Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Les fonctionnaires s’estimant lésés étaient des agents des services frontaliers qui vivaient au Canada et qui faisaient la navette pour se rendre au travail dans un centre d’inscription NEXUS aux États-Unis. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont allégué que l’employeur avait refusé leur statut en déplacement ou leurs demandes d’indemnité pour des articles associés au voyage supplémentaire à l’extérieur du Canada. Leurs réclamations comprenaient des indemnités de repas en raison des restrictions imposées sur le passage de la nourriture à la frontière internationale, le remboursement de l’augmentation de leurs primes d’assurance automobile, des cartes NEXUS, de l’augmentation des coûts des téléphones cellulaires et des temps de déplacement plus longs en raison du passage de la frontière. Ils ont demandé une aide au transport quotidien en vertu de la DSE 30, une déclaration d’admissibilité aux dépenses de soins de santé en vertu de la DSE 39, des indemnités ou une indemnisation en vertu de la Directive sur les voyages du CNM incorporée par renvoi dans la DSE 8, et tout autre avantage discrétionnaire pour indemniser les coûts associés au voyage supplémentaire vers leur lieu de travail. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont également demandé des indemnités en vertu de la Directive sur les voyages. La Commission a conclu que les fonctionnaires s’estimant lésés étaient des « employés affectés à l’étranger », au sens des DSE, mais qu’ils n’avaient droit à aucun des avantages liés aux DSE qu’ils demandaient. Ils ne satisfaisaient pas aux conditions préalables à l’aide au transport quotidien ou n’entraient pas dans l’esprit de la DSE 39. Les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas prouvé qu’ils avaient engagé des dépenses de soins de santé ni expliqué l’objectif visé par une déclaration de leur droit à la DSE 30. Ils n’étaient pas en « affectation de courte durée », comme le prévoient les DSE, et ne pouvaient donc pas recevoir d’indemnités de repas en vertu de la DSE 8. Leurs réclamations ne cadraient pas avec l’intention des DSE, et les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont fourni aucune preuve que l’employeur avait exercé son pouvoir discrétionnaire dans d’autres situations similaires pour payer les types de prestations qu’ils demandaient. La Commission a conclu que les fonctionnaires s’estimant lésés n’avaient droit à aucun avantage en vertu de la Directive sur les voyages puisqu’ils se présentaient à un endroit où ils effectuaient habituellement leur travail; ils n’étaient donc pas en déplacement.
Griefs rejetés.
Contenu de la décision
Date : 20250219
Dossier : 566‑02‑47161
Référence : 2025 CRTESPF 20
relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et |
|
entre
PATRICIA FREER ET AUTRES
fonctionnaires s’estimant lésés
et
(Agence des services frontaliers du Canada)
employeur
Répertorié
Freer c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)
Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage
Devant : Christopher Rootham, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour les fonctionnaires s’estimant lésés : Aaron Lemkow et Meaghan Dunk, avocats
Pour l’employeur : Philippe Giguère, avocat
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 26 septembre, le 25 octobre et le 22 novembre 2024.
(Traduction de la CRTESPF)
MOTIFS DE DÉCISION |
(TRADUCTION DE LA CRTESPF) |
I. Aperçu
[1] Le présent grief porte sur la question de savoir si les fonctionnaires fédéraux qui vivent au Canada et qui se rendent au travail aux États‑Unis en voiture ont droit aux prestations en vertu des Directives sur le service extérieur (DSE) ou de la Directive sur les voyages du Conseil national mixte (CNM) pour le coût de leurs déplacements.
[2] J’ai conclu qu’ils n’ont pas droit aux prestations en vertu des DSE. Même si les fonctionnaires répondent à la définition technique de « fonctionnaires affectés à l’étranger » et relèvent de ce fait du champ d’application des DSE, ils ne sont admissibles à aucune des prestations particulières offertes en vertu des DSE. De plus, l’employeur n’est pas obligé d’exercer un quelconque pouvoir discrétionnaire qu’il pourrait avoir pour leur verser des prestations supplémentaires ou les indemniser pour le coût de leurs déplacements.
[3] J’ai également conclu qu’ils ne sont pas « considéré[s] comme en déplacement » aux termes de la Directive sur les voyages. Leur lieu de travail est aux États‑Unis, ce qui signifie qu’ils ne sont pas admissibles aux prestations en vertu de cette directive pour se rendre au travail et en revenir.
[4] Par conséquent, je rejette le grief. Mes motifs qui sous‑tendent ces conclusions suivent.
II. Contexte et historique procédural des griefs
A. Contexte factuel
[5] Le présent cas porte sur 49 griefs déposés par 14 fonctionnaires s’estimant lésés. Tous les griefs portent sur le refus d’être « considéré[s] comme en déplacement » ou des demandes d’indemnité particulière pour les frais de déplacement entre le 1er février 2015 et le 7 novembre 2016. Une liste des fonctionnaires s’estimant lésés figure à l’annexe A de la présente décision.
[6] Les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires ») sont tous des agents des services frontaliers (ASF) qui travaillaient dans les opérations NEXUS de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). NEXUS est un programme de voyageurs de confiance géré conjointement par l’ASFC et le United States Customs and Border Protection (USCBP). Il permet aux voyageurs préautorisés d’accélérer le traitement lorsqu’ils traversent la frontière canado‑américaine. Les demandeurs doivent être interrogés par l’ASFC et le USCBP.
[7] Avant le 15 janvier 2015, les fonctionnaires travaillaient au point d’entrée (PDE) de l’ASFC le long de la frontière canado‑américaine entre la Colombie‑Britannique et l’État de Washington, connu sous le nom de « point d’entrée de Pacific Highway ». Les fonctionnaires se rendaient au travail du côté canadien de la frontière. Parfois, ils travaillaient dans un bureau du côté canadien, et d’autres jours, ils traversaient la frontière à pied ou par voiture pour se rendre au bureau du USCBP à ce point d’entrée, où ils interrogeaient les demandeurs de NEXUS.
[8] Le 15 janvier 2015, le USCBP a déplacé son centre d’inscription NEXUS de la frontière à un endroit situé à environ 10 km plus loin dans l’État de Washington, appelé le NEXUS Birch Bay Enrollment Center à Blaine, dans l’État de Washington. Au lieu de se stationner du côté canadien de la frontière et de se rendre à pied au bureau du USCBP, les fonctionnaires traversent maintenant la frontière en voiture jusqu’à ce centre d’inscription. Même si certaines tâches liées à NEXUS continuent d’être effectuées au bureau du point d’entrée de Pacific Highway de l’ASFC, les fonctionnaires se présentent directement au NEXUS Birch Bay Enrollment Center pour travailler selon leur horaire de travail à quarts variables de quatre jours de travail et quatre jours de congé.
B. Historique de la procédure
[9] Les fonctionnaires ont commencé à présenter des demandes de remboursement des frais de déplacement après ce déménagement en janvier 2015. L’employeur a refusé ces demandes de remboursement. Les fonctionnaires ont déposé des griefs. Les fonctionnaires ont continué de déposer des demandes qui ont été refusées, et un certain nombre de fonctionnaires ont continué de déposer de nouveaux griefs, et c’est ainsi que nous nous retrouvons avec 49 griefs pour ces 14 fonctionnaires.
[10] L’employeur a rejeté les griefs au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs le 3 janvier 2020.
[11] Puisque tous les griefs concernent des directives du CNM, ils ont été transmis au Comité exécutif du CNM. Le 20 octobre 2022, le Comité exécutif a rendu sa première décision, déclarant que ni la Directive sur les voyages ni la Directive sur la réinstallation ne s’appliquaient. Le Comité exécutif a ordonné que les griefs soient renvoyés au Comité des DSE du CNM pour une recommandation quant à savoir si les DSE s’appliquaient. Le Comité des DSE a préparé un rapport pour le Comité exécutif, qui n’a pas été déposé en preuve. Le Comité exécutif a examiné ce rapport et a conclu que les fonctionnaires ont été traités conformément à l’objectif des DSE. Il a rejeté les griefs. Les fonctionnaires les ont ensuite renvoyés à l’arbitrage devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission », qui, dans la présente décision, fait également référence à ses prédécesseurs). La Commission a attribué un seul numéro de dossier pour les 49 griefs.
[12] Étant donné que ces griefs ont été déposés avant 2017, je dois établir le fondement de la compétence de la Commission à les entendre.
[13] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) et de la Loi sur les relations dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (LCRTESPF) et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF).
[14] Lors d’une conférence de gestion de cas tenue avec un autre commissaire, les parties ont convenu que le présent grief pourrait être tranché par écrit. La Commission est habilitée à statuer sur un grief sur la base d’arguments écrits, car elle a le pouvoir de trancher « […] toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience » conformément à l’article 22 de la LCRTESPF; voir également Walcott v. Public Service Alliance of Canada, 2024 FCA 68. Compte tenu de l’accord des parties, j’ai tranché la présente question sans tenir d’audience.
C. La Commission, dans le présent grief, est valablement saisie des éléments de preuve
[15] Les parties ont préparé un « énoncé conjoint des faits » pour le présent grief. Cependant, les parties ne s’entendaient pas réellement sur tous les faits du présent cas. Elles ont plutôt convenu, après une autre conférence de gestion de cas, de diviser cet énoncé en trois parties : les faits convenus, les faits convenus, mais que l’employeur a déclaré être sans pertinence, et les faits que les fonctionnaires ont fait valoir, mais que l’employeur n’a pas acceptés comme vrais (et qu’il a également déclaré être sans pertinence). Les parties ont préparé les éléments de preuve de cette manière afin que je puisse décider si les faits de la troisième partie de l’énoncé conjoint des faits étaient pertinents et significatifs aux fins de ma décision et, le cas échéant, que je puisse tenir une audience (soit oralement, soit par écrit) pour régler ces faits.
[16] Dans ses arguments en réponse, l’employeur a également affirmé certains faits en réfutation qui ne figuraient pas dans l’énoncé conjoint des faits. Je n’ai pas tenu compte de ces faits. Je suis d’accord avec ce que la Commission a dit au sujet de la tentative d’une partie d’ajouter à un énoncé conjoint des faits dans un argument écrit, énoncé dans Brown c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 50 (où l’employeur était représenté par le même avocat que dans le présent cas) au paragraphe 58, comme suit :
[58] Le fonctionnaire s’est opposé à certaines des déclarations de l’employeur qui, à son avis, s’ajoutent à l’énoncé conjoint des faits. Je n’ai examiné que les faits exposés dans l’énoncé conjoint des faits et les documents connexes fournis par les parties. L’employeur a des opinions sur ces faits en ce qui a trait aux motivations du fonctionnaire à l’égard de ses actions. Lorsqu’elles défendent une affaire fondée sur un énoncé conjoint des faits, chaque partie a droit à ses propres opinions – mais pas à ses propres faits […]
[17] Dans le présent cas, l’employeur ne se contente pas d’ajouter son opinion à l’énoncé conjoint des faits – il tente d’ajouter des faits entièrement nouveaux (en particulier, sur la question de savoir si les fonctionnaires bénéficieraient d’avoir une carte NEXUS à utiliser lorsqu’ils traversent la frontière). Je n’ai pas examiné les faits allégués par l’une ou l’autre des parties autres que ceux indiqués dans l’énoncé conjoint des faits.
[18] Après avoir lu les arguments des parties, j’ai décidé qu’une autre audience n’était pas nécessaire pour trancher les présents griefs. Les faits contestés concernent tous l’incidence du déménagement au NEXUS Birch Bay Enrollment Center. Les fonctionnaires soulignent par exemple qu’ils ne peuvent pas apporter de nourriture de l’autre côté de la frontière et qu’ils doivent donc acheter des repas au travail, que leurs forfaits de téléphone cellulaire personnel ne fonctionnent pas aux États‑Unis ou coûtent plus cher, et que leurs primes d’assurance‑automobile ont augmenté de 40 $ par année. Comme je l’explique dans la présente décision, la question est de savoir si les fonctionnaires sont admissibles aux prestations en vertu des DSE ou de la Directive sur les voyages du CNM. La nature précise des frais supplémentaires liés au travail aux États‑Unis n’est pas pertinente à ma décision.
III. Questions en litige
[19] Les questions suivantes sont en litige dans les présents griefs :
1) Les fonctionnaires sont‑ils des « fonctionnaires affectés à l’étranger » au sens défini dans les DSE? Cette question comporte deux sous‑questions :
a) Les fonctionnaires sont‑ils affectés « à l’occasion » au NEXUS Birch Bay Enrollment Center?
b) Les fonctionnaires sont‑ils affectés à un « poste »?
2) Dans l’affirmative, les fonctionnaires ont‑ils droit à ce qui suit :
a) Une aide au transport quotidien en vertu de la DSE 30?
b) Une déclaration selon laquelle ils ont droit aux frais de soins de santé en vertu de la DSE 39?
c) Des indemnités en vertu de l’appendice C de la Directive sur les voyages?
d) Toute autre prestation discrétionnaire pour les indemniser à l’égard des frais associés au déplacement supplémentaire vers leur lieu de travail?
3) Subsidiairement, la Commission est‑elle valablement saisie de la demande fondée sur la Directive sur les voyages?
4) Dans l’affirmative, les fonctionnaires sont‑ils « considéré[s] comme en déplacement », ce qui déclenche les prestations disponibles en vertu de la Directive sur les voyages?
IV. Approche analytique pour interpréter les directives du CNM
A. Les directives du CNM sont interprétées en utilisant le texte, lu dans son contexte
[20] Les DSE et la Directive sur les voyages sont intégrées par renvoi dans la convention collective en vertu de la clause 7.03(a) de ladite convention collective, ce qui signifie qu’elles sont considérées comme faisant partie de la convention collective. Cela signifie que les DSE et la Directive sur les voyages sont interprétées en utilisant la même technique que l’interprétation d’une convention collective – à savoir que les termes des directives « […] doivent être lus en tenant compte de l’ensemble du contexte de la convention [directive], en les inscrivant dans leur contexte global et en leur attribuant leur acceptation et leur sens courant, en harmonie avec l’économie générale et l’objet de la convention et de l’intention des parties » (voir Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 56, au paragraphe 24).
[21] Cependant, les directives du CNM diffèrent des autres dispositions de la convention collective quant au règlement des différends concernant leur signification. La clause 18.01 de la convention collective stipule que les griefs concernant les directives du CNM sont traités conformément à l’article 15 du Règlement du CNM. Cette procédure de règlement des griefs est différente de deux manières invoquées par les parties dans leurs arguments concernant l’interprétation des directives du CNM – une par les fonctionnaires et une par l’employeur.
B. Les directives du CNM ne sont pas interprétées de manière plus intentionnelle que le sont les conventions collectives
[22] Les fonctionnaires invoquent l’article 15.1.2 du Règlement du CNM, qui énonce que « [t]ous les griefs définis en vertu de la LRTFP et présentés en vertu de la présente procédure de règlement des griefs sont tranchés en conformité avec l’esprit de la directive ou de la politique ayant donné lieu au litige ». Les fonctionnaires soutiennent ensuite que l’intention des directives est pertinente de deux façons : en tant qu’outil d’interprétation et en tant que source de droits substantiels pour traiter des situations nouvelles. Je traiterai du deuxième argument plus tard; je vais maintenant aborder le premier.
[23] Je commence par reconnaître une certaine dissonance cognitive en proposant que l’interprétation d’une directive du CNM devrait être fondée sur le sens ordinaire du texte lorsque le texte de la procédure de règlement des griefs établie dans le Règlement du CNM exige une interprétation téléologique (c’est‑à‑dire une interprétation fondée sur son intention au lieu de son sens ordinaire). Malgré cette préoccupation, j’ai conclu que l’intention des directives n’a qu’une pertinence limitée en tant qu’outil d’interprétation. Je suis parvenu à cette conclusion pour les trois raisons qui suivent.
1. La Cour d’appel fédérale favorise cette approche
[24] En premier lieu, il s’agit de la conclusion à laquelle est parvenue la Cour d’appel fédérale dans Nowlan c. Canada (Procureur général), 2022 CAF 83. Ce cas portait sur l’interprétation de la Directive sur la réinstallation du CNM. Dans ce cas, la Commission avait appliqué ce qu’elle a appelé une « approche "non technique fondée sur le bon sens" » à cette directive – semblable à ce que j’ai qualifié précédemment d’une approche fondée sur l’intention. La Cour d’appel a annulé la décision de la Commission et a critiqué vivement l’approche fondée sur l’intention. La Cour d’appel a déclaré ce qui suit :
[…]
[32] […] je suis d’avis que la Commission a, à juste titre, reconnu au paragraphe 51 de la décision que les mêmes principes qui s’appliquent aux contrats tels que les conventions collectives s’appliquent à l’interprétation du libellé de la directive. La directive a été incorporée par renvoi à la convention collective; il faut donc donner à ses mots leur sens ordinaire. Les dispositions de la convention ou du contrat doivent être lues dans leur ensemble, en donnant effet à chaque mot et en donnant préséance aux dispositions particulières plutôt qu’aux dispositions générales […]
[…]
[37] Plutôt que d’appliquer les mêmes règles de droit et la même approche que celles utilisées pour interpréter l’article 1.4.2 de la directive, la Commission a utilisé une approche fondée sur le bon sens pour interpréter l’article 12.1.2. Invoquant ce qu’elle a qualifié d’erreur de la part de la demanderesse, car cette dernière n’a pas demandé une autorisation écrite avant d’engager ses dépenses de réinstallation, la Commission a jugé qu’elle pouvait faire abstraction du libellé de l’article 12.1.2. Les termes « sera considérée » créent une disposition déterminative qui exige que l’employeur rembourse les dépenses de réinstallation, sauf si l’employeur produit un certificat. En l’espèce, aucun certificat n’a été produit. Je suis d’avis que l’approche utilisée par la Commission pour interpréter l’article 12.1.2 est déraisonnable à plusieurs égards.
[38] En premier lieu, la Commission a fait abstraction des principes d’interprétation juridique pour interpréter le libellé de l’article 12.1.2, mais elle en a tenu compte pour l’article 1.4.2. La décision manque de cohérence logique parce que la Commission a utilisé une approche incohérente dans son interprétation de la convention.
[39] Sur la question de l’interprétation contractuelle, la Cour suprême a déclaré qu’une disposition contractuelle doit toujours être interprétée en se fondant sur son libellé et sur l’ensemble du contrat. Bien que les circonstances sous‑tendent le processus d’interprétation, les tribunaux ne sauraient fonder sur elles une lecture du texte qui s’écarte de ce dernier au point de créer dans les faits une nouvelle entente (Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633 au para. 57).
[40] De même, les éminents auteurs J.M. Brown et D.M. Beatty nous enseignent que la première étape dans l’interprétation d’une convention collective doit être, pour le décideur, d’en examiner le libellé dans son sens ordinaire et normal, en tenant compte de l’ensemble du contexte de la convention. S’il n’y a aucune ambiguïté, le décideur devrait se livrer à une interprétation fondée sur le libellé explicite, à moins que cela ne donne un résultat absurde ou abusif.
[41] Ce n’est que lorsqu’il existe une certaine ambiguïté, c’est‑à‑dire que les mots pourraient être interprétés de plus d’une façon, que le décideur devrait évaluer la preuve extrinsèque (D.J.M. Brown et D.M. Beatty, dir., Canadian Labour Arbitration, 5e éd., Thomson Reuters, 2019 au para. 4:2100). De même, notre Cour a réitéré que, bien que les décisions rendues par les arbitres des relations de travail dans leur domaine d’expertise, notamment l’interprétation de conventions collectives, commandent une certaine déférence lors du contrôle judiciaire de décisions de la Commission, les dispositions pertinentes de la convention collective doivent se prêter raisonnablement à l’interprétation qui en est faite (Alliance de la Fonction Publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 184 aux paras 4–7).
[42] En l’espèce, il n’y avait aucune ambiguïté. Le défaut de la Commission d’interpréter l’article 12.1.2 de la directive dans son sens ordinaire est en soi déraisonnable. L’employeur doit fournir un certificat s’il décide de ne pas rembourser intégralement les dépenses de réinstallation. Si l’employeur décide de ne pas fournir de certificat, il sera alors tenu de rembourser les dépenses de réinstallation « à la demande de l’employeur ».
[…]
[25] La Cour d’appel surestime peut‑être la primauté du « sens ordinaire » d’une convention collective, et je tiens à souligner que l’interprétation d’une convention collective est un exercice contextuel. L’exigence d’une ambiguïté dans le texte avant qu’un arbitre de grief puisse tenir compte d’une preuve extrinsèque est également plus nuancée que ce qui pourrait apparaître à la lecture de ces passages pris isolément. Cependant, malgré ces réserves, l’essentiel de la décision de la Cour d’appel est clair : les directives du CNM doivent être interprétées de la même manière que toute autre partie d’une convention collective, ce qui signifie se concentrer sur les termes dans leur contexte plutôt que sur une interprétation fondée sur l’intention.
2. La Commission favorise cette approche
[26] En deuxième lieu, il s’agit également de la façon dont la Commission a interprété les directives du CNM (sauf lorsqu’elle a été annulée dans Nowlan). La Commission « […] a interprété d’autres dispositions des directives du CNM en appliquant les mêmes principes modernes d’interprétation des contrats […] » que le reste de la convention collective; tiré de Borst c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement), 2023 CRTESPF 83, au paragraphe 61. La Commission a été encore plus explicite dans Daigneault c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 38, au paragraphe 28, lorsqu’elle a déclaré ce qui suit :
[28] J’ai la tâche d’appliquer les articles 12.1.2 et 12.1.5 de la Directive, qui est intégrée par renvoi dans la convention collective. Si la formulation est claire, il n’était pas nécessaire d’en faire une interprétation et de revenir aux clauses définissant son but et son objectif. Même si les parties ont étudié la question sous un angle différent dans le cadre de leurs délibérations devant le Comité exécutif du CNM, comme l’indique l’article 15.1.2 du Règlement cité par le fonctionnaire, je suis contraint, en tant que décideur quasi‑judiciaire, de suivre les règles généralement acceptées de l’interprétation juridique des conventions collectives.
[27] Le plus proche que la Commission ne soit parvenue (sans que sa décision ne soit annulée) à adopter une approche fondée sur l’intention à l’égard des directives du CNM a été dans Dubois c. Conseil du Trésor (Agence canadienne de développement international), 2004 CRTFP 91, confirmée dans 2005 CF 760, dans laquelle elle a déclaré qu’elle doit évaluer si « […] Santé Canada a bien appliqué l’esprit de ses directives en rendant les deux décisions […] » contestées. Cependant, la Commission s’est concentrée sur l’« application » et non sur l’« esprit ». L’employeur a soutenu dans ce cas que la Commission ne devait qu’examiner si l’employeur avait exécuté correctement la décision de Santé Canada concernant la question de savoir si une maladie particulière était endémique au Canada; la Commission a plutôt conclu qu’elle devait examiner la question de savoir si la directive s’appliquait à la fonctionnaire s’estimant lésée, et pas seulement si l’employeur avait mis en œuvre l’évaluation de Santé Canada. Par conséquent, la Commission a voulu indiquer clairement que l’employeur devait appliquer correctement la directive, et non simplement exécuter la décision de Santé Canada. Cette décision ne s’intéresse pas à la question de savoir si la Commission doit se concentrer sur l’esprit d’une directive plutôt que sur ses termes explicites, et ne constitue donc pas un précédent pour cette proposition.
3. L’exigence de suivre l’intention s’applique au Comité exécutif du CNM, et non pas à la Commission
[28] En troisième lieu, le Règlement du CNM énonce que les griefs « […] présentés en vertu de la présente procédure de règlement des griefs sont tranchés en conformité avec l’esprit de la directive ou de la politique ayant donné lieu au litige [je mets en évidence] ». La procédure de règlement des griefs prévue dans le Règlement du CNM comporte trois paliers, se terminant par une décision du Comité exécutif du CNM, qui tranche le cas lui‑même ou après avoir reçu une recommandation du comité de travail pour la directive particulière faisant l’objet du grief. L’arbitrage de griefs survient après la procédure de règlement des griefs. Il s’agit du point soulevé dans Daigneault : le Comité exécutif doit fonder sa décision sur l’esprit de la directive, mais le Règlement du CNM ne l’exige pas de la Commission.
[29] Pour ces raisons, j’ai conclu que les principes d’interprétation qui s’appliquent aux autres griefs déposés en vertu d’une convention collective s’appliquent également au présent grief. Les DSE et la Directive sur les voyages doivent être interprétés en fonction de leur libellé, qui doit être lu dans son contexte global et en harmonie avec l’économie de chaque directive, son objet et l’intention des parties (voir Borst, au paragraphe 60). L’esprit n’est qu’un outil d’interprétation au même titre qu’il serait un outil d’interprétation pour toute autre disposition de la convention collective – c’est‑à‑dire pour venir à la rescousse lorsque le texte et le contexte ne peuvent pas faire le travail seuls.
C. La Commission ne fait pas preuve de déférence envers la décision du Comité exécutif du CNM
[30] L’employeur fait valoir un autre argument fondé sur la structure de la procédure de règlement des griefs du CNM. Comme je l’ai déjà mentionné, les griefs du CNM sont tranchés par le Comité exécutif du CNM, souvent en fonction des conseils du groupe de travail chargé de cette directive particulière. Le CNM a été établi par le gouverneur en conseil sur la recommandation du président du Conseil du Trésor en vertu de la Délibération T.272382B du Conseil du Trésor, datée du 8 mars 1945, modifiée par les décrets du conseil : C.P. 1966‑37/2106, du 10 novembre 1966; C.P. 1980‑2413, du 5 septembre 1980; C.P. 1981‑2443, du 3 septembre 1981; C.P. 1987‑884 du 30 avril 1987; et C.P. 1994‑2/752 du 5 mai 1994. Il s’agit d’un conseil mixte, ce qui signifie qu’il est composé de représentants de 19 agents négociateurs et de cinq employeurs de la fonction publique fédérale. Il a deux coprésidents, un nommé par le président du Conseil du Trésor et un par les agents négociateurs. Son Comité exécutif est composé des deux présidents et de deux représentants supplémentaires de chaque partie.
[31] L’employeur soutient que la Commission devrait faire preuve de déférence envers les décisions unanimes du Comité exécutif parce que ces décisions sont [traduction] « bipartites » et sont fondées sur [traduction] « […] la composition unique du CNM, ses connaissances spécialisées et son rôle dans le secteur public fédéral ».
[32] Je ne suis pas du même avis pour quatre raisons.
1. La Commission a déjà rejeté l’argument selon lequel elle devrait faire preuve de déférence envers le Comité exécutif du CNM
[33] En premier lieu, la Commission a déjà rejeté cet argument ou des arguments semblables. Dans Labossiere c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 144, au paragraphe 18, la Commission a critiqué les parties qui se sont concentrées sur la décision du Comité exécutif du CNM plutôt que sur le bien‑fondé d’un grief, en déclarant ce qui suit : « La Commission a le mandat de se prononcer sur les griefs renvoyés à l’arbitrage, et pas de mener un contrôle judiciaire des décisions rendues par le CNM. »
[34] L’employeur a également fait valoir le même argument en faveur de la déférence envers la décision du Comité exécutif du CNM dans Dubois, au paragraphe 48. Même si la Commission n’a pas traité directement cet argument, elle a déclaré qu’elle doit « […] décider si cette décision de l’employeur [la décision contestée] a été effectuée dans le respect des stipulations de la D.S.E. 47 et en conformité avec l’esprit de cette directive » – et non qu’elle doit décider de revoir la décision du Comité exécutif et de faire preuve de déférence à son égard.
2. La déférence envers le Comité exécutif du CNM est incompatible avec le rôle de la Commission de trancher des griefs
[35] En deuxième lieu, l’argument est incompatible avec les principes plus larges du rôle de la Commission dans la procédure de règlement des griefs. La Commission ne revoit pas une décision relative à un grief. La Commission procède plutôt à l’audition d’un grief de novo (du début); voir Canada (Procureur général) c. Rushwan, 2023 CAF 118, au paragraphe 21 et Klouvi c. Canada (Procureur général), 2024 CAF 80, aux paragraphes 3 et 4. L’argument de l’employeur est incompatible avec l’obligation de la Commission de tenir une audience de novo pour chaque grief (qu’il concerne ou non une directive du CNM) et de ne pas faire preuve de déférence envers le décideur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.
3. La LRTSPF n’exige pas une déférence envers le Comité exécutif du CNM
[36] En troisième lieu, l’argument de l’employeur est incompatible avec la façon dont la déférence entre les décideurs fonctionne dans le contexte administratif. L’employeur invoque l’expertise relative et la composition bipartite du Comité exécutif du CNM lorsqu’il fait valoir que la Commission devrait faire preuve de déférence envers les décisions de ce comité. Ce sont des considérations pragmatiques et fonctionnelles qui, à un moment donné, ont aidé à déterminer si les tribunaux devaient faire preuve de déférence envers les tribunaux administratifs dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Cependant, au risque de me répéter et d’énoncer une évidence, la Commission n’est pas un tribunal qui examine la décision du Comité exécutif du CNM. Elle est un tribunal administratif. Le rôle d’un organisme administratif lorsqu’il traite d’une décision prise par un autre décideur administratif « […] est purement et essentiellement une question d’interprétation des lois, parce que le législateur peut concevoir tout type de structure administrative à plusieurs niveaux pour répondre à n’importe quel contexte » (tiré de Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93, au paragraphe 46; voir aussi Smith c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 73). Si la Commission doit faire preuve de déférence envers le Comité exécutif du CNM, le fondement de cette déférence doit être prévu dans la LRTSPF.
[37] La LRTSPF ne prévoit pas une telle déférence. L’article 228(2) indique que l’arbitre de grief ou la Commission saisie d’un grief « […] tranche celui‑ci par l’ordonnance qu’il juge indiquée ». Il n’y a aucune indication de déférence dans cette citation. La seule disposition de la LRTSPF qui exige que la Commission fasse preuve de déférence est l’article 230, qui prévoit que la Commission doit évaluer l’opinion de l’employeur concernant le rendement d’un employé en fonction de la norme de la décision raisonnable plutôt que la norme de la décision correcte. Le législateur a limité à cette catégorie les cas dans lesquels la Commission fait preuve de déférence. Enfin, l’article 214 de la LRTSPF est la clause privative qui s’applique aux décisions relatives aux griefs, en prévoyant que les décisions relatives aux griefs sont « définitive[s] et obligatoire[s] ». L’article 214 énonce particulièrement qu’il ne s’applique pas aux griefs qui peuvent être renvoyés à l’arbitrage; il s’agit d’une autre indication de l’intention du législateur de faire en sorte que la Commission n’ait pas à faire preuve de déférence dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.
[38] L’intention du législateur, telle qu’exprimée dans la LRTSPF, est que la Commission ne fasse pas preuve de déférence envers les décisions relatives aux griefs – sauf dans les circonstances restreintes énoncées à l’article 230 concernant une opinion sur le rendement.
[39] L’argument de l’employeur est également incompatible avec le moment où il convient de faire preuve de déférence, en général. La déférence dans un contrôle judiciaire était auparavant déterminée en fonction d’une approche pragmatique et fonctionnelle, dont un élément était l’expertise relative du décideur; voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 49 et 55. Cependant, dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, la Cour suprême du Canada a éliminé le fondement de la déférence sur la base de l’expertise relative, déclarant au paragraphe 46 que « […] la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable en cas de contrôle judiciaire n’est plus fondée sur la notion d’expertise relative. Elle repose plutôt maintenant sur le respect du choix d’organisation institutionnelle de la part du législateur […] ». En d’autres termes, même si le Comité exécutif du CNM avait une expertise relative plus importante dans l’interprétation des DSE ou de la Directive sur les voyages que la Commission (ce qui ne constitue pas nécessairement une proposition que j’approuve), cette considération n’est plus pertinente lorsqu’il s’agit de décider si ses décisions méritent une déférence.
[40] Qu’il s’agisse d’un examen administratif ou d’un contrôle judiciaire, l’étoile polaire de la déférence est le choix de la conception législative. Comme il a été expliqué plus tôt, le législateur a établi un régime dans la LRTSPF qui exige que la Commission fasse preuve de déférence envers une décision relative à un grief dans un seul cas. Il serait incohérent avec cette conception législative que la Commission fasse preuve de déférence envers le Comité exécutif du CNM lorsqu’elle entend des griefs concernant les directives du CNM.
V. Analyse de la question 1 : les fonctionnaires sont des « fonctionnaires affectés à l’étranger »
[41] Le paragraphe 3.1.1 de la DSE 3 énonce que (sauf exception que les parties reconnaissent ne pas être pertinente au présent grief) les DSE s’appliquent aux « […] fonctionnaires qui font carrière dans le service extérieur et aux fonctionnaires qui sont affectés à l’étranger dans le cadre d’affectations à l’extérieur du Canada […] ». Les fonctionnaires reconnaissent qu’ils ne sont pas des « fonctionnaires qui font carrière dans le service extérieur », mais ils soutiennent qu’ils sont des « fonctionnaires qui sont affectés à l’étranger dans le cadre d’affectations à l’extérieur du Canada […] ». Il s’agit d’une expression définie; la définition utilise des expressions qui sont elles‑mêmes définies dans les DSE. Voici les définitions pertinentes :
[…]
Fonctionnaire qui fait carrière dans le service extérieur (career foreign service employee) désigne un fonctionnaire tenu, pour occuper son emploi, d’être affecté successivement à un certain nombre de postes à l’étranger durant sa carrière. Il peut arriver à l’occasion qu’en raison des nécessités du service, un fonctionnaire soit affecté à seulement quelques postes, voire à une seule.
[…]
Fonctionnaire affecté à l’étranger (foreign assignment employee) désigne un fonctionnaire qui ne s’est pas engagé à être affecté successivement à un certain nombre de postes à l’étranger durant sa carrière, mais qui est, à l’occasion, affecté, normalement pour une période minimale d’un an.
[…]
Poste (post) s’entend d’une ville, d’une collectivité ou d’un autre endroit où se trouve une « mission ».
[…]
Mission (mission) s’entend du bureau d’un ministère situé à l’extérieur du Canada.
[…]
Affectation (assignment) s’entend d’une affectation définie dans la DSE 3 ‑ Application.
[…]
DSE 3 – Application
[…]
3.1.1 Sauf indication contraire, et sous réserve des dispositions de la DSE 8 ‑ Affectations de courte durée à l’extérieur du Canada, les présentes directives s’appliquent aux fonctionnaires qui font carrière dans le service extérieur et aux fonctionnaires qui sont affectés à l’étranger dans le cadre d’affectations à l’extérieur du Canada, étant entendu que :
a) une affectation a normalement une durée d’au moins 12 mois;
b) une affectation s’entend d’une affectation à un bureau du gouvernement du Canada situé à un poste, ou […] [une autre disposition n’ayant aucune pertinence pour le présent cas]
[…]
[Je mets en évidence]
[42] Comme le montrent ces définitions, pour être un fonctionnaire affecté à l’étranger, une personne doit satisfaire aux critères suivants :
1) être un fonctionnaire;
2) ne pas être une personne qui a accepté d’être affectée successivement à l’étranger durant sa carrière;
3) être une personne qui est, à l’occasion, affectée;
4) l’affectation doit être à un poste.
[43] Il n’est pas contesté que les fonctionnaires répondent aux deux premiers éléments : ils sont des fonctionnaires et ne sont pas affectés successivement. De plus, il n’est pas contesté que les fonctionnaires sont « affectés » ou « affectés […] dans le cadre d’affectations » au NEXUS Birch Bay Enrollment Center. Cela ressort clairement des lettres que chaque fonctionnaire a reçues et qui indiquait ce qui suit : [traduction] « Votre première affectation sera au NEXUS Enrollment Centre à Blaine, dans l’État de Washington. »
[44] L’employeur soutient que les fonctionnaires ne sont pas en affectation à l’occasion et que leur affectation n’est pas à un poste.
A. Les fonctionnaires sont en affectation à l’occasion
[45] L’argument de l’employeur concernant l’exigence d’être affecté à l’occasion est très bref, comme suit : [traduction] « Les fonctionnaires ne peuvent pas "être en affectation à l’occasion" lorsqu’ils sont des fonctionnaires affectés à un poste d’attache du district de Pacific Highway de l’ASFC et qu’ils se rendent régulièrement à leur lieu de travail permanent, situé à seulement 10 kilomètres de l’autre côté de la frontière américaine » [le passage en évidence l’est dans l’original].
[46] Contrairement aux arguments de l’employeur, le fait qu’une affectation soit régulière ou de longue durée ne signifie pas qu’elle ne peut pas aussi être « à l’occasion ». Cela ressort clairement du paragraphe 3.1.1 de la DSE 3, qui indique que cette DSE s’applique aux « […] fonctionnaires qui sont affectés à l’étranger dans le cadre d’affectations à l’extérieur du Canada […] » lorsqu’« […] une affectation a normalement une durée d’au moins 12 mois […] ». Par définition, une affectation à l’étranger a une durée de plus de 12 mois.
[47] La déclaration de l’employeur selon laquelle le NEXUS Birch Bay Enrollment Center est un lieu de travail permanent (plutôt qu’un lieu de travail occasionnel) est minée par la lettre que chaque fonctionnaire a reçue les affectant à ce bureau, qui énonce ce qui suit :
[Traduction]
Selon les nécessités du service, vous devrez peut‑être fournir des services d’agent des services frontaliers à n’importe lequel des lieux du district de Pacific Highway de l’Agence des services frontaliers du Canada. Votre première affectation sera au Nexus Enrollment Centre à Blaine, dans l’État de Washington.
[48] L’employeur a dit aux fonctionnaires qu’il s’agissait d’une [traduction] « première » affectation et qu’ils pourraient être mutés entre les différents lieux du district de Pacific Highway.
[49] Si l’on interprète l’expression « à l’occasion » selon son sens ordinaire, celle-ci signifie irrégulier ou périodique. Cependant, ce n’est pas ainsi que l’expression est utilisée dans les DSE – sinon, elle ne décrirait pas une affectation applicable à un fonctionnaire affecté à l’étranger comme étant une affectation dont la durée est généralement de plus de 12 mois. Dans le contexte des DSE, l’expression « à l’occasion » signifie quelque chose de différent d’irrégulier ou de périodique. Elle est employée comme un antonyme de « successivement », pour distinguer les fonctionnaires qui font carrière dans le service extérieur et qui sont affectés successivement à l’étranger durant leur carrière. Si les affectations à l’étranger se répètent successivement durant sa carrière, le fonctionnaire est un fonctionnaire qui fait carrière dans le service extérieur; s’il s’agit d’une affectation unique (comme dans le présent cas) ou d’affectations répétées sans être effectuées successivement, il s’agit d’une affectation « à l’occasion ».
[50] Par conséquent, j’ai conclu qu’il s’agit d’une affectation « à l’occasion ».
B. Les fonctionnaires sont affectés à un poste.
[51] Comme je l’ai déjà mentionné, le terme « poste » s’entend « […] d’une ville, d’une collectivité ou d’un autre endroit où se trouve une "mission" ». L’employeur ne soutient pas que le NEXUS Birch Bay Enrollment Center n’est pas une « mission ».
[52] Selon l’argument de l’employeur, le terme « poste » s’entend d’une ville, d’une collectivité ou d’un autre endroit où se trouve une mission et de l’endroit où réside le fonctionnaire.
[53] L’employeur présente un argument textuel, faisant valoir que l’utilisation du terme « poste » plutôt que « mission » signifie que les termes ne sont pas interchangeables. Cet argument est incompatible avec le fait que les termes « poste » et « mission » constituent tous les deux des termes définis et que la définition de « poste » fait référence à une « mission ». Les deux termes sont parfaitement clairs dans leurs définitions : une mission est un bureau, et un poste est la ville (ou autre lieu géographique) de ce bureau. Par exemple, le Canada a une mission permanente aux Nations Unies et un consulat général à New York. Par conséquent, le Canada a deux « missions » à un « poste ». J’ai examiné les DSE dans leur intégralité, et elles prennent soin d’utiliser le terme « mission » lorsqu’elles font référence au bureau et « poste » lorsqu’elles font référence à son emplacement. Par exemple, selon la définition du terme « agent supérieur », il s’agit de l’agent supérieur à chaque « mission ». Pour en revenir à mon exemple de New York, chaque mission a un agent supérieur, mais les agents supérieurs travaillent au même poste (c’est‑à‑dire dans la ville de New York). Les DSE utilisent les termes « mission » et « poste » pour désigner les bureaux et les emplacements, respectivement.
[54] En bref, je conviens que les termes ne sont pas interchangeables. Toutefois, cela n’aide pas l’employeur. Dans le présent cas, la « mission » est le NEXUS Birch Bay Enrollment Center, et le « poste » est Blaine, dans l’État de Washington. Les fonctionnaires sont toujours affectés à un « poste » – dans le présent cas, à Blaine, dans l’État de Washington. Leur interprétation des DSE n’enfreint pas la règle contre la redondance.
[55] L’employeur présente également un argument contextuel. L’employeur soutient que le contexte dans lequel le terme « poste » est utilisé dans les DSE signifie qu’un fonctionnaire doit résider dans le même endroit que sa mission. L’employeur cite 10 exemples qui, selon lui, appuient sa position.
[56] J’ai examiné attentivement ces exemples, et ils n’aident pas l’employeur.
[57] Deux exemples en particulier sont faciles à écarter. En premier lieu, l’employeur soutient que [traduction] « […] le "poste" fait référence à une ville ou un lieu géographique à l’extérieur du Canada où une "mission" est située. L’utilisation de ce terme dans l’ensemble des DSE signifie que les directives concernent principalement les fonctionnaires qui sont affectés à des postes à des endroits internationaux ». L’argument de l’employeur est circulaire : il soutient qu’un poste signifie une résidence parce que les directives portent principalement sur les fonctionnaires affectés à l’étranger. Il s’agit simplement d’un raisonnement peu utile.
[58] En deuxième lieu, l’employeur fait valoir que les [traduction] « "frais de subsistance" sont définis comme les frais engagés pendant qu’ils résident à un poste à l’étranger. Il s’agit d’une preuve supplémentaire que les DSE visent à soutenir les fonctionnaires qui vivent à l’étranger ». L’expression « frais de subsistance » n’est pas définie comme les frais engagés pour résider à un poste à l’étranger. L’expression est définie comme les « […] frais réels et raisonnables engagés aux fins du logement, des repas, des services de blanchissage, de nettoyage à sec et d’entretien des vêtements, et les pourboires afférents ». Il n’est pas précisé que ces frais doivent être engagés pendant qu’ils résident à l’étranger. Au contraire, certains frais de subsistance sont payés pendant qu’ils vivent au Canada, comme l’énonce l’article 15.33 de la DSE 15 (frais de subsistance lors de la réinstallation à un lieu de travail au Canada).
[59] L’employeur a raison de faire valoir que bon nombre, sinon la plupart, des dispositions des DSE offrent des prestations aux fonctionnaires qui résident et travaillent à l’étranger. Je suis d’accord avec l’employeur lorsqu’il soutient que les [traduction] « […] prestations visent les fonctionnaires affectés à un "poste" à l’étranger et qui y vivent ».
[60] Cependant, le terme « poste » est un terme défini. Il est bien établi qu’un arbitre de grief ne peut pas ajouter de mots à une convention collective (voir, par exemple, Unifor Local 4050 v. Pincher Creek Co‑operative, 2021 CanLII 12992 (AB GAA)); cette règle est codifiée à l’article 229 de la LRTSPF, qui interdit à un arbitre de grief de rendre une décision ayant pour effet d’exiger la modification d’une convention collective. Selon l’argument de l’employeur, celui‑ci me demande de faire exactement cela en ajoutant à la définition de « poste » une autre exigence selon laquelle un poste est l’endroit où le fonctionnaire réside. La définition de l’employeur peut constituer une signification logique du terme « poste », mais il ne s’agit pas de celle choisie par les parties aux DSE.
[61] En conclusion, les fonctionnaires sont des fonctionnaires affectés à l’étranger. Ils sont des fonctionnaires, ils ne sont pas affectés successivement, ils sont, à l’occasion, en affectation et leur affectation est à un poste.
VI. Analyse de la question 2 : les fonctionnaires n’ont droit à aucune des prestations particulières des DSE
[62] Les fonctionnaires soutiennent qu’ils ont droit à trois prestations en vertu des DSE : l’aide au transport quotidien en vertu de la DSE 30, les frais de soins médicaux en vertu de la DSE 39 et la portion du déjeuner d’une indemnité de repas. Ils soutiennent également qu’ils ont droit à d’autres prestations discrétionnaires pour les indemniser pour les frais supplémentaires liés au fait de parcourir 10 km aux États‑Unis. J’ai conclu que même si les DSE s’appliquent à ces fonctionnaires, ils n’ont droit à aucune de ces prestations.
A. Les fonctionnaires n’ont pas droit à une aide au transport quotidien
[63] L’aide au transport quotidien figure dans la DSE 30 – « Moyens de transport au poste et dépenses connexes ». L’article 30.4 de cette DSE énonce les dispositions générales relatives à l’aide au transport quotidien; les articles 30.5 et 30.6 énoncent ensuite les règles relatives à l’aide au transport quotidien pour le lieu du logement domiciliaire choisi par l’employeur et pour le lieu du logement domiciliaire choisi par le fonctionnaire.
[64] Le paragraphe 30.4.1 commence par énoncer les conditions préalables suivantes à l’aide au transport quotidien :
30.4.1 Pour déterminer si l’aide au transport quotidien est justifiée, il convient de ne pas perdre de vue que la politique de base du gouvernement sur le transport quotidien prévoit que dans des circonstances normales, les fonctionnaires doivent se rendre au travail à leurs propres frais. Une aide ne peut être versée que lorsque les frais excessifs de transport quotidien découlent de l’attribution à un fonctionnaire d’un logement de l’État ou d’un logement loué privément dans un lieu approuvé par la direction, conformément aux articles 30.4 à 30.7 inclus.
[65] L’une des conditions préalables à l’aide au transport quotidien est que le fonctionnaire doit habiter dans un logement appartenant à l’État ou dans un logement loué de façon privée « dans un lieu approuvé par la direction ». Les fonctionnaires conviennent qu’ils n’habitent pas dans des logements appartenant à l’État.
[66] Les fonctionnaires soutiennent qu’ils habitent dans un lieu approuvé par la direction parce que [traduction] « […] rien dans la DSE 30 n’exige que l’approbation soit expresse, de sorte le silence de l’employeur sur le logement des fonctionnaires constitue une approbation implicite ». Les fonctionnaires ne citent aucune autorité à l’appui de cette proposition inhabituelle selon laquelle le fait que la direction ne commente pas le lieu où vit un fonctionnaire signifie qu’elle a [traduction] « approuvé » sa résidence principale. Je ne peux pas accepter que le silence de la direction indique son [traduction] « approbation ». Les DSE comprennent d’autres dispositions concernant le logement qui nécessitent une approbation, y compris l’achat d’un logement à un poste (paragraphe 25.8.1 de la DSE 25) et certains frais lorsqu’il doit partager son logement avec une personne qui n’est pas un fonctionnaire (paragraphe 25.13.4 de la DSE 25). L’idée qu’un fonctionnaire puisse, par exemple, acheter un logement privé dans un poste au lieu de louer et ensuite réclamer les prestations de la DSE au motif que l’employeur n’a jamais dit de ne pas le faire est franchement absurde. Lorsque la DSE indique qu’une action particulière nécessite une approbation, cette approbation ne peut pas être sous-entendue par un simple silence.
[67] Les fonctionnaires reconnaissent que [traduction] « […] leurs circonstances ne correspondent pas parfaitement aux définitions de la DSE 30 […] ». Cela est exact et suffit à expliquer pourquoi ils n’ont pas droit à ses prestations.
[68] Enfin, les fonctionnaires réclament une aide au transport quotidien en vertu de l’introduction de la DSE 30. L’introduction de la DSE 30 énonce qu’elle a pour objet de traiter les « […] les circonstances se rattachant au transport personnel et aux dépenses connexes [qui] sont très différentes des situations dans lesquelles se trouvent habituellement les fonctionnaires en service au Canada ». Les fonctionnaires soutiennent que [traduction] « [p]eu de gens contesteraient le fait que le transport et les dépenses associées au déplacement quotidien international des fonctionnaires constituent des situations qui sont très différentes de celles normalement rencontrées au Canada. » Je dois respectueusement exprimer mon désaccord.
[69] Les fonctionnaires affirment qu’ils ne peuvent pas apporter certains types de nourriture avec eux au travail en raison du passage de la frontière, alors que de nombreux lieux de travail interdisent certains types de nourriture en raison des allergies graves d’autres fonctionnaires. Les fonctionnaires affirment que leur assurance automobile est plus élevée, pourtant de nombreux fonctionnaires ont une assurance automobile plus élevée en raison de la nature de leur déplacement – par exemple, si le fonctionnaire vit ou travaille dans une zone rurale et conduit un véhicule plus gros nécessitant une assurance plus élevée. Les fonctionnaires affirment que le fait de traverser la frontière augmente leur temps de déplacement, pourtant de nombreux fonctionnaires qui changent de bureau se retrouvent avec des temps de déplacement plus longs en conséquence. Les fonctionnaires sont préoccupés par le coût des cartes NEXUS destinées à réduire au minimum le temps passé à traverser la frontière (au coût de 50 $ tous les cinq ans), alors que de nombreux fonctionnaires paient pour utiliser des routes à péage ou des ponts pour réduire leur temps de déplacement. Les fonctionnaires sont préoccupés par l’augmentation des coûts de téléphone cellulaire, car ils travaillent aux États‑Unis, pourtant les coûts de téléphone cellulaire varient d’une province à l’autre et parfois même à l’intérieur d’une province, et les fonctionnaires dans des régions rurales peuvent traverser des zones sans couverture cellulaire. Les fonctionnaires affirment également qu’ils ne peuvent pas joindre leurs proches pendant les heures de travail sans expliquer pourquoi ils ne peuvent pas utiliser le Wi‑Fi au travail ou en quoi cela diffère des autres fonctionnaires qui ne sont pas autorisés à utiliser leur téléphone cellulaire personnel au travail parce qu’ils travaillent dans des endroits sécurisés. Même sans tout cela, il y a des milliers de fonctionnaires qui doivent traverser la frontière canado‑américaine chaque jour.
[70] Pour les raisons que je viens d’énoncer, la situation des fonctionnaires n’est pas très différente de celle d’un grand nombre d’autres Canadiens.
[71] De plus, l’introduction de la DSE 30 précise qu’elle existe parce que les « restrictions locales peuvent limiter les possibilités de posséder une voiture particulière ou entraîner pour les fonctionnaires des frais supplémentaires considérables ». Les préoccupations des fonctionnaires ne découlent pas de restrictions locales, à l’exception peut-être de la restriction sur l’importation d’aliments, qui est insuffisante, en soi, pour inclure les fonctionnaires dans l’objectif de la DSE 30.
[72] Comme je l’ai déjà dit, la situation des fonctionnaires ne relève pas de la portée des prestations de la DSE 30. Cela me suffit pour rejeter cet aspect du grief. Je souligne simplement que, même si les fonctionnaires avaient raison de soutenir qu’une revendication morale fondée sur des circonstances uniques leur donne droit à une prestation malgré le libellé de la DSE 30, ils n’ont pas établi cette revendication dans le présent grief.
B. Les fonctionnaires n’ont pas droit aux frais de soins médicaux
[73] Les fonctionnaires déclarent simplement que [traduction] « [i]l ne fait aucun doute » que la DSE 39 s’applique à leur égard. Cependant, ils demandent seulement une déclaration de droit en vertu de la DSE 39, car ils [traduction] « […] n’ont pas engagé de frais de soins médicaux liés à leur travail […] ». Les fonctionnaires travaillent au NEXUS Birch Bay Enrollment Center depuis près d’une décennie.
[74] La DSE 39 a été modifiée à compter du 1er avril 2019. La version de la DSE en vigueur lorsque les griefs ont été déposés (en vigueur le 1er avril 2013) énonçait qu’elle s’appliquait comme suit :
La présente directive prévoit le versement d’une aide financière aux fonctionnaires qui doivent assumer à l’extérieur du Canada des frais de soins médicaux supérieurs au plafond fixé par le Régime de soins de santé de la fonction publique (RSSFP) ou par le Régime de soins dentaires de la fonction publique (RSDFP) […]
[75] La version actuelle de la DSE 39 se lit comme suit :
La présente directive prévoit le versement d’une aide financière aux fonctionnaires qui doivent assumer à l’extérieur du Canada des frais de soins de santé supérieurs au plafond prévu par la protection totale du Régime de soins de santé de la fonction publique (RSSFP) et du Régime de soins dentaires de la fonction publique (RDSFP) […]
[Je mets en évidence]
[76] Compte tenu de l’admission des fonctionnaires selon laquelle ils n’ont pas engagé de frais de soins médicaux, il n’y a aucune raison d’évaluer leur droit aux prestations en vertu de la version antérieure à 2019 de la DSE. Même si les fonctionnaires étaient admissibles en vertu de l’ancienne version de la DSE 39, je ne rendrais aucune déclaration à cet effet compte tenu des 10 ans d’expérience démontrant qu’ils n’ont pas besoin de ces prestations. Les fonctionnaires n’ont jamais expliqué le but d’une déclaration, sauf une allégation selon laquelle cela les dispenserait de souscrire leur propre assurance maladie – sans fournir d’éléments de preuve indiquant que les fonctionnaires ont payé pour une assurance maladie supplémentaire.
[77] Dans ses arguments sur la version actuelle de la DSE, l’employeur invoque l’expression « protection totale ». La Directive du Régime de soins de santé de la fonction publique (DRSSFP) du CNM (tant la version en vigueur en 2013 que la version actuelle) explique qu’il existe deux types de protection en matière de soins de santé : la protection supplémentaire et la protection totale. En bref, une protection supplémentaire est accordée aux fonctionnaires qui vivent au Canada pour compléter leurs soins de santé provinciaux, et une protection totale est accordée aux fonctionnaires qui vivent à l’extérieur du Canada (et qui, par conséquent, ne bénéficient pas de soins de santé provinciaux). Le paragraphe 8.1.1 de la version actuelle de la DRSSFP précise que la protection totale « […] n’est offerte qu’aux participants habitant à l’extérieur du Canada […] »; l’ancienne version de la DRSSFP indiquait la même chose. Même si la DRSSFP ne traite pas des modalités du régime de soins dentaires, les fonctionnaires ne contestent pas que les significations de « supplémentaire » et de « totale » s’appliquent également à ce régime.
[78] Les fonctionnaires ne sont pas admissibles à une protection totale en vertu du Régime de soins de santé de la fonction publique (RSSFP) ou de la DRSSFP parce qu’ils résident au Canada. Cela signifie que la version actuelle de la DSE 39 ne s’applique pas à eux. Par conséquent, je n’accorderai aucune déclaration en faveur des fonctionnaires.
C. La Directive sur les voyages ne fait pas partie des DSE
[79] Les fonctionnaires demandent plusieurs indemnités en vertu de la Directive sur les voyages. Les fonctionnaires affirment que la Directive sur les voyages est intégrée dans la DSE 8 au moyen du paragraphe 8.6.1, car cette disposition fait référence à une indemnité de repas, conformément à la Directive sur les voyages. La DSE 8 porte sur les « affectations de courte durée », qui sont définies comme des affectations pour une période de plus de 120 jours, mais de moins de 12 mois. Les fonctionnaires ont tous été affectés au NEXUS Birch Bay Enrollment Center pendant plus d’un an à la fois, de sorte que le paragraphe 8.6.1 ne s’applique pas à eux.
[80] Les fonctionnaires demandent également le remboursement de faux frais en vertu de la Directive sur les voyages, en soutenant que cela permettrait de les indemniser pour le désavantage financier que représente le fait de devoir traverser la frontière canado‑américaine. Il n’y a rien dans la DSE qui exigerait ou envisagerait même que l’employeur doive verser une indemnité en vertu d’une directive différente simplement parce que les fonctionnaires ont des coûts liés au transport.
[81] Pour ces raisons, j’ai conclu que les fonctionnaires n’ont droit à aucune des prestations énoncées expressément dans les DSE.
D. Paiements discrétionnaires
[82] Les fonctionnaires demandent à être indemnisés pour les frais supplémentaires de leur déplacement aux États‑Unis. Ces frais supplémentaires comprennent, sans toutefois s’y limiter, l’assurance automobile. Les fonctionnaires n’ont indiqué aucun élément dans les DSE qui exigerait ou envisagerait même que l’employeur paie ce montant, sauf l’aide au transport quotidien, que j’ai déjà rejetée.
[83] Cela m’amène à l’argument des fonctionnaires selon lequel les DSE ont pour but de conférer des droits substantiels pour faire face à de nouvelles situations. Comme je l’ai déjà mentionné, le Règlement du CNM énonce que les griefs doivent être tranchés en conformité avec l’esprit de la directive en litige. Les fonctionnaires invoquent particulièrement l’énoncé des principes au début des DSE, qui se lit comme suit :
Principes
Les Directives sur le service extérieur reposent sur les principes suivants :
L’équivalence – dans la mesure du possible et du pratique, les fonctionnaires en service à l’étranger ne devraient être ni plus ni moins favorisés que s’ils travaillaient au Canada.
L’encouragement – l’employeur doit offrir certains avantages supplémentaires pour intéresser les fonctionnaires à accepter à l’occasion une affectation à l’étranger et pour recruter et conserver des fonctionnaires faisant carrière dans le service extérieur.
Les dispositions relatives à l’exécution des programmes – afin d’assurer aux fonctionnaires en service à l’étranger tous les moyens nécessaires pour mener à bien les programmes qui leur sont confiés.
Afin de réaliser les objectifs des directives, on continuera de prendre en considération les situations éventuelles qui n’y sont pas expressément traitées, mais qui cadrent avec l’esprit des principes fondamentaux décrits ci‑dessus ou expliqués dans l’introduction de l’une ou l’autre directive.
[Les passages en évidence le sont dans l’original]
[84] L’argument des fonctionnaires est mieux résumé dans leurs arguments en réponse, comme suit :
[Traduction]
[…]
5. Le déplacement transfrontalier des fonctionnaires constitue un arrangement de travail extraordinaire rendu nécessaire par leur affectation au BBEC. Cet arrangement impose des fardeaux financiers et logistiques uniques qui ne surviendraient pas pour les fonctionnaires affectés à des postes nationaux. Refuser aux fonctionnaires les prestations en vertu des DSE va à l’encontre du principe de l’équivalence.
[…]
[85] Je ne peux pas souscrire à l’argument des fonctionnaires pour deux raisons.
1. Les décisions antérieures de la Commission n’aident pas les fonctionnaires
[86] La Commission a récemment rejeté ce même argument dans Woodill c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2023 CRTESPF 90. Le fonctionnaire s’estimant lésé dans ce cas a été muté de Kingston, en Ontario, à Washington, D.C. Il a vendu sa maison à Gananoque, en Ontario, qu’il avait récemment achetée, et il a perdu de l’argent lors de la vente. Il était visé par les DSE, car il s’est réinstallé aux États‑Unis. S’il s’était réinstallé à l’intérieur du Canada, il aurait été visé par la Directive sur la réinstallation. La Directive sur la réinstallation prévoit une prestation intitulée « Indemnité pour pertes immobilières » qui, pour simplifier, verse une partie de la différence entre le prix d’achat initial et le prix de vente d’une maison lorsque la valeur de la maison a diminué et que le fonctionnaire est réinstallé. Le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que le principe de l’équivalence des DSE signifiait qu’il avait droit à cette prestation.
[87] La Commission n’était pas du même avis pour deux raisons. En premier lieu, la Commission a souligné que la perte de valeur immobilière n’est pas visée par les DSE, contrairement au libellé clair de la Directive sur la réinstallation. Pour la Commission, cela a montré que les parties ont délibérément choisi de prévoir des pertes de valeur immobilière pour les réinstallations nationales, mais non pour les réinstallations internationales. Les fonctionnaires soutiennent que cela distingue leur cas de celui de Woodill car, contrairement à la perte de valeur immobilière, les taux de repas et les taux par kilomètre de la Directive sur les voyages sont intégrés aux DSE. Cependant, comme je l’ai déjà mentionné, cela est incorrect – l’indemnité de repas est intégrée dans les DSE uniquement à certaines fins limitées et non de manière plus générale. Les taux par kilomètre sont également utilisés uniquement à certaines fins limitées (comme la réinstallation et les voyages à la recherche d’un logement).
[88] Plus important encore, dans Woodill, la Commission a rejeté la prémisse qui sous‑tendait le cas des fonctionnaires dans les présents griefs. Aux paragraphes 60 et 61, la Commission a simplement déclaré que « […] l’équivalence ne permet pas à un arbitre de grief de modifier le libellé d’une convention collective […] » et que « […] une perte importante n’est pas nécessairement couverte par une DSE, même en vertu du principe de l’équivalence. Les conditions de la couverture doivent également se retrouver dans le libellé de la DSE ».
[89] Je suis du même avis. La DSE n’inclut pas un droit autonome à l’« équivalence » de traitement.
[90] Les fonctionnaires s’appuient fortement sur la décision de la Commission dans Jonk c. Conseil du Trésor (Affaires étrangères et Commerce international), [1998] C.R.T.F.P.C. no 54 (QL). Le fonctionnaire s’estimant lésé dans ce cas habitait à Los Angeles, en Californie, lors d’un tremblement de terre survenu en 1994. Le tremblement de terre a touché sa résidence, endommageant ses effets personnels et l’obligeant à quitter les lieux pendant cinq jours, en raison de l’absence de services publics. Il avait une assurance contre les tremblements de terre d’un montant de 50 000 $, mais avec une franchise de 10 % (5 000 $). Il a obtenu la somme de sa compagnie d’assurance et a réclamé le montant de la franchise de 5 000 $ auprès de son employeur. L’employeur a offert de payer la moitié. L’employeur a versé un montant semblable à un autre employé, qui avait souscrit une assurance avec une franchise de 5 % au lieu de 10 %. L’employeur a simplement déclaré qu’il avait « en vertu de ses pouvoirs discrétionnaires […] décidé […] [d’]un remboursement de 5 p. 100 ». La Commission a accueilli le grief.
[91] La Commission a souligné que la DSE 64 (qui couvre les évacuations d’urgence) ne s’appliquait pas, mais elle a néanmoins déclaré qu’il s’agissait d’une des situations visées par les mots introductifs de la DSE « […] qui n’y sont pas expressément traitées […] ». La Commission a ordonné à l’employeur de payer la franchise totale de 10 %. Les fonctionnaires soutiennent que ce cas appuie leur argument selon lequel l’employeur est tenu de rembourser leurs dépenses ou de leur verser les indemnités de déplacement car, comme dans Jonk, leur situation n’est pas traitée dans les DSE.
[92] La Commission n’a jamais cité Jonk pour le principe général invoqué par les fonctionnaires, à savoir que le simple fait qu’une situation ou une dépense ne soit pas traitée dans les DSE pour un fonctionnaire qui travaille à l’étranger suffit à déclencher un droit. J’hésiterais avant d’accepter un tel principe.
[93] La décision Jonk se distingue également du présent cas. L’élément distinctif important est que dans Jonk, l’employeur a conclu qu’il devait exercer son pouvoir discrétionnaire et rembourser la franchise. La Commission n’a pas conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait droit à la franchise dans le vide; la Commission a conclu qu’après avoir décidé de payer une franchise, l’employeur n’avait aucune raison de fixer la limite à 5 %. La Commission a déclaré ce qui suit au paragraphe 31 :
31 […] que l’employeur avait exercé ses pouvoirs discrétionnaires aux termes de la DSE 15.42a) et qu’il avait décidé de plafonner le remboursement à 5 p. 100. Pourquoi pas à 4,9 p. 100 ou à 5,1 p. 100? Je crois que l’employeur a exercé ses pouvoirs discrétionnaires d’une façon arbitraire, que M. Jonk a été victime de discrimination et que sa demande d’indemnisation était justifiée et raisonnable.
[94] Dans le présent cas, si les fonctionnaires avaient indiqué d’autres situations où l’employeur avait exercé son pouvoir discrétionnaire pour verser le type de prestations demandées par les fonctionnaires, j’aurais examiné la question de savoir si l’employeur avait enfreint les DSE en exerçant son pouvoir discrétionnaire de manière discriminatoire ou arbitraire. Toutefois, les fonctionnaires n’ont pas pu indiquer de situations comparables à la leur. Les fonctionnaires n’ont pas pu indiquer une situation dans laquelle un fonctionnaire vivait au Canada, travaillait à l’étranger et recevait des prestations en vertu des DSE.
2. La demande des fonctionnaires n’est pas conforme à l’esprit des DSE
[95] Enfin, même si j’ai expliqué pourquoi les fonctionnaires sont, sur le plan technique, des fonctionnaires affectés à l’étranger, je suis également d’accord avec l’employeur pour dire que le but ou l’esprit des DSE est de rembourser les dépenses engagées par les fonctionnaires qui résident et travaillent à l’étranger. J’ai expliqué plus tôt pourquoi les fonctionnaires répondent à la définition de « fonctionnaires affectés à l’étranger », malgré l’argument de l’employeur fondé sur le contexte des DSE. Toutefois, ce contexte fourni par l’employeur est important, car il montre que l’esprit des DSE est de fournir des prestations aux fonctionnaires qui vivent à l’étranger. L’employeur a donné plusieurs exemples de cela. L’exemple le plus évident se trouve dans le traitement par les DSE des fonctionnaires qui sont un couple. Lorsque des fonctionnaires qui sont un couple sont affectés à des postes différents, ils reçoivent chacun des prestations en vertu des DSE, mais lorsqu’ils sont affectés au même poste, l’un est traité comme le fonctionnaire et l’autre comme une personne à charge (voir, par exemple, l’article 15.2 de la DSE 15, et l’article 16.5 de la DSE 16). La DSE 18, qui porte sur l’aide spéciale pour séparation de la famille, va plus loin et vise les cas où un époux ou conjoint de fait n’accompagne pas un fonctionnaire pendant « l’affectation », ce qui montre qu’une « affectation » sera presque toujours une résidence à l’étranger, ainsi qu’un lieu de travail.
[96] Je n’ai pas examiné l’ensemble des DSE pour déterminer si l’une de leurs dispositions pourrait s’appliquer à un fonctionnaire qui travaille au Canada et qui se rend à l’étranger. Les fonctionnaires ont tenté de faire valoir deux telles dispositions (déplacement et soins médicaux), mais comme je l’ai conclu, elles ne s’appliquent pas. Les fonctionnaires ont mentionné l’article 8.6.1 des DSE qui porte sur les affectations de courte durée, mais comme je l’ai déjà dit, leur affectation n’est pas de courte durée. Les fonctionnaires qui vivent au Canada peuvent toujours être des fonctionnaires affectés à l’étranger; selon leur situation, il se peut qu’un petit nombre de prestations prévues dans les DSE s’appliquent à leur égard – ou du moins, je ne peux pas l’exclure. Toutefois, même si les DSE me permettaient d’ordonner à l’employeur d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour verser des prestations à un groupe de fonctionnaires simplement parce que leur situation est inhabituelle, je ne le ferais pas dans le présent cas, car l’esprit des DSE est l’équivalence entre le coût de la vie au Canada et à l’étranger.
[97] Pour ces raisons, j’ai rejeté la demande de prestations des fonctionnaires en vertu des DSE. Ils sont des fonctionnaires affectés à l’étranger en vertu des DSE, mais aucune des prestations qu’ils demandent ne s’applique à eux. De plus, ils ne sont pas visés par l’esprit qui sous‑tend les directives visant à assurer l’équivalence du niveau de vie entre les fonctionnaires qui vivent à l’étranger et ceux qui vivent au Canada.
VII. La Directive sur les voyages
[98] Les fonctionnaires soutiennent subsidiairement qu’ils ont droit à plusieurs indemnités et autres paiements en vertu de la Directive sur les voyages.
A. La Commission est valablement saisie du grief relatif à la Directive sur les voyages
[99] L’employeur soutient que la Commission n’est pas valablement saisie de la partie du présent grief qui porte sur la Directive sur les voyages. Comme je l’ai expliqué dans l’aperçu procédural, lorsque le présent grief a été renvoyé au Comité exécutif du CNM, il a été traité en deux étapes. Tout d’abord, le Comité exécutif du CNM a décidé le 20 octobre 2022 que [traduction] « […] la Directive sur les voyages ne s’applique pas, car les fonctionnaires s’estimant lésés se présentaient à leur lieu de travail
permanent […] ». Le Comité exécutif a également décidé de renvoyer le grief au Comité des DSE. Le Comité exécutif a conclu comme suit :
[Traduction]
Compte tenu de la décision du Comité exécutif, le grief relatif à la Directive sur les voyages est maintenant conclu. Les griefs et les renseignements déjà présentés seront traités comme un dossier de grief relatif aux DSE et la procédure de règlement des griefs se poursuivra sans interruption.
[100] Le Comité exécutif du CNM a rendu sa deuxième décision, rejetant la demande fondée sur les DSE, le 6 avril 2023. Les fonctionnaires ont renvoyé leur grief à l’arbitrage le 17 avril 2023.
[101] Le paragraphe 90(1) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005‑79) exige qu’un fonctionnaire s’estimant lésé renvoie un grief à l’arbitrage dans les 40 jours « […] après le jour où la personne qui a présenté le grief a reçu la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable au grief » ou dans les 40 jours suivant la date limite à laquelle l’employeur doit rendre une décision au dernier palier. Les fonctionnaires ont renvoyé leurs griefs à l’arbitrage dans les 40 jours suivant la deuxième décision, mais pas la première. L’employeur soutient que cela signifie que le présent grief, en ce qui concerne la Directive sur les voyages, a été déposé en retard.
[102] J’ai conclu que le renvoi à l’arbitrage était opportun. Le paragraphe 209(1) de la LRTSPF permet à un fonctionnaire de renvoyer un « grief individuel » à l’arbitrage. Il s’agit du grief qui est renvoyé à l’arbitrage, et non la décision rendue au dernier palier.
[103] Le présent cas compte 49 griefs individuels (qui ont été regroupés dans cet unique dossier de la Commission). Chaque grief portait à la fois sur les DSE et sur la Directive sur les voyages. Le délai pour renvoyer le grief à l’arbitrage a commencé à courir lorsque le grief a été tranché, et non pas lorsqu’une partie seulement de celui‑ci a été tranchée. Le grief n’a pas été tranché avant le 6 avril 2023.
[104] L’article 225 de la LRTSPF énonce que le renvoi d’un grief à l’arbitrage ne peut avoir lieu qu’après la présentation du grief à tous les paliers requis conformément à la procédure de règlement des griefs. Il s’agit d’une codification d’un principe juridique plus général selon lequel une partie doit épuiser les recours internes avant de demander une réparation ailleurs. Dans le cadre du contrôle judiciaire, ce principe juridique sert de barrière discrétionnaire aux demandes devant les tribunaux, ce qui rend ces demandes prématurées jusqu’à ce que tous les recours administratifs internes ne soient épuisés. Cela inclut les demandes qui contestent les décisions provisoires d’un tribunal administratif; une partie doit attendre l’issue définitive avant de contester une décision provisoire. Lorsque les recours internes n’ont pas encore été épuisés, le délai pour demander un contrôle judiciaire ne commence à courir que lorsqu’une décision a été prise dans le cadre de cette procédure interne, car il [traduction] « […] serait absurde d’interpréter [un délai] comme englobant une période pendant laquelle les parties étaient tenues de poursuivre un autre processus de règlement des différends […] » (tiré de Lee v. Yeung, 2012 ABQB 40, au paragraphe 47). De même, lorsqu’une décision est rendue en plusieurs parties, le délai commence à courir seulement après que la décision définitive soit rendue; voir Tsetta c. Conseil de Bande de la Première Nation des Dénés Couteaux‑Jaunes, 2014 CF 396, au paragraphe 20.
[105] Le même principe s’applique dans le présent cas. Le Comité exécutif du CNM a tranché le grief en deux parties : d’abord en appliquant la Directive sur les voyages, puis en appliquant les DSE. Jusqu’à ce qu’il ait tranché les deux parties, le grief n’avait pas été traité au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Une fois qu’il l’a été, les fonctionnaires étaient libres de renvoyer les deux parties du grief à l’arbitrage.
[106] Pour ces raisons, la question concernant la Directive sur les voyages n’était pas hors délai et la Commission en est valablement saisie.
B. Les fonctionnaires ne sont pas admissibles aux prestations en vertu de la Directive sur les voyages
[107] Voici l’argument des fonctionnaires concernant la Directive sur les voyages :
[Traduction]
[…]
58. Si les fonctionnaires ne sont pas considérés comme étant en affectation au BBEC [Birch Bay Enrollment Center], ils doivent alors être autorisés à y voyager pour travailler parce qu’il s’agit de l’endroit où l’employeur s’attend à ce qu’ils exercent leurs fonctions. Le point d’entrée de Pacific Highway (PDEPH) serait donc leur lieu d’affectation officiel, ou la limite extérieure de leur lieu d’affectation officiel, car les lettres de mutation font référence aux emplacements du district de Pacific Highway de l’Agence des services frontaliers du Canada.
[…]
[Je mets en évidence]
[108] J’ai déjà déclaré que les fonctionnaires sont affectés au Birch Bay Enrollment Center. Par conséquent, selon l’argument même des fonctionnaires, ils n’ont droit à aucune des prestations en vertu de la Directive sur les voyages.
[109] Afin d’expliquer davantage et de dissiper tout doute, la Directive sur les voyages prévoit des prestations pour les fonctionnaires qui sont en déplacement, renvoyant à eux comme étant « considéré[s] comme en déplacement ». La Directive sur les voyages comporte quatre « modules de déplacement » : voyages dans la zone d’affectation (définie comme étant à moins de 16 km du lieu de travail régulier du fonctionnaire); voyages hors de la zone d’affectation – sans nuitée; voyages au Canada et dans les États continentaux des États‑Unis – avec nuitée; et voyages internationaux hors du Canada ou des États continentaux des États‑Unis. Seuls les modules 1 (Voyages dans la zone d’affectation) ou 2 (Voyages hors de la zone d’affectation – sans nuitée) s’appliqueraient aux fonctionnaires. Les deux exigent que le fonctionnaire soit « en service commandé hors de la zone d’affectation ». Le « lieu de travail » est défini comme « […] [l’e]ndroit permanent particulier, déterminé par l’employeur, où le fonctionnaire exerce habituellement les fonctions liées à son poste ou dont il relève ».
[110] Les fonctionnaires travaillent habituellement au Birch Bay Enrollment Center. Ils conviennent qu’il s’agit de l’endroit où ils travaillent habituellement, et j’ai déjà cité les lettres en vertu desquelles ils ont été affectés à ce lieu de travail. Par conséquent, ils ne sont pas considérés comme en déplacement lorsqu’ils quittent leur domicile pour se rendre au travail ou reviennent à leur domicile; ils se déplacent. Par conséquent, ils n’ont droit à aucune des prestations prévues par la Directive sur les voyages.
[111] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
VIII. Ordonnance
[112] Les griefs sont rejetés.
Le 19 février 2025.
Traduction de la CRTESPF
Christopher Rootham,
une formation de la Commission des
relations de travail et de l’emploi dans le
secteur public fédéral
ANNEXE A |
LISTE DES FONCTIONNAIRES S’ESTIMANT LÉSÉS
Bridget Belliveau
Lisa Borland
Dale Collins
Patricia Freer
Jose Garcia
Cliff Gilbert
Barbara Guenther
Cheryl Hillis
Robert Humphreys
Rita Irion
Marie‑Claude Langlois
Cherylee Ruzyski
Marian Senum
Sandra Witherdeen