Date: 20241120
Dossier: 566-34-14369
Référence: 2024 CRTESPF 160
relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral et
Loi sur les relations de travail
dans le secteur public fédéral
|
Entre
Ann-Rose Adams
fonctionnaire s’estimant lésée
et
Agence du revenu du Canada
employeur
Adams c. Agence du revenu du Canada
Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage
Devant : Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Elle-même
Pour l’employeur : Elizabeth Matheson, avocate
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 17 avril, le 23 février et le 2 mai 2024.
(Traduction de la CRTESPF)
MOTIFS DE DÉCISION |
(TRADUCTION DE LA CRTESPF) |
I. Résumé
[1] Ann-Rose Adams, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») est une employée à la retraite de l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou ARC) qui a commencé sa carrière en 1981. Elle a déposé un grief à l’égard d’une suspension d’un jour sans solde pour insubordination survenue en août 2015. L’employeur a allégué qu’elle avait défié une directive répétée qui lui avait été donnée verbalement, puis par écrit, de travailler uniquement sur l’arriéré de ses dossiers de l’ARC. Il a également allégué que, lorsqu’elle a été confrontée à ce manquement à suivre la directive, elle avait parlé à son superviseur de façon irrespectueuse en le traitant de dictateur.
[2] La fonctionnaire a fourni des centaines de pages de documents et de longs arguments écrits qui n’avaient en grande partie aucun lien avec la présente question devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission », qui, dans la présente décision, renvoie également aux prédécesseurs de la Commission actuelle).
[3] Les arguments de la fonctionnaire visaient à prouver que ses évaluations du rendement antérieures, qui mentionnaient des lacunes dans son travail, étaient injustes, qu’un plan d’amélioration du rendement qu’elle suivait au moment des incidents en cause était injuste et, enfin, que son superviseur l’avait traitée injustement. Ainsi, elle justifie implicitement les commentaires irrespectueux qu’elle a adressés à son gestionnaire et qui n’ont pas été contestés.
[4] Pour les motifs exposés dans la présente décision, je ne trouve aucune erreur dans la conclusion de l’employeur selon laquelle la fonctionnaire a fait preuve d’insubordination lorsqu’elle n’a pas suivi des directives claires et qu’elle a parlé à son superviseur de façon irrespectueuse. Par conséquent, je conclus que la suspension d’un jour sans solde n’était pas excessive dans les circonstances.
[5] Le grief est rejeté.
II. Preuve
[6] La fonctionnaire était une agente des non-déclarants/non-inscrits SP-04 à la Division des non-déclarants de l’ARC à tous les moments pertinents. Du 4 mai 2015 au 1er mai 2016, son chef d’équipe était Les Durant, et son gestionnaire était Ivan Isop.
[7] Le 13 janvier 2016, la fonctionnaire a rencontré M. Durant dans son bureau, et il l’a informée qu’elle avait 82 comptes avec des rappels en retard (les « BF »). Il l’a également informée que 85 de ses comptes dataient de plus de 120 jours et lui a demandé si elle préparait des résumés pour eux.
[8] Le 14 janvier 2016, la fonctionnaire a de nouveau rencontré M. Durant, et il lui a dit de passer tout le lundi 18 janvier à faire les BF de ses dossiers. Elle était d’accord. Le 15 janvier, il a envoyé un courriel dans lequel il déclarait ceci : [traduction] « Vous passerez lundi matin à faire les BF de vos comptes […] vous pourrez facilement faire les BF de tous vos comptes en une journée de 9 heures. » Il a examiné sa liste de comptes le 19 janvier et a constaté qu’elle avait travaillé sur environ 15 comptes.
[9] La fonctionnaire, son représentant syndical et M. Durant se sont rencontrés le 20 janvier. Au cours de la réunion, M. Durant a demandé à la fonctionnaire pourquoi elle n’avait pas fait les BF de tous ses comptes. Il a déclaré qu’une journée entière de travail aurait dû être suffisante pour les faire. Elle lui a dit qu’elle avait eu une réunion de 2,5 heures et que sa journée avait été interrompue par des appels téléphoniques. Lorsqu’on lui a demandé combien de temps elle avait passé au téléphone, elle n’a pas été en mesure de fournir une estimation.
[10] M. Durant lui a demandé de passer le reste de la journée à faire les BF de ses comptes. Il a ajouté qu’il devrait rester suffisamment de temps dans la journée pour couvrir la plupart sinon la totalité de ses comptes. Il lui a dit de laisser son téléphone passer à la messagerie vocale. Il a revu ses instructions avec elle et elle a confirmé qu’elle les avait comprises. M. Durant lui a envoyé un courriel le 20 janvier, lui disant ce qui suit : [traduction] « Vous devez passer le reste de la journée à refaire les BF de vos comptes », et il lui a dit de demander de l’aide si elle ne pouvait pas terminer la tâche ce jour-là.
[11] M. Durant a imprimé et examiné la liste de BF de la fonctionnaire le lendemain. Il a constaté qu’elle n’avait pas terminé tous ses BF, seulement moins de la moitié d’entre eux. Il s’est ensuite rendu à son bureau et a constaté qu’elle travaillait à la saisie d’informations relatives à un compte. Elle a ensuite confirmé qu’elle inscrivait des renseignements sur l’un de ses comptes. Il lui a dit qu’elle devait faire les BF de ses comptes. Elle a répondu qu’elle entrait l’information parce qu’elle partait en vacances le lendemain et qu’elle ne voulait pas oublier.
[12] Il lui a dit qu’elle ne suivait pas les instructions, car il lui avait demandé de ne rien faire d’autre que les BF de ses comptes jusqu’à ce que cette tâche soit terminée. Elle a répondu qu’elle le ferait une fois qu’elle aurait fini d’entrer les renseignements sur le compte sur lequel elle travaillait. M. Durant lui a alors dit qu’elle devait venir le chercher lorsqu’elle aurait terminé et qu’il s’assoirait avec elle pendant qu’elle effectuerait les BF de ses comptes.
[13] M. Durant est retourné plus tard au bureau de la fonctionnaire et lui a demandé si elle avait fini d’entrer les renseignements dans le compte. Elle a répondu qu’elle avait terminé. Il lui a alors demandé de faire les BF de ses comptes et lui a demandé pourquoi elle ne l’avait pas appelé comme il lui avait été demandé de le faire.
[14] La fonctionnaire a répondu qu’elle était allée voir « CP » au sujet de son travail. Elle a alors élevé la voix et lui a dit qu’il était un dictateur et qu’il la harcelait.
[15] Elle a ajouté qu’elle voulait que le harcèlement cesse. M. Durant lui a dit qu’il lui avait conseillé de suivre les instructions figurant dans son plan d’amélioration du rendement et qu’il discuterait de son omission avec son gestionnaire, M. Isop. La fonctionnaire a reçu une suspension d’un jour pour insubordination le 22 mars 2016.
[16] Les quelques parties de l’énoncé des faits écrit, qui sont pertinentes au présent grief et qui ont été présentées par la fonctionnaire, comprennent son affirmation selon laquelle elle a juré avoir terminé le travail que l’employeur alléguait ne pas avoir été terminé. Elle a déclaré qu’elle avait apporté les deux modifications mineures nécessaires dans le document en question et qu’elle l’avait sauvegardé. Ses modifications ne sont toutefois pas apparues dans la version sauvegardée.
[17] Elle a déclaré avoir appelé deux personnes et demandé que le dossier soit déverrouillé afin qu’elle puisse refaire les changements. Elle a déclaré avoir dit à un gestionnaire qu’elle avait terminé le travail qu’on lui avait demandé de faire, mais que la conversation s’était enflammée, et elle a prétendu qu’on la harcelait.
[18] Le matin de l’incident allégué d’injures, la fonctionnaire a déclaré que son superviseur lui avait offert de s’asseoir à son bureau pendant qu’elle travaillait, mais qu’elle ne l’avait pas appelé. Il s’est ensuite rendu à son bureau plus tard dans la matinée et lui a demandé pourquoi elle ne l’avait pas appelé. S’ensuivit une discussion animée, au cours de laquelle elle a déclaré qu’il la harcelait.
III. Arguments de l’employeur
[19] Le présent grief porte sur la question de savoir si le fait de ne pas travailler exclusivement sur une tâche précise après avoir reçu l’ordre de le faire et de parler irrespectueusement à un superviseur constitue de l’insubordination. La fonctionnaire a non seulement omis de faire le travail qu’on lui avait ordonné de faire, mais elle a aussi qualifié son chef d’équipe de [traduction] « dictateur » lorsqu’il a assuré le suivi de ses progrès. Une suspension d’un jour était justifiée dans les circonstances, car non seulement elle a fait preuve d’insubordination, mais elle a également réagi irrespectueusement lorsque son chef d’équipe a tenté de résoudre la situation.
[20] L’employeur a soutenu que le critère d’insubordination est satisfait lorsque 1) l’employé reçoit un ordre, 2) l’ordre a été clairement donné à l’employé par une personne autorisée à le donner, et 3) l’employé a refusé de se conformer à l’ordre. L’essence de l’insubordination est une remise en question de l’autorité, qui peut prendre la forme d’un comportement qui témoigne d’une attitude méprisante ou d’un mépris de l’autorité.
[21] Dans le cas présent, le chef d’équipe de la fonctionnaire lui a dit de faire ses BF le lundi 18 janvier, et elle ne devait pas travailler sur autre chose ce jour-là. Il s’agissait d’un ordre clair d’accomplir une tâche précise qui lui a été donné verbalement et qui a fait l’objet d’un suivi par écrit. Cela a satisfait au premier volet du critère. Lorsque M. Durant a fait un suivi par écrit, il a expliqué qu’il croyait qu’elle serait en mesure de faire les BF de tous ses comptes en une seule journée. Ce faisant, il a clarifié l’ordre en précisant non seulement qu’elle devait faire les BF de ses comptes exclusivement, mais aussi qu’il s’attendait à ce que le travail soit terminé avant qu’elle ne passe à une autre tâche. De plus, elle avait accepté. Son accord de terminer la tâche démontre qu’elle avait compris la directive. Cela satisfait au deuxième volet du critère, car l’ordre était clair, a été expliqué plus en détail et a été donné par son chef d’équipe.
[22] Lorsque M. Durant a vérifié les progrès de la fonctionnaire le 19 janvier, elle n’avait pas terminé le travail assigné. Lorsqu’il lui a demandé pourquoi elle n’avait pas terminé le travail le 20 janvier, elle l’a informé qu’elle avait passé une partie de sa journée à faire des appels, mais elle n’a pas été en mesure de fournir une estimation du temps qu’elle avait passé à les faire. Le fait qu’elle ait passé du temps à faire des appels téléphoniques alors qu’on lui avait demandé de travailler sur ses BF pendant toute la journée démontre qu’elle n’a pas suivi les directives claires qui lui avaient été données. Cela satisfait au troisième volet du critère, car elle n’a pas respecté un aspect clé de l’ordre : travailler exclusivement sur ses BF.
[23] M. Durant a ensuite donné la même directive pour le reste de la journée du 20 janvier, à savoir d’utiliser le reste de la journée pour travailler sur les BF et laisser les appels passer à la boîte vocale. Lorsque le travail n’a pas été terminé le lendemain, il a vérifié la situation de la fonctionnaire et a constaté qu’elle faisait un travail autre que la tâche assignée. Lorsqu’il lui a demandé pourquoi elle ne travaillait pas sur ses BF, elle a répondu qu’elle le ferait après avoir fini d’entrer les informations dans le compte sur lequel elle travaillait.
[24] Encore une fois, il s’agissait d’un manquement à une directive claire donnée par une personne ayant le pouvoir de donner des ordres. De plus, sa réponse a démontré qu’elle comprenait l’ordre, mais qu’elle avait décidé de remplacer la tâche assignée par une autre.
[25] L’employeur a fait valoir que lorsque les superviseurs donnent des instructions claires à leurs employés, ils sont en droit de s’attendre à ce que leurs instructions soient suivies. Dans Bétournay c. Agence du revenu du Canada, 2012 CRTFP 128, la Commission a conclu qu’une employée avait fait preuve d’insubordination lorsqu’elle avait omis de remplir ses feuilles de temps après qu’on lui eut demandé à plusieurs reprises de le faire, tant verbalement que par écrit.
[26] Bien que la fonctionnaire dans la présente affaire n’ait pas explicitement dit qu’elle refusait, on lui a dit de travailler exclusivement sur ses BF verbalement les 14 et 18 janvier et par écrit les 15 et 20 janvier. Le fait de faire un autre travail alors qu’on lui avait dit de travailler exclusivement sur ses BF constituait toujours un refus de se conformer à l’ordre, quoique par une méthode de communication moins directe. Son commentaire du 21 janvier selon lequel elle travaillerait sur ses BF après avoir entré les renseignements du compte, et sa justification selon laquelle elle les entrait parce qu’elle était en vacances le lendemain, démontrent qu’elle a choisi de ne pas se conformer à l’ordre.
[27] Une fois la faute de conduite établie, la Commission ne peut pas intervenir, à moins que la mesure disciplinaire choisie ne soit disproportionnée par rapport à la faute de conduite. La Commission doit répondre à ces trois questions pour déterminer si son intervention est appropriée :
1) L’employeur a-t-il prouvé une faute de conduite justifiant l’imposition d’une mesure disciplinaire?
2) Dans l’affirmative, la mesure disciplinaire imposée était-elle excessive dans les circonstances?
3) Dans l’affirmative, par quelle mesure disciplinaire devrait-on la remplacer?
[28] En outre, la Commission a par le passé souligné qu’en tant que principe directeur, elle « […] devrait hésiter à intervenir et risquer d’usurper le rôle de la direction en déterminant le moyen efficace d’imposer des mesures correctives afin de prévenir la répétition du comportement inacceptable » (voir Yuan c. Agence du revenu du Canada, 2021 CRTESPF 113, au par. 56).
[29] Dans Byfield c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 119, la Commission a maintenu une suspension d’un jour pour un fonctionnaire s’estimant lésé qui n’avait pas assisté à quatre réunions. Dans ce cas, les refus répétés ont tous eu lieu en peu de temps, le fonctionnaire s’estimant lésé avait utilisé un ton irrespectueux avec son superviseur, et rien n’indiquait qu’il y avait une tendance de longue date en matière de problèmes de comportement. Les trois circonstances sont les mêmes dans le présent grief.
[30] Dans Byfield, la Commission a conclu que la suspension d’un jour ne devrait pas être réduite à un avertissement écrit, puisque le fonctionnaire s’estimant lésé avait déjà reçu des avertissements écrits selon lesquels ses actions pouvaient entraîner des conséquences disciplinaires et avait choisi de les ignorer.
[31] Bien que la fonctionnaire dans la présente affaire n’ait pas été avertie que si elle omettait de travailler exclusivement sur sa liste de BF, des mesures disciplinaires pourraient s’ensuivre, on lui a dit à plusieurs reprises de le faire et elle ne l’a pas fait, et sa réaction au rappel a été irrespectueuse. Étant donné qu’elle a choisi de ne pas tenir compte des ordres et qu’elle a réagi de façon hostile aux rappels, il y a peu de raisons de croire qu’une réprimande écrite serait traitée différemment; par conséquent, une suspension d’un jour était justifiée dans les circonstances.
[32] Dans sa réfutation, l’employeur a répondu à l’allégation de discrimination fondée sur l’âge de la fonctionnaire et a fait remarquer qu’il s’agissait de la première mention d’une telle préoccupation.
IV. Arguments de la fonctionnaire
[33] La fonctionnaire a commencé ses arguments écrits en déclarant ce qui suit : [traduction] « Cette mesure disciplinaire découle de l’évaluation du rendement pour les périodes […] et comprend cette évaluation ». Elle a énuméré trois périodes annuelles commençant en septembre 2012. Ses arguments comprenaient des souvenirs de mentions élogieuses qu’elle a reçues de clients et de superviseurs au fil des ans, y compris une mention qui mentionnait [traduction] « un gros travail bien fait », après qu’un client ait laissé une note la félicitant, et qu’elle ait également terminé un grand volume de dossiers en peu de temps.
[34] Elle a poursuivi en écrivant ce qui suit :
[Traduction]
Malgré ce qui est écrit dans le premier paragraphe du rapport d’enquête du 2 février 2016, il y a plusieurs courriels et documents dont l’examen montre que l’employeur a fait preuve de malveillance, de tromperie, de discrimination, d’abus de pouvoir et de mauvaise foi dans le traitement qu’il m’a réservé, dans son évaluation de mon rendement au travail, en me soumettant à un plan d’amélioration du rendement et en me suspendant pour une journée.
[…]
[35] Un courriel de l’employeur (daté du 2 février 2012) inclus dans les documents de la fonctionnaire contient la déclaration suivante : [traduction] « J’ai examiné un échantillon aléatoire des comptes attribués à Ann-Rose. C’est un désastre. Sur un compte qu’elle détient depuis plus de 1000 jours, aucun avis de TX n’a même été émis. Ce n’est pas un cas isolé. »
[36] De nombreuses autres pages d’allégations de la fonctionnaire ont suivi, chacune citant des dizaines et des dizaines de pages de documents issus d’une demande d’accès à l’information pour appuyer son allégation selon laquelle elle a été injustement critiquée dans l’évaluation du rendement susmentionnée. Elle a également fait remarquer que l’employeur l’accusait d’avoir des problèmes de rendement au travail liés à l’âge et a déclaré que cette partie du harcèlement allégué qu’elle avait subi était discriminatoire. Un courriel de l’employeur inclus dans son recueil de documents en deux volumes indique ce qui suit, soit qu’on espérait qu’elle prendrait bientôt sa retraite :
[Traduction]
[…]
L’employeur a appliqué des normes différentes dans ses évaluations et sa cotation de mon rendement professionnel par rapport aux autres employés de la région non-déclarante d’Edmonton.
L’employeur a fait de fausses déclarations sur le nombre de dossiers de type Revenu sur lesquels j’ai travaillé ou qui figuraient dans mon inventaire.
L’employeur m’a évalué sur la base de politiques qui ne m’ont pas été fournies […]
[…]
L’employeur a délibérément fait une fausse déclaration selon laquelle les copies de la politique liées à la demande de renseignements du 17 décembre 2014 m’ont été remises par la direction alors que ce n’était pas le cas.
[…]
L’employeur m’a induit en erreur en me faisant croire que la rencontre avec l’agent de règlement des différends le 25 septembre 2015 était un véritable processus, alors qu’il ne s’agissait qu’une manœuvre visant à atteindre les objectifs malveillants de l’employeur.
L’employeur a conspiré pour m’attribuer des choses qui étaient fausses.
[…]
L’employeur a évalué mon rendement comme suit : Ne satisfait pas aux exigences et, à l’exception des réunions des 13, 14, 20 et 21 janvier 2016, l’employeur ne m’a pas fait participer à la création du Plan d’action.
[…]
[37] En conclusion, la fonctionnaire a soutenu que les actions de l’employeur étaient un subterfuge et un camouflage, qu’elle n’avait pas fait preuve d’insubordination, qu’elle n’avait pas désobéi à un ordre et que son travail n’était pas inférieur à la norme.
V. Motifs
[38] L’employeur avait le fardeau de la preuve dans la présente affaire pour établir, selon la prépondérance des probabilités, que la décision d’imposer une suspension sans solde d’une journée à la fonctionnaire était juste, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes.
[39] J’ai noté ce qui suit dans Yuan, aux paragraphes 28 à 30 :
[28] La jurisprudence de la Commission en matière de mesures disciplinaires est bien établie et remonte à Wm. Scott & Company Ltd. c. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P-162, [1976] B.C.L.R.B.D. No. 98 (QL) (« Scott »).
[29] J’ai résumé cette jurisprudence en ces termes dans la décision que j’ai rendue dans Braich c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTESPF 47 :
15 Pour décider s’il y avait un motif de licenciement juste et raisonnable, la Commission cite souvent […] Scott […]. Selon Scott, pour qu’un licenciement soit considéré comme étant juste, l’employeur doit d’abord se demander si l’employé lui a fourni un motif juste et raisonnable d’imposer une mesure disciplinaire quelconque. En deuxième lieu, l’employeur doit établir si la décision de licencier l’employé était une réaction excessive au vu des circonstances. En troisième lieu, si l’arbitre de grief estime que le licenciement était une mesure excessive, il ou elle doit décider quelles mesures justes et équitables doivent y être substituées (voir Scott, au paragraphe 13).
16 En ce qui concerne les deux premiers volets, Scott évalue la gravité de l’infraction, détermine si elle était préméditée ou spontanée, si l’employé avait de bons états de service de longue date, si une mesure disciplinaire progressive avait été mise à l’essai et, en dernier lieu, si le licenciement était conforme aux politiques établies de l’employeur ou si l’employé a été traité différemment en raison d’une sanction très sévère (voir le paragraphe 14).
[30] Récemment, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »; il est à noter que le terme « Commission » désigne la Commission actuelle et l’un ou l’autre de ses prédécesseurs dans la présente décision) a examiné la jurisprudence dans le domaine de l’insubordination. Les principaux aspects du droit dans ce domaine sont bien saisis dans Kenny c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2021 CRTESPF 91, qui indique ce qui suit :
[234] En tant que règle générale, afin d’établir qu’un employé a commis un acte d’insubordination, l’employeur doit établir les trois éléments suivants (voir Mitchnick et Etherington, Labour Arbitration in Canada, à la page 351) :
1) un ordre clair, que l’employé comprenait, a été donné;
2) une personne en situation d’autorité a donné l’ordre;
3) l’employé a désobéi à l’ordre.
[…]
[40] Dans la preuve, il n’est pas contesté que la fonctionnaire a reçu des directives verbales et écrites claires de son superviseur et que, finalement, ces directives n’ont pas été suivies. Elle a donné une longue explication sur sa façon de faire les choses et de parler à d’autres superviseurs pour obtenir de l’aide, mais elle n’a pas contesté l’essence de ce que son superviseur lui avait demandé de faire ou le fait que ces directives n’ont pas été suivies.
[41] La fonctionnaire n’a pas contesté son utilisation du mot [traduction] « dictateur » comme terme descriptif pour dire à son superviseur ce qu’elle pensait de son style de gestion. Elle ne l’a pas contesté, mais a plutôt fourni une très longue description des raisons pour lesquelles elle était justifiée.
[42] Appeler un superviseur par un tel nom est irrespectueux. Je note le passage suivant de Yuan sur l’exigence que tous les membres de la fonction publique soient traités et traitent les autres avec respect :
[…]
[32] La Commission s’est aussi penchée sur la question importante du respect exigé par les codes de conduite en place dans l’ensemble de la fonction publique fédérale et elle a affirmé ce qui suit dans Charinos c. Administrateur général (Statistique Canada), 2016 CRTEFP 74 :
[…]
119 Selon le code de conduite, les employés sont tenus de démontrer du respect envers tout le monde et de s’abstenir d’exprimer leur opinion personnelle ou de faire des commentaires à l’endroit de l’organisation, de son personnel, ou du gouvernement fédéral (pièce 1, onglet 33). De toute évidence, les éléments de preuve produits par le défendeur et le fonctionnaire ont établi qu’il ne s’était pas acquitté de cette obligation. Le manque de respect qu’il a affiché par écrit et lors de sa description de ses collègues est irréfutable. De plus, son comportement constituait clairement un manquement aux comportements attendus qui sont énumérés dans le Code de valeurs et d’éthique du secteur public (pièce 1, onglet 34), en particulier traiter chaque personne avec respect et équité, et travailler ensemble dans un esprit d’ouverture, d’honnêteté et de transparence qui favorise l’engagement, la collaboration et la communication respectueuse […]
[…]
[43] Bien que l’employeur ait reconnu avoir une politique de mesures disciplinaires progressives, il a soutenu que les faits dans le présent cas, y compris l’omission répétée de la fonctionnaire de suivre une directive et son renvoi irrespectueux à son superviseur, justifiaient la suspension d’une journée.
[44] L’employeur a fait remarquer que dans Bétournay, la Commission a conclu qu’une employée avait fait preuve d’insubordination lorsqu’elle avait omis de remplir ses feuilles de temps après qu’on lui eut demandé à plusieurs reprises de le faire, tant verbalement que par écrit :
[…]
37 L’employeur a respecté le principe de la gradation des sanctions en imposant successivement une lettre de réprimande, puis des suspensions d’un jour, de trois jours et de cinq jours. Qui plus est, compte tenu que l’insubordination est une faute sérieuse, particulièrement lorsqu’elle est répétée et persiste même après une première mesure disciplinaire, les suspensions imposées ne sont pas déraisonnables en raison de la gravité des fautes commises.
[…]
[45] Dans Mohan c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2005 CRTFP 172, la Commission a conclu qu’un fonctionnaire s’estimant lésé qui qualifiait son chef d’équipe de « stupide » ou qu’il avait agi avec « stupidité » équivalait à de l’insubordination. Elle a déterminé qu’une réprimande écrite était méritée plutôt qu’une suspension d’un jour, en déclarant ce qui suit :
[…]
[97] On a aussi allégué que le fonctionnaire s’estimant lésé avait qualifié son supérieur de « stupide » ou dit qu’il avait agi avec « stupidité ». Il n’y a aucun autre témoin de cette remarque que M. Iannuzzi et le fonctionnaire s’estimant lésé lui-même. À mon avis, il n’est pas vraisemblable que M. Iannuzzi ait inventé cela. La remarque était compatible avec la teneur générale de la conversation que les deux hommes avaient eue à cette occasion ainsi qu’avec l’opinion exprimée par le fonctionnaire s’estimant lésé lorsqu’il a dit être disposé à apporter à la lettre les changements qu’il jugeait « raisonnables ». Conformément au principe de la prépondérance des probabilités, je conclus que la chose a probablement été dite. Il n’est jamais acceptable d’insulter quelqu’un dans le milieu de travail, et quand c’est un superviseur qu’on insulte, on peut être taxé d’insubordination. À mon avis, cette remarque constituait de l’insubordination de la part du fonctionnaire s’estimant lésé.
[…]
[46] Selon la preuve, la fonctionnaire a fait preuve d’insubordination lorsqu’elle a qualifié son superviseur de [traduction] « dictateur » et qu’elle a omis à plusieurs reprises de suivre les instructions de son employeur.
[47] La fonctionnaire soutient qu’elle n’a rien fait de mal et ne méritait aucune mesure corrective, même pour avoir qualifié son superviseur de dictateur. Elle a dit que si la Commission jugeait certains aspects de ses actes comme étant injustifiés, elle recommanderait de lui donner une réprimande écrite.
[48] Bien qu’en théorie, l’approche de la mesure disciplinaire progressive à l’égard des mesures correctives laisse entendre qu’une réprimande orale ou écrite aurait pu suffire dans le présent cas, compte tenu de l’absence apparente de mesures disciplinaires antérieures, je note que de telles mesures ne sont pas obligatoires et qu’un employeur a le droit de prendre directement des mesures correctives plus substantielles si les circonstances pertinentes le justifient.
[49] Dans le présent cas, j’accepte le fait que l’employeur ait averti à plusieurs reprises, verbalement et par écrit, que les dossiers en retard de la fonctionnaire devaient être rectifiés et qu’il lui ait demandé à plusieurs reprises, le jour en question, de travailler uniquement sur ces tâches. De plus, elle a ignoré ces directives et a travaillé sur d’autres dossiers.
[50] Comme l’employeur l’a soutenu, et contrairement à ce qui s’est passé dans Mohan, où la Commission est intervenue pour réduire une suspension d’un jour à une réprimande écrite, décision à laquelle je ne suis pas lié et avec laquelle je ne suis pas d’accord, j’ai déjà constaté et je souligne à nouveau qu’à titre de principe directeur, la Commission « […] devrait hésiter à intervenir et risquer d’usurper le rôle de la direction en déterminant le moyen efficace d’imposer des mesures correctives afin de prévenir la répétition du comportement inacceptable » (voir Yuan, au par. 56).
[51] Les allégations de la fonctionnaire selon lesquelles elle aurait fait l’objet d’évaluations du rendement injustes, de plans de gestion du rendement injustes et, enfin, de harcèlement de la part de son superviseur n’ont pas été présentées à la Commission dans la présente affaire et, de toute façon, elles ne justifient pas qu’elle ait manqué de respect.
[52] L’employeur s’est opposé à ce que la fonctionnaire présente une allégation de discrimination fondée sur l’âge au motif qu’elle avait été présentée pour la première fois à l’audience de la Commission sur cette question au moyen d’arguments écrits.
[53] Mon examen du dossier montre que la fonctionnaire n’a pas allégué de discrimination dans son formulaire de grief initial ni dans le renvoi de celui-ci à la Commission. Je n’ai aucune preuve devant moi qui laisse entendre que cette question a été soulevée dans les arguments qu’elle a présentés à l’employeur.
[54] Je suis d’accord avec l’employeur, une telle allégation de discrimination est exclue parce qu’il s’agit d’un changement substantiel à la nature du grief (voir Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.)).
[55] Pour ces motifs, je conclus que les actions de la fonctionnaire méritaient une mesure disciplinaire et que la suspension d’un jour sans solde n’était pas excessive, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes.
[56] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
VI. Ordonnance
[57] Le grief est rejeté.
Le 20 novembre 2024.
Traduction de la CRTESPF
Bryan R. Gray,
une formation de la Commission
des relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral