Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a été promue d’un poste de l’unité de négociation Services et programmes, représentée par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), à un poste de l’unité de négociation Vérification, finances et sciences, représentée par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Lorsqu’elle a été promue, les taux de rémunération établis dans la convention collective pertinente entre l’AFPC et l’Agence du revenu du Canada (ARC) étaient échus. Lorsqu’une nouvelle convention collective a été conclue, elle comprenait des augmentations salariales rétroactives, y compris pour la période précédant sa promotion. L’employeur a examiné sa rémunération et a déterminé que les augmentations de rémunération rétroactives pour son ancien poste n’entraîneraient pas de changement à son taux de rémunération pour la promotion. La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté cette décision et a soutenu qu’elle aurait dû avoir monté d’un échelon dans la grille salariale, rétroactivement à la date de sa promotion. La Commission a conclu que l’ARC avait correctement calculé sa paye. Lorsqu’il y a un changement rétroactif à un taux de rémunération, une promotion et un niveau de rémunération connexe doivent être maintenus après que les taux de rémunération ont été recalculés pendant la période de rétroactivité. La Commission a conclu que c’est exactement ce que l’ARC a fait. Bien que la méthode utilisée pour déterminer sa rémunération au moment de la promotion ait changé parce que les augmentations rétroactives ont changé la façon dont l’ARC a appliqué la [traduction] « règle de promotion/mutation » et la [traduction] « règle de nomination intérimaire subséquente » énoncées dans sa Directive sur les conditions d’emploi, la Commission a conclu que l’ARC avait correctement appliqué ces règles. Le changement de méthode et l’application des règles auraient entraîné une réduction de son taux de rémunération. Toutefois, la promotion de la fonctionnaire s’estimant lésée et le niveau de rémunération connexe ont été maintenus après le nouveau calcul.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20250214

Dossier: 566‑34‑41678

 

Référence: 2025 CRTESPF 17

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

QI (ANN) XU

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

employeur

Répertorié

Xu c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : David Orfald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Chris Finding, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Christine Côté, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les
15 mai, 15 juin, 7 et 24 juillet et 11 et 29 août 2023.
(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Aperçu

[1] Le présent grief porte sur le taux de rémunération approprié d’une employée qui est passée d’une unité de négociation à une autre après la mise en œuvre d’un rajustement rétroactif des taux de rémunération applicables à son ancien poste.

[2] Qi (Ann) Xu, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») est une employée de l’Agence du revenu du Canada (ARC ou l’« employeur »). Elle a commencé à travailler à l’ARC en janvier 2008 comme vérificatrice fiscale au sein de l’unité de négociation Services et programmes (SP), représentée par l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), un poste de groupe et niveau SP-05.

[3] Le 6 octobre 2014, elle a été promue à un poste de vérificatrice fiscale au sein de l’unité de négociation Vérification, finances et sciences (VFS), représentée par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), un poste de groupe et niveau AU-1.

[4] Au moment de sa nomination promotionnelle, les taux de rémunération établis dans la convention collective applicable conclue entre l’AFPC et l’ARC étaient expirés.

[5] À l’automne 2016, l’AFPC et l’ARC ont signé une nouvelle convention collective. Celle-ci comprenait des augmentations salariales rétroactives au 1er novembre 2012, soit avant la promotion de la fonctionnaire. L’employeur a examiné la rémunération de la fonctionnaire et a jugé que les augmentations salariales rétroactives applicables à son ancien poste n’entraîneraient pas de changement du taux de rémunération de son poste de groupe et niveau AU-1.

[6] Le présent grief vise à contester cette décision. La fonctionnaire croit qu’elle aurait dû gagner un échelon dans la grille de rémunération AU-1, rétroactivement à la date de sa promotion. Elle soutient qu’en raison de l’erreur qu’aurait commise l’employeur, elle a été sous‑payée dans le cadre de trois promotions subséquentes sur une période de huit ans.

[7] Le grief est rejeté sur le fond. Je conclus que l’ARC a correctement calculé la rémunération de la fonctionnaire et qu’elle a bien appliqué les règles énoncées dans sa Directive sur les conditions d’emploi.

[8] Dans mon examen des éléments de fond, je dois tenir compte des objections concernant la compétence que l’employeur a formulées dans le cadre du présent grief. L'employeur a fait valoir que le grief ne fait pas intervenir adéquatement la convention collective de la fonctionnaire et que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») n’a pas compétence pour interpréter et appliquer sa Directive sur les conditions d’emploi. Subsidiairement, il a soutenu que si le grief faisait intervenir une convention collective, alors il s’agissait de celle qu’il a conclue avec l’AFPC. Par conséquent, la fonctionnaire devrait être représentée à l’arbitrage par l’AFPC, et non par l’IPFPC. Dans mes motifs, j’aborde ces questions en premier lieu. Les objections relatives à la compétence sont rejetées.

II. Résumé des faits

[9] Les parties ont fourni un exposé conjoint des faits, qui est complété par un recueil conjoint de documents comportant 15 onglets. Je résume ci‑après les faits importants.

[10] La fonctionnaire a commencé à travailler à l’ARC le 2 janvier 2008. Comme il a été mentionné, elle a été nommée à un poste de groupe et niveau SP‑05 qui est représenté par l’AFPC.

[11] Le 3 juillet 2012, elle a commencé à occuper à titre intérimaire un poste de groupe et niveau SP‑06. Le 13 janvier 2014, alors qu’elle occupait toujours par intérim le poste SP-06, elle a commencé à occuper à titre intérimaire un poste de groupe et niveau SP-07. Ces deux niveaux font partie de l’unité de négociation SP représentée par l’AFPC.

[12] Le 6 octobre 2014, la fonctionnaire a été promue de façon permanente à un poste de groupe et niveau AU-1 au sein de l’unité de négociation AFS de l’IPFPC.

[13] Avant sa nomination promotionnelle, la fonctionnaire était assujettie à la convention collective du groupe SP conclue entre l’AFPC et l’ARC, dont la date d’expiration était le 31 octobre 2012.

[14] Après sa nomination promotionnelle, la fonctionnaire était assujettie à la convention collective du groupe AFS conclue entre l’IPFPC et l’ARC, dont la date d’expiration était le 21 décembre 2014 (la « convention collective de 2014 de l’IPFPC »).

[15] Le 25 octobre 2016, l’AFPC et l’ARC ont signé une nouvelle convention collective dont la date d’expiration était le 31 octobre 2016 (la « convention collective de 2016 de l’AFPC »). Cette convention prévoyait des augmentations salariales pour le groupe SP, rétroactives aux 1er novembre 2012, 2013, 2014 et 2015.

[16] Les taux de rémunération du poste d’attache SP-05 de la fonctionnaire se trouvent à l’annexe « A » de la convention collective de 2016 de l’AFPC, dont voici un extrait :

SP-05

1

2

3

4

5

1er novembre 2011

De :

53053

54645

56284

57973

59713

1er novembre 2012

A

53982

55602

57269

58988

60758

1er novembre 2013

B

55062

56715

58415

60168

61974

 

[17] Au moment où la fonctionnaire a été promue, le taux de rémunération de son poste d’attache SP-05 était celui qui se trouvait à l’échelon 5 de la ligne « De » : 59 713 $. Après la signature de la convention collective de 2016 de l’AFPC, le taux de rémunération rétroactif en vigueur au moment de la promotion est devenu le montant qui se trouve à l’échelon 5 de la ligne B : 61 974 $.

[18] Le taux de rémunération du poste intérimaire SP-07 de la fonctionnaire se trouve aussi à l’annexe « A » de la convention collective de 2016 de l’AFPC, dont voici un extrait :

SP-07

1

2

3

4

5

1er novembre 2011

De :

62111

63975

65893

67871

69907

1er novembre 2012

A

63198

65095

67047

69059

71131

1er novembre 2013

B

64462

66397

68388

70441

72554

 

[19] Au moment où la fonctionnaire a été promue au poste AU-1, le taux de rémunération de son poste intérimaire SP-07 était celui qui se trouve à l’échelon 3 de la ligne « De » : 65 893 $. Après la signature de la convention collective de 2016 de l’AFPC, le taux de rémunération rétroactif du poste intérimaire SP-07 en vigueur au moment de la promotion est devenu le montant qui se trouve à l’échelon 3 de la ligne B : 68 388 $.

[20] Lorsque la fonctionnaire a été nommée au poste AU-1, l’employeur a appliqué les règles de sa Directive sur les conditions d’emploi, plus précisément ce que les parties ont appelé la [traduction] « règle de promotion/mutation » et la [traduction] « règle de nomination intérimaire subséquente ». Il a déterminé que le taux de rémunération de la fonctionnaire était de 66 859 $ par année (échelon 6) et que sa prochaine date d’augmentation d’échelon (échelon 7, ou 69 158 $) serait le 5 octobre 2015.

[21] Ces taux se trouvent aux échelons 6 et 7 de la ligne « De » dans la grille de rémunération AU-1 de la convention collective conclue entre l’IPFPC et l’ARC le 29 mars 2018, dont la date d’expiration était le 21 décembre 2018 (la « convention collective de 2018 de l’IPFPC »).

1

2

3

4

5

6

22 décembre 2013

De :

55394

57675

59971

62265

64563

66859

22 décembre 2014

A

56087

58396

60721

63044

65371

67695

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

7

8

 

 

 

 

22 décembre 2013

De :

69158

72532

 

 

 

 

22 décembre 2014

A

70023

73439

 

 

 

 

 

[22] Je souligne que le taux de rémunération d’intérim rétroactif révisé de la fonctionnaire au troisième échelon du poste SP-07 (68 388 $) était donc supérieur à son taux de rémunération au sixième échelon du poste AU-1 (66 859 $) d’un peu plus de 1 500 $ par année.

[23] Au début de décembre 2017 (après la mise en œuvre de la convention collective de 2016 de l’AFPC), la fonctionnaire a déposé une demande de renseignements concernant sa paye auprès du bureau de rémunération de l’ARC à Winnipeg, au Manitoba. Le 4 décembre 2017, une personne de ce bureau a répondu à sa demande et a expliqué qu’elle avait examiné sa rémunération et qu’elle avait appliqué la règle de promotion/mutation prévue dans la Directive sur les conditions d’emploi, puis la règle de nomination intérimaire subséquente. Elle a mentionné que la règle de promotion/mutation avait été appliquée à la promotion de la fonctionnaire, soit du poste d’attache SP-05 au poste de groupe et niveau AU-1. La règle de nomination intérimaire subséquente avait été appliquée en tenant compte du temps passé dans le poste SP-07.

[24] Le bureau de rémunération a fait remarquer que le taux de rémunération maximal révisé du poste de groupe et niveau SP-07 était, à ce moment-là, plus élevé que le taux de rémunération maximal du poste de groupe et niveau AU-1, ce qui faisait intervenir l’article 7.6.1c) de la Directive sur les conditions d’emploi. Il a mentionné que l’application de cette règle aurait eu pour résultat que la fonctionnaire aurait été rémunérée au cinquième échelon de la grille de rémunération des AU-1 (64 563 $), plutôt qu’au sixième (66 859 $), ou autrement dit, que cela aurait représenté une réduction du taux de rémunération qu’elle touchait au niveau AU-1.

[25] La fonctionnaire a été informée que sa paye ne serait pas réduite, car [traduction] « dans les cas où le recalcul donnait un résultat inférieur à la rémunération de départ, nous avons accordé aux employés le plus élevé des deux montants ». Par conséquent, elle est demeurée à l’échelon 6 du niveau AU-1, plutôt que d’être rétrogradée à l’échelon 5.

[26] Le 29 mars 2018, l’IPFPC et l’ARC ont signé la convention collective de 2018 de l’IPFPC, dont la date d’expiration était le 21 décembre 2018.

[27] La fonctionnaire a présenté une deuxième demande de renseignements au bureau de rémunération de l’ARC, et le 6 juin 2018, une personne de ce bureau lui a dit qu’elle avait examiné son dossier de paye et qu’elle était arrivée au même résultat que l’agent précédent. Elle a également dit à la fonctionnaire qu’elle examinerait son dossier à la lumière de la récente signature de la convention collective de 2018 de l’IPFPC.

[28] La fonctionnaire a déposé son grief le 5 septembre 2018, lequel est rédigé ainsi :

[Traduction]

Je conteste le fait que mon employeur a omis de me verser le salaire rétroactif qui m’était dû dans les 150 jours suivant la signature de la convention collective du groupe AFS, le 29 mars 2018. Il s’agit d’une violation de la convention collective du groupe AFS, y compris, mais sans s’y limiter, de l’article 44, de l’article 47, de l’annexe « A », de l’annexe « H » ainsi que des lois et politiques applicables.

 

[29] Sur le formulaire de grief figure l’inscription manuscrite [traduction] « numéro de dossier de rémunération 200001646531 24 juillet 2018 200001578239 19 juin 2018 ».

[30] Le 4 février 2019, la fonctionnaire a reçu une troisième réponse à ses demandes de renseignements de la part du bureau de rémunération de l’ARC. Le bureau a de nouveau confirmé que son taux de rémunération avait été calculé avec exactitude, conformément aux règles énoncées dans la Directive sur les conditions d’emploi. La fonctionnaire a répondu ce jour-là et a soutenu que le bureau de rémunération devait appliquer l’article 2.6.6c) de la Directive sur les conditions d’emploi et augmenter sa paye.

[31] Le 5 février 2019, un autre agent a répondu en rappelant que selon les règles de la Directive sur les conditions d’emploi, la fonctionnaire aurait été rétrogradée d’un échelon, mais que l’employeur avait décidé de ne pas réduire sa rémunération. L’agent a répété que le taux de rémunération approprié de la fonctionnaire, en date du 6 octobre 2014, était de 65 893 $ (échelon 5) et que sa prochaine date d’augmentation d’échelon avait été calculée avec exactitude comme étant le 5 octobre 2015.

[32] L’employeur a répondu au grief au dernier palier le 19 février 2020. Il a rejeté le grief au motif qu’il n’avait pas été présenté dans les délais requis, parce que la fonctionnaire avait été informée qu’aucun changement ne serait apporté à son taux de rémunération le 4 décembre 2017, mais qu’elle n’avait présenté son grief que le 5 septembre 2018, soit en dehors du délai prévu dans la convention collective de 2018 de l’IPFPC. L’employeur a également rejeté le grief sur le fond, affirmant avoir appliqué la Directive sur les conditions d’emploi et calculé correctement la rémunération de la fonctionnaire au titre de la convention collective. Il a également mentionné que la nomination de la fonctionnaire au niveau AU-1 n’avait pas eu lieu pendant la période de rétroactivité prévue à l’article 44.05(iv) de la convention collective de 2018 de l’IPFPC.

[33] Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 13 mars 2020 au titre de l’art. 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »).

[34] Sans entrer dans les détails, je souligne également que la fonctionnaire a affirmé qu’après la promotion en cause, elle a été promue à des postes de niveau AU-2 en 2015, AU-3 en 2017 et AU-4 en 2021. Elle a soutenu qu’en raison de l’erreur (présumée) de l’employeur dans le recalcul de son taux de rémunération dans le poste AU-1, chacune de ses promotions subséquentes devrait faire l’objet d’un recalcul et que, par conséquent, elle avait été sous-payée du 6 octobre 2014 au 30 août 2023.

III. La Directive sur les conditions d'emploi et la convention collective

[35] Pour mettre en contexte les motifs qui suivent, je vais expliquer la Directive sur les conditions d’emploi et à présenter son lien avec les conventions collectives en cause dans le présent grief.

[36] Je tiens d’abord à souligner qu’il ne s’agit pas de la première fois que la Commission examine un grief portant sur le taux de rémunération approprié dans le cas d’une promotion à un poste au sein de la classification AU. Il existe deux décisions de principe sur le sujet. Il y a lieu de noter que, dans la présente décision, la « Commission » renvoie également aux prédécesseurs de la Commission actuelle, y compris la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

[37] La première décision de principe est la décision Lajoie c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Impôt), [1991] C.R.T.F.P.C. no 213 (QL) (confirmée par Canada (Procureur général) c. Lajoie, [1992] A.C.F. no 1019 (C.A.) (QL)). Le fonctionnaire s’estimant lésé dans l’affaire Lajoie avait été employé à titre de vérificateur par Revenu Canada, qui était alors un ministère relevant du Conseil du Trésor et le prédécesseur de ce qui est maintenant l’ARC, un organisme distinct aux termes de la Loi.

[38] Le fonctionnaire s’estimant lésé dans l’affaire Lajoie occupait un poste de groupe et niveau PM-3 (un poste qui ferait maintenant partie du groupe SP). Il avait été promu au groupe et niveau AU‑2, à l’échelon 2. Après la promotion, une révision rétroactive des taux de rémunération du groupe AU-2 a été effectuée. L’employeur a appliqué ce qu’on appelait alors le Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique (le « Règlement sur les conditions d’emploi »), a recalculé le taux de rémunération du fonctionnaire s’estimant lésé et l’a placé à un échelon inférieur, soit au premier échelon du poste de groupe et niveau AU-2, avec effet rétroactif.

[39] La Commission et la Cour d’appel fédérale (CAF) ont toutes deux jugé que l’action de l’employeur contrevenait à la convention collective et au Règlement sur les conditions d’emploi et ont ordonné que le fonctionnaire s’estimant lésé soit rémunéré au deuxième échelon du poste AU-2.

[40] La deuxième décision digne de mention est la décision Buchmann c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 14. Au moment de cette décision, le ministère du Revenu national était devenu l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), un organisme distinct prédécesseur de l’ARC. Dans cette affaire, le fonctionnaire s’estimant lésé occupait un poste PM-2 au sein de l’ADRC lorsqu’il a été promu à un poste AU-1 pendant la période de rétroactivité de la convention collective visant le groupe PM. Il s’agit d’une situation semblable à celle de la fonctionnaire dans le cas qui nous occupe.

[41] À l’époque de l’ADRC, le Règlement sur les conditions d’emploi avait été remplacé par la Politique sur les conditions d’emploi. L’ADRC a dit au fonctionnaire s’estimant lésé dans l’affaire Buchmann qu’elle était tenue d’appliquer la décision Lajoie et la règle de la [traduction] "dégression directe" pour en arriver à la conclusion que son échelon et son taux de rémunération devraient rester les mêmes.

[42] Dans la décision Buchmann, la Commission a examiné la convention collective et la Politique sur les conditions d’emploi et a jugé que l’ADRC était tenue de recalculer le taux de rémunération du fonctionnaire s’estimant lésé dans le poste AU-1. La rémunération a donc été révisée rétroactivement à un échelon et à un taux plus élevés dans la grille de rémunération AU-1.

[43] La Directive sur les conditions d’emploi en cause dans le présent grief remplace la Politique sur les conditions d’emploi. La date de la version de la Directive sur les conditions d’emploi soumise par les parties est le 27 octobre 2016, et la date d’entrée en vigueur est le 10 septembre 2015. Les parties n’ont pas indiqué que des modifications importantes avaient été apportées aux dispositions pertinentes dans l’affaire qui nous occupe lors du remplacement de la Politique sur les conditions d’emploi par la Directive sur les conditions d’emploi. Dans leurs arguments au sujet du traitement réservé à la fonctionnaire, elles ont fait référence aux dispositions de la Directive sur les conditions d’emploi qu’elles avaient fournie.

[44] Dans les trois conventions collectives présentées par les parties dans le cas présent, soit la convention collective de 2014 de l’IPFPC, la convention collective de 2016 de l’AFPC et la convention collective de 2018 de l’IPFPC, on trouve quelques mentions de la Politique sur les conditions d’emploi.

[45] Dans la convention collective de 2018 de l’IPFPC, la première mention se trouve à l’article 2.01, qui définit le terme « emploi continu » au moyen d’un renvoi à la Politique sur les conditions d’emploi. Cette définition n’est pas pertinente quant aux questions soulevées dans le présent grief.

[46] La deuxième mention de la Politique sur les conditions d’emploi est indirecte et se trouve à la clause 44.01. Pour comprendre le contexte de cette mention, voici les clauses 44.01 à 44.03, inclusivement :

ARTICLE 44

ADMINISTRATION DE LA PAYE

ARTICLE 44

PAY ADMINISTRATION

44.01 Sous réserve des paragraphes 44.01 à 44.08 inclusivement et des notes de l’annexe « A » de la présente convention, les conditions régissant l’application de la rémunération aux employés ne sont pas modifiées par la présente convention

44.01 Except as provided in clauses 44.01 to 44.08 inclusive and the Notes to Appendix “A” of this Agreement, the terms and conditions governing the application of pay to employees are not affected by this Agreement.

44.02 Un employé a droit à une rémunération pour services rendus :

44.02 An employee is entitled to be paid for services rendered at:

a. au taux précisé à l’annexe « A » pour la classification du poste auquel il est nommé si la classification coïncide avec celle qui est prescrite dans son certificat de nomination;

a. the pay specified in Appendix “A” for the classification of the position to which the employee is appointed, if the classification coincides with that prescribed in the employee’s certificate of appointment,

ou

or

b. au taux précisé à l’Annexe « A » pour la classification prescrite dans son certificat de nomination, si cette classification et la classification du poste auquel il est nommé ne coïncident pas.

b. the pay specified in Appendix “A” for the classification prescribed in the employee’s certificate of appointment, if that classification and the classification of the position to which the employee is appointed do not coincide.

44.03 Les taux de rémunération énoncés à l’annexe « A » entrent en vigueur aux dates qui y sont précisées.

44.03 The rates of pay set forth in Appendix “A” shall become effective on the date specified therein.

[Je mets en évidence]

 

 

[47] La dernière mention, directe celle-là, de la Politique sur les conditions d’emploi se trouve au paragraphe 44.05 de la convention collective de 2018 de l’IPFPC, qui est libellé ainsi :

44.05 Taux de rémunération

44.05 Rates of pay

a. Lorsque les taux de rémunération énoncés à l’annexe « A » entrent en vigueur avant la date de la signature de la convention collective, les dispositions suivantes s’appliquent :

a. Where the rates of pay set forth in Appendix “A” have an effective date prior to the date of signing of the collective agreement, the following shall apply:

i. aux fins des sous-alinéas (ii) à (v), l’expression « période de rétroactivité », désigne la période qui commence à la date d’entrée en vigueur de la révision jusqu’à la date précédant la date de signature de la convention ou le jour où la décision arbitrale est rendue à cet égard;

i. “retroactive period” for the purpose of subparagraphs (ii) to (v) means the period from the effective date of the revision up to and including the day before the collective agreement is signed or when an arbitral award is rendered therefore;

ii. une révision rétroactive à la hausse des taux de rémunération s’applique aux employés, aux anciens employés ou, dans le cas d’un décès, à la succession de l’ancien employé qui était un employé de l’unité de négociation pendant la période de rétroactivité;

ii. a retroactive upward revision in rates of pay shall apply to employees, former employees or in the case of death, the estates of former employees who were employees in the bargaining group during the retroactive period;

iii. pour les nominations initiales faites pendant la période de rétroactivité, le taux de rémunération choisi parmi les taux révisés de rémunération est le taux qui figure immédiatement dessous le taux de rémunération reçu avant la révision;

iii. for initial appointments made during the retroactive period, the rate of pay selected in the revised rates of pay is the rate which is shown immediately below the rate of pay being received prior to the revision;

iv. pour les promotions, les rétrogradations, les déploiements, les mutations ou les affectations intérimaires qui se produisent durant la période de rétroactivité, le taux de rémunération doit être recalculé, conformément à la Politique sur les conditions d’emploi de l’ARC, en utilisant les taux révisés de rémunération. Si le taux de rémunération recalculé est inférieur au taux de rémunération que l’employé recevait auparavant, le taux de rémunération révisé sera le taux qui se rapproche le plus du taux reçu avant la révision, sans y être inférieur. Toutefois, lorsque le taux recalculé se situe à un échelon inférieur de l’échelle, le nouveau taux est le taux de rémunération qui figure immédiatement dessous le taux de rémunération reçu avant la révision;

iv. for promotions, demotions deployments, transfers or acting situations effective during the retroactive period, the rate of pay shall be recalculated, in accordance with the CRA’s Terms and Conditions of Employment Policy, using the revised rates of pay. If the recalculated rate of pay is less than the rate of pay the employee was previously receiving, the revised rate of pay shall be the rate, which is nearest to, but not less than the rate of pay being received prior to the revision. However, where the recalculated rate is at a lower step in the range, the new rate shall be the rate of pay shown immediately below the rate of pay being received prior to the revision;

v. aucun paiement ni avis n’est remis conformément au paragraphe 44.05 pour un dollar (1 $) ou moins.

v. no payment or no notification shall be made pursuant to clause 44.05 for one dollar ($1.00) or less.

[Je mets en évidence]

 

 

[48] Le libellé pertinent de la convention collective de 2014 de l’IPFPC est identique à celui cité de la convention collective de 2018 dans le paragraphe qui précède. Le libellé de la convention collective de 2016 de l’AFPC est également, à toutes fins pratiques, le même. Toutefois, dans cette convention collective, les dispositions relatives à l’administration de la paye se trouvent à l’article 62.

[49] Je vais maintenant examiner les objections relatives à la compétence soulevées par l’employeur dans le présent grief en me reportant aux dispositions que je viens de citer.

IV. La Commission a compétence pour trancher le grief sur le fond

[50] Je fais remarquer que l’employeur n’a pas soulevé d’objection au sujet du moment du dépôt du grief dans les 30 jours suivant la réception de l’avis de renvoi du grief à l’arbitrage, comme le prévoit l’art. 95(1)a) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005-79). Par conséquent, il a renoncé au droit de présenter une objection concernant le respect des délais de présentation du grief devant la Commission.

[51] Après que les parties ont déposé un exposé conjoint des faits et un recueil conjoint de documents, l’agent négociateur de la fonctionnaire a présenté des observations au nom de cette dernière le 15 juin 2023.

[52] En réponse aux observations de la fonctionnaire, l’employeur a soulevé deux objections le 7 juillet 2023.

[53] Tout d’abord, à la lumière des observations de la fonctionnaire, il a adopté la position selon laquelle le grief ne concerne que la Directive sur les conditions d’emploi, qui, selon lui, ne fait pas partie d’une convention collective entre les parties. Puisque le grief ne porte pas sur l’interprétation d’une convention collective, il ne pouvait pas être renvoyé à l’arbitrage au titre de l’art. 209(1)a) de la Loi.

[54] Ensuite, il a adopté la position selon laquelle si le grief fait intervenir une convention collective, ce n’est pas la convention collective de 2018 de l’IPFPC, mais la convention collective de 2016 de l’AFPC. Selon l’employeur, si le grief fait intervenir cette convention collective, il pourrait être renvoyé à l’arbitrage seulement si la fonctionnaire était représentée par l’AFPC, conformément à l’art. 209(2) de la Loi.

[55] La Commission a demandé à l’IPFPC de répliquer aux objections de l’employeur, lesquelles lui ont été fournies le 24 juillet 2023. En réplique aux objections préliminaires, l’IPFPC a mentionné que l’employeur avait enfreint l’article 44 et l’annexe « A » de la convention collective de 2018 de l’IPFPC. Plus précisément, il a soutenu que l’employeur ne satisfaisait pas aux exigences des clauses 44.02 et 44.05(iv). Cette dernière disposition renvoie directement à la Politique sur les conditions d’emploi et, de façon plus générale, l’employeur s’appuie sur cette politique pour mettre en œuvre l’annexe « A » de la convention collective. Le grief ne porte pas sur l’interprétation de la convention collective de 2016 de l’AFPC, a‑t‑il fait valoir.

[56] Le 31 juillet 2023, la Commission a ordonné que le fond de l’affaire soit examiné en même temps que les objections préliminaires. Elle a publié des dates révisées pour le dépôt des observations écrites de l’employeur (reçues le 11 août 2023) et des observations en réplique de la fonctionnaire (reçues le 29 août 2023).

[57] L’employeur a soutenu que le présent grief ne fait pas intervenir la clause 44.05 de la convention collective de 2018 de l’IPFPC. Il a raison sur ce point.

[58] La clause 44.05 explique les paiements rétroactifs auxquels les employés ont droit en vertu de la convention collective. La clause 44.05a)(i) définit la période de rétroactivité comme étant « […] la période qui commence à la date d’entrée en vigueur de la révision jusqu’à la date précédant la date de signature de la convention […] ».

[59] La date d’entrée en vigueur la plus rapprochée d’une révision des taux de rémunération dans la convention collective de 2018 de l’IPFPC était le 22 décembre 2014. La convention collective a été signée le 29 mars 2018. Par conséquent, la période de rétroactivité, telle que définie à la clause 44.05a)(i), s’étendait du 22 décembre 2014 au 28 mars 2018.

[60] La nomination promotionnelle de la fonctionnaire au poste AU-1 a eu lieu le 6 octobre 2014. Par conséquent, elle a eu lieu avant la période de rétroactivité prévue dans la convention collective de 2018 de l’IPFPC. La clause 44.05 n’est donc d’aucune utilité pour la fonctionnaire. Son agent négociateur avait tort sur ce point.

[61] De toute évidence, la fonctionnaire s’estimant lésée avait droit à un paiement rétroactif en vertu de la convention collective de 2016 de l’AFPC. La clause 62.03b) de cette convention contient les mêmes dispositions que la clause 44.05 de la convention collective de 2018 de l’IPFPC. La période de rétroactivité prévue dans la convention collective de 2016 de l’AFPC a commencé le 1er novembre 2012 et s’est terminée le jour précédant la signature de cette convention, soit le 25 octobre 2016. La clause 62.03b)(ii) prévoit, tout comme la clause 44.05a)(ii), que la rémunération rétroactive s’applique aux anciens employés. Dans le cas présent, la fonctionnaire est une employée qui faisait auparavant partie de l’unité de négociation SP.

[62] C’est à ce titre que la fonctionnaire a reçu une rémunération rétroactive en vertu de la convention collective de 2016 de l’AFPC pour la période allant du 1er novembre 2013 jusqu’au jour précédant sa promotion au poste AU-1, soit le 5 octobre 2014.

[63] Toutefois, le présent grief ne concerne pas la rémunération qui est due à la fonctionnaire en vertu de la convention collective de 2016 de l’AFPC. Il concerne le taux de rémunération qu’elle touchait en tant que AU-1, lorsqu’elle était visée par la convention collective de 2014 de l’IPFPC, à partir de la date de sa promotion, soit le 6 octobre 2014.

[64] Au moment où elle a déposé son grief, la convention collective de 2018 de l’IPFPC avait été signée. Par conséquent, je considère que le grief a été déposé au titre de cette convention collective.

[65] L’AFPC n’est pas concernée par la présente affaire. Le grief ne porte pas sur les taux de rémunération prévus dans la convention collective de 2016 de l’AFPC. L’employeur a eu tort de soutenir que la fonctionnaire avait besoin du soutien de l’AFPC pour renvoyer le présent grief à l’arbitrage. Aucune des décisions invoquées par l’employeur ne laisse entendre que le soutien de l’AFPC est requis dans le cadre d’un grief portant sur les taux de rémunération prévus dans les conventions collectives de 2014 et de 2018 de l’IPFPC.

[66] Cette conclusion est renforcée par le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé dans l’affaire Buchmann était représenté par l’IPFPC, tout comme le fonctionnaire s’estimant lésé dans l’affaire Lajoie. Comme le présent grief, ces deux griefs concernaient le taux de rémunération approprié pour la classification AU.

[67] Donc, en quoi le présent grief fait-il intervenir la convention collective de 2018 de l’IPFPC et, par le fait même, la Directive sur les conditions d’emploi?

[68] La convention collective de 2018 de l’IPFPC est en cause parce que les clauses 44.01 et 44.02, lues ensemble, prévoient qu’un employé a droit au taux de rémunération prévu pour la classification de son poste se trouvant à l’annexe « A » de la convention collective.

[69] Dans le présent grief, la fonctionnaire affirme qu’elle n’était pas rémunérée au bon taux de rémunération prévu à l’annexe « A » des conventions collectives de 2014 et de 2018 de l’IPFPC.

[70] Comme il est indiqué plus haut dans la présente décision, la clause 44.01 prévoit que « [s]ous réserve des paragraphes 44.01 à 44.08 inclusivement et des notes de l’annexe “A” de la présente convention, les conditions régissant l’application de la rémunération aux employés ne sont pas modifiées par la présente convention ». Aucune des parties n’a parlé directement de l’interprétation de ce paragraphe, mais je crois qu’il doit être interprété comme indiquant qu’au moment de déterminer le bon taux de rémunération selon la convention collective, il faut tenir compte des « […] conditions régissant l’application de la rémunération […] ».

[71] L’employeur voudrait que je conclue que la Directive sur les conditions d’emploi ne fait pas partie de la convention collective et qu’un grief à ce sujet ne peut être renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’art. 209(1)a) de la Loi. Il a fait valoir que la Directive sur les conditions d’emploi est une politique que l’employeur a adoptée en vertu des pouvoirs de gestion qui lui sont conférés par les art. 30(1) et 51(1) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (L.C. 1999, ch. 17). Un arbitre de grief n’a pas compétence pour examiner les politiques adoptées en vertu des pouvoirs de gestion de l’employeur, a‑t‑il soutenu; voir Savard c. Conseil du Trésor (Passeport Canada), 2014 CRTFP 8, au par. 77. Il a également fait valoir que c’est devant la Cour fédérale qu’il faut contester l’interprétation d’une l’application de la Directive sur les conditions d’emploi; voir Hagel c. Canada (Procureur général), 2009 CF 329.

[72] L’employeur a soutenu que ce ne sont pas tous les renvois à une politique dans une convention collective qui signifient que celle-ci est incorporée dans cette convention; voir Motamedi c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 50, au par. 12, et Brown and Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e édition, au par. 4:5.

[73] L’employeur a affirmé que si les parties avaient eu l’intention d’incorporer la Politique sur les conditions d’emploi ou la Directive sur les conditions d’emploi dans la convention collective, elles auraient utilisé des mots explicites pour indiquer que celles-ci « font partie de la convention »; voir Clerveaux c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 7, aux par. 8 et 19.

[74] Bien que la Directive sur les conditions d’emploi ne fasse pas partie de la convention collective dans le sens où elle n’a pas été négociée entre les parties, cela ne veut pas dire qu’elle n’y est pas incorporée par renvoi ou que la Commission ne peut l’examiner pour interpréter et appliquer des dispositions de la convention collective. L’article 44 en fait mention de façon directe et indirecte. Si la Commission devait accepter l’argument de l’employeur, elle ne serait pas en mesure de déterminer si la fonctionnaire était rémunérée au bon taux, conformément à l’annexe « A ». Bien qu’un fonctionnaire s’estimant lésé puisse ne pas être en mesure de déposer un grief au sujet de l’interprétation et de l’application de la Directive sur les conditions d’emploi, il ne s’agit pas de la question visée par le présent grief. Encore une fois, la convention collective de 2018 de l’IPFPC prévoit qu’un employé a le droit d’être rémunéré au taux de rémunération approprié qui se trouve à l’annexe « A ». Dans les circonstances du présent cas, la Commission doit examiner l’article 44 de la convention collective et, par renvoi, la Directive sur les conditions d’emploi pour trancher cette question.

[75] La Commission est arrivée à des conclusions similaires concernant les versions antérieures de la Directive sur les conditions d’emploi dans les décisions Lajoie et Buchmann. Au paragraphe 45 de cette dernière décision, la Commission a affirmé ceci :

[45] Le libellé contesté l’est dans le contexte de la nouvelle convention collective nouvellement négociée et de la Politique sur les conditions d’emploi dans la fonction publique incorporée par renvoi dans la convention collective signée par les parties.

[Je mets en évidence]

 

[76] Lorsqu’elle a rendu la conclusion clé suivante dans la décision Buchmann, la commissaire a appliqué les règles de la Politique sur les conditions d’emploi pour déterminer le taux de rémunération auquel avait droit le fonctionnaire s’estimant lésé :

[…]

[55] Par conséquent, le point de départ de la révision de la rémunération du fonctionnaire s’estimant lésé était son taux de rémunération au moment où la nomination lui a été offerte et où il l’a acceptée. Le 9 septembre 1999, le fonctionnaire s’estimant lésé était un PM-02 rémunéré au troisième échelon de son niveau. L’effet rétroactif de la nouvelle convention collective a fait passer son traitement annuel de 41 949 $ à 42 788 $ dans ce poste. On lui a offert une promotion dans un poste d’AU; il s’ensuit que le calcul de son taux de rémunération dans ce nouveau poste doit être basé sur son traitement annuel de 42 788 $ comme PM, par suite de la révision rétroactive de la rémunération dans le contexte de la nouvelle convention collective. C’est à partir de ce traitement annuel qu’il faut calculer son traitement pour les fins de sa promotion au poste d’AU. En d’autres termes, quand un fonctionnaire est promu pendant la période de rétroactivité d’une convention collective applicable au poste qu’il quitte, son taux de rémunération dans son nouveau poste doit être calculé de nouveau compte tenu du rajustement rétroactif de son traitement dans le poste qu’il occupait au départ.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[77] Bien avant les décisions Lajoie et Buchmann, si l’on remonte presque au début de la relation de négociation collective dans la fonction publique fédérale du Canada, la CAF s’est penchée sur le lien entre une convention collective et les règles relatives à l’administration de la paye qui se trouvaient dans ce qui était alors le Règlement sur les conditions d’emploi. L’arrêt Procureur général du Canada c. Raymond Keith Jones, [1978] 2 C.F. 39, appuie la proposition selon laquelle lorsqu’une convention collective prévoit que « les conditions régissant l’application de la rémunération aux employés ne sont pas modifiées par la présente convention », ces mots ont pour effet d’incorporer ces conditions.

[78] Dans l’affaire Jones, le fonctionnaire s’estimant lésé avait fait l’objet d’une reclassification à la baisse. Cet arrêt est une lecture essentielle pour les étudiants et explique la façon dont les règles de rémunération ont été modifiées par la mise en œuvre des nouvelles normes de classification, qui sont entrées en vigueur lorsque les conventions collectives ont été établies. Il aide à expliquer la genèse des dispositions relatives au « blocage » qui se trouvent actuellement à la clause 63.05 de la convention collective de 2016 de l’AFPC et à la clause 44.06 de la convention collective de 2018 de l’IPFPC.

[79] Cet arrêt de la CAF a donné droit à une protection salariale au fonctionnaire s’estimant lésé. Au sujet de mots semblables à ceux qui se trouvent à l’article 44 de la convention collective de 2018 de l’IPFPC (aux clauses 32.01 et 32.05 de la convention faisant l’objet du contrôle dans cet arrêt), la CAF a déclaré ce qui suit (à la page 56) :

[…] On a alors prétendu que la clause 32.05 avait, entre autres, pour objet de limiter l’application du Règlement, ainsi introduit par la clause 32.01, à la fixation de la rémunération des employés nommés à des postes reclassés. C’aurait été là une étrange façon d’atteindre le but recherché. Si le but était bien celui-là, j’aurais alors pensé que la clause 32.05 fort verbeuse, prévoyait que le Règlement ne s’appliquait pas aux nominations aux postes reclassés, mais tel n’est pas le cas. Elle s’applique aux affaires déjà couvertes par la clause 32.01 si cette clause incorpore le Règlement, vu la phrase « conditions régissant l’application de la rémunération aux employés ».

[Je mets en évidence]

 

[80] Pour obtenir une confirmation supplémentaire de cette approche, voir la décision Copeland c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 19, dans laquelle la Commission a appliqué les décisions Lajoie et Buchmann lorsqu’elle a accueilli un grief après avoir appliqué la Politique sur les conditions d’emploi en vigueur chez l’employeur; aux par. 40 à 42.

[81] Enfin, voir aussi la décision Broekaert c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 90, qui s’inspire de l’arrêt Jones et dans laquelle la Commission a conclu ce qui suit aux paragraphes 29 et 30 :

[29] Comme les deux représentants l’ont indiqué, l’article 50 n’aborde pas les augmentations d’échelon et, par conséquent, à la clause 50.01, la convention collective renvoie aux conditions régissant l’application de la rémunération. En interprétant une cause semblable, l’arbitre Kwavnick a conclu, dans Adamson (supra), que les dispositions du Règlement sur les conditions d’emploi « ont été incorporées à la convention collective dans la mesure où elles ne sont pas en contradiction avec celle-ci ». La Cour d’appel fédérale a pris une décision semblable dans l’affaire Procureur général du Canada c. Raymond Keith Jones, [1978] 2 C.F. 39. Le juge Ryan a précisé, au paragraphe 42, qu’une clause similaire renvoie aux « conditions que le Règlement mentionne, mais […] qui affectent principalement, sinon exclusivement, la rémunération dans le Règlement sur les conditions d’emploi dans la Fonction publique ».

[30] Un grief est donc arbitrable en vertu de l’alinéa 92(1)(a) de la LRTFP (l’ancienne Loi) dans le cas de l’interprétation ou de l’application de la convention collective, ce qui inclut, par renvoi, les « conditions régissant l’application de la rémunération ».

[Je mets en évidence]

 

[82] Je reconnais que, dans la décision Savard, la Commission a accepté qu’un arbitre nommé au titre de la Loi n’a pas compétence pour instruire un grief au sujet des conditions d’emploi de l’employeur; voir le par. 77. Toutefois, dans cette décision, la question était de savoir s’il fallait accueillir une demande de prorogation du délai accordé pour déposer un grief et le renvoyer à l’arbitrage. La Commission a formulé son commentaire dans le cadre de son examen des critères régissant l’octroi d’une prorogation de délai dans l’affaire Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1. Je ne suis pas convaincu que la Commission ait examiné à fond la question de savoir si elle avait compétence. Rien n’indique que, pour en arriver à sa conclusion, elle ait tenu compte de l’arrêt Jones et des décisions Lajoie, Buchmann, Copeland ou Broekaert.

[83] De plus, au paragraphe 77 de la décision Savard, la Commission a ajouté ce qui suit :

77 […] Je ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que la question en litige n’entre pas dans le champ d’application de la convention collective. Il existe au moins un lien défendable entre le grief et le libellé de la convention collective. Il se peut que les éléments de preuve et les arguments portant sur le bien-fondé de l’affaire permettent d’établir que les dispositions pertinentes de la convention collective s’appliquent bel et bien […]

 

[84] Autrement dit, je crois que la conclusion tirée par la Commission dans la décision Savard est plus nuancée que ne le laisse entendre l’employeur. Elle n’est pas incompatible avec ma conclusion selon laquelle un grief portant sur la Directive sur les conditions d’emploi à elle seule peut ne pas pouvoir être renvoyé à l’arbitrage, mais que la Commission peut examiner la directive pour interpréter et appliquer certaines dispositions de la convention collective.

[85] Il faut garder à l’esprit que le présent grief porte sur la question de savoir si la fonctionnaire aurait dû avoir droit au taux de rémunération prévu à l’échelon 7 de la grille de rémunération AU-1, en date du 6 octobre 2014, plutôt qu’au taux de rémunération prévu à l’échelon 6, étant donné que le taux de rémunération qu’elle touchait dans son poste intérimaire SP-07 était plus élevé que celui de l’échelon 6 et moins élevé que celui de l’échelon 7. Il est difficile d’imaginer un grief concernant la paye qui soit plus central à la relation employeur-employé que celui-ci.

[86] Le libellé clair de l’article 44 des conventions collectives de 2014 et de 2018 de l’IPFPC, qui donne à la fonctionnaire le droit au bon taux de rémunération, et la prépondérance de la jurisprudence m’amènent à conclure que dans le cadre de l’instruction du présent grief, la Commission a compétence pour examiner l’application de la Directive sur les conditions d’emploi.

[87] La question restante est celle de savoir si l’employeur a correctement appliqué sa Directive sur les conditions d’emploi lorsqu’il a établi le taux de rémunération de la fonctionnaire à l’annexe « A » des conventions collectives de 2014 et de 2018 de l’IPFPC.

V. L’employeur a bien calculé le taux de rémunération de la fonctionnaire, en conformité avec la Directive sur les conditions d’emploi

[88] La règle de promotion/mutation applicable à la fonctionnaire est énoncée aux articles 3.2.2 et 3.2.3 de l’annexe B dans la Directive sur les conditions d’emploi, qui sont libellés ainsi :

Taux de rémunération au moment de la promotion

Rate of pay on promotion

3.2.2 La nomination d’une personne désignée au paragraphe 3.2.1 constitue une promotion lorsque le taux de rémunération maximal applicable au poste auquel cette personne est nommée dépasse le taux de rémunération maximal applicable au niveau de titularisation de la personne immédiatement avant cette nomination :

3.2.2 The appointment of a person described in subsection 3.2.1 constitutes a promotion where the maximum rate of pay applicable to the position to which that person is appointed exceeds the maximum rate of pay applicable to the person’s substantive level immediately before that appointment by:

a. d’un montant au moins égal à la plus faible augmentation prévue pour le poste auquel la personne est nommée, lorsque le poste comporte plus d’un taux de rémunération;

a. an amount equal to at least the lowest pay increment for the position to which he or she is appointed, where that position has more than one rate of pay; or

b. d’un montant de 4% ou plus du taux maximal pour le poste qu’elle occupait immédiatement avant cette nomination, lorsque le poste auquel la personne est nommée ne comporte qu’un seul taux de rémunération

b. an amount equal to at least 4% of the maximum rate of pay for the position held by the person immediately prior to that appointment, where the position to which he or she is appointed has only one rate of pay.

3.2.3 Sous réserve des paragraphes 3.2.8 et 3.2.10 et 3.2.11, le taux de rémunération à la promotion est le taux le plus proche du taux auquel la personne avait droit à son niveau de titularisation immédiatement avant la nomination qui lui vaut une augmentation telle que le stipule le paragraphe 3.2.2 ci-dessus.

3.2.3 Subject to subsections 3.2.8, 3.2.10 and 3.2.11, the rate of pay on promotion is to be the rate nearest to which the person was entitled in his or her substantive level immediately before the appointment that gives the person an increase in pay as specified in subsection 3.2.2 above.

[Je mets en évidence]

 

 

[89] Comme le confirme le courriel que le bureau de rémunération de l’ARC a envoyé à la fonctionnaire le 4 décembre 2017, la règle de promotion/mutation a été appliquée à sa situation parce que le taux de rémunération maximal du poste AU-1 (72 532 $) était supérieur au taux de rémunération maximal du poste SP-05 (59 713 $) d’un montant au moins égal à la plus faible augmentation d’échelon prévue dans la grille de rémunération AU-1 (2 281 $). Au moment de la nomination, l’application de l’article 3.2.3 à la situation de la fonctionnaire a donné lieu à ce qui suit :

· le taux de rémunération du poste d’attache SP-05 de la fonctionnaire était de 59 713 $ (échelon 5);

· la plus faible augmentation d’échelon dans la grille AU-1 était de 2 281 $;

· sa rémunération au moment de la promotion devait être d’au moins 61 994 $;

· le prochain taux de rémunération le plus élevé pour un poste AU-1 aurait été l’échelon 4, soit 62 265 $.

 

[90] Suivant les taux révisés de l’AFPC, l’application rétroactive de la règle de promotion/mutation a donné les résultats suivants :

· le taux de rémunération révisé du poste d’attache SP-05 de la fonctionnaire était de 61 974 $ (échelon 5);

· la plus faible augmentation d’échelon dans la grille AU-1 était encore de 2 281 $;

· sa rémunération au moment de la promotion devait être d’au moins 64 255 $;

· le prochain taux de rémunération le plus élevé pour un poste AU-1 est devenu l’échelon 5, soit 64 563 $.

 

[91] Selon la Directive sur les conditions d’emploi, la règle de la « nomination intérimaire subséquente » s’appliquait à la situation de la fonctionnaire parce qu’elle touchait une rémunération d’intérim au niveau SP-07 lorsqu’elle a été nommée au poste AU-1. La règle applicable est énoncée à l’article 7.6.1, qui se lit ainsi :

7.6 Nominations ou mutations latérales permanentes subséquentes à un niveau de poste d’attache pendant une affectation intérimaire

7.6 Subsequent appointments or transfer by appointments in substantive position while acting

7.6.1 Toute personne qui reçoit une rémunération d’intérim et qui est nommé à un nouveau niveau de niveau de titularisation qui est :

7.6.1 A person in receipt of acting pay who is appointed to a new substantive level that is:

[…]

b. supérieur à celui pour lequel la rémunération d’intérim est versée :

b. higher than that for which acting pay is being paid will:

i. reçoit le taux de rémunération calculé conformément aux règles régissant la promotion ou la mutation par nomination énoncées au paragraphe 3.2; et

i. be paid at the rate of pay calculated following the promotion or transfer by appointment rules in subsection 3.2; and

ii. si ce taux est inférieur au taux de rémunération d’intérim précédent, elle reçoit le taux de rémunération de l’échelle salariale plus élevée le plus proche du taux de rémunération d’intérim précédent, sans lui être inférieur.

ii. should such rate of pay be less than the person’s previous acting rate of pay, be paid at the rate of pay in the higher rate of pay range that is nearest to but not less than the previous acting rate of pay.

c. inférieur à celui pour lequel la rémunération d’intérim est versée :

c. lower than that for which acting pay is being paid will:

i. reçoit le taux calculé conformément aux règles régissant la promotion ou la mutation par nomination énoncées au paragraphe 3.2; et

i. be paid at the rate of pay calculated following the promotion or transfer by appointment rules in subsection 3.2; and

ii. se voit créditer la période pendant laquelle elle a occupé le poste de niveau supérieur, soit à compter de la date à laquelle les fonctions intérimaires dudit poste ont commencé, conformément aux dispositions du paragraphe 7.4.

ii. receive credit for increments from the date the acting duties in the higher level position commenced, in accordance with the provisions of subsection 7.4.

 

[92] Comme le confirme le courriel que le bureau de rémunération de l’ARC a envoyé à la fonctionnaire le 4 décembre 2017, la règle de nomination intérimaire subséquente qui s’appliquait à sa situation au moment de sa nomination promotionnelle était celle prévue à la section 7.6.1b) parce qu’à l’époque, le taux de rémunération maximal du poste AU-1 (72 532 $) était plus élevé que le taux de rémunération maximal du poste SP-07 (69 907 $).

[93] L’application de cette règle a donné lieu à ce qui suit :

· le taux de rémunération du poste intérimaire SP-07 de la fonctionnaire était de 65 893 $ (échelon 3);

· le prochain taux de rémunération le plus élevé dans la grille AU-1 était à l’échelon 6, soit 66 859 $;

· sa prochaine date d’augmentation d’échelon a été fixée au 6 octobre 2015.

 

[94] Toutefois, après l’application des taux rétroactifs du poste SP-07, le taux de rémunération maximal SP-07 (72 554 $) est devenu plus élevé que le taux de rémunération maximal AU-1 (72 532 $).

[95] Par conséquent, le bureau de rémunération de l’ARC a jugé que la situation de la fonctionnaire était visée par la règle de nomination intérimaire subséquente prévue à l’article 7.6.1c), ce qui a entraîné les résultats suivants :

· après application de la règle de promotion/mutation, la fonctionnaire se trouvait à l’échelon 5 de la grille AU-1 (64 563 $) et les quelque neuf mois que la fonctionnaire avait passés dans son poste intérimaire SP-07 seraient pris en compte pour la détermination de sa date d’augmentation d’échelon;

· la fonctionnaire serait donc restée à l’échelon 5 de la grille AU-1 lors de sa nomination, ce qui aurait entraîné une réduction de sa rémunération au poste AU-1 par rapport à ce qui avait été calculé initialement;

· toutefois, l’employeur n’a pas rétrogradé la fonctionnaire à l’échelon 5. Il l’a plutôt laissée à l’échelon 6 de la grille de rémunération AU-1.

 

[96] Lorsque la règle prévue à l’art. 7.6.1c) a été appliquée, le taux de rémunération d’intérim SP-07 révisé de 68 388 $ (échelon 3) de la fonctionnaire n’était pas un facteur à prendre en considération.

[97] La fonctionnaire a soutenu que l’employeur aurait dû utiliser son taux de rémunération révisé SP-07 et recalculer sa rémunération sur la même base que celle utilisée à l’origine. Elle a fait valoir qu’elle aurait dû être placée au taux suivant le plus élevé de la grille AU‑1, soit à l’échelon 7 (69 158 $). Selon elle, elle y avait droit puisqu’elle avait accepté la nomination au niveau AU‑1 parce que les taux étaient plus élevés que ceux de son poste intérimaire SP‑07. Elle a fait valoir que l’employeur ne pouvait pas modifier la méthode utilisée pour déterminer sa rémunération plus de deux ans après qu’elle a accepté la nomination. Si la grille de rémunération avait été à jour à ce moment-là, il est difficile d’imaginer pourquoi elle aurait accepté une nomination, sachant que son taux de rémunération réel diminuerait, a-t-elle soutenu.

[98] La fonctionnaire a affirmé que la décision Buchmann appuie la proposition selon laquelle la promotion et le niveau de rémunération au moment de la nomination doivent être maintenus après le recalcul des taux de rémunération pendant la période de rétroactivité. Elle a fait valoir qu’un nouveau calcul des taux de rémunération était nécessaire pour maintenir la promotion.

[99] Dans l’affaire Buchmann, le fonctionnaire s’estimant lésé avait été promu d’un poste PM-2 à un poste AU-1 dans un contexte où les taux de rémunération PM-2 étaient expirés. À cet égard, la situation est semblable à celle visée par le présent grief. Comme je l’ai déjà mentionné, la Commission a tiré la conclusion clé suivante dans la décision Buchmann :

[55] […] En d’autres termes, quand un fonctionnaire est promu pendant la période de rétroactivité d’une convention collective applicable au poste qu’il quitte, son taux de rémunération dans son nouveau poste doit être calculé de nouveau compte tenu du rajustement rétroactif de son traitement dans le poste qu’il occupait au départ.

[Je mets en évidence]

 

[100] Toutefois, il existe une différence factuelle importante entre la situation de la fonctionnaire dans le cas présent et celle du fonctionnaire s’estimant lésé dans l’affaire Buchmann. Rien n’indique que ce dernier touchait une rémunération d’intérim au moment de sa promotion. Il a été promu d’un poste d’attache (PM-2) à un autre (AU-1).

[101] Depuis la décision Buchmann, lorsqu’il y a un changement rétroactif apporté au taux de rémunération d’un poste que l’employé quitte, un nouveau calcul doit être effectué à l’aide de la règle de promotion. C’est exactement ce que l’employeur a fait dans le cas présent. Le calcul initial au moment de la promotion, fondé sur le poste d’attache, aurait placé la fonctionnaire à l’échelon 4 (62 265 $), tandis que le nouveau calcul, une fois les nouveaux taux de l’AFPC mis en œuvre, l’aurait placée à l’échelon 5 (64 563 $).

[102] La question qui est réellement en litige dans le présent grief concerne l’application de la règle de nomination intérimaire subséquente.

[103] La fonctionnaire croit qu’il est injuste que le résultat de cette interprétation soit que, le 6 octobre 2014, son taux de rémunération réel soit passé de 68 388 $ (taux d’intérim SP-07 de l’AFPC) à 66 859 $ (taux AU-1).

[104] Cependant, la fonctionnaire ne m’a pas convaincu qu’il y a lieu de renoncer à l’application du libellé clair et simple de l’article 7.6.1c) et d’appliquer le libellé de l’article 7.6.1b). Selon le langage clair et sans ambiguïté de l’article 7.6.1b), cet article s’applique lorsque le taux de rémunération maximal du poste intérimaire est inférieur au taux de rémunération maximal du poste auquel l’employé est nommé. Il s’agissait de la situation au moment de la nomination promotionnelle de la fonctionnaire. L’article 7.6.1c) indique clairement et sans équivoque qu’il s’applique lorsque le taux de rémunération maximal du poste intérimaire est supérieur au taux de rémunération maximal du poste auquel l’employé est nommé. C’est ce qui s’est passé lorsque les taux révisés de l’AFPC sont entrés en vigueur.

[105] La fonctionnaire n’a pas démontré qu’elle comptait sur une augmentation des taux de rémunération pour son poste intérimaire SP-07 lorsqu’elle a accepté la nomination au niveau AU-1. Bien qu’il soit logique de soutenir que le fait de recevoir une augmentation aurait pu jouer dans son choix, il est également évident que sa nomination au poste AU‑1 représentait une promotion importante par rapport à son poste d’attache SP‑05, tant au moment du recalcul qu’après celui‑ci.

[106] Il est également clair que la fonctionnaire a par la suite été promue aux niveaux AU-2, AU-3 et AU-4. Cela suggère au moins que l’acceptation de la promotion AU1 lui a permis dobtenir dautres promotions par la suite.

[107] Dans tous les cas, la fonctionnaire n’a pas soutenu que cela lui avait nui.

[108] La fonctionnaire a fait valoir, subsidiairement, que si l’article 7.6.1c) s’applique, l’employeur a mal calculé sa date d’augmentation d’échelon. Elle a affirmé qu’il aurait dû lui accorder des augmentations d’échelon à partir de la date à laquelle elle a commencé à exercer les fonctions intérimaires dans le poste de niveau supérieur, c.‑à‑d. le 13 janvier 2014. Par conséquent, selon elle, elle aurait dû passer à l’échelon suivant de la grille de rémunération AU-1 le 12 janvier 2015, et non pas le 5 octobre 2015, comme l’a déterminé l’employeur.

[109] Là encore, je ne suis pas de cet avis. La règle énoncée à l’article 7.6.1c) indique comment calculer la date d’augmentation d’échelon applicable au taux de rémunération établi à la suite de l’application de la règle de promotion/mutation. Autrement dit, les neuf mois d’intérim au niveau SP-07 de la fonctionnaire auraient été pris en compte dans la détermination de la date à laquelle elle devait passer de l’échelon 5 à l’échelon 6 du niveau AU-1. Dans son cas, la date d’augmentation aurait été le 12 janvier 2015.

[110] Toutefois, l’employeur a décidé que la fonctionnaire continuerait d’être rémunérée à l’échelon 6 du niveau AU-1 à compter du 6 octobre 2014. Cette décision a fait en sorte qu’elle a atteint l’échelon 6 plus vite que s’il avait été procédé à un simple recalcul. Je juge que cette méthode est conforme à la règle de « dégression directe » qui découle de la décision Lajoie. Par conséquent, la bonne décision à prendre était de maintenir la date d’augmentation d’échelon de la fonctionnaire au 5 octobre 2015.

[111] La fonctionnaire a également soutenu, sans me convaincre, que l’application des règles énoncées aux articles 7.3 et 7.4 de la Directive sur les conditions d’emploi entraînerait une modification de sa date d’augmentation d’échelon. L’article 7.3 prévoit que la rémunération d’intérim est recalculée à la suite d’une révision rétroactive des taux de rémunération. Les taux de rémunération SP-05 et SP-07 ont été recalculés en même temps, et la fonctionnaire n’a pas fait valoir que sa rémunération d’intérim SP-07 aurait dû être modifiée. L’article 7.4 fournit d’autres détails sur les dates d’augmentation d’échelon applicables à un employé qui touche une rémunération d’intérim. Cette règle s’appliquerait à sa date d’augmentation d’échelon au niveau SP-07, mais pas à la date d’augmentation d’échelon au niveau AU-1. Sa nomination au niveau AU‑1 n’était pas intérimaire; il s’agissait d’une promotion et, par conséquent, celle-ci était visée par l’article 7.6, comme je l’ai mentionné plus haut dans la présente décision.

[112] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[113] Les objections de l’employeur relatives à la compétence de la Commission sont rejetées.

[114] Le grief est rejeté.

Le 14 février 2025.

Traduction de la CRTESPF

David Orfald,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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