compris ceux aux sections 1.1.4 et 1.1.5, s’appliquaient en l’espèce. Si elle avait choisi l’option A ou s’était abstenue de choisir, comme le précisait la lettre d’options, la fonctionnaire s’estimant lésée aurait été déclarée employée excédentaire et aurait bénéficié de ces droits. Ainsi, je ne peux pas conclure que l’employeur a violé ces dispositions et qu’il ne lui a pas fourni toutes les possibilités de poursuivre sa carrière dans la fonction publique.
3. La fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que l’employeur avait sciemment omis de l’aviser de l’incidence d’un choix rapide.
[131] L’agent négociateur a soutenu que l’employeur aurait dû informer d’emblée la fonctionnaire s’estimant lésée de l’incidence du choix d’une option afin de faciliter et d’optimiser son maintien en poste. Il a soutenu que l’employeur a refusé de permettre à la fonctionnaire s’estimant lésée de profiter de ces options. Je ne peux pas souscrire à cette affirmation à la lumière de la preuve. La fonctionnaire s’estimant lésée a eu du mal à accepter que son poste faisait l’objet d’un réaménagement des effectifs en raison d’un manque de travail et elle a eu du mal à choisir une option. Personne n’a allégué que l’employeur avait sciemment tenté de la priver de toute occasion de choisir une option. On lui a dit à maintes reprises qu’elle n’était pas une employée excédentaire et qu’elle devait choisir une option. En aucun temps l’employeur n’a sciemment omis de lui fournir des renseignements qui auraient eu des répercussions sur son choix.
[132] Je conviens que la fonctionnaire s’estimant lésée a cherché des possibilités lui permettant de prolonger sa carrière dans la fonction publique et qu’elle a fait des démarches ou posé sa candidature dans le cadre de processus de dotation et de postes vacants, y compris deux postes de FI-03 et un poste de EX-01. Sa candidature a été retenue pour un des postes de FI-03, mais elle ne l’a pas obtenu. Si elle avait choisi l’option A, elle aurait pu se prévaloir de la priorité de nomination. L’employeur ne peut pas être tenu responsable du fait qu’elle n’a pas choisi l’option A. L’agent négociateur aurait pu l’aider en lui expliquant les dispositions de la Directive du CNM et l’incidence d’un choix fait rapidement. Aucun élément de preuve ne démontre qu’il lui a fourni ces renseignements.
[133] Dans son témoignage, la fonctionnaire s’estimant lésée a dit qu’elle avait été mise au courant entre le 7 août et le 5 décembre 2019 de postes dotés au sein de la GRC qui auraient été équivalents ou d’un niveau inférieur au sien. Elle était au courant qu’un poste de FI-03 avait été doté à Winnipeg, de même que des postes d’AS à Edmonton. Aucun de ces postes ne lui a été offert. Elle n’a toutefois soumis aucun élément de preuve à cet effet. La simple connaissance de l’existence de ces postes ne suffit pas. En outre, la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas communiqué avec Mme Publicover pour l’aviser de cela ni pour lui demander son aide pour ces postes. Quoi qu’il en soit, elle n’a pas choisi l’option A et, en tant qu’employée optante, elle n’avait pas droit à une GOER. Même si je conclus que ces postes existaient, elle n’avait pas de droit de priorité au titre de la Directive du CNM tant qu’elle ne choisissait pas l’option A ou qu’elle ne s’abstenait pas de faire un choix.
[134] L’agent négociateur a avancé que la fonctionnaire s’estimant lésée comptait choisir l’option A et qu’elle avait l’intention de cumuler 35 ans de service et d’obtenir ainsi sa pleine pension. Toutefois, la fonctionnaire s’estimant lésée affirme s’être sentie rejetée, seule et négligée par les actions, les retards et les omissions de la direction. Elle s’est sentie poussée à partir et sous contrainte quand elle a fait son choix. Dans son témoignage, elle a souligné qu’elle n’avait pas d’autre choix que de quitter la fonction publique. L’employeur ne l’avait pas aidée à trouver un emploi pendant la période de réflexion. Ainsi, elle en a conclu qu’il ne l’aiderait pas plus si elle choisissait l’option A.
[135] Je ne crois pas que la fonctionnaire s’estimant lésée comptait choisir l’option A afin d’atteindre 35 ans de service et jouir d’une pleine pension. Si elle avait eu l’intention de demeurer active au sein de la fonction publique fédérale, alors pourquoi n’a-t-elle pas choisi l’option A? La preuve ne corrobore pas son allégation quant aux actions, retards et omissions de la direction destinés à la pousser à partir. Il est malheureux qu’elle ait interprété la situation ainsi et qu’elle se soit sentie seule et rejetée.
[136] De plus, la preuve ne montre pas de façon concluante que la fonctionnaire s’estimant lésée aurait accepté un poste. Ses actions ne montrent pas un désir de demeurer au sein de la fonction publique fédérale. Les faits suivants rendent cette conclusion manifeste : elle a choisi l’option C, celle de l’indemnité d’études, plutôt que l’option A, celle d’une priorité d’employé excédentaire d’une durée de 12 mois; elle a choisi l’option C(i), qui exigeait sa démission immédiate, plutôt que l’option C(ii), qui lui aurait permis de recevoir une MST, mais d’être en congé sans solde pour une période maximale de deux ans pour ensuite obtenir une priorité d’employé excédentaire d’une durée de 12 mois; puis elle n’a posé sa candidature à aucun poste au sein de la fonction publique depuis sa démission en janvier 2020, même si beaucoup d’emplois étaient offerts dans son domaine, ce qui m’amène à conclure qu’elle n’avait pas l’intention de continuer à y travailler.
[137] Rien ne me prouve que la fonctionnaire s’estimant lésée a fait son choix sous la contrainte. Au contraire, l’employeur, par l’intermédiaire de Mme Publicover, a fait des efforts pour l’aider à trouver un emploi pendant la période de réflexion. Malheureusement, il procédait à un réaménagement des effectifs. J’accepte la preuve produite par Mme Publicover selon laquelle il n’y avait pas de poste à lui offrir pendant la période de réflexion. La fonctionnaire s’estimant lésée avait le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait des postes de son niveau ou l’équivalent pour lesquels sa candidature en compte aurait dû être prise en compte. Toutefois, pour que ce droit s’applique, elle aurait dû sélectionner l’option A ou s’abstenir de faire un choix, comme l’indique la section 1.1.10 de la Directive du CNM.
[138] La responsabilité d’informer la fonctionnaire s’estimant lésée des avantages de faire rapidement un choix ne revenait pas qu’à l’employeur. L’agent négociateur aurait pu l’aider à cet égard, puisqu’il était partie prenante du processus depuis le début. Malheureusement, il a complètement fait abstraction du fait qu’elle était manifestement une employée optante et que ses droits et obligations étaient clairement énoncés à la section 6.4 de la Directive du CNM.
V. Conclusion
[139] La Commission a la compétence nécessaire pour interpréter et appliquer la Directive du CNM et les dispositions pertinentes de la convention collective. Elle n’est toutefois pas habilitée à décider qui doit être déclaré employé excédentaire et ainsi à juger qu’une erreur a été commise lorsque la fonctionnaire s’estimant lésée comme telle n’a pas été désignée comme tel. Ce pouvoir revient expressément à l’administrateur général, et la Commission n’exerce aucun contrôle sur la désignation des employés excédentaires au titre de la LEFP et du REFP.
[140] L’administrateur général n’a pas déclaré que la fonctionnaire s’estimant lésée était une employée excédentaire. Par conséquent, elle n’avait pas le statut d’employé excédentaire et elle disposait de 120 jours pour choisir une option. Il n’y a aucun chevauchement des statuts d’employé optant et d’employé excédentaire au titre de la Directive du CNM. Même si l’employeur et l’agent négociateur auraient pu gérer la période de réflexion de façon plus harmonieuse avec la fonctionnaire s’estimant lésée, je ne suis pas convaincue que l’employeur a failli à ses obligations au titre de la Directive du CNM ou de la convention collective.
[141] Un réaménagement des effectifs n’est jamais facile à gérer pour ceux qui le vivent, mais ceux qui l’administrent n’ont pas la vie facile non plus. L’agent négociateur peut apporter son soutien en étant mieux informé ou en demandant l’aide de comités mixtes, comme le Conseil national mixte, qui ont l’expertise applicable à ces questions quand il doit gérer des questions auxquelles il n’a pas les réponses.
[142] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
VI. Ordonnance
[143] Le grief est rejeté.
[144] Le dossier est fermé.
Le 9 janvier 2025.
Traduction de la CRTESPF.
Chantal Homier-Nehmé,
une formation de la Commission des
relations de travail et de l’emploi dans le
secteur public fédéral