Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Le plaignant a présenté une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la LRTSPF, alléguant que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable lorsqu’elle avait refusé de déposer un grief en son nom relativement à la politique sur la vaccination de l’employeur contre la COVID-19. Le plaignant s’est fait vacciner, mais a allégué que cela l’avait rendu gravement malade. Il a quitté son travail pour des raisons médicales presque immédiatement après avoir été vacciné et n’est jamais revenu. L’agent négociateur a fait valoir que la plainte était hors délai, car elle avait été présentée en dehors du délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la LRTSPF. Il a demandé que la plainte soit rejetée. Le plaignant n’a pas contesté le fait que la plainte avait été présentée en retard, mais il a soutenu que son état de santé l’avait empêché de la présenter dans les délais, qu’il n’avait pas les moyens de se payer un avocat et qu’il ne comprenait pas le processus de plainte. La Commission a conclu que la plainte était hors délai et que, après avoir appliqué le critère énoncé dans Beaulieu c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 100, une prorogation du délai n’était pas justifiée. Quant à l’état de santé du plaignant, la preuve n’a pas démontré que son incapacité était telle qu’il n’aurait pas pu présenter la plainte dans les délais. La Commission a également conclu que ni l’incapacité du plaignant de se payer un avocat ni son manque de connaissance d’un recours juridique disponible ne satisfaisaient à la norme d’une circonstance exceptionnelle ou inhabituelle énoncée dans Beaulieu. La Commission a rejeté la plainte.
Plainte rejetée.
Contenu de la décision
Date: 20250117
Référence: 2025 CRTESPF 4
des relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral et
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Entre
Cory Cayen
plaignant
et
Alliance de la Fonction publique du Canada
Répertorié
Cayen c. Alliance de la Fonction publique du Canada
Devant : Christopher Rootham, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le plaignant : Lui‑même
Pour la défenderesse : Morgan Rowe et Sarah Yusuf, avocates
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 25 et 27 juin, le 18 octobre et le 15 novembre 2024.
(Traduction de la CRTESPF)
MOTIFS DE DÉCISION
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(TRADUCTION DE LA CRTESPF)
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I. Aperçu
[1] Cory Cayen a déposé une plainte alléguant que l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) a manqué à son devoir de représentation équitable envers lui. M. Cayen est tombé malade après avoir reçu le vaccin contre la COVID‑19 en novembre 2021, ce qu’il affirme avoir fait uniquement parce que son employeur l’exigeait. Il voulait que l’AFPC dépose un grief contre son employeur en conséquence. Il a également demandé à l’AFPC de l’aider à retourner au travail à la suite des maladies dont il souffre. L’AFPC lui a dit qu’elle ne déposerait pas de grief le 18 juillet 2023, mais qu’elle continuerait à l’aider dans ses efforts en vue de retourner au travail. L’avocat de M. Cayen a envoyé une mise en demeure le 18 août 2023, menaçant de déposer une plainte pour manquement au devoir de représentation équitable si l’AFPC ne déposait pas de grief. L’AFPC a répondu le 22 septembre 2023 afin de nier avoir manqué à son devoir de représentation équitable, d’expliquer la raison pour laquelle elle ne déposait pas de grief et de continuer à offrir de l’aide à M. Cayen en vue de son retour au travail.
[2] M. Cayen a déposé la présente plainte le 3 juin 2024. Le délai pour déposer une plainte portant sur le devoir de représentation équitable est de 90 jours après les faits y ayant donné lieu. La présente plainte a été déposée après le délai de 90 jours, que la date limite soit celle à compter du courriel du 18 juillet 2023 ou de la lettre du 22 septembre 2023.
[3] La Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a le pouvoir de proroger ce délai dans des circonstances extrêmement limitées, notamment lorsque l’état de santé d’un plaignant le rend incapable de déposer une plainte. M. Cayen a décrit plusieurs symptômes médicaux graves dont il souffre. Cependant, il était suffisamment bien sur le plan médical pour retenir les services d’un avocat et lui donner des directives pour envoyer une mise en demeure le 18 août 2023. J’ai donc conclu qu’il n’était pas dans un état d’incapacité médicale tel qu’il ne pouvait pas déposer une plainte contre l’AFPC pendant le délai de 90 jours en 2023.
[4] Par conséquent, j’ai rejeté la présente plainte. Mes motifs détaillés suivent.
II. Les faits ayant donné lieu à la plainte
[5] M. Cayen a commencé à travailler pour Service Canada en juin 2016 ou 2017. Le 6 octobre 2021, le Conseil du Trésor a adopté la Politique sur la vaccination contre la COVID‑19 applicable à l’administration publique centrale, y compris à la Gendarmerie royale du Canada (la « Politique sur la vaccination »). La Politique sur la vaccination exigeait que tous les employés de l’administration publique centrale soient entièrement vaccinés contre la COVID‑19. M. Cayen a reçu le vaccin contre la COVID‑19 le 28 novembre 2021.
[6] Presque immédiatement après avoir reçu le vaccin, M. Cayen a commencé à ressentir plusieurs symptômes médicaux physiques. M. Cayen a déposé des renseignements médicaux auprès de la Commission dans le cadre de la présente plainte. Ces renseignements médicaux ne déclarent pas de manière concluante que ses problèmes de santé découlent de la vaccination, mais ils ne l’excluent pas non plus. M. Cayen souffre également de plusieurs symptômes de santé mentale. Les renseignements médicaux qu’il a fournis ne permettent d’établir aucun lien entre ses symptômes de santé mentale et la vaccination, mais ces documents indiquent également clairement que le diagnostic précis et la cause de ses symptômes médicaux demeurent inconnus, même à ce jour.
[7] M. Cayen a quitté son travail pour des raisons médicales presque immédiatement après avoir été vacciné. Il n’y est jamais retourné. Le 24 avril 2023, son employeur lui a envoyé une lettre lui demandant de choisir entre retourner au travail, prendre sa retraite pour des raisons médicales ou démissionner. M. Cayen déclare qu’il souhaitait retourner au travail. À ce jour, il demeure incapable de le faire, pour des raisons médicales.
[8] M. Cayen a d’abord communiqué avec l’AFPC en décembre 2021 pour demander son aide concernant ses problèmes de santé et la vaccination. Il a communiqué avec deux représentants de l’AFPC, l’un entre décembre 2021 et le 14 juillet 2022, et le deuxième entre janvier et juillet 2023. Après avoir reçu la lettre de l’employeur du 24 avril 2023, il a également discuté de ses problèmes relatifs à son retour au travail avec son représentant après cette date. Les parties ne s’entendent pas sur la nature de cette correspondance; l’AFPC affirme qu’elle effectuait un suivi de manière diligente auprès de M. Cayen et demandait plus de renseignements, tandis que M. Cayen la qualifie d’indifférence et d’éloignement en exigeant plus de renseignements.
[9] À ce stade, la seule question est de savoir si la plainte a été déposée dans les délais impartis. Par conséquent, je n’ai pas besoin de décider si la correspondance était appropriée – tout ce dont j’ai besoin de savoir, ce sont les dates.
[10] Le 18 juillet 2023, le représentant de M. Cayen lui a envoyé un courriel qui indiquait, entre autres, ce qui suit concernant ce que les parties appellent la question de la [traduction] « vaccination forcée » : [traduction] « […] Je ne vois pas comment un grief ou une plainte en vertu du code du travail pourrait être accueilli. » Son représentant a également affirmé qu’il existait des mesures qu’ils pouvaient prendre concernant la [traduction] « lettre d’options » du 24 avril 2023, mais que M. Cayen devait [traduction] « tenir [le représentant] informé » au sujet de la lettre d’options. Son représentant a écrit de nouveau le 25 juillet 2023 en réponse aux questions de M. Cayen concernant les prestations médicales et d’invalidité de longue durée, et pour demander à nouveau si M. Cayen avait répondu à la lettre d’options. Il a également recommandé de déposer un grief relatif à la lettre d’options.
[11] Cela semble être la dernière correspondance directe entre M. Cayen et l’AFPC.
[12] Le 18 août 2023, l’avocat de M. Cayen a envoyé une mise en demeure à l’AFPC, alléguant qu’elle avait manqué à son devoir de représentation équitable. La mise en demeure indiquait particulièrement que si l’AFPC ne déposait pas un grief contre l’employeur, [traduction] « […] nous demanderons à notre client de nous donner des directives pour déposer une plainte concernant le devoir de représentation équitable contre le syndicat ».
[13] L’AFPC a répondu à cette mise en demeure le 22 septembre 2023. L’AFPC a nié avoir manqué à son devoir de représentation équitable. L’AFPC a également réitéré qu’elle ne déposerait pas de grief concernant la prétendue [traduction] « vaccination forcée », mais qu’elle était toujours prête à déposer un grief relatif à la lettre d’options.
[14] Selon l’AFPC, elle n’a jamais eu de nouvelles de M. Cayen après avoir envoyé cette lettre. M. Cayen ne conteste pas ce fait.
III. La plainte a été déposée en retard
[15] Une plainte concernant le devoir de représentation équitable est déposée en vertu de l’article 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Selon la plainte, il y aurait eu contravention de l’article 187, qui impose à un agent négociateur l’obligation de ne pas agir de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Cette obligation est communément désignée sous le nom de devoir de représentation équitable des agents négociateurs, et une plainte comme la présente est une plainte relative au devoir de représentation équitable.
[16] Une plainte déposée auprès de la Commission en vertu de ces dispositions doit l’être dans le délai fixé par l’article 190(2) de la Loi – soit au plus tard 90 jours suivant la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon la Commission, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.
[17] M. Cayen a déposé la présente plainte le 3 juin 2024. L’AFPC affirme qu’elle a été déposée en retard. L’AFPC souligne que la mise en demeure de son avocat, datée du 18 août 2023, allègue que l’AFPC a manqué à son devoir de représentation équitable – ce qui signifie qu’il savait ou aurait dû avoir connaissance des circonstances ayant donné lieu à la présente plainte à cette date. Au pire, il connaissait le 22 septembre 2023 les mesures que l’AFPC était, et n’était pas, prête à prendre.
[18] M. Cayen ne conteste pas le fait que sa plainte a été déposée en retard.
[19] Je suis d’accord avec l’AFPC pour dire que la présente plainte a été déposée après le délai de 90 jours imparti. Le 18 août 2023, M. Cayen avait connaissance des circonstances ayant donné lieu à la présente plainte, car son avocat a envoyé une mise en demeure en son nom exposant ses arguments. Cela rend sa plainte tardive.
IV. La Commission ne peut pas proroger le délai dans le présent cas
[20] La Commission a depuis longtemps affirmé que le délai de 90 jours est obligatoire et ne peut pas être prorogé (voir Paquette c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2018 CRTESPF 20; Nemish c. King, 2020 CRTESPF 76; Burns c. Section locale no 2182 d’Unifor, 2020 CRTESPF 119; Marcil c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2022 CRTESPF 65; et Tremblay c. Association canadienne des employés professionnels, 2023 CRTESPF 69).
[21] Toutefois, dans Beaulieu c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 100, la Commission a décidé qu’elle pouvait proroger ce délai dans des cas exceptionnels. Je vais répéter la décision de la Commission parce qu’elle explique les situations très limitées dans lesquelles la Commission peut proroger le délai de 90 jours :
[38] La contradiction apparente entre l’octroi d’un pouvoir explicite de proroger les délais fixés dans certains articles de la Loi (mais pas celui de l’article 190) et d’un pouvoir implicite de libérer une partie des conséquences du non‑respect du délai de 90 jours pour les plaintes déposées au titre de l’article 190 se résout facilement. Le pouvoir implicite, comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale dans AFPC, est très restreint et n’implique pas de concilier l’équité et le préjudice. Ce pouvoir implicite ne doit être utilisé que dans des cas tout à fait exceptionnels ou inusités. La Cour d’appel fédérale a employé les mots « accident » ou « force majeure ». Le sens de ces mots est clair : le retard doit résulter d’un événement extraordinaire indépendant de la volonté de la partie qui n’a pas respecté le délai. Chaque cas doit être tranché sur la base des circonstances qui lui sont propres, mais il sera rare qu’une partie soit libérée de son obligation de respecter un délai fixé par la loi en vertu de ce pouvoir implicite, et elle ne pourra demander à ce qu’il soit exercé que dans des circonstances exceptionnelles ou inusitées. Je partage l’avis de la Cour d’appel fédérale selon lequel il n’y a aucune atteinte à l’interprétation de la loi ou à l’intention du législateur de libérer une partie des conséquences du non‑respect d’un délai dans des circonstances exceptionnelles lorsque, « sans qu’il y ait faute ni manquement » de la part du plaignant, le dépôt de la plainte s’est fait hors délai.
[39] La Cour d’appel fédérale, dans AFPC, a employé les termes « accident » et « force majeure ». Le plaignant pourrait être libéré des conséquences du non‑respect d’un délai en raison d’un accident ou d’une maladie grave, par exemple. À mon avis, « Act of God » [dans la version anglaise] est une expression archaïque que la définition de « force majeure » (voir Black’s Law Dictionary, 8e éd.) résume bien : [traduction] « Un événement ou un effet qui ne peut être ni anticipé ni contrôlé […] ». Il peut s’agir, par exemple, de catastrophes naturelles ou de défaillances d’infrastructures (incendies, inondations, pannes d’électricité, etc.). Cette liste n’est pas exhaustive.
[…]
[41] Je définirais comme suit le critère à appliquer lorsqu’il est question de libérer un plaignant des conséquences du non‑respect du délai de 90 jours prévu à l’article 190 de la Loi : la Commission peut envisager de libérer une partie des conséquences du non‑respect du délai de 90 jours pour déposer une plainte s’il existe un motif valable pour le retard qui n’aurait pu être ni prévu ni contrôlé. Comme il a été indiqué, ce pouvoir implicite ne doit être exercé que dans des circonstances exceptionnelles ou inusitées.
[…]
[22] La Commission a souligné qu’elle ne peut proroger le délai de 90 jours que dans « des cas tout à fait exceptionnels ou inusités ». Ces cas exceptionnels peuvent inclure des cas concernant des problèmes médicaux. Cependant, la Commission a également indiqué clairement que le plaignant devait être « dans l’incapacité » pour déclencher cette exception.
[23] Dans Beaulieu, comme dans le présent cas, le plaignant soutenait que son état de santé faisait en sorte qu’il était dans l’incapacité de déposer une plainte. Il a fait valoir que puisqu’il était en congé d’invalidité de longue durée, il devait être trop invalide pour déposer une plainte. La Commission a expliqué que la norme est plus élevée que d’être trop malade pour travailler. Le seuil est de savoir si un plaignant est « […] frappé d’une incapacité telle qu’il ne pouvait pas entamer des démarches judiciaires […] » (au par. 54).
[24] Dans le cadre de sa plainte, M. Cayen a fourni à la Commission des renseignements médicaux. Ces renseignements médicaux ne sont pas suffisamment détaillés pour étayer une prorogation du délai. Je suis particulièrement préoccupé par le fait que M. Cayen n’a fourni que la moitié d’une page d’un rapport sur la santé mentale de 17 pages qui semble dater du 6 septembre 2022 (un an avant qu’il n’affirme que sa plainte soit survenue), ainsi que sa demande de retraite pour des raisons médicales que son médecin a remplie le 25 juin 2024. J’ai également des préoccupations parce que le formulaire de retraite pour des raisons médicales de 2024 indique que M. Cayen ne prend aucun médicament, alors qu’il affirme dans ses arguments écrits qu’il souffre d’une [traduction] « grave confusion mentale » parce qu’il prend quotidiennement de 10 à 12 comprimés de médicaments puissants; il n’explique pas cette incohérence.
[25] Plus important encore, M. Cayen a donné des directives à son avocat d’envoyer une mise en demeure datée du 18 août 2023. Cela signifie qu’il devait avoir la capacité, sur le plan médical, de donner des directives à son avocat.
[26] Dans Carmichael v. GlaxoSmithKline Inc., 2020 ONCA 447 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada rejetée dans 2021 CanLII 24831), la Cour d’appel de l’Ontario a énuméré plusieurs facteurs à prendre en considération lorsqu’il s’agit de décider si une personne avait la capacité d’entamer une procédure dans les délais impartis. En Ontario, la plupart des demandes judiciaires doivent être entamées dans un délai de deux ans. Ce délai de prescription de deux ans est interrompu pendant toute période au cours de laquelle une personne « […] est dans l’incapacité d’introduire une instance relative à la réclamation en raison de son état physique, mental ou psychologique […] » (voir la Loi de 2002 sur la prescription des actions, L.O. 2002, chap. 24, annexe B, al. 7(1)a)). Carmichael concerne un cas tragique. Le 31 juillet 2004, M. Carmichael a étranglé à mort son fils de 11 ans. Il a été jugé non criminellement responsable en raison d’un trouble mental. Il a reçu un traitement et a finalement obtenu une libération inconditionnelle le 2 décembre 2009. M. Carmichael a affirmé que le médicament antidépresseur qu’il prenait à l’époque était la cause de ses actes et il a poursuivi le fabricant de ce médicament le 5 octobre 2011. Il a soutenu qu’il était dans l’incapacité d’introduire une instance relative à cette réclamation jusqu’à sa libération inconditionnelle le 2 décembre 2009.
[27] La Cour d’appel de l’Ontario n’était pas du même avis. La Cour a adopté sept indicateurs de la capacité (voir les par. 70 et 96) : 1) la capacité d’une personne de savoir ou de comprendre les décisions ou les choix minimaux nécessaires pour les assumer; 2) une appréciation des conséquences et des effets de ses choix ou de ses décisions; 3) une appréciation de la nature de la procédure; 4) la capacité d’une personne de choisir un avocat et de retenir ses services; 5) la capacité d’une personne de se représenter elle‑même; 6) la capacité d’une personne de distinguer entre les questions pertinentes et les questions non pertinentes; et 7) les croyances erronées d’une personne concernant le droit ou les procédures judiciaires. La Cour d’appel a indiqué clairement que ces facteurs ne sont pas exhaustifs, mais qu’ils constituent des indicateurs utiles de la capacité, car ils fournissent [traduction] « […] des indicateurs concrets et objectivement vérifiables de la capacité potentielle d’une partie au litige à entamer une instance […] ».
[28] Dans ce cas, la Cour d’appel de l’Ontario s’est fortement appuyée sur le fait que M. Carmichael était en mesure de travailler avec des avocats et de leur donner des directives concernant sa procédure criminelle, et qu’il avait même rencontré un avocat des États‑Unis pour discuter de la possibilité d’intenter une poursuite contre le fabricant de cet antidépresseur. La Cour d’appel a cité un passage de Calvert (Litigation Guardian of) v. Calvert, 1997 CanLII 12096 (CS ON) affirmant que [traduction] « [l]a capacité de donner des directives à son avocat implique la capacité de comprendre les questions financières et juridiques. Cela fait en sorte qu’il soit considérablement plus compétent selon la hiérarchie des compétences ».
[29] En d’autres termes, si une personne est en mesure de donner des directives à son avocat au sujet d’une question, cela constitue un fort indicateur qu’elle a la capacité, sur le plan médical, de présenter une plainte concernant cette même question. La capacité est une question de degré. Une personne peut être capable de prendre une décision de base, mais incapable de prendre une décision complexe. Déposer une plainte auprès de la Commission peut constituer une décision complexe; toutefois, trouver et embaucher un avocat et lui donner des directives est également complexe.
[30] En conclusion, je ne dispose pas d’éléments de preuve suffisants pour conclure que M. Cayen n’avait pas la capacité, sur le plan médical, de déposer la présente plainte dans les délais impartis. Plus particulièrement, il était capable de trouver et d’embaucher un avocat et de lui donner des directives pendant le délai de 90 jours pour déposer la présente plainte. Même s’il est possible qu’une personne puisse embaucher un avocat tout en étant dans l’incapacité sur le plan médical, cela laisse entendre qu’elle avait la capacité d’entamer une action en justice, et, dans le présent cas, il n’existe aucun élément de preuve permettant de réfuter cette inférence.
[31] M. Cayen a présenté deux autres arguments pour expliquer le retard dans le dépôt de sa plainte. En premier lieu, il a également fait valoir qu’il était incapable de continuer à recourir à son avocat en raison de [traduction] « l’extrême détresse financière qu’il a subie en raison de ces procédures judiciaires ». Le fait de ne pas être en mesure de se permettre un avocat est tout à fait compréhensible, mais ce n’est pas le genre de situation exceptionnelle ou inusitée qui conférerait à la Commission le pouvoir de proroger le délai de 90 jours.
[32] En deuxième lieu, il a soutenu qu’il ne comprenait pas le processus de plainte. Ses arguments ne sont pas détaillés à ce sujet, mais il mentionne avoir tenté de déposer des plaintes auprès de la Commission des relations de travail de l’Ontario et avoir été confus quant à la façon de déposer la présente plainte auprès de la Commission. Toutefois, comme l’a déclaré la Commission au paragraphe 56 de Beaulieu, « [l]e fait de ne pas avoir connaissance de l’existence d’un recours juridique ne répond pas non plus à la norme de circonstances exceptionnelles ou inusitées ».
[33] Je suis très compatissant à l’égard des problèmes médicaux de M. Cayen ainsi que des autres circonstances personnelles qu’il a décrites dans ses arguments, et je lui souhaite tout le meilleur pour son rétablissement. Toutefois, je dois quand même rejeter sa plainte parce qu’elle est hors délai.
[34] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
V. Ordonnance
[35] La plainte est rejetée.
Le 17 janvier 2025.
Traduction de la CRTESPF
Christopher Rootham,
une formation de la Commission des relations de
travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral