Date:  20241122
      
Dossier:  561-03-42211
       
 Référence:  2024 CRTESPF 162
       
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            relations de travail et de l’emploi
           dans le secteur public fédéral et
           Loi sur les relations de travail
             dans le secteur public fédéral
           | 
Entre
      
      
Louis-Arthur Langlois
       
plaignant
      
      
et
      
      
Institut professionnel de la fonction publique du Canada
       
       
Langlois c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada
       
Devant : Pierre Marc Champagne, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
      
Pour le plaignant : Sidrah Usmani, avocate
      
Pour le défendeur : Fiona Campbell, conseillère juridique
      
       
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
 déposés les 20 octobre et 19 novembre 2020, le 22 décembre 2023
 et les 12 et 30 janvier 2024.
      
(Traduction de la CRTESPF)
      
| MOTIFS DE DÉCISION | (TRADUCTION DE LA CRTESPF) | 
I. Plainte devant la Commission
    [1] Le 20 octobre 2020, Louis-Arthur Langlois (le « plaignant ») a déposé la présente plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Il allègue que l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le « défendeur ») a manqué à son devoir de représentation équitable énoncé à l’article 187 de la Loi lorsqu’il aurait ignoré sa demande de déposer un grief. 
       
[2] Certains documents joints au formulaire de plainte initial, ainsi que d’autres arguments, laissent également entendre que le défendeur n’a pas représenté pleinement les intérêts du plaignant lors d’une audience qui a eu lieu en 2018, à la suite de laquelle il prétend avoir été contraint d’accepter un règlement.
       
[3] Le défendeur nie ces allégations et demande à la Commission de rejeter sommairement la plainte, car elle est hors délai ou, sinon, ne démontrerait pas l’existence d’une cause défendable de violation de l’article 187 de la Loi. 
       
[4] L’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) permet à la Commission de trancher toute question dont elle est saisie sans tenir d’audience (voir Walcott c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2024 CAF 68, au par. 4). Comme les parties ont eu l’occasion de déposer des arguments supplémentaires, je suis convaincu qu’il est possible de statuer sur la demande préliminaire du défendeur sur la base des documents au dossier ainsi que des arguments écrits des parties.
       
[5] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la plainte est hors délai. 
      
II. Résumé des faits 
       
    [6] Le plaignant a été employé par la Commission canadienne de sûreté nucléaire (l’« employeur ») de 2006 jusqu’à son licenciement en 2015. Avant d’être licencié, il a été mis au courant d’un incident qui aurait eu lieu en 2009 dans l’une des centrales nucléaires de l’employeur. 
        
[7] Le plaignant estimait qu’étant donné qu’il travaillait au moment de l’incident allégué, il n’aurait pas dû découvrir son existence des années plus tard, puisque l’employeur avait l’obligation légale de distribuer un rapport conformément à certains règlements applicables dans de telles circonstances.
        
[8] Avant et après le licenciement du plaignant en 2015, le défendeur a déposé différents griefs en son nom et a fourni son soutien et sa représentation. Ces griefs ont finalement été renvoyés à la Commission pour arbitrage, et une audience a eu lieu en février et en avril 2018.
        
[9] Après ces dates d’audience, un processus de médiation a été amorcé en août 2018, et les parties ont conclu une entente de règlement (l’« entente de 2018 »), à la suite de laquelle le défendeur a retiré les griefs, en décembre 2018.
        
[10] En décembre 2019, le plaignant a découvert de soi-disant [traduction] « nouveaux renseignements » concernant ce qu’il considérait comme des actes répréhensibles supplémentaires de la part de l’employeur. Il estimait qu’ils n’étaient pas couverts par les termes de l’entente de 2018. Par conséquent, il a demandé au défendeur de déposer un nouveau grief fondé sur les renseignements qu’il avait découverts, mais celui-ci a rejeté sa demande en janvier 2020, car il croyait que les nouveaux renseignements étaient bel et bien visés par l’entente de 2018.
        
[11] Le plaignant a compris qu’il devait établir un fondement factuel pour démontrer que le défendeur avait tort et qu’un nouveau grief pouvait ou devait être déposé. Il a retenu les services d’un avocat pour l’aider à établir les faits et a présenté plusieurs demandes à l’employeur en vertu de certaines lois sur l’accès à l’information (« demandes d’accès à l’information »).
        
[12] De début mars au 26 août 2020, l’employeur a communiqué avec l’avocat du plaignant et a fourni des renseignements en réponse aux demandes d’accès à l’information. Entre-temps, soit les 6 et 7 juillet 2020, son avocat a écrit au défendeur pour lui faire part de son incapacité à représenter adéquatement le plaignant avant, pendant et après l’audience de 2018 et pendant les discussions qui ont mené à l’entente de 2018. L’avocat a également souligné que le défendeur avait ignoré plusieurs demandes de réunion que le plaignant avait présentées plus tôt en 2020 et qu’il avait donc réitéré la demande de réunion pour discuter d’un grief qu’il souhaitait déposer contre l’employeur. 
        
[13] Le 9 juillet 2020, l’avocat du défendeur a informé l’avocat du plaignant qu’il n’examinerait aucun autre grief ou plainte en son nom. Le 20 octobre 2020, l’avocat du plaignant a envoyé un dernier courriel au défendeur pour donner suite à sa demande du 7 juillet 2020. Le même jour, et sans attendre la réponse du défendeur, l’avocat a déposé la présente plainte auprès de la Commission. 
       
III. Résumé de l’argumentation 
       
    A. Pour le plaignant 
       
    [14] Le plaignant soutient que ses intérêts n’ont pas été adéquatement représentés dans les négociations qui ont mené à l’entente de 2018. Ce règlement a été conclu sur la base des faits dont il était au courant à l’époque. Il laisse maintenant entendre que l’employeur a exercé des pressions sur le défendeur dans ses efforts de dissimuler l’incident allégué qui s’est produit en 2009.
        
[15] Le plaignant est d’avis que le défendeur a délibérément fait obstacle à son accès à l’information nécessaire et qu’il s’est ainsi assuré qu’il ne pouvait pas découvrir de preuves qui auraient corroboré ses allégations contre l’employeur. Lorsqu’il a pris connaissance d’un nouveau rapport en décembre 2019, il a immédiatement communiqué avec le défendeur pour déposer un nouveau grief. 
        
[16] Cependant, le défendeur a omis à plusieurs reprises de déposer le grief, ce qui l’a donc privé de la possibilité d’utiliser [traduction] « les pouvoirs correctifs » d’un grief supplémentaire comme moyen de remédier aux actes répréhensibles graves de l’employeur. Il a été forcé de prendre sa retraite plus tôt que prévu. 
        
[17] Bien que le plaignant indique clairement dans ses arguments que, le 9 juillet 2020, il a découvert que le défendeur ne déposerait pas un nouveau grief, il continue de soutenir que sa plainte a été déposée en temps opportun, puisque [traduction] « le délai a commencé à s’écouler » seulement à partir du 25 août 2020, date à laquelle il a reçu le dernier élément de preuve à l’appui de sa demande de déposer un nouveau grief. Il laisse entendre qu’il s’agit de la date à laquelle il a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances qui ont donné lieu à sa plainte, ce qui respecterait donc le délai de 90 jours prescrit par le paragraphe 190(2) de la Loi.
        
[18] À titre subsidiaire, le plaignant soutient que l’alinéa 190(4)b) prévoit que la Commission a compétence pour faire des exceptions à la portée intégrale de l’article 190, y compris les délais pour déposer une plainte comme la présente. Par conséquent, la Commission devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour lui permettre d’aller de l’avant avec sa plainte. Il suggère également qu’un délai de 13 jours ne devrait pas justifier le rejet de son cas, compte tenu du préjudice injustifié que cela lui causerait.
        
[19] Quant au bien-fondé de sa plainte, le plaignant soutient que l’entente de 2018 devrait être annulée, car elle a été signée de façon inappropriée. Il prétend qu’il a subi des pressions de la part du défendeur et que certains renseignements lui ont été intentionnellement cachés. Il renvoie à Topping c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2014 CRTFP 74, pour appuyer sa position. 
        
[20] Le plaignant soutient également que la décision du défendeur de ne pas déposer un nouveau grief était arbitraire, car il n’a pas examiné adéquatement la portée du grief et les renseignements à l’appui qu’il possédait. Par conséquent, sa conduite serait comparable à celle de l’employeur dans Taylor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 35. 
        
[21] Enfin, il soutient que même si un agent négociateur jouit d’un large pouvoir discrétionnaire et d’une grande déférence lorsqu’il s’agit de décider s’il appuie ou non un des griefs de ses membres, lorsque le défendeur a pris la décision de ne pas déposer un nouveau grief, il n’a pas lu un document précis qu’il juge particulièrement important. Son défaut de le faire a rendu cette décision arbitraire et entachée de mauvaise foi. 
       
B. Pour le défendeur 
       
    [22] Le défendeur soutient qu’en vertu du paragraphe 190(2) de la Loi, une plainte doit être déposée auprès de la Commission au plus tard 90 jours après la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance de l’action ou des circonstances qui y ont donné lieu. La jurisprudence de la Commission a établi que ce délai est obligatoire et qu’il ne peut être prorogé que dans des circonstances très limitées et exceptionnelles.
        
[23] Les allégations concernant le défaut du défendeur de représenter équitablement le plaignant lors de la procédure de règlement des griefs qui a mené à une audience et à la signature de l’entente de 2018 ne sont clairement pas visées par la période obligatoire de 90 jours prescrite par le paragraphe 190(2). Le refus du défendeur de déposer un nouveau grief, que son avocat a communiqué le 9 juillet 2020, est également en dehors de la période de 90 jours. 
        
[24] Bien que le plaignant laisse entendre que le délai aurait dû commencer à s’écouler seulement à compter du 25 août 2020, il n’a pas allégué que les renseignements qu’il a reçus ce jour-là avaient été fournis ou communiqués au défendeur. Aucune allégation n’a été faite non plus concernant une communication entre le plaignant ou son avocat et le défendeur au sujet du dépôt d’un nouveau grief entre le 9 juillet 2020 et la date de la présente plainte. 
        
[25] Le courriel de l’avocat du plaignant que le défendeur a reçu le 20 octobre 2020, juste avant que la plainte ne soit déposée, ne faisait référence qu’au courriel de l’avocat du 7 juillet 2020. Le défendeur soutient que, dans Éthier c. Service correctionnel du Canada, 2010 CRTFP 7, le prédécesseur de la Commission a statué qu’un délai ne peut pas être prorogé par des tentatives subséquentes visant à faire modifier la décision d’un syndicat.
        
[26] Le défendeur soutient en outre que la suggestion du plaignant selon laquelle l’alinéa 190(4)b) de la Loi donnerait à la Commission le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai prescrit au paragraphe 190(2) est erronée. Ce pouvoir discrétionnaire ne s’applique qu’aux plaintes déposées en vertu de l’alinéa 188b) ou c) de la Loi, que la Commission a déjà reconnu dans Nash c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 64.
        
[27] En ce qui concerne le bien-fondé de la plainte, le défendeur soutient que les arguments du plaignant ne contiennent que des allégations ou des accusations très générales qui ne permettent pas à la Commission de conclure que l’article 187 de la Loi a été enfreint et ne précisent pas en quoi cette présumée conduite aurait été arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. 
        
[28] Le défendeur soutient également qu’il n’a pas ignoré la demande du plaignant de déposer un nouveau grief, mais plutôt qu’il a répondu rapidement et a rejeté une telle demande le 9 juillet 2020. Bien qu’il prétende que dans la lettre du 6 juillet 2020 son avocat a fourni de nouveaux renseignements au défendeur qui appuyaient le dépôt d’un nouveau grief, cela n’est pas exact. Le défendeur soutient que, notamment, il n’a toujours pas fourni d’information ou d’arguments cohérents à l’appui de sa suggestion selon laquelle il aurait été approprié de déposer un nouveau grief.
        
[29] Par conséquent, le défendeur est d’avis que rien dans la plainte, dans les arguments du plaignant ou dans les documents qu’il a fournis à la Commission ne permet de démontrer l’existence d’une cause défendable en vertu de l’article 187 de la Loi. 
       
C. La réfutation du plaignant 
       
    [30] Pour réfuter la référence du défendeur au fait qu’il n’a toujours pas fourni de renseignements à l’appui de sa demande de déposer un nouveau grief, le plaignant soutient qu’il n’a jamais demandé de tels renseignements. 
       
IV. Analyse 
      
    [31] La présente plainte a été déposée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi et est fondée sur des allégations selon lesquelles le défendeur a manqué à son devoir de représentation équitable en vertu de l’article 187. Comme le défendeur demande qu’elle soit rejetée sans tenir d’audience, une analyse serait normalement nécessaire pour déterminer si les allégations du plaignant, si elles sont considérées comme vraies, seraient suffisantes pour constituer une cause défendable selon laquelle le défendeur a agi d’une manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. 
      
[32] Toutefois, le défendeur soutient également que la plainte devrait être rejetée parce qu’elle n’a pas été déposée en temps opportun. Je vais d’abord répondre à cette objection.
      
[33] Tel que prescrit par le paragraphe 190(2) de la Loi, une plainte déposée en vertu de l’article 187 doit être déposée au plus tard 90 jours après que le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des actes ou des circonstances qui y ont donné lieu. Comme la présente plainte a été déposée devant la Commission le 20 octobre 2020, elle ne pouvait pas être fondée sur des allégations factuelles qui ont eu lieu avant le 22 juillet 2020 (voir Ennis c. Meunier-McKay, 2012 CRTFP 30, au par. 30; et Perron c. Syndicat des douanes et de l’immigration, 2013 CRTFP 13, au par. 23).
      
[34] Dans Beaulieu c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 100, la Commission a déclaré que le délai pouvait être prorogé dans des situations très exceptionnelles et limitées, lorsqu’elle est convaincue que le plaignant n’aurait pas pu prévoir ni contrôler la cause du retard. Dans le présent cas, le plaignant n’affirme pas qu’il existe de telles circonstances exceptionnelles. 
      
[35] Le plaignant soutient plutôt que l’alinéa 190(4)b) de la Loi permettrait également à la Commission de proroger le délai imposé par le paragraphe 190(2). Comme le défendeur l’a fait valoir à juste titre, la Commission a déjà statué dans certaines de ses décisions que les paragraphes 190(3) et (4), visés au paragraphe 190(2), ne s’appliquent pas à une plainte relative au devoir de représentation équitable déposée en vertu de l’article 187 (voir Nash, au par. 18; et Burns c. Unifor, section locale 2182, 2020 CRTESPF 119, aux par. 122 et 123).
      
[36] Les arguments du plaignant laissent aussi entendre, en termes vagues, que certaines des imperfections de sa plainte pourraient être excusées parce qu’il se représentait lui-même au moment où elle a été déposée. Comme l’indique Beaulieu, le manque de connaissance d’un recours juridique disponible ne répond pas à la norme d’une circonstance exceptionnelle ou inhabituelle. Quoi qu’il en soit, cette suggestion sans nuance est clairement contredite par le formulaire de plainte lui-même, qui est signé par l’avocat dont il a retenu les services en 2020 et qui était toujours impliqué dans son dossier le jour où la plainte a été déposée, comme le démontre un courriel envoyé au défendeur le même jour. 
      
[37] Comme il a été mentionné plus haut dans la présente décision, le plaignant affirme clairement ce qui suit dans ses arguments : [traduction] « Le ou vers le 9 juillet 2020, M. Langlois a découvert que l’IPFPC ne déposerait pas son troisième grief. Le 20 octobre 2020, M. Langlois a déposé sa plainte. » 
      
[38] Cette déclaration sans équivoque survient immédiatement après que le plaignant eut reconnu que, le même jour, l’avocat du défendeur avait informé son avocat qu’il n’examinerait plus aucun autre grief ou plainte en son nom.
      
[39] Cependant, ailleurs dans ses arguments, le plaignant soutient qu’en janvier 2020, le défendeur l’a avisé qu’il ne pouvait pas déposer de grief en son nom. Il mentionne également que, durant cette même période, l’avocat dont il a retenu services vers le 25 janvier 2020 a de nouveau demandé au défendeur de déposer un grief, sans succès. Enfin, le formulaire de plainte, que son avocat à l’époque a signé, indique que la date à laquelle il a eu connaissance de l’acte, de l’omission ou de la question ayant donné lieu à la plainte était le 20 octobre 2020, soit la date à laquelle la plainte a été déposée auprès de la Commission.
      
[40] À la lumière de ces arguments et des documents que le plaignant a soumis à l’appui de sa plainte, j’ai pu conclure qu’il savait ou aurait dû savoir dès janvier 2020 que le défendeur ne déposerait pas le grief qu’il voulait poursuivre. Toutefois, il laisse entendre qu’il a considéré ce refus comme une invitation à effectuer une recherche des faits, afin de justifier sa position et de convaincre le défendeur qu’il avait tort. 
      
[41] Quoi qu’il en soit, je ne vois pas comment le plaignant n’a pas pu voir le langage clair que l’avocat du défendeur a utilisé le 9 juillet 2020 comme un refus complet et définitif d’entreprendre toute autre action ou représentation en son nom relativement aux questions qu’il voulait que le défendeur examine. Je trouve important de reproduire comme suit le texte de cette communication, que l’avocat du plaignant a reçue à cette date et que, dans ses arguments, le plaignant reconnaît avoir reçu :
      
[Traduction]
[…]
Vos lettres des 6 et 7 juillet 2020 m’ont été transmises. Je vous prie de porter à mon attention toute autre correspondance à ce sujet.
Nous sommes d’avis que l’Institut s’est pleinement acquitté de son devoir de représentation équitable envers M. Langlois et que notre représentation en son nom a abouti à un règlement très favorable pour lui. L’entente de règlement intégrale et exécutoire demeure en vigueur et, à ce titre, l’Institut n’examinera aucun autre grief ou plainte au nom de M. Langlois.
[…]
[42] De plus, il est important de noter que les lettres de l’avocat du plaignant datées des 6 et 7 juillet 2020, auxquelles il est fait référence dans cette réponse, ont été jointes à titre de documents justificatifs au formulaire de plainte soumis à la Commission le 20 octobre 2020. Par conséquent, je conclus qu’il savait ou aurait dû savoir, le 9 juillet 2020, les actes ou les circonstances qui ont donné lieu à sa plainte. 
      
[43] La représentante actuelle du plaignant suggère que le « délai ne devrait commencer à s’écouler » qu’à compter du 25 août 2020, date à laquelle la dernière pièce de documentation a été reçue de l’employeur en réponse aux nombreuses demandes d’accès à l’information. Respectueusement, cette position est sans fondement.
      
[44] Le point de déclenchement du calcul du délai prescrit par le paragraphe 190(2) de la Loi est clair. Il commence lorsque le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances pertinentes de sa plainte, et non pas lorsqu’il a été satisfait de la documentation qu’il avait reçue et qui pourrait, selon lui, éventuellement étayer ses allégations.
      
[45] Le plaignant allègue que l’employeur a tenté à plusieurs reprises de retarder la divulgation de l’information et de bloquer l’accès à certains documents. Toutefois, ses arguments et les documents justificatifs indiquent qu’entre avril et août 2020, il a reçu de l’employeur de nombreuses réponses aux demandes d’accès à l’information. Bien qu’il semble se concentrer sur celles qu’il a reçues en août, il mentionne dans ses arguments qu’il a appris en décembre 2019 que l’employeur avait commis d’autres actes répréhensibles qui l’ont incité à demander au défendeur de déposer un nouveau grief. 
      
[46] Plus important encore, les arguments du plaignant laissent entendre que la décision du défendeur devrait être considérée comme arbitraire, puisqu’il n’a pas tenu compte de la portée d’un tel grief alors qu’il disposait des renseignements nécessaires pour le comprendre. Il allègue que son avocat a fourni ces renseignements au défendeur le 6 juillet 2020, dans une lettre [traduction] « exposant les nouveaux renseignements ». Il suggère en outre que la secrétaire de la commission de l’employeur a confirmé les nouveaux renseignements à son avocat le 8 juin 2020.
      
[47] Le plaignant ne présente aucun argument ni aucun document à l’appui pour démontrer en quoi ce qu’il a reçu en août 2020 était crucial et déterminant pour sa compréhension de la situation. Il n’est pas non plus soutenu qu’une telle perception ou compréhension potentiellement nouvelle de sa part n’a jamais été portée à l’attention du défendeur pour voir si cela le ferait changer de position.
      
[48] Quoi qu’il en soit, la jurisprudence de la Commission a souvent reconnu qu’une fois que le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances qui ont donné lieu à sa plainte, le délai a commencé à s’écouler, et il ne peut pas être prorogé par d’autres tentatives visant à convaincre le défendeur ou à prouver qu’il avait tort. Dans le présent cas, j’ai déjà conclu que cela s’est produit en juillet 2020, sinon en janvier 2020 (voir Vaxvick c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 14, au par. 37; Besner c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 56, au par. 69; Éthier, au par. 21; et Nemish c. King, 2020 CRTESPF 76, au par. 37).
      
[49] En fait, la seule autre communication du plaignant au défendeur dont il est question dans ses arguments est le courriel de son avocat à la même date que celle où la plainte a été déposée auprès de la Commission. Ce courriel fait simplement référence à la dernière communication que cet avocat a envoyée au défendeur le 7 juillet 2020 et demande un suivi relativement à la demande de représentation qui avait été faite. Bien que ce courriel laisse entendre que le défendeur n’a pas répondu à sa demande antérieure, il reconnaît dans ses arguments qu’en effet, le 9 juillet 2020, il a reçu la réponse de l’avocat du défendeur qui a été reproduite plus haut dans la présente décision.
      
[50] Le courriel du 20 octobre 2020 de l’avocat du plaignant au défendeur, dans lequel il demandait une réponse au courriel du 7 juillet et qui était joint à la plainte à titre de pièce justificative, semble être une autre tentative de déposer la plainte dans le délai de 90 jours prescrit par le paragraphe 190(2) de la Loi. Il a été envoyé peu de temps avant que le formulaire de plainte ne soit soumis à la Commission, sans attendre une réponse du défendeur. Cela pourrait expliquer pourquoi le formulaire de plainte indique la date à laquelle la plainte a été déposée comme étant la date à laquelle le plaignant aurait eu connaissance des circonstances qui y ont donné lieu. 
      
[51] Quant aux multiples allégations du plaignant selon lesquelles le défendeur n’aurait pas rempli son devoir de représentation équitable lors de l’audience de ses griefs en 2018 ou dans le cadre des négociations et de la conclusion de l’entente de 2018, il va sans dire qu’elles sont hors délai, puisque tout s’est passé deux ans, à peu près, avant qu’il ne dépose la présente plainte devant la Commission.
V. Conclusion
    [52] Les arguments du plaignant contiennent de multiples allégations contre l’employeur. J’ai tenu compte de ces éléments aux fins du contexte, mais je ne les ai pas pris en considération dans ma décision de la présente affaire, puisque la présente plainte vise le défendeur et non l’employeur (voir Burns, aux par. 81 et 164; Archer c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 105, aux par. 14 et 61; et Hancock c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 51, au par. 6).
      
[53] En fait, il semble que le principal objectif du plaignant dans la présente plainte était de relancer certaines, sinon la plupart, de ses affaires antérieures avec l’employeur. Cela est encore plus évident lorsqu’il demande à la Commission d’annuler l’entente de 2018 et déclare dans ses arguments qu’il demande une ordonnance enjoignant que les griefs qu’il a réglés dans cette entente [traduction] « fassent l’objet d’un nouvel arbitrage ». Toutefois, il doit comprendre qu’une plainte selon laquelle un agent négociateur aurait manqué à son devoir de représentation équitable n’a pas pour objet de soulever et d’aborder ses questions avec l’employeur (voir Corneau c. Association des juristes de Justice, 2023 CRTESPF 16, au par. 95). 
      
[54] Compte tenu de mes conclusions selon lesquelles la plainte est hors délai, je n’ai pas besoin de poursuivre mon analyse en ce qui concerne les autres motifs que le défendeur a avancés dans sa demande préliminaire de rejet sommaire.
[55] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
       
VI. Ordonnance
    [56] L’objection du défendeur quant au respect des délais est accueillie. 
[57] La plainte est rejetée au motif qu’elle est hors délai.
Traduction de la CRTESPF
      
Pierre Marc Champagne,
      
une formation de la Commission 
       
des relations de travail et de l’emploi 
       
dans le secteur public fédéral