Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Dans le contexte de sa plainte concernant une nomination qui a été faite dans le cadre d’un processus de nomination annoncé, le plaignant a demandé une OPR liée à d’autres nominations qu’il n’avait pas contestées. Il a déclaré que l’information était nécessaire pour prouver qu’il y avait eu différence de traitement en raison d’allégations de discrimination fondée sur la déficience ou la race. L’intimé n’a pas abordé les allégations de discrimination dans sa réponse à la demande de l’OPR. La Commission a conclu que les preuves statistiques ou comparatives, y compris celles provenant d’autres processus de nomination, peuvent être pertinentes lorsqu’un plaignant soulève des questions relatives aux droits de la personne ou d’autres allégations d’abus de pouvoir systémique ou récurrent. Avant de rendre une décision sur la demande d’OPR, la Commission a demandé aux parties de présenter d’autres arguments sur la pertinence défendable des renseignements demandés par rapport aux allégations de discrimination du plaignant.
Arguments supplémentaires ordonnés.
Contenu de la décision
Date: 20250219
Référence: 2025 CRTESPF 18
relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et fonction publique |
|
Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral |
Entre
plaignant
et
ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Statistique Canada)
intimé
et
AUTRES PARTIES
Répertorié
Ghafari c. Administrateur général (Statistique Canada)
Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et une demande d’ordonnance de communication de renseignements en vertu de l’article 17 du Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique
Devant : Edith Bramwell, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le plaignant : Lui-même
Pour l’intimé : Caroline Rousseau
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 9, 16 et 17 septembre 2024.
(Traduction de la CRTESPF)
MOTIFS DE DÉCISION |
(TRADUCTION DE LA CRTESPF) |
I. Demande d’ordonnance de communication de renseignements
[1] Le plaignant, Mario Ghafari, allègue un abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite dans un processus de nomination annoncé en ce qui concerne le poste de méthodologiste principal, au groupe et au niveau MA-04. Il a été éliminé du processus après avoir échoué à satisfaire à trois compétences : [traduction] C1 – Faire preuve d’intégrité et de respect; C2 – Réflexion approfondie; C3 – Collaboration efficace avec les autres. Le plaignant a déclaré qu’il avait assisté à une réunion informelle avec des représentants de l’intimé, l’administrateur général de Statistique Canada, au cours de laquelle les raisons pour lesquelles l’intimé l’avait fait échouer à trois compétences n’étaient pas clairement communiquées et fondées sur les résultats d’événements qui l’avaient surpris. En particulier, le processus de nomination exigeait qu’il ne fournisse que deux références avec sa demande, alors qu’il aurait été possible d’obtenir une rétroaction de cinq références dans son cas.
[2] Pour faciliter le règlement des plaintes en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP »), le plaignant et l’intimé doivent, dès que possible après le dépôt de la plainte, échanger tous les renseignements pertinents concernant la plainte. Si une partie refuse de fournir des renseignements, le plaignant ou l’intimé peut, en vertu de l’article 17 du Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique (DORS/2006-6; le « Règlement »), demander que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») ordonne que les renseignements soient fournis.
[3] La présente décision porte sur la troisième demande d’ordonnance de communication de renseignements présentée par le plaignant (une « OCR »).
[4] Dans sa lettre de décision du 24 juin 2024 concernant la première demande d’OCR du plaignant, la Commission a partiellement accueilli la demande, ordonnant la communication de 13 des éléments demandés, y compris des renseignements liés aux références du plaignant et de la personne nommée et à l’évaluation des compétences C1, C2 et C3.
[5] Dans sa lettre de décision du 28 août 2024 concernant la deuxième demande d’OCR du plaignant, le plaignant a demandé les mêmes renseignements, mais en ce qui concerne d’autres nominations qui avaient été faites dans le cadre du même processus de nomination. La Commission a rejeté la deuxième demande au motif que les renseignements demandés au sujet de diverses autres nominations n’étaient pas pertinents à sa plainte visant une seule nomination faite dans le cadre du processus.
[6] Dans cette troisième demande d’OCR, le plaignant demande les mêmes renseignements que dans les demandes précédentes. Il soulève également une allégation de discrimination et demande des renseignements sur l’évaluation des candidats qui n’ont pas été reçus dans le cadre du processus de nomination.
[7] Pour les raisons qui suivent, la Commission demande aux parties de lui présenter d’autres arguments.
II. Résumé de l’argumentation
[8] Le plaignant soutient qu’il a besoin de l’information demandée concernant une tendance, pour prouver un traitement différentiel et [traduction] « pour prouver une théorie ». En se fondant sur les renseignements que l’intimé lui a fournis à ce jour et sur ce qu’il a obtenu par l’entremise d’une demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels, le plaignant met en doute l’équité du processus de nomination, particulièrement en ce qui concerne les références. Il donne des exemples de problèmes passés avec certains des répondants qui ont été consultés dans le cadre du processus, y compris ce qu’il prétend être un traitement discriminatoire par au moins un superviseur précédent. Il laisse entendre que les références négatives le pénalisent pour avoir contesté un traitement injuste dans le passé. Il soutient que l’intimé a fait preuve de partialité en l’évaluant et [traduction] « qu’il y a un problème de discrimination, qu’elle soit fondée sur la déficience ou sur la race ».
[9] Dans sa brève réponse à la troisième demande du plaignant, l’intimé fait remarquer que c’est pour les mêmes éléments qui ont fait l’objet de la lettre de décision de la Commission du 28 août 2024. Il soutient que cette décision est définitive et qu’elle ne peut être réexaminée. Il n’a pas répondu aux allégations de discrimination du plaignant.
III. Analyse
[10] L’article 17(4) du Règlement stipule que la Commission doit ordonner la communication des renseignements qu’elle juge pertinents. Il incombe à la partie requérante de préciser les renseignements demandés et d’établir leur pertinence défendable ou leur lien avec la plainte (voir Akhtar c. Sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 26, aux paragraphes 27 et 28).
[11] Dans ses arguments relatifs à la troisième demande d’OCR, le plaignant a soulevé une allégation de discrimination. L’allégation de discrimination semble être liée aux personnes auprès desquelles des références ont été demandées dans le processus de nomination en cause, ainsi qu’au nombre de références demandées pour le plaignant par rapport à d’autres. Le plaignant a expliqué et précisé sa demande d’OCR dans sa réponse du 17 septembre 2024.
[12] Bien que l’intimé affirme que la décision d’OCR antérieure de la Commission est définitive et ne peut être réexaminée, rien dans le Règlement n’empêche le plaignant de présenter une autre demande d’OCR, à la lumière d’une explication nouvelle ou reformulée quant à la raison pour laquelle l’information est vraisemblablement pertinente à la plainte. En fin de compte, l’objet de l’article 17(4) du Règlement vise à faire en sorte qu’une partie requérante reçoive les renseignements que la Commission juge pertinents à une plainte, en plus de son droit d’être entendue. De plus, conformément à l’article 22 du Règlement, ce n’est qu’après l’échange de renseignements et le processus de l’OCR que le plaignant doit fournir ses allégations, y compris une description détaillée de tous les faits et allégations pertinents sur lesquels il entend se fonder tout au long du processus de plainte et de l’audience.
[13] Dans une lettre de décision datée du 22 janvier 2024, dans le dossier de la Commission 771-02-47726, Asif Mohammed c. Administrateur général (ministère de l’Environnement) (voir l’annexe A), le plaignant a allégué de la discrimination et a demandé une OCR pour obtenir des renseignements sur les nominations autres que celle qui faisait l’objet de sa plainte. Dans ce cas, la Commission a conclu que les renseignements demandés étaient sans doute pertinents à l’allégation selon laquelle une tendance de discrimination s’était manifestée dans le processus de nomination en question dans cette plainte. Pour prouver l’existence de cette tendance, et à cette seule fin, le plaignant a demandé des renseignements liés à d’autres processus de nomination. La Commission a accueilli cette demande.
[14] Des preuves statistiques ou comparatives, y compris des preuves provenant d’autres processus de sélection, peuvent être sans doute pertinentes lorsqu’un plaignant soulève des questions de droits de la personne ou d’autres allégations d’abus de pouvoir systémique ou récurrent (voir Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social), 1998 CanLII 7740; et Agnaou c. Canada (Procureur général), 2014 CF 850).
[15] Avant de rendre une décision concernant la troisième demande d’OCR du plaignant, la Commission demande aux parties de lui présenter d’autres arguments sur la pertinence défendable des renseignements demandés, surtout en ce qui concerne l’allégation de discrimination du plaignant et les arguments supplémentaires qu’il a présentés le 17 septembre 2024.
[16] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
IV. Ordonnance
[17] Les parties fourniront des arguments supplémentaires concernant la pertinence défendable des renseignements demandés.
[18] L’intimé présentera ses arguments supplémentaires d’ici le 28 février 2025.
[19] Le plaignant fournira ses arguments en réplique d’ici le 10 mars 2025.
[20] La suspension des délais est maintenue en attendant la décision de la Commission sur la troisième demande d’OCR du plaignant.
Le 19 février 2025.
Traduction de la CRTESPF
Edith Bramwell,
une formation de la Commission
des relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral
ANNEXE A |
(TRADUCTION DE LA CRTESPF) |
Lettre de décision dans le dossier de la Commission 771-02-47726,
Asif Mohammed c. Administrateur général (ministère de l’Environnement)
Le 22 janvier 2024
Asif M Mohammed [adresse courriel caviardée] |
PAR COURRIEL |
Matthew Eldridge (représentant de Jean‑François Tremblay) [adresse courriel caviardée] |
PAR COURRIEL |
Objet : Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Dossier 771-02-47726 Asif Mohammed & sous-ministre de l’Environnement
Numéro du processus de sélection : 23-DOE-NCR-ACIN-581694
Une formation de la Commission, composée d’Edith Bramwell, présidente, m’a demandé de vous faire part de la décision suivante concernant la demande d’ordonnance de communication de renseignements (OCR) du plaignant.
Conformément aux articles77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP), le plaignant prétend qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite et dans le choix d’un processus de nomination non annoncé relativement à une possibilité d’emploi intérimaire ENG-04. Il soulève également une question de discrimination. Plus précisément, le plaignant a soutenu qu’un groupe de personnes avait offert des possibilités d’intérim entre elles dans leur propre intérêt, y compris pour le poste de la personne nommée. Il est d’avis que la décision de nommer la personne nommée dans le cadre d’un processus non annoncé a créé un avantage pour la personne nommée. Le plaignant a soutenu que certains employés ayant certains traits ou caractéristiques se voient offrir ces possibilités d’intérim, y compris la nomination intérimaire en litige, ce qui le place dans un isolement puisqu’il fait partie d’un groupe désigné d’équité en matière d’emploi. Il y a une tendance constante de discrimination quant à savoir qui est sélectionné par rapport à lui, car il appartient à un groupe marginalisé. Pour ce qui est de sa situation, les gestionnaires d’embauche ont utilisé plusieurs justifications, plaçant une barre élevée de critères de sélection à satisfaire, le traitant différemment dans le processus de nomination non annoncé et nommant la personne nommée en fonction d’un traitement préférentiel ou d’autres motifs de favoritisme personnel.
Le plaignant a présenté une demande d’OCR alléguant que les renseignements suivants sont pertinents à ces allégations :
1. Une liste de tous les employés qui ont occupé par intérim le poste ENG 04 no 00060546, no 00284673, no 00060571, no 00071854 à la Direction générale des services ministériels et des finances d’ECCC entre janvier 2021 et le 3 mai 2023, la durée de leur intérimaire, les circonstances dans lesquelles l’affectation intérimaire s’est produite (c.‑à-d. par des processus formels ou informels), et tous les documents liés aux affectations intérimaires;
2. Une liste de tous les employés qui ont occupé le poste ENG 05 no 00069181 à la Direction générale des services ministériels et des finances d’ECCC entre janvier 2021 et le 3 mai 2023, la durée de leur intérimaire, les circonstances dans lesquelles l’affectation intérimaire a été effectuée (c.-à-d. par des processus formels ou informels), et tous les documents liés aux affectations intérimaires;
3. Tous les documents liés à l’évaluation de Daniel Ventura, y compris, mais sans s’y limiter, les critères de mérite, les critères d’évaluation, les outils d’évaluation et la notation en fonction de ces critères d’évaluation pour établir le mérite.
L’intimé a répondu spécifiquement à chaque élément demandé par le plaignant. L’intimé a soutenu que la plainte porte sur la nomination intérimaire de la personne nommée au poste ENG-04 et non sur d’autres postes et d’autres acteurs ou nominations intérimaires au poste ENG-04 ou ENG-05. Dans sa demande d’OCR, le plaignant n’a pas fourni d’explication valable quant à la pertinence de l’information concernant la personne nommée. L’intimé s’est opposé à la divulgation de tous les renseignements demandés.
La Commission a examiné et déterminé la demande d’OCR du plaignant comme suit.
L’article 17(4) du Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique (DORS/2006-6) (le Règlement) prévoit que la Commission doit ordonner la communication de renseignements qu’elle juge pertinents à une plainte. Le Tribunal de la dotation de la fonction publique (l’ancien Tribunal) a déterminé que le critère de seuil pour l’examen d’une demande d’OCR est la pertinence défendable (voir Akhtar c. Sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 26). Lorsqu’une demande de communication de renseignements est présentée, il incombe à la partie requérante de démontrer la pertinence des renseignements demandés et leur lien avec la plainte. La partie qui demande la communication de renseignements doit démontrer qu’il existe un lien entre la plainte et les renseignements demandés. Le critère de la pertinence est plus large à cette étape du processus que le critère qui est finalement appliqué à l’audience.
La Commission conclut que, pour démontrer une tendance constante de discrimination, les processus de nomination et les mesures de dotation pour les possibilités d’intérims dans les postes ENG-04 et ENG-05 sont sans doute pertinents dans le contexte de ce processus de nomination. Bien que les nominations faites dans le cadre de ces processus ne soient pas contestées par la présente plainte, les renseignements demandés sont pertinents à l’allégation selon laquelle les tendances actuelles en matière de dotation discriminatoire ont eu une incidence sur le processus de nomination qui fait l’objet de la présente plainte.
L’information concernant la personne nommée est sans doute pertinente compte tenu de l’allégation selon laquelle un groupe de personnes a offert des possibilités d’intérim entre elles pour leur propre bénéfice, y compris pour le poste de la personne nommée et l’avantage pour la personne nommée.
Pour ces raisons, la Commission accueille la demande d’OCR du plaignant :
-
Une liste de tous les employés qui ont occupé par intérim le poste ENG 04 no 00060546, no 00284673, no 00060571, no 00071854 à la Direction générale des services ministériels et des finances d’ECCC entre janvier 2021 et le 3 mai 2023, la durée de leur intérimaire, les circonstances dans lesquelles l’affectation intérimaire s’est produite (c.‑à-d. par des processus formels ou informels), et tous les documents liés aux possibilités intérimaires;
-
Une liste de tous les employés qui ont occupé le poste ENG 05 no 00069181 à la Direction générale des services ministériels et des finances d’ECCC entre janvier 2021 et le 3 mai 2023, la durée de leur intérimaire, les circonstances dans lesquelles l’affectation intérimaire a été effectuée (c.-à-d. par des processus formels ou informels), et tous les documents liés aux affectations intérimaires;
-
Les critères de mérite, les critères d’évaluation, les outils d’évaluation et la notation par rapport aux critères d’évaluation.
Conformément à l’article 18 du Règlement, on rappelle aux parties que les renseignements susmentionnés ne peuvent être utilisés qu’aux fins de la présente plainte.
En vertu des articles 17(5) et 17(6) du Règlement, la Commission peut rendre l’ordonnance de communication de renseignements sous réserve des conditions qu’elle juge nécessaires et appliquer des conditions avant et après l’audience ou après tout autre règlement de la plainte. Si l’intimé a des préoccupations au sujet des renseignements personnels des candidats reçus et des personnes nommées, la Commission recevra ses arguments d’ici le 7 février 2024. Le plaignant répondra par des arguments en réplique, le cas échéant, d’ici le 15 février 2024.
Les délais pour fournir l’information sur la demande d’OCR et les allégations demeurent suspendus.
Respectueusement,
[nom caviardé]
Agent de gestion des cas
pour la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
c.c.
Services juridiques du Conseil du Trésor (Dotation) (représentant du Conseil du Trésor auprès de l’intimé)
[adresse courriel caviardée]
Guillaume Fontaine (Commission de la fonction publique)
[adresse courriel caviardée]
Daniel Ventura (autre partie)
[adresse courriel caviardée]