Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
                    La plaignante a allégué que l’intimé avait fait preuve d’abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite et dans le choix d’un processus de nomination annoncé pour doter un poste de gestionnaire de soutien aux enquêtes classifié au groupe et au niveau PE-06 – elle a également allégué une discrimination fondée sur la race, la couleur et l’âge, en contravention de la LCDP – elle était une candidate dans le processus de nomination et il a été jugé qu’elle satisfaisait aux exigences de présélection en matière d’études et d’expérience – elle a été invitée à passer un examen écrit à domicile visant à évaluer trois critères essentiels – elle a omis de répondre à l’un des critères essentiels, soit le C1, dans son examen et a été jugée non qualifiée dans le cadre du processus de nomination – elle a allégué que la directrice savait qu’elle satisfaisait au critère essentiel C1 de par ses antécédents professionnels et que la directrice aurait dû en tenir compte – la plaignante a également allégué que la directrice avait fait preuve de favoritisme personnel – la Commission a conclu qu’il n’y avait pas de défaut dans l’examen et que la plaignante n’avait pas démontré que la question qui évaluait la qualification essentielle C1 n’était pas appropriée à son objectif – elle a également conclu que l’intimé n’était pas tenu d’utiliser une autre évaluation, comme les connaissances personnelles, les évaluations de rendement ou l’expérience de travail antérieure, lorsque la plaignante n’a pas satisfait aux critères essentiels C1 dans le cadre de l’examen – aucune preuve n’a été présentée pour suggérer qu’il y avait eu favoritisme personnel dans le cadre du processus de nomination – la Commission n’a pas constaté d’abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite – elle n’a pas non plus constaté un abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination annoncé, étant donné que les considérations étaient raisonnables et pertinentes pour le choix de ce type de processus – elle a conclu qu’il n’y avait aucun lien de causalité entre la caractéristique protégée de la plaignante et la décision de l’intimé de la déclarer non qualifiée – par conséquent, l’allégation de discrimination a été rejetée – la Commission a conclu que la plaignante ne s’était pas acquittée de son fardeau de la preuve et elle a rejeté la plainte.
                    
                    Plainte rejetée.
            
Contenu de la décision
Date :  20241211
Dossier :  771-02-43958
      
 Référence :  2024 CRTESPF 171 
      
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           relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et fonction publique | 
Entre 
      
      
NADINE PARKER 
       
plaignante
et
      
ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DE LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE 
      
      
et 
      
AUTRES PARTIES
        
Répertorié
Parker c. Administrateur général de la Commission de la fonction publique 
      
Devant : Joanne Archibald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
      
Pour la plaignante : Hugh Scher, avocat
      
Pour l’intimée : Noémie Lebel et Karl Chemsi, avocats
Affaire entendue par vidéoconférence, 
      
(Traduction de la CRTESPF)
| MOTIFS DE DÉCISION | (TRADUCTION DE LA CRTESPF) | 
I. Introduction
    [1] La plaignante, Nadine Parker, a présenté une plainte à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») au titre des alinéas 77(1)a) et 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP). Elle soutient que le président de la Commission de la fonction publique (l’« intimée » ou CFP) a commis un abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite et dans le choix d’un processus de nomination annoncé (numéro 21-PSC-IA-397803) (le « processus de nomination ») pour doter le poste de gestionnaire, Soutien aux enquêtes, classifié aux groupe et niveau PE‑06 (le « poste PE-06 »), à divers endroits au Canada. 
      
[2] La plaignante a également soutenu qu’elle avait fait l’objet de discrimination pour des motifs de distinction illicite, soit la race, la couleur et l’âge, ce qui va à l’encontre de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C., 1985, ch. H-6; LCDP). Elle a transmis un avis de la plainte à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) pour l’informer de l’allégation de discrimination qui avait été formulée relativement au processus de nomination. La CCDP a informé la Commission qu’elle n’avait pas l’intention de présenter d’observations relativement à cette affaire. 
      
[3] L’intimée a nié avoir commis un abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite ou dans le choix du processus de nomination et elle a aussi nié avoir fait preuve de discrimination envers la plaignante.
       
II. Résumé de la preuve 
       
    [4] La plaignante a présenté sa candidature dans le cadre du processus de nomination. Sa candidature a été prise en considération, et il a été jugé qu’elle répondait aux critères de présélection relatifs aux études et à l’expérience. Elle a ensuite reçu une convocation à un examen écrit devant être effectué à domicile (l’« examen »). 
       
[5] Dans la convocation à l’examen, il était précisé que les trois qualifications essentielles suivantes seraient évaluées : 1) connaissance des principes de l’équité procédurale (« critère CO1 »), 2) capacité de communiquer efficacement par écrit (« critère CA2 ») et 3) capacité de réviser des documents et de fournir une rétroaction (« critère CA3 »). Cette information figurait aussi dans les instructions écrites accompagnant l’examen. 
       
[6] Dans l’examen, les candidats devaient réviser l’ébauche d’un rapport d’enquête fictif préparé par un enquêteur. L’appelante a effectué l’examen et l’a remis le 31 août 2021. 
       
[7] Marie LaTerreur, directrice de la Division des enquêtes (la « directrice ») a corrigé l’examen de la plaignante et a jugé que sa réponse ne démontrait pas qu’elle satisfaisait au critère CO1. La note de passage était fixée à 5 sur 10. La plaignante n’a obtenu aucun point pour sa réponse, et sa candidature n’a pas été prise en considération pour la suite du processus. 
       
A. Pour la plaignante 
       
    [8] La plaignante a affirmé qu’elle travaillait au sein de la fonction publique fédérale depuis 30 ans. Durant cette période, elle a travaillé pour le Service correctionnel du Canada (SCC) et le ministère de la Défense nationale (MDN), et elle travaille maintenant pour la CFP depuis 2018. Pendant sa carrière, la plaignante a mené des enquêtes concernant des plaintes provenant d’employés et de membres du public. De plus, elle a rédigé et présenté des rapports, elle a supervisé le travail d’enquêteurs et elle a géré et dirigé des enquêtes générales. La plaignante a affirmé que, tout au long de sa carrière, elle avait démontré qu’elle remplissait le critère CO1. 
       
[9] La plaignante se souvenait qu’elle s’était jointe à la CFP en 2018, après avoir été nommée à l’issue d’un processus de nomination annoncé visant l’embauche d’enquêteurs. Elle a affirmé que le critère CO1 avait été évalué au cours de ce processus. 
       
[10] La plaignante a expliqué dans son témoignage que, dans ses évaluations de rendement annuelles pour les exercices 2019‑2020 et 2020‑2021, effectuées par la directrice, elle avait obtenu la cote « Réussi + ». 
       
[11] Selon la plaignante, c’est la directrice qui avait préparé l’examen, lequel constituait le seul outil utilisé pour évaluer le critère CO1. 
       
[12] La plaignante a expliqué dans son témoignage que, lorsqu’elle avait reçu l’examen, elle avait examiné le rapport d’enquête fictif pour y relever toute incohérence, erreur ou information qui [traduction] « manquait de fluidité ». Elle a reconnu qu’elle n’avait pas abordé le critère CO1 dans sa réponse à l’examen, qu’elle avait négligé cet aspect. Elle a obtenu la note de 0 sur 10 à l’examen pour le critère CO1, alors qu’elle a obtenu la note de 9 sur 10 à la fois pour le critère CA2 et le critère CA3. 
       
[13] En raison du résultat obtenu, et du rejet subséquent de sa candidature du processus de nomination, la plaignante s’est sentie diminuée, dévalorisée et troublée. 
       
[14] La plaignante a exprimé qu’elle était toutefois convaincue d’être qualifiée pour le poste PE-06. À son avis, la directrice savait qu’elle satisfaisait au critère CO1. Dans le cadre du processus d’évaluation, il n’a pas été tenu compte de son expérience d’encadrement d’un enquêteur à la CFP ni de son expérience antérieure à titre de gestionnaire AS‑07 au MDN. Elle ne comprenait pas pourquoi elle n’avait pas été jugée qualifiée, à plus forte raison qu’il existait un guide intitulé Flexibilité en matière d’évaluation qui donnait aux gestionnaires un pouvoir discrétionnaire et une latitude dans l’évaluation des candidats. 
       
[15] La plaignante a reconnu qu’il relevait du pouvoir de la directrice de préparer l’examen, mais elle estimait que, dans son cas, l’évaluation du critère CO1 n’était pas exacte. Elle a affirmé que le résultat d’examen contredisait ses évaluations de rendement en milieu de travail. De plus, l’évaluation portait sur un seul aspect de l’équité procédurale, soit le droit d’être informé. Aussi, elle avait l’impression que, dans les enquêtes de la CFP, les renseignements sur les droits relatifs à l’équité procédurale étaient fournis à l’étape initiale et qu’ils n’étaient pas répétés à l’étape de l’enquête. 
       
[16] La plaignante a précisé qu’elle avait participé à une discussion informelle avec la directrice. Pendant cette discussion, elle a notamment reconnu qu’elle n’avait pas satisfait au critère CO1 dans l’examen. 
       
[17] La plaignante a affirmé qu’elle était déçue d’elle-même, car elle estimait qu’elle aurait dû relever le problème relatif à l’équité procédurale. Néanmoins, elle considérait qu’elle maîtrisait bien les principes et les procédures du droit administratif, connaissances qu’elle avait acquises pendant les années où elle avait travaillé pour le SCC, le MDN et la CFP. Elle a expliqué dans son témoignage qu’elle avait géré, dirigé, encadré et mentoré des employés au SCC et au MDN. Elle a convenu que la directrice n’était pas au fait de cette expérience de travail, mais elle a affirmé qu’elle connaissait le travail effectué par la plaignante à la CFP. Elle estimait que le cadre stratégique offrait une certaine latitude aux gestionnaires pour veiller à la justesse et à la fiabilité des décisions de dotation. 
       
[18] En contre-interrogatoire, la plaignante a reconnu que, pour être jugé qualifié, un candidat devait posséder toutes les qualifications essentielles du poste et qu’elle n’avait pas satisfait au critère CO1, puisqu’elle n’avait pas démontré dans sa réponse qu’elle possédait les connaissances demandées. Toutefois, elle a soutenu qu’elle possédait la qualification relative au critère CO1. Elle était déçue que la directrice n’ait pas été disposée à le confirmer par d’autres moyens, comme son évaluation dans le cadre d’un autre processus de nomination mené en 2018 ou la vérification des références. 
       
[19] La plaignante a également évoqué une conversation qu’elle avait eue avec Kim Jessome, la directrice générale, à l’été 2021, avant la tenue du processus de nomination. La directrice générale lui avait dit qu’elle se retirerait peut-être du processus d’évaluation des candidats parce qu’elle connaissait l’une des personnes qui avait posé sa candidature. Un collègue avait dit à la plaignante que la personne nommée et la directrice générale entretenaient un lien d’amitié. Le collègue en question n’a pas comparu comme témoin, et la plaignante n’a présenté aucune preuve pour étayer cette affirmation. La plaignante a convenu en contre-interrogatoire que la directrice générale n’avait pas participé à l’évaluation des candidats. 
       
[20] La plaignante a aussi expliqué que, au départ, la CFP ne l’avait pas convoquée à une séance de formation ayant eu lieu en janvier 2022 sur les enquêtes sur des cas de discrimination en milieu de travail. Elle a précisé que la personne nommée faisait dès le départ partie des personnes convoquées à la formation et que cette convocation était antérieure à sa nomination au poste PE-06. 
       
[21] La plaignante a eu connaissance de ces renseignements pendant une réunion d’équipe. Lorsqu’elle a examiné la liste des personnes convoquées, elle a constaté que son nom à elle n’y figurait pas. La plaignante a avisé la directrice générale, et son nom a été ajouté à la liste des personnes convoquées le 30 décembre 2021. 
       
[22] La plaignante a exprimé ses inquiétudes quant à la représentativité en milieu de travail et au manque de diversité. Elle n’a toutefois présenté aucune preuve à cet égard, outre ses inquiétudes personnelles. 
       
[23] Au sujet du choix de la CFP de tenir un processus de nomination annoncé, la plaignante a affirmé que la directrice aurait pu la nommer à l’issue d’un processus non annoncé. Il n’y avait aucune obligation de prendre en considération la candidature de plus d’une personne pour le poste. La CFP n’a pas tenu compte du fait que, de par ses connaissances, ses compétences et ses capacités, la plaignante satisfaisait entièrement aux exigences du poste PE‑06. 
       
[24] Pour ce qui est de la discrimination en matière de droits de la personne, l’avis envoyé par la plaignante à la CCDP décrit l’importance accordée à l’équité, à la diversité et à l’inclusion dans le domaine du recrutement au gouvernement fédéral. L’avis mentionne également l’appel à l’action du greffier et la Vérification portant sur la représentation des groupes visés par l’équité en matière d’emploi lors du recrutement réalisée par la CFP en 2020-2021. 
       
[25] La plaignante s’est fondée sur son expérience au sein de la fonction publique et sur les connaissances qu’elle y a acquises pour démontrer qu’elle satisfaisait aux critères de mérite malgré les résultats obtenus à l’examen. Elle considérait que le défaut de la nommer au poste PE-06 constituait de la discrimination par inadvertance. 
       
B. Pour l’intimée 
       
    [26] Dans son témoignage, la directrice a expliqué qu’elle occupait son poste actuel depuis 2018 et qu’elle y avait d’abord été nommée à titre intérimaire, puis pour une période indéterminée. 
       
[27] Pour ce qui est du processus de nomination, 11 ou 12 enquêteurs relevaient directement de la directrice. Elle avait fourni des références pour plusieurs candidats étant donné qu’elle était leur directrice, et d’autres membres du comité d’évaluation avaient évalué ces références. 
       
[28] La directrice a expliqué que, au sein de sa division, elle avait toujours recours à des processus de nomination annoncés. Il était rare que des processus de nomination non annoncés soient menés. Le poste PE-06 était nouveau et devait être doté en raison d’un nouveau pouvoir qui avait été conféré à la CFP pour lui permettre de mener des enquêtes sur toute erreur, omission ou inconduite, y compris tout parti pris ou obstacle, ayant une incidence défavorable sur les membres des groupes en quête d’équité. 
       
[29] La directrice a expliqué que le poste PE‑06 était différent du poste d’enquêteur. L’enquêteur établit la stratégie d’enquête, procède à la collecte des faits et rédige les rapports, tandis que le titulaire du poste PE-06 assure la supervision, l’encadrement et le mentorat tout au long du processus en fournissant un soutien, en répondant aux questions et en révisant le travail. 
       
[30] C’est la directrice qui était chargée d’élaborer les critères de mérite et la stratégie d’évaluation et de préparer les outils d’évaluation et les guides de cotation. Elle a aussi corrigé tous les examens et a pris part aux entrevues des candidats. La directrice a mis à jour les exigences du processus de nomination de 2019 pour créer le nouveau processus de nomination. Elle a affirmé que la connaissance de l’équité procédurale constituait le fondement de toutes les enquêtes. Elle avait inclus ce critère de connaissance dans d’autres processus également, en 2019 et en 2021. Elle avait modifié la compétence liée à la révision et à la présentation de rétroaction afin qu’elle rende compte de la fonction principale d’un gestionnaire à l’égard des enquêteurs. Pour prendre en considération un nouvel aspect du mandat de la CFP, elle avait ajouté une qualification constituant un atout, soit l’expérience du travail dans le domaine de l’équité en matière d’emploi, de la diversité et de l’inclusion, de l’accessibilité ou des droits de la personne. 
       
[31] Dans l’annonce, sous le titre « Besoins organisationnels », il était indiqué que la sélection pouvait se limiter aux Autochtones, aux personnes handicapées et aux membres des minorités visibles. La directrice a expliqué que, au moment où la nomination avait été faite, elle n’avait pas utilisé ce besoin organisationnel, étant donné qu’il n’y avait alors pas de sous-représentation à la CFP. 
       
[32] Lorsqu’elle a pris la décision de mener un processus de nomination annoncé, la directrice a tenu compte des besoins qu’elle avait à ce moment-là. En date de juin 2021, elle avait obtenu l’approbation de doter cinq nouveaux postes, soit un poste de gestionnaire et quatre postes d’enquêteur. Les motifs l’ayant amenée à lancer un processus de nomination annoncé étaient les suivants : 
       
· Le président de la CFP avait demandé que la moitié des postes soient dotés dans les bureaux régionaux. 
       
· La directrice voulait constituer un bassin de candidats qualifiés pour pouvoir procéder rapidement à des nominations. 
       
· Elle voulait aussi offrir la chance de postuler au plus grand nombre de candidats possible. 
       
· Elle recherchait des candidats ayant de l’expérience de travail dans le domaine de l’équité en matière d’emploi, de la diversité et de l’inclusion. 
       
       
[33] Selon l’annonce du poste PE‑06, la zone de sélection englobait les personnes employées dans la fonction publique fédérale occupant un poste à Vancouver, en Colombie-Britannique; à Toronto, en Ontario; dans la région de la capitale nationale; à Montréal, au Québec; et à Halifax, en Nouvelle‑Écosse. Cet affichage correspondait à la directive fournie par le président, qui souhaitait doter des postes dans les bureaux régionaux. 
       
[34] La CFP a reçu environ 40 candidatures. La présélection a été effectuée sur la base des curriculum vitæ fournis par les candidats. Les candidats retenus à l’étape de la présélection devaient ensuite se soumettre à un examen écrit visant à évaluer les critères CO1, CA2 et CA3. Les candidats qui obtenaient la note de passage étaient ensuite convoqués à une entrevue, et il y avait une vérification des références. 
       
[35] Chaque candidat recevait l’examen au moment qui lui convenait et disposait de 24 heures pour le retourner, dûment effectué. Les instructions qui l’accompagnaient mentionnaient que les trois critères évalués étaient CO1, CA2 et CA3. 
       
[36] L’examen reproduisait le contexte de travail du poste PE-06, c’est-à-dire que les candidats devaient examiner le rapport d’un enquêteur, le réviser et lui fournir une rétroaction dans un courriel. 
       
[37] La directrice a affirmé qu’il était essentiel que le gestionnaire, pour accomplir son travail, relève les éléments manquants dans le rapport. Le rapport d’enquête ne montrait pas que la personne faisant l’objet de l’enquête avait été informée, et la réponse de la plaignante ne mentionnait pas cette omission. Après avoir corrigé l’examen de la plaignante, la directrice a demandé à un autre membre du comité d’évaluation de revoir l’examen pour évaluer la réponse au critère CO1. Finalement, il a été jugé que la plaignante n’avait pas démontré qu’elle satisfaisait au critère CO1, et elle n’a donc pas été retenue pour la suite du processus de nomination. 
       
[38] La directrice a affirmé que les employés de la CFP ne bénéficiaient d’aucun avantage pour réussir l’examen par rapport aux candidats provenant d’ailleurs. La plaignante semblait avoir tenu pour acquis que la personne avait été informée, mais il n’y avait rien dans le rapport ni dans la réponse qui confirmait cette hypothèse. 
       
[39] La directrice n’a pas utilisé les évaluations de rendement pour évaluer les candidats. La connaissance personnelle des candidats n’était pas un outil d’évaluation, et la directrice a déclaré que, de toute façon, elle n’était pas au fait du travail effectué par la plaignante et n’avait pas eu l’occasion de l’observer. Elle n’avait pas non plus de connaissance personnelle du travail accompli par la plaignante avant que celle-ci se joigne à la CFP. De plus, la plaignante avait effectivement démontré sa connaissance des principes de l’équité procédurale dans un processus de nomination mené en 2018, mais cet autre processus visait la dotation d’un poste d’enquêteur. Le poste PE-06 avait une orientation différente, puisqu’il était axé sur la supervision ou l’encadrement des enquêteurs. 
       
[40] En réponse à une question posée en contre-interrogatoire, la directrice a convenu que, même si la plaignante avait réussi tous les autres aspects du processus, elle ne pouvait pas voir sa candidature retenue si elle n’avait pas mentionné la question de l’équité procédurale. La directrice a fait usage de son pouvoir discrétionnaire pour évaluer les réponses relatives à l’équité procédurale, y compris les réponses inattendues liées au critère CO1. Elle n’a toutefois pas poussé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire jusqu’à l’utilisation de sa connaissance personnelle en remplacement d’une réponse à une question lorsqu’un candidat n’avait pas donné la bonne réponse. Les candidats devaient démontrer leur connaissance de l’équité procédurale en relevant l’absence de ce facteur dans le rapport fictif utilisé pour l’examen. 
       
[41] En contre-interrogatoire, la directrice a reconnu qu’elle n’avait pas communiqué avec le MDN ni avec le SCC pour s’informer de l’expérience acquise par la plaignante au sein de ces organisations. Les candidats devaient démontrer qu’ils satisfaisaient au critère CO1 dans leurs réponses à l’examen, et non par la vérification des références fournies par un tiers. 
       
[42] Quant à la question du favoritisme personnel, la directrice a déclaré que la directrice générale n’avait pas participé à l’évaluation ni à la sélection des candidats. La directrice générale connaissait six ou sept candidats, mais elle n’avait pas influé sur le choix de la personne nommée ni n’avait fait pression sur la directrice pour qu’elle la choisisse. 
       
[43] Au sujet de la formation de janvier 2022, la directrice a affirmé qu’elle n’avait aucunement participé à ce dossier ni à la convocation des participants. Elle se rappelait que la plaignante était en affectation ailleurs lorsque la convocation avait été envoyée. À son retour, qui avait eu lieu plus tôt que ce qui était prévu, la plaignante avait reçu une convocation à la formation. La directrice a ajouté que le logiciel utilisé pour produire les convocations continuait d’indiquer la date du 8 septembre 2021, alors que les courriels montraient que la personne nommée n’avait été convoquée à la formation que le 30 décembre 2021. 
       
III. Résumé de l’argumentation
      
    A. Pour la plaignante 
      
    [44] Dans son argumentation, la plaignante a soutenu que la directrice avait entravé son propre pouvoir discrétionnaire dans l’application des critères de mérite. La question consistait à déterminer si la méthode d’évaluation choisie permettait d’évaluer la plaignante de manière juste et appropriée à l’égard du critère CO1. 
      
[45] Compte tenu de sa candidature et de son expérience antérieure, notamment une expérience appréciable des enquêtes, de la gestion et de la supervision, la plaignante satisfaisait aux critères de mérite et possédait les qualifications constituant un atout. La directrice s’est fondée sur un seul outil pour évaluer le critère CO1, et la plaignante a remis en question la validité et la fiabilité de l’examen, puisqu’il ne tenait pas compte de l’expérience concrète qu’elle avait acquise. 
      
[46] Ainsi, la directrice s’est fondée sur des éléments insuffisants, ce qui a eu un effet préjudiciable sur la plaignante. L’examen ne tenait pas compte de ses connaissances et de sa vaste expérience à titre d’enquêteuse à la CFP. 
      
[47] La plaignante savait que la CFP réglait la question de l’équité procédurale à une étape préliminaire de l’enquête. Par conséquent, il aurait fallu faire preuve de déférence envers elle pour avoir omis de le mentionner dans sa réponse. Il était évident que la plaignante satisfaisait aux exigences du poste PE‑06. Le fait de faire abstraction de ses connaissances relatives au critère CO1 relevait de l’aveuglement volontaire ou involontaire quant à son expérience réelle. 
      
[48] La directrice a entravé son propre pouvoir discrétionnaire en ne prenant pas en considération sa connaissance personnelle de la plaignante et de l’expérience qu’elle avait acquise au SCC et en particulier au MDN, où elle avait occupé un poste de gestionnaire. 
      
[49] La plaignante a reconnu que la LEFP confère un vaste pouvoir discrétionnaire aux gestionnaires, mais elle a affirmé que l’utilisation du pouvoir discrétionnaire à mauvais escient pouvait donner lieu à une erreur ou à un abus de pouvoir. 
      
[50] En ce qui concerne la discrimination en matière de droits de la personne, la plaignante a fait valoir que la pratique courante consistant à utiliser un seul outil d’évaluation servait à éliminer à la présélection la candidature de candidats faisant partie des minorités visibles sans tenir compte de leurs antécédents complets. Comme sa candidature a été rejetée en raison du critère CO1, elle a considéré qu’elle avait été victime d’un traitement différentiel, qui l’avait amenée à se sentir dévalorisée et diminuée. 
      
[51] La plaignante s’est interrogée sur le rôle joué par la directrice générale, particulièrement compte tenu du défaut de la convoquer à la formation le 8 septembre 2021. Cela a entaché le processus et renforcé la perception d’injustice. 
      
B. Pour l’intimée 
      
    [52] C’est à la plaignante qu’incombe le fardeau de la preuve, selon la prépondérance des probabilités. Elle doit présenter une preuve et des arguments convaincants pour avoir gain de cause. 
      
[53] Pour qu’il y ait une conclusion d’abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite, le critère requiert davantage que de simples erreurs ou omissions. Il faut démontrer l’existence d’une erreur grave, ce qui va au-delà d’une injustice perçue. 
      
[54] L’intimée a fait remarquer que la plaignante avait admis qu’elle n’avait pas vu que l’élément CO1 était manquant dans l’examen et qu’elle n’avait pas abordé cet aspect. Par conséquent, la directrice ne disposait d’aucune information pour effectuer son évaluation. La plaignante a donc vu sa candidature éliminée du processus de nomination, puisqu’elle ne satisfaisait pas au critère CO1, et elle n’a pas pu être placée dans le bassin de candidats qualifiés. 
      
[55] Pour être considéré comme qualifié, le candidat doit posséder les qualifications essentielles établies pour le poste à doter. Il existe un vaste pouvoir discrétionnaire pour établir ces qualifications et choisir les méthodes d’évaluation des candidats. 
      
[56] L’un des objectifs de l’examen était d’évaluer le critère CO1. Les outils d’évaluation ne comprenaient pas la connaissance personnelle de l’évaluateur, les références ni les évaluations de rendement. Le scénario présenté dans l’examen était semblable au contexte de travail du poste PE‑06. La plaignante n’a pas démontré qu’elle possédait les connaissances requises, et sa candidature a donc été éliminée du processus de nomination. 
      
[57] Il aurait été injuste pour les autres candidats et contraire à la transparence d’utiliser la connaissance personnelle pour évaluer la plaignante. La directrice n’était pas au fait du travail accompli par la plaignante au SCC ou au MDN. 
      
[58] Quant à la question du favoritisme personnel, l’intimée a souligné que la directrice générale n’avait pas participé au processus d’évaluation. Elle n’a pas eu à se retirer, puisqu’elle n’a jamais pris part au processus. Il n’y a eu aucune preuve donnant à penser que la nomination a été faite pour obtenir une faveur. 
      
[59] La directrice a choisi de lancer un processus de nomination annoncé pour des motifs clairs. Aucune preuve n’établit que ce choix était inapproprié. 
      
[60] Concernant la question de la discrimination en matière de droits de la personne, l’intimée n’a pas nié que la plaignante avait des caractéristiques protégées ni que sa candidature a été rejetée du processus de nomination. Cependant, la preuve n’appuie pas une conclusion selon laquelle une caractéristique protégée a influé sur la décision de juger qu’elle n’était pas qualifiée. De la même façon, la plaignante n’a pas démontré que l’examen constituait un obstacle du point de vue des droits de la personne. 
      
[61] Le fait d’être un membre d’un groupe protégé qui a vu sa candidature rejetée ne signifie pas que le résultat est discriminatoire, et la preuve ne démontre pas non plus qu’il y a eu un traitement différentiel de la plaignante dans le cadre du processus de nomination. 
      
[62] La candidature de la plaignante a été rejetée parce que celle-ci n’avait pas démontré qu’elle satisfaisait au critère CO1, qui constituait un critère de mérite essentiel. Il s’agit là d’une explication raisonnable et non discriminatoire de la façon dont sa candidature a été traitée. Il aurait été contraire aux objectifs que sont la transparence, l’équité et la justice envers tous les candidats que la directrice fasse abstraction du défaut de la plaignante d’aborder le critère CO1. 
      
[63] En outre, la directrice a expliqué qu’il n’y avait pas de sous-représentation des membres des minorités visibles au sein de l’équipe de direction. La preuve ne démontre pas l’existence de pratiques discriminatoires à la CFP. Le fait d’éliminer la candidature d’un candidat qui ne possède pas les qualifications requises pour un poste ne constitue pas de la discrimination. 
      
C. Pour la personne nommée 
      
    [64] La personne nommée a participé à l’audience et a présenté des observations finales. Elle a affirmé qu’elle travaillait depuis 20 ans dans le domaine de l’équité en matière d’emploi, de la diversité et de l’inclusion, ce qui comprenait la réglementation et les enquêtes. Elle a gravi les échelons du niveau PE‑01 jusqu’au niveau PE‑06. En 2021, elle a été nommée par intérim à un poste PE‑06 de gestionnaire de la réglementation. La personne nommée a affirmé qu’elle avait obtenu une maîtrise en administration publique. 
      
[65] La personne nommée s’est dite préoccupée d’avoir fait l’objet d’une allégation selon laquelle elle aurait entretenu une relation personnelle avec la directrice générale. 
      
[66] Concernant la formation offerte en janvier 2022, elle a reconnu qu’elle avait reçu une convocation le 30 décembre 2021, après sa nomination au poste PE‑06. 
      
[67] La personne nommée a conclu en disant qu’elle avait simplement présenté sa candidature au poste PE‑06 et qu’elle y avait été nommée. 
      
IV. Motifs 
      
    [68] Les alinéas 77(1)a) et 77(1)b) de la LEFP sont ainsi libellés :
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[69] Il incombe au plaignant qui se présente devant la Commission de prouver ses allégations selon la norme de la prépondérance des probabilités. (Voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8.)
      
[70] La plaignante a formulé des allégations d’abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite et le choix d’un processus de nomination interne annoncé. Elle a également formulé une allégation de discrimination en matière de droits de la personne.
A. Abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite
    [71] Le mérite constitue le fondement de la dotation à la fonction publique fédérale. L’article 30 de la LEFP est ainsi libellé :
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[72] Par conséquent, toute nomination interne ou externe à la fonction publique doit, selon la règle générale, être fondée sur le mérite. La personne nommée doit démontrer qu’elle possède toutes les qualifications essentielles pour le poste et peut être tenue de posséder d’autres qualifications ou de satisfaire à d’autres exigences.
[73] Il n’est pas contesté que la plaignante n’a pas démontré qu’elle satisfaisait au critère CO1, qui constituait une qualification essentielle pour le poste PE‑06. La plaignante n’a pas abordé ce critère dans l’examen.
[74] Le paragraphe 36(1) de la LEFP prévoit ce qui suit au sujet des méthodes d’évaluation utilisées pour effectuer une nomination :
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[75] Il existe donc un vaste pouvoir discrétionnaire pour le choix des méthodes d’évaluation, mais ce pouvoir n’est pas absolu. Tout choix peut faire l’objet d’un examen visant à déceler un éventuel abus de pouvoir.
[76] Je juge que la preuve laissant entendre qu’il y aurait eu une lacune dans l’examen est sans fondement. Il ne s’agit pas d’un cas où il a été démontré que la question ne permettait pas d’évaluer le critère visé. Les candidats avaient été informés dans les instructions écrites au départ, puis à nouveau au moment de la réception de l’examen, que le critère CO1 serait évalué. La plaignante a expliqué dans son témoignage que l’équité procédurale n’est pas, en pratique, un élément dont doit se soucier un enquêteur de la CFP. Il se peut que cette affirmation soit vraie, mais peu d’éléments de preuve ont été présentés au sujet de la méthodologie d’enquête de la CFP. Je remarque toutefois que la zone de sélection précisée dans le processus de nomination visait également des candidats ne faisant pas partie de la CFP, et donc qui ne possédaient pas l’expérience de la plaignante au sujet des méthodes en vigueur à la CFP.
[77] La plaignante a soutenu que la directrice avait entravé son propre pouvoir discrétionnaire en se fondant sur l’examen. À cet égard, la plaignante a renvoyé à la décision Schwarz c. Sous-ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 CRTESPF 92, dans laquelle la Commission mentionne la décision rendue par le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal ») dans l’affaire Bowman c. le sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2008 TDFP 12. Dans la décision Bowman, le Tribunal a conclu qu’un comité d’évaluation avait entravé de façon inappropriée son pouvoir discrétionnaire en appliquant des critères temporels rigides à une qualification essentielle portant sur l’étendue de l’expérience d’un candidat. En agissant de la sorte, le comité d’évaluation avait entravé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée et arbitraire. Je juge que cette décision n’est pas pertinente quant à la question de l’utilisation d’un examen pour évaluer le critère CO1.
[78] De plus, la plaignante n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas du tout abordé le critère CO1 dans sa réponse. La plaignante était d’avis que la directrice aurait nécessairement dû avoir recours à une autre méthode d’évaluation, comme sa connaissance personnelle, les évaluations de rendement ou l’expérience de travail antérieure, lorsqu’elle a constaté que la plaignante avait fourni une réponse qui ne satisfaisait pas aux exigences du critère CO1.
[79] Je ne souscris pas à cet argument. C’était la CFP, en particulier la directrice, à titre de gestionnaire subdélégataire, qui avait le pouvoir de choisir les méthodes d’évaluation. Les instructions de l’examen indiquaient clairement les qualifications qui devaient être évaluées. La plaignante a omis d’aborder l’une d’entre elles.
[80] Après avoir choisi de faire passer un examen aux candidats et avoir déterminé que la plaignante n’avait pas obtenu la note de passage pour le critère CO1, la directrice n’avait aucune obligation de recourir à une autre méthode pour évaluer la plaignante. Si elle avait procédé de la sorte, la directrice aurait pu miner l’intégrité du processus de nomination en créant des conditions spéciales pour une candidate sous prétexte qu’elles travaillaient dans le même milieu de travail.
[81] À cet égard, je cite la décision Lesage c. Sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2021 CRTESPF 97, rendue par la Commission. La plaignante, qui avait vu sa candidature rejetée à l’étape de la présélection du processus de nomination parce qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences, a soutenu qu’il y avait eu abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite. Dans sa décision par laquelle elle a rejeté la plainte, la Commission s’est exprimée ainsi :
[…]
[95] Comme le Tribunal l’a constaté dans Henry, les candidats ne doivent pas supposer que les comités d’évaluation effectueront un suivi auprès d’eux afin de s’assurer qu’ils ont indiqué tous les éléments requis pour satisfaire aux critères relatifs aux qualifications essentielles.
[96] Dans le présent cas, l’intimé a veillé à ce que tous les candidats soient évalués sur un même pied d’égalité. Ainsi, même si les membres du comité d’évaluation qui ont rejeté la candidature de la plaignante avaient une connaissance de ses expériences, seule l’information fournie dans sa lettre de candidature et son curriculum vitae a été considérée pour la présélection. Cette façon de procéder ne constitue pas un abus de pouvoir.
[97] En somme, je conclus que la lettre de candidature de la plaignante était incomplète. La décision du comité d’évaluation de ne pas se fonder sur sa connaissance personnelle de la candidate pour accepter sa candidature à l’étape de la présélection s’est traduite par un traitement équitable de tous les candidats. La décision du comité d’évaluation de ne pas se fonder sur sa connaissance personnelle de la candidate pour accepter sa candidature à l’étape de la reconsidération de sa décision en septembre 2015 s’est aussi traduite par un traitement équitable de tous les candidats. Si la plaignante avait bénéficié de la connaissance personnelle et subjective des membres du comité d’évaluation au sujet de son expérience de travail, cela aurait été inéquitable envers les autres candidats. Ici, la candidature de la plaignante a été considérée au même titre que celle de tous les autres candidats.
[…]
      
[82] Cette décision va dans le même sens que la conclusion tirée par le Tribunal dans l’affaire Trites c. le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2009 TDFP 16, dans laquelle il avait jugé que le défaut de réévaluer un plaignant au moyen d’un autre outil d’évaluation ne constituait pas une entrave à l’exercice du pouvoir décisionnel de l’évaluateur ni un abus de pouvoir.
[83] La plaignante a aussi soutenu que la candidate nommée au poste avait bénéficié d’un avantage indu en raison de son lien d’amitié avec la directrice générale. Le favoritisme personnel constitue un abus de pouvoir aux termes du paragraphe 2(4) de la LEFP.
[84] Le Tribunal a décrit le favoritisme personnel dans la décision Glasgow c. le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7, au paragraphe 41, de la façon suivante :
41 Lorsqu’il faut choisir parmi plusieurs candidats qualifiés, l’alinéa 30(2)b) de la LEFP prévoit que la sélection peut reposer sur les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles et les besoins organisationnels. La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.
[85] Aucune preuve indiquant qu’il y aurait eu un gain personnel ou une faveur n’a été présentée. En outre, le témoignage de la plaignante au sujet d’une personne non identifiée l’ayant informée à ce sujet ne constitue pas une preuve attestant l’existence d’un lien d’amitié entre la directrice générale et la personne nommée. De plus, il n’y a aucune preuve que la directrice générale ait participé à l’une ou l’autre des étapes du processus de nomination, et rien ne laisse croire qu’elle se soit ingérée dans le processus de nomination ou dans la sélection de la personne nommée.
[86] Au sujet de la convocation à la formation, la preuve montre que c’est la personne adjointe à la directrice générale qui avait pour tâche de convoquer les participants à la formation de janvier 2022. Ni la plaignante ni la personne nommée ne faisaient partie du milieu de travail lorsque la convocation initiale a été faite le 8 septembre 2021. Selon les documents dont je dispose et les témoignages des témoins, elles ont toutes deux été convoquées le 30 décembre 2021. Je ne relève aucun abus de pouvoir, qu’il s’agisse de partialité à l’égard de la plaignante ou de faveur accordée à la personne nommée, dans le fait de reporter la convocation à cette date.
[87] Par conséquent, je conclus que la plaignante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu’il y avait eu abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite. L’allégation est rejetée.
B. Allégation d’abus de pouvoir dans le choix du processus
    [88] En ce qui a trait à l’allégation d’abus de procédure dans le choix d’un processus de nomination annoncé, je me reporte tout d’abord à la LEFP, qui prévoit ce qui suit à l’article 33 :
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[89] La plaignante a soutenu que le recours à un processus de nomination annoncé constituait un abus de pouvoir étant donné qu’elle estimait être qualifiée pour le poste et disponible pour une nomination. Pour sa part, la directrice a mentionné les motifs suivants pour justifier son choix d’avoir recours à un processus de nomination annoncé : 1) créer un bassin de candidats qualifiés, 2) faire des nominations dans les bureaux régionaux, 3) susciter le plus grand nombre de candidatures possible et 4) attirer des candidats ayant une expérience dans le domaine de l’équité en matière d’emploi, de la diversité et de l’inclusion.
[90] Même si, comme l’a fait valoir la plaignante, une personne qualifiée est disponible, le pouvoir discrétionnaire conféré par l’article 33 peut tout de même être exercé, mais il peut faire l’objet d’un examen visant à déceler tout abus de pouvoir. Dans le présent cas, je juge que le témoignage de la directrice au sujet des considérations qui ont influé sur son choix était raisonnable et justifiait sa décision d’utiliser un processus de nomination annoncé.
[91] Étant donné le contexte de la preuve présentée et les considérations ayant mené au choix d’un processus de nomination annoncé, qui n’ont pas été contestées, je juge que la plaignante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu’un abus de pouvoir avait entaché le choix du processus de nomination. L’allégation est rejetée.
C. Discrimination en matière de droits de la personne
    [92] La plaignante était d’avis que le processus de nomination avait été entaché de discrimination en matière de droits de la personne, qui avait fait en sorte que l’intimée n’avait pas nommé la plaignante au poste. La plaignante a expressément mentionné les motifs protégés que sont la race, la couleur et l’âge.
[93] Dans un contexte de droits de la personne, c’est à la plaignante qu’incombe le fardeau d’établir une preuve prima facie, ou à première vue, de discrimination. Une fois cette démonstration faite, le fardeau se déplace vers l’intimée, qui doit fournir une explication raisonnable pour ne pas avoir nommé la plaignante au poste PE‑06 à l’issue du processus de nomination.
      
[94] Dans l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpson-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536 (connu sous le nom d’arrêt O’Malley), la Cour suprême du Canada a énoncé le critère suivant, lequel permet d’établir s’il existe une preuve prima facie de discrimination :
      
[…]
28. […] Dans les instances devant un tribunal des droits de la personne, le plaignant doit faire une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire qu’il y a discrimination. Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé […]
[…]
      
[95] Suivant le critère établi dans l’arrêt Moore c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, la plaignante est tenue de démontrer 1) qu’elle possède une caractéristique protégée par la LCDP contre la discrimination, 2) qu’elle a subi un effet préjudiciable sur le plan de l’emploi et 3) que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. Pour établir une preuve prima facie, la plaignante a seulement à prouver que la discrimination présumée faisait partie des facteurs, même si ce n’était pas l’unique ni même le principal facteur, ayant poussé l’intimée à éliminer sa candidature du processus de nomination.
      
[96] En ce qui a trait au premier volet du critère, les parties s’entendent pour dire que la plaignante appartient à une catégorie de personnes protégée. Elle possède donc une caractéristique protégée contre la discrimination. Pour ce qui est du deuxième volet, la plaignante a subi un effet préjudiciable sur le plan de l’emploi, puisqu’elle n’a pas été sélectionnée pour le poste PE‑06. Ainsi, les deux premiers volets du critère de l’établissement d’une preuve prima facie de discrimination sont remplis.
      
[97] La plaignante devait en outre démontrer l’existence d’un lien entre les motifs de distinction illicite (race, âge, couleur) et la conduite reprochée (l’élimination de sa candidature du processus de nomination). Dans la décision Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2005 TCDP 32, le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) a tiré la conclusion suivante :
      
[…]
[41] La question qui demeure est la suivante : Le fait qu’un employé croit qu’une personne d’un groupe ethnique différent fait le même travail et reçoit un salaire plus élevé est-il suffisant pour établir une preuve prima facie de discrimination? Je pense qu’il doit y avoir quelque chose de plus. Il doit y avoir quelque chose dans la preuve, indépendamment de ce que le plaignant croit, qui confirme ses soupçons. Je ne dis pas que ce que croit un plaignant n’a aucune force probante. Cela dépend des circonstances. Toutefois, le fait de croire abstraitement qu’une personne fait l’objet de discrimination, sans qu’il existe un certain fait qui le confirme, n’est pas suffisant.
[…]
      
[98] En particulier, dans un cas concernant un processus de nomination, il est possible d’établir la preuve prima facie de discrimination en démontrant les éléments suivants : 1) la plaignante était qualifiée pour le poste en question, 2) elle n’a pas été embauchée et 3) une personne qui n’était pas plus qualifiée, mais qui était dépourvue de la caractéristique distinctive constituant le fondement de la plainte en matière de droits de la personne, a par la suite obtenu le poste. (Voir Shakes v. Rex Pak Ltd., 1981 CanLII 4315 (ON HRT) et Israeli v. Canada (Human Rights Commission), 1983 CanLII 4687 (CHRT).)
[99] Je constate que la plaignante est fermement convaincue que son évaluation dans le cadre du processus de nomination a été entachée de discrimination. Toutefois, il ne lui suffisait pas d’affirmer que la CFP l’avait traitée injustement. Elle devait démontrer un lien entre l’acte de discrimination reproché et les motifs de distinction illicite. Je renvoie une fois de plus à la décision Filgueira, dans laquelle le TCDP a fait observer, au paragraphe 41, que « […] le fait de croire abstraitement qu’une personne fait l’objet de discrimination, sans qu’il existe un certain fait qui le confirme, n’est pas suffisant ».
[100] Selon les faits présentés, la preuve n’appuie pas une conclusion selon laquelle la plaignante était qualifiée pour le poste PE-06. Elle a admis elle-même qu’elle n’avait pas abordé le critère CO1 dans sa réponse à l’examen. Par conséquent, elle n’a pas obtenu la note de passage requise pour cette qualification essentielle. Cependant, la preuve n’établit pas que des motifs de distinction illicite étaient des facteurs ayant influé sur cette décision.
[101] L’article 36 de la LEFP confère à l’intimée le pouvoir de choisir l’examen visant à évaluer le critère CO1. Aucune preuve présentée ne laisse croire que l’examen ne permettait pas d’évaluer les exigences relatives au critère CO1 ou que, dans son utilisation ou son application, il était discriminatoire, que ce soit de façon expresse, circonstancielle ou indirecte.
[102] La preuve ne démontre pas que quelque caractéristique protégée que ce soit ait figuré parmi les facteurs pris en compte par l’intimée pour juger que la plaignante n’était pas qualifiée.
[103] Comme il n’a pas été satisfait aux volets du critère relatif à l’établissement de la preuve prima facie, l’intimée n’a pas à fournir d’autre réponse à l’allégation de discrimination. L’allégation de discrimination en matière de droits de la personne est rejetée.
V. Conclusion
    [104] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante) 
      
VI. Ordonnance
    [105] La plainte est rejetée.
Le 11 décembre 2024.
Traduction de la CRTESPF
Joanne Archibald,
une formation de la Commission 
des relations de travail et de l’emploi 
dans le secteur public fédéral