Décisions de la CRTESPF

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Date: 20250129

Dossier: 561‑34‑41789

 

Référence: 2025 CRTESPF 10

Loi sur la Commission

des relations de travail

et de l’emploi dans le secteur

public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

David Babb

plaignant

 

et

 

Alliance de la Fonction publique du Canada

 

défenderesse

Répertorié

Babb c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte déposée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Pierre Marc Champagne, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui‑même

Pour la défenderesse : Abudi Awaysheh, représentant, et Farhad Shayegh, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés
le 21 mai, le 28 juillet et le 17 août 2020,

et le 15 septembre et le 12 octobre 2023.
(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] David Babb (le « plaignant ») a travaillé pour l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur ») de 2002 à 2010. Il allègue qu’il a une incapacité qui peut être attribuée à son exposition chronique à des produits chimiques toxiques qui auraient été présents dans son environnement de travail pendant cette période d’emploi.

[2] En 2010, l’employeur l’a licencié à la suite de son absence de longue durée liée à son état de santé. Par conséquent, il a contesté son licenciement avec le soutien et la représentation de son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse »).

[3] Le 23 avril 2020, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a rejeté ses griefs, qui alléguaient que son licenciement avait été inapproprié, discriminatoire et entaché de mauvaise foi de la part de l’employeur. Le plaignant a immédiatement demandé le soutien et la représentation de la défenderesse pour déposer une demande de contrôle judiciaire de cette décision (la « décision de la Commission ») devant la Cour d’appel fédérale (CAF).

[4] À la suite de nombreuses communications avec l’avocat de la défenderesse, il a finalement déposé une plainte en vertu de l’article 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), car il estimait que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable énoncé à l’article 187. Il a soutenu que malgré ses demandes, il était toujours incapable de déterminer, au moment où il a présenté sa plainte, s’il serait représenté à l’avenir concernant la demande de contrôle judiciaire devant la CAF.

[5] La défenderesse nie avoir manqué à son devoir de représentation équitable en vertu de la Loi et a présenté une demande préliminaire pour que la Commission rejette sommairement la présente plainte, car elle est soit hors délai, soit ne constitue pas une cause défendable en vertu de l’article 187 de la Loi.

[6] L’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) permet à la Commission de trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience (voir Walcott v. Public Service Alliance of Canada, 2024 FCA 68, au par. 4). Étant donné que les parties ont eu l’occasion de déposer des arguments supplémentaires, je suis convaincu qu’il est possible de trancher la demande préliminaire de la défenderesse sur la base des documents versés au dossier, ainsi que des arguments écrits des parties.

[7] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les allégations du plaignant sont soit hors délai, soit ne révèlent aucune cause défendable de contravention de l’article 187 de la Loi.

II. Résumé des faits

[8] Le 23 avril 2020, l’avocat de la défenderesse a informé le plaignant que la Commission avait rendu une décision le même jour, rejetant les griefs qu’il avait déposés concernant son licenciement.

[9] Depuis cette date jusqu’à la date à laquelle la présente plainte a été déposée, le plaignant a communiqué activement avec le représentant juridique de la défenderesse concernant la décision de la Commission. Le 21 mai 2020, le représentant l’a informé qu’une demande de contrôle judiciaire de la décision avait été envoyée à la CAF et reçue par celle-ci, afin de préserver ses droits.

[10] Le plaignant ne souscrivait pas au contenu générique de la demande déposée devant la CAF, car il estimait qu’elle ne tenait pas compte de tous les différents sujets qu’il souhaitait aborder en ce qui concerne son licenciement ou les problèmes de santé et de sécurité qu’il avait soulevés au fil des ans auprès de l’employeur.

[11] Le plaignant n’avait pas non plus réussi à obtenir, à ce stade, une confirmation du représentant juridique que la défenderesse l’appuierait dans les prochaines étapes du processus de demande devant la CAF. Il a donc décidé de déposer la présente plainte.

[12] La défenderesse a ensuite décidé de représenter le plaignant. La CAF a finalement entendu la demande de contrôle judiciaire et a rendu une décision en mars 2022, la rejetant.

III. Résumé des allégations et de l’argumentation

A. Pour le plaignant

[13] Au cours son emploi auprès de l’employeur, le plaignant a agi en tant que représentant de la défenderesse et a participé au comité de santé et de sécurité au travail de son lieu de travail. Au cours de son mandat, il a fréquemment soulevé et traité de problèmes dans le lieu de travail liés à la santé et à la sécurité au travail. Il a également entamé plusieurs recours liés, entre autres, à son incapacité, à ses droits en matière d’emploi, aux droits en vertu du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L‑2; le « CCT »), aux droits de la personne et aux droits conférés par la convention collective.

[14] Le plaignant allègue que, à la suite de son licenciement, la plupart des recours qu’il avait intentés contre l’employeur au fil des ans ont été interrompus, mis en suspens ou n’ont tout simplement jamais été traités. Il estime avoir été maltraité et exploité de toutes les manières possibles dans la poursuite de ses droits de la personne, de sa dignité et de sa valeur personnelle. Il soutient que récemment, il a été informé que ses affaires en suspens demeurent suspendues, puisque son licenciement est toujours confirmé.

[15] Le plaignant laisse entendre que depuis 2007, la défenderesse et l’employeur ont conclu une entente en vue de s’assurer qu’il soit mis fin à tous ses griefs et à tous ses recours. Cette entente est apparemment toujours en vigueur, car aucun représentant de la défenderesse ne voulait même lui parler au sujet de problèmes continus liés à son emploi. Même s’il a eu des conversations et des échanges de courriels avec l’avocat de la défenderesse, les représentants de la défenderesse étaient absents de ces communications et leur identité ne lui a jamais été révélée. Par conséquent, il estime que son adhésion à l’agent négociateur n’a pas été et n’est toujours pas reconnue.

[16] Le plaignant affirme que la présente plainte constitue une préoccupation continue liée à une décision antérieure de la Commission, soit Babb c. Gordon, 2009 CRTFP 114 (« Babb (CRTFP) »). Il fait valoir qu’elle est également liée à un certain nombre d’autres décisions et dossiers liés à ses droits en matière d’emploi ou aux programmes et avantages sociaux auxquels il aurait droit.

[17] Le plaignant est convaincu que la défenderesse a délibérément épuisé les délais qui lui étaient impartis pour soumettre ce qu’il qualifie de demande [traduction] « vide » à la CAF. Il a finalement demandé d’ajouter du contenu et a fait connaître ses souhaits, mais la défenderesse l’a complètement ignoré.

[18] Le plaignant souligne qu’il a attendu plus de trois ans pour la décision de la Commission et que lorsqu’il l’a reçue, il était clair pour lui qu’elle ne répondait pas à ses nombreux droits liés aux griefs qu’il avait déposés en réponse à son licenciement. Il estime que si la défenderesse n’avait pas fermé les yeux sur la discrimination à laquelle il a été soumis plutôt que de poursuivre son propre objectif, il n’en serait pas là aujourd’hui.

[19] La décision de la Commission lui a clairement démontré que ses droits n’étaient pas protégés, car les intérêts de la défenderesse avaient prévalu sur ses griefs et ses droits avaient été remplacés par ses intérêts. Ses droits n’ont pas été protégés et il n’y avait aucune indication au cours de la période de 90 jours précédant le dépôt de sa plainte qu’ils le seraient à l’avenir. Selon sa préoccupation immédiate, ses droits continuaient d’être enfreints et sa capacité de recours pouvait être frappée de prescription.

[20] Il laisse entendre que ses griefs ont été détournés. La défenderesse était bien consciente que ses blessures étaient liées à son lieu de travail, et elle avait des renseignements qui auraient pu ou auraient dû être présentés à la Commission. Il ne connaît toujours pas la raison pour laquelle la défenderesse n’a pas présenté à la Commission toutes ses questions liées à ses griefs concernant la blessure au travail avant qu’elle ne rende sa décision, mais cela peut être décrit, au mieux, comme de la mauvaise foi ou de la discrimination.

[21] Selon le plaignant, la décision de la Commission est remplie d’erreurs, fondée sur de faux témoignages, contraire aux lois sur l’emploi et les droits de la personne, et constitue une violation directe de ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, édictée en tant qu’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.); la « Charte »). Son licenciement constituait un camouflage pour l’empêcher d’intenter un recours en vertu du CCT et de demander une couverture en vertu de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État (L.R.C. (1985), ch. G‑5).

[22] En ce qui concerne le respect des délais de sa plainte, le plaignant laisse entendre que de nombreux incidents survenus au cours de la période de 90 jours précédant le dépôt de sa plainte constituaient de flagrantes violations de ses droits en vertu de la Charte et de ses droits de la personne. Il réitère que la défenderesse dispose de renseignements et de documents qu’il lui a soumis en août 2019, car il souhaitait attirer l’attention de la Commission sur ceux‑ci après la fin de l’audience, mais avant que la décision ne soit rendue. Cela n’a pas été le cas.

[23] Il a également formulé des commentaires en novembre 2019 concernant les arguments écrits finaux à déposer devant la Commission relativement à ses griefs de licenciement. Lorsqu’il a lu les arguments que la défenderesse a envoyés à la Commission, il n’était pas satisfait et a demandé à maintes reprises que d’autres arguments soient formulés et envoyés à la Commission, mais la défenderesse a choisi de ne pas le faire.

[24] Lorsque le plaignant a lu la décision de la Commission le 23 avril 2020, il était dévasté. Toutes les personnes qui sont intervenues dans son cas auraient dû comprendre l’effet discriminatoire du subterfuge auquel il a été assujetti. Il soutient que la décision de la Commission a confirmé l’ensemble de cette situation et qu’elle a été rendue au cours de la période de 90 jours avant qu’il ne dépose la présente plainte.

B. Pour la défenderesse

[25] La défenderesse soutient que les préoccupations du plaignant sont fondées sur sa conviction selon laquelle elle ne l’a pas appuyé au cours de l’arbitrage de ses griefs de licenciement et dans sa demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission devant la CAF.

[26] En ce qui concerne les représentations qu’elle a faites pour appuyer les griefs de licenciement du plaignant, la défenderesse fait valoir que la dernière interaction que son représentant juridique a eue avec lui remonte à novembre 2019. Par conséquent, étant donné que la plainte a été déposée le 21 mai 2020, ces allégations sont hors délai, car elles ont été formulées bien après le délai prescrit de 90 jours en vertu de l’article 190(2) de la Loi.

[27] En ce qui concerne les représentations qu’elle a faites dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire, elle soutient que le plaignant n’a établi aucune violation prima facie de l’article 190 de la Loi. Les documents démontrent plutôt qu’elle a fait tout son possible pour le représenter en engageant et en payant un avocat externe pour le représenter lors de l’audience de ses griefs et pour déposer la demande de contrôle judiciaire.

[28] La défenderesse soutient également qu’après la présentation de la demande à la CAF, elle a réitéré à maintes reprises qu’elle souhaitait travailler avec le plaignant et qu’elle lui a demandé de signer un mandat de représentation en justice. Elle a continué à communiquer avec lui, et elle lui a fourni son analyse concernant les perspectives de la demande devant la CAF. De plus, le représentant juridique de la défenderesse l’a finalement représenté devant la CAF (voir Babb c. Canada (Procureur général), 2022 CAF 55 (« Babb (CAF) »).

[29] La défenderesse renvoie à Beniey c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2020 CRTESPF 32, et à Osman c. Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada, 2020 CRTESPF 40, et elle laisse entendre que la Commission a statué sur une plainte semblable, car le plaignant ne souscrivait pas à la stratégie adoptée relativement à la demande de contrôle judiciaire. La Commission a déterminé dans ces décisions que les simples insatisfaction et désaccord à l’égard de la stratégie juridique entre un employé de l’unité de négociation et l’agent négociateur sont insuffisants pour établir une violation de l’article 187 de la Loi.

[30] La défenderesse renvoie également à Brenner c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2014 CRTFP 2, dans laquelle la Commission a rejeté une plainte pour manquement au devoir de représentation équitable en raison de son caractère théorique, car son fondement avait disparu ou n’était plus en litige. Dans le présent cas, la défenderesse soutient qu’elle a bel et bien déposé une demande de contrôle judiciaire. Le plaignant ne peut pas légitimement faire valoir qu’au moment de la date limite pour présenter la demande devant la CAF qu’il n’était pas en mesure de déterminer s’il serait représenté à l’avenir, car il avait été informé qu’une demande avait été déposée.

[31] Les allégations selon lesquelles la défenderesse n’a jamais appelé le plaignant pour discuter de la décision de la Commission avec lui sont sans fondement. Son représentant juridique a été dûment mandaté pour agir au nom de la défenderesse en ce qui concerne ses dossiers. Par conséquent, lorsqu’il a communiqué avec le représentant juridique, en fait, il a communiqué avec la défenderesse.

[32] Le plaignant ne précise pas en quoi le comportement allégué était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Les faits qu’il a présentés, même s’ils étaient considérés comme avérés à ce stade, sont insuffisants pour établir un quelconque acte répréhensible de la part de la défenderesse.

[33] Comme le décrivent Beniey et Osman, le devoir de représentation équitable ne confère pas aux membres de l’agent négociateur le droit absolu d’être représentés ni ne les autorise à décider de la manière dont l’agent négociateur s’acquitte de ses obligations. Dans le cas présent, le plaignant était en communication avec un représentant dûment mandaté en tout temps pertinent, et la défenderesse avait analysé la situation et avait décidé de présenter une demande qui a été déposée devant la CAF en son nom dans les délais requis. Par conséquent, elle s’est acquittée de ses obligations.

IV. Motifs

[34] La présente plainte a été déposée en vertu de l’article 190(1)g) de la Loi et est fondée sur des allégations de violation de l’article 187, qui stipule qu’un agent négociateur ne doit pas agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi dans la représentation de tout employé de l’unité de négociation.

[35] Normalement, le fardeau de la preuve pour établir la violation incombe au plaignant. Cependant, la défenderesse demande que la Commission rejette sommairement la présente plainte pour deux raisons, à savoir qu’elle serait hors délai ou ne révélerait aucune cause défendable.

[36] Après avoir décrit brièvement le critère juridique applicable à chacun de ces motifs, je présenterai les allégations pertinentes du plaignant et fournirai mon analyse à leur égard.

A. Les critères juridiques pertinents

[37] Afin que les allégations du plaignant soient considérées comme opportunes, l’article 190(2) de la Loi établit clairement que seuls les faits survenus dans les 90 jours précédant la présentation de la plainte peuvent en faire partie. Cependant, la Commission peut tenir compte des faits qui ont précédé ces 90 jours dans son analyse du contexte de la plainte (voir Perron c. Syndicat des Douanes et de l’Immigration, 2013 CRTFP 13, au par. 23).

[38] Dans le présent cas, la période de 90 jours allait du 21 février au 21 mai 2020. Dans Beaulieu c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 100, la Commission a déclaré que le délai pouvait être prolongé dans des circonstances très exceptionnelles et limitées, lorsque celle‑ci est convaincue que le plaignant n’aurait pu ni prévoir ni contrôler la cause du retard. Dans le présent cas, le plaignant n’a pas laissé entendre l’existence de telles circonstances exceptionnelles.

[39] Le critère relatif au deuxième motif de la demande préliminaire de la défenderesse est bien établi dans la jurisprudence de la Commission et exige que si les allégations factuelles du plaignant sont considérées comme avérées, je détermine s’il a établi une cause défendable selon laquelle la défenderesse a enfreint l’article 187 de la Loi.

[40] Un agent négociateur sera considéré comme ayant manqué au devoir de représentation équitable si sa représentation était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[41] Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada, dans le contexte du devoir de représentation équitable, le caractère arbitraire est lié à la qualité de la représentation d’un agent négociateur. Même sans intention de nuire, un agent négociateur ne doit pas traiter les affaires de ses membres de manière négligente ou insouciante (voir Noël c. Société d’énergie de la Baie James, 2001 CSC 39, au par. 50).

[42] Il y aurait discrimination de la part d’un agent négociateur dans le même contexte s’il traitait un de ses membres (ou un groupe de membres) de manière préjudiciable ou différente par rapport à ses autres membres pour une raison qui n’est pas valablement ou raisonnablement liée aux relations de travail, comme une caractéristique personnelle ou un motif de distinction illicite (voir Corneau, au par. 109; Beniey, au par. 69; Payne c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 58, aux par. 84 à 86; et Noël, au par. 49).

[43] Enfin, afin de constituer de la mauvaise foi dans le contexte de l’article 187 de la Loi, les actions, décisions ou comportements d’un agent négociateur doivent démontrer une forme d’hostilité personnelle envers l’un de ses membres ou un comportement pouvant être qualifié de vexatoire, de malhonnête, de malicieux ou de malveillant (voir Corneau, au par. 110; Beniey, au par. 67; Sganos c. Association canadienne des agents financiers, 2022 CRTESPF 30, au par. 97; et Noël, au par. 48).

[44] Le fardeau du plaignant dans une analyse de la cause défendable est reconnu comme étant moins élevé qu’il ne le serait pour le bien‑fondé de son cas. Cependant, il doit quand même présenter toutes les allégations factuelles à l’appui de sa plainte et aborder toutes les violations alléguées dans celle‑ci (voir Payne, aux par. 59 et 60).

[45] Pour simplifier, à ce stade, la Commission doit simplement décider lesquelles des allégations pertinentes du plaignant, le cas échéant, et si elles sont considérées comme avérées, seraient suffisantes pour constituer une cause défendable selon laquelle la défenderesse a agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

B. Les allégations du plaignant, en général

[46] Encore une fois, la portée d’une plainte relative au devoir de représentation équitable se limite uniquement à déterminer s’il y a eu violation de l’article 187 de la Loi au cours de la période de 90 jours que j’ai déjà mentionnée.

[47] Le plaignant a déposé un document de 22 pages en guise de principaux arguments écrits. Il était accompagné de plus de 150 pages de documents à l’appui. En résumé, les arguments écrits et les documents à l’appui contiennent une narration répétitive de problèmes liés au travail remontant à 2008, ainsi que des extraits de dispositions législatives, de jurisprudence et des échanges de courriels qu’il a eus avec l’employeur, la défenderesse et son représentant juridique, ainsi qu’avec la Commission. Ces échanges de courriels ont principalement eu lieu entre 2019 et 2021, mais remontent également jusqu’en 2008.

[48] Même si tous les documents fournis par le plaignant n’étaient pas clairement organisés ou que leur pertinence n’était pas expliquée, je les ai tous examinés attentivement. Dans les paragraphes qui suivent, je décrirai ce que j’estime être l’essence de ses allégations.

[49] Le plaignant a une longue histoire de litiges ou de différends administratifs avec son ancien employeur. Toutefois, il ne faut pas oublier que la présente plainte ne vise que la défenderesse.

[50] Par conséquent, tous les faits et allégations contre l’employeur qui laissent entendre qu’il a porté atteinte aux droits du plaignant ou conspiré pour l’empêcher d’exercer les différents recours dont il aurait pu se prévaloir ne sont pas pertinents dans le présent cas, car ils ne sont pas liés aux actes ou aux comportements de la défenderesse. Je ne tiendrai pas compte de ces allégations (voir Burns c. Section locale no 2182 d’Unifor, 2020 CRTESPF 119, aux par. 81 et 164; Archer c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 105, aux par. 14 et 61; et Hancock c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 51, au par. 6).

[51] Il en va de même en ce qui concerne la proposition du plaignant selon laquelle la présente plainte est une continuation de bon nombre de ses plaintes ou recours antérieurs. De plus, il laisse souvent entendre que la Commission devrait examiner les arguments précédents qu’il a présentés dans différents contextes ou concernant des décisions antérieures rendues dans un certain nombre de ses recours ou celles concernant certains de ses collègues qu’il laisse entendre être dans une situation semblable.

[52] Le plaignant doit comprendre que lorsque la Commission traite d’une plainte comme celle‑ci, elle n’agit pas en tant qu’organisme d’enquête (voir Burns, au par. 160; et McRaeJackson c. Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA‑Canada), 2004 CCRI 290, au par. 49), et qu’elle ne siège pas en appel ou en tant qu’organisme de révision de décisions déjà rendues (voir Walcott c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 54, au par. 29; et Osman, au par. 17). De plus, le plaignant ne peut pas et ne devrait pas utiliser la présente plainte pour tenter de trancher des questions en suspens avec l’employeur (voir Corneau c. Association des juristes de Justice, 2023 CRTESPF 16, au par. 95).

[53] Le plaignant fait particulièrement référence à une plainte précédente qu’il a déposée en 2009 et laisse entendre que la présente plainte est une continuation directe de ce cas. Elle ne peut pas l’être. Non seulement les allégations soulevées dans ce cas sont maintenant hors délai, car elles précèdent la décision qui a été rendue il y a 15 ans, mais cette décision a également rejeté sa plainte, car elle était déjà considérée comme hors délai au moment où la décision a été prise (voir Babb (CRTFP)).

[54] En fait, une lecture approfondie et complète des arguments du plaignant révèle que très peu de ses allégations factuelles particulières ne visent ou ne pourraient viser la période de 90 jours énoncée à l’article 190(2).

[55] En fin de compte, l’événement ou l’élément principal et central qui fait partie de plusieurs des allégations du plaignant et qui s’est produit dans les 90 jours précédant le dépôt de la plainte est la décision de la Commission qui a été rendue le 23 avril 2020 et qui lui a été communiquée le même jour par le représentant juridique de la défenderesse.

[56] Pour cette raison, mon analyse sera axée sur les différents éléments et allégations de sa plainte qui sont liés à la décision de la Commission et permettra de déterminer s’ils sont opportuns ou pourraient révéler une cause défendable d’une violation de l’article 187 de la Loi.

[57] Cependant, les multiples allégations du plaignant attaquant la décision de la Commission ne feront pas partie de cette analyse, car elles ne sont pas non plus pertinentes pour le présent cas.

[58] Manifestement, le plaignant ne souscrit pas à la décision de la Commission. Toutefois, comme je l’ai déjà mentionné dans la présente décision, il doit comprendre que la présente plainte ne constitue pas le mécanisme d’appel qu’il semble croire qu’elle est. Il lui était loisible de déposer une demande de contrôle judiciaire devant la CAF, ce que la défenderesse a exactement fait en son nom le 21 mai 2020. Elle a été rejetée le 30 mars 2022 (voir Babb (CAF)).

C. Lesquelles, le cas échéant, des allégations du plaignant sont hors délai?

1. Les échanges avec la défenderesse avant la décision de la Commission

[59] Bon nombre des allégations du plaignant laissent entendre qu’il n’aurait pas souscrit à certains, voire la plupart, des stratégies et des arguments de la défenderesse lors des procédures qui ont mené à la décision de la Commission.

[60] Non seulement la jurisprudence de la Commission a clairement établi qu’un désaccord n’est pas suffisant pour appuyer une plainte en vertu de l’article 187 (voir Gagnon c. Association canadienne des employés professionnels, 2022 CRTESPF 91, au par. 160; Sganos, au par. 102; Horac c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 1, au par. 76; et Osman, au par. 22), mais également, ces allégations sont hors délai, car elles précèdent la période de 90 jours.

[61] Plus particulièrement, le plaignant fait parfois référence à ses discussions ou échanges avec le représentant juridique de la défenderesse en août et en novembre 2019 concernant le contenu des arguments écrits à présenter à la Commission. Ces événements sont clairement hors délai.

[62] Cependant, il semble laisser entendre qu’après ces discussions, il a été laissé dans l’ignorance et n’a pas été informé si la défenderesse accepterait de présenter ou présenterait ses propositions ou commentaires. Le moment où il a constaté qu’elle ne l’avait pas fait aurait été lorsque la Commission a rendu sa décision.

[63] Le fait que la décision de la Commission, qui a été rendue pendant la période de 90 jours, ait mis fin et cristallisé l’issue des procédures liées aux griefs de licenciement du plaignant ne change pas la détermination du respect des délais concernant ses allégations liées à ces procédures.

[64] Le plaignant avait toutes les connaissances et tous les renseignements nécessaires en novembre 2019, ou avant cette date, pour lui permettre de déposer une plainte contre la défenderesse s’il estimait qu’elle avait manqué à son devoir de représentation équitable (pour une conclusion semblable, voir Besner c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 56, au par. 72).

[65] Les arguments et les documents que le plaignant a soumis pour étayer sa plainte démontrent qu’il a examiné les arguments finaux que la défenderesse avait préparés et soumis à la Commission et qu’il savait, ou aurait dû savoir, en novembre 2019, qu’ils n’abordaient pas ce qu’il laisse maintenant entendre qu’ils auraient dû.

[66] Comme la Commission a conclu de manière semblable dans Paquette c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2018 CRTESPF 20, j’estime que toutes les allégations liées à l’audience qui a mené à la décision de la Commission ou aux procédures qui ont précédés la date à laquelle elle a été rendue sont hors délai (voir Paquette, aux par. 34 et 35).

2. Le refus de la défenderesse de communiquer avec le plaignant

[67] Le plaignant allègue que la défenderesse a refusé de communiquer avec lui à la suite d’une entente qu’elle aurait conclue avec l’employeur en 2007. Il a présenté des courriels qui, selon lui, démontreraient qu’il en était encore ainsi à la période pertinente à la présente plainte.

[68] Je conclus que cette allégation est hors délai. Même si le plaignant a présenté des copies de courriels qui, selon lui, étayeraient la conclusion selon laquelle ils constitueraient une violation survenue pendant la période pertinente, je suis d’avis qu’ils démontrent le contraire.

[69] Parmi ces extraits de courriels, seuls deux sont liés à la situation personnelle du plaignant.

[70] Les autres échanges de courriels sont entre la défenderesse et l’un de ses anciens collègues, qui aurait été dans la même situation. Ces échanges de courriels sont sans pertinence. Ils ne concernent pas la situation particulière du plaignant. De plus, ils sont datés après le dépôt de la présente plainte et font référence à des actes, des décisions et des comportements de la défenderesse qui se sont produits après le dépôt de la plainte.

[71] Le premier courriel pertinent laisse entendre que le 19 mai 2021 ou vers cette date, le plaignant a demandé l’intervention du président national de la défenderesse pour rétablir son adhésion. Cette demande est demeurée sans réponse. Dans ses arguments, le plaignant explique qu’il a décidé de présenter cette demande, car il estimait qu’il s’agissait de la seule façon d’obtenir à nouveau un accès direct à la défenderesse, puisqu’elle avait révoqué son statut de membre en règle. Il fait également référence, une fois de plus, à Babb (CRTFP) comme étant à l’origine de ce différend de longue date concernant son statut en tant que membre de la défenderesse.

[72] La décision Babb (CRTFP) a été rendue à la suite d’une plainte qu’il a déposée après s’être vu refuser l’accès à une réunion que la défenderesse avait tenue pour ses membres en juillet 2008 alors qu’il était en congé non payé prolongé. En août 2008, l’un des vice‑présidents régionaux de la défenderesse lui a expliqué qu’il n’était pas autorisé à assister à une telle réunion, car il n’était plus membre en règle, étant donné qu’il ne payait plus de cotisations syndicales depuis qu’il était en congé non payé prolongé.

[73] Le deuxième courriel pertinent, daté du 6 mars 2016, a été envoyé par le plaignant à un destinataire inconnu. Dans ce courriel, il explique qu’il a essayé de communiquer avec le président local de la défenderesse, car il souhaitait obtenir son aide concernant ses problèmes dans le lieu de travail. Il mentionne que le président local lui a ensuite dit qu’il n’avait pas le droit de communiquer avec la défenderesse, car il n’était pas un membre et n’avait donc pas droit à une aide ni à une représentation.

[74] Il semble donc que le plaignant, en vertu de cette allégation, tente de relancer un litige qui non seulement a déjà été rejeté par la Commission, mais dont il a également eu connaissance depuis 2016, voire 2008. Les nouvelles demandes qu’il a présentées en mai 2021 sur le même sujet ne constituent pas un motif valable pour une nouvelle plainte, même si les demandes ont été présentées dans les 90 jours précédant la plainte (voir Vaxvick c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 14, au par. 37; Besner, au par. 69; Éthier c. Service correctionnel du Canada, 2010 CRTFP 7, au par. 21; et Nemish c. King, 2020 CRTESPF 76, au par. 37). Elles sont toujours hors délai, comme la Commission l’a déjà déclaré en 2009 dans Babb (CRTFP) (pour une conclusion semblable, voir Beaulieu c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 100, au par. 46).

[75] De plus, contrairement à la plainte de 2008 qui a donné lieu à Babb (CRTFP), la présente plainte porte sur le devoir de représentation équitable de la défenderesse en vertu de l’article 187 de la Loi, et non sur les actes de l’agent négociateur visés par les articles 188b) ou d). Par conséquent, elle ne vise pas à traiter une situation telle que la demande qu’il a présentée en mai 2021 pour rétablir son adhésion et qui est demeurée sans réponse.

D. Est‑ce que l’une des allégations restantes révèle une cause défendable?

1. La demande de contrôle judiciaire

[76] Le plaignant allègue qu’à la date de dépôt de sa plainte, il ne savait pas s’il bénéficierait du soutien et de la représentation de la défenderesse concernant la demande à la CAF.

[77] Même si la défenderesse soutient que le plaignant savait qu’elle avait déjà déposé la demande avant qu’il ne dépose sa plainte, elle a fourni des copies de courriels datés des 14 et 19 mai 2021, provenant de son représentant juridique, qui indiquent également clairement que la demande a été déposée pour la forme, afin de préserver les droits du plaignant.

[78] De plus, ces courriels précisent que la demande a été intentionnellement rédigée de manière générique, afin de permettre au plaignant de personnaliser davantage les allégations s’il devait se représenter lui‑même, au cas où la défenderesse aurait refusé de fournir son soutien et sa représentation pour la prochaine étape devant la CAF. Par conséquent, on peut comprendre l’incertitude que le plaignant ressentait, comme il l’a exprimé dans sa plainte.

[79] Néanmoins, lorsque la plainte a été déposée, la défenderesse n’avait pas encore refusé au plaignant son soutien et sa représentation pour la demande devant la CAF. Au contraire, elle a pris ses responsabilités au sérieux en déposant une telle demande alors qu’elle était en plein processus décisionnel, afin de s’assurer que les droits du plaignant seraient préservés.

[80] Par conséquent, il est impossible pour la Commission de considérer les actes de la défenderesse comme contraires à l’article 187 de la Loi. Ils indiquent un comportement qui n’avait rien d’arbitraire ou de discriminatoire ou le résultat d’une mauvaise foi.

2. Communications avec le représentant juridique de la défenderesse

[81] Le plaignant allègue qu’après la décision de la Commission, aucun des représentants ou des agents de la défenderesse n’a communiqué avec lui pour discuter du dossier. Le représentant juridique de la défenderesse a également refusé de préciser qui, parmi les représentants de la défenderesse, a donné des directives.

[82] En ce qui concerne l’allégation selon laquelle aucun représentant ou agent de la défenderesse n’a communiqué avec lui pour discuter de la décision de la Commission ou de la demande possible devant la CAF, elle est réfutée par les documents et les arguments écrits déposés et présentés par le plaignant.

[83] En fait, le représentant juridique de la défenderesse a, à maintes reprises, communiqué avec lui, verbalement ou par écrit, pour discuter de la décision de la Commission et de la possibilité de demander un contrôle judiciaire de celle‑ci.

[84] La défenderesse a embauché un représentant juridique pour assurer la représentation du plaignant. La défenderesse a dûment mandaté le représentant juridique pour agir en son nom, et lorsque ce représentant a discuté de l’affaire avec le plaignant, ce fut comme s’il en discutait avec la défenderesse.

[85] Comme la Commission l’a déjà indiqué dans ses décisions antérieures, le devoir de représentation équitable n’exige pas que la défenderesse suive les directives de son membre quant à qui doit fournir la représentation (voir Hancock, au par. 93). De plus, lorsqu’elle utilise ses fonds pour embaucher un avocat afin de représenter un plaignant, elle a certainement le droit de donner à cet avocat le mandat et les directives qu’elle juge appropriés dans les circonstances (voir Beniey, au par. 66; et Lefebvre c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2024 CRTESPF 26, au par. 34), à condition que ces directives ne soient pas arbitraires, discriminatoires ou de mauvaise foi.

[86] Le droit du plaignant à une représentation équitable ne s’étend pas au droit de choisir avec quel représentant de la défenderesse il discute, et je ne peux pas conclure que, dans les circonstances du présent cas, cette allégation constitue une cause défendable en ce qui concerne une violation de l’article 187 de la Loi.

3. Allégations liées particulièrement au caractère arbitraire, à la discrimination ou à la mauvaise foi

[87] En ce qui concerne les allégations factuelles liées à la discrimination, dans ses arguments, le plaignant fait principalement référence à la façon dont il estime avoir été victime de discrimination de la part de tous les acteurs impliqués dans tous ses problèmes d’emploi et dans le lieu de travail au fil des ans. Ces allégations factuelles ne sont pas pertinentes à la décision à rendre dans le présent cas, car la plainte vise la défenderesse.

[88] En ce qui concerne la défenderesse en particulier, il ne fait référence qu’à la discrimination dont il allègue avoir été victime en raison de sa décision en 2008 de révoquer son statut de membre en règle. Comme je l’ai déjà expliqué dans la présente décision, la Commission a déjà rejeté cette allégation. De plus, j’ai également déjà expliqué la raison pour laquelle je considère cette allégation comme étant hors délai.

[89] Une grande partie des arguments restants du plaignant constituent des affirmations sans équivoque selon lesquelles l’omission de la défenderesse de le défendre au fil des ans relativement à sa blessure au travail équivaut à de la mauvaise foi ou de la discrimination.

[90] Par exemple, le plaignant déclare avoir été maltraité et exploité de toutes les manières imaginables dans la poursuite de ses droits. Il affirme également que la malveillance et la vengeance auxquelles il a été assujetti vont bien au‑delà de tout ce qu’il aurait pu imaginer. Il répète ou laisse entendre souvent qu’il a été traité de manière préjudiciable, que ce soit directement ou indirectement. Il laisse entendre en outre qu’il a été [traduction] « expulsé » comme s’il était [traduction] « un déchet » et qu’il a été traité comme tel. Enfin, il déclare qu’il en a assez du traitement du [traduction] « club des vieux copains » auquel il a été assujetti et que, pour lui, il est difficile de ne pas percevoir l’ensemble du processus comme un subterfuge ou un camouflage, car il estime que ses griefs ont été enfouis intentionnellement.

[91] Même si je dois considérer les faits allégués par le plaignant comme avérés aux fins d’une analyse de la cause défendable, un certain nombre d’exceptions s’appliquent. Pour être considérées comme avérées dans le contexte d’une analyse de la cause défendable, les allégations factuelles doivent sembler réalistes. Il n’est pas nécessaire que les arguments et les opinions soient considérés comme établis; il en est de même pour les simples hypothèses, spéculations ou accusations (voir Kemp c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2024 CRTESPF 87, aux par. 53 et 54; voir également Payne, aux par. 60 et 91; Sganos, aux par. 80 et 81; Beniey, au par. 57; Archer, au par. 29; et Corneau, au par. 34).

[92] En ce qui concerne la discrimination, le plaignant cite, dans ses arguments, un paragraphe d’une décision de la Commission qui affirme que la discrimination n’est pas une question d’intention, mais de l’effet discriminatoire (voir Duval c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2020 CRTESPF 53, au par. 48). Même si je souscris à cet énoncé, il convient de noter que le plaignant devait démontrer que l’agent négociateur l’avait traité de manière préjudiciable ou différente par rapport à ses autres membres pour une raison qui n’est pas valablement ou raisonnablement liée aux relations de travail. Il ne l’a pas fait.

[93] Le plaignant me renvoie également à un paragraphe d’une décision de la Cour suprême du Canada (British Columbia Human Rights Tribunal c. Schrenk, 2017 CSC 62, au par. 123) qui porte sur l’objectif du Human Rights Code de la Colombie‑Britannique ([RSBC 1996] chapitre 210) et son application à l’interprétation d’une disposition particulière de ce code. Le plaignant ne laisse rien entendre quant à la façon dont ce paragraphe s’appliquerait à son cas, et j’estime qu’il est tout à fait sans pertinence aux fins de la présente analyse.

[94] Le plaignant n’a présenté aucun argument quant à la façon dont ses allégations pourraient démontrer le caractère arbitraire, la discrimination ou la mauvaise foi de la défenderesse.

[95] Comme je l’ai déjà mentionné, il n’est pas nécessaire que les affirmations sans équivoque, présentées sans aucun autre élément factuel et opportun particulier, soient considérées comme avérées et elles ne sont pas suffisantes pour démontrer l’existence d’une cause défendable du caractère arbitraire, de discrimination ou de mauvaise foi.

[96] Je conclus qu’aucune de ces caractéristiques ne s’applique au présent cas.

V. Conclusion

[97] Le plaignant n’a présenté aucune allégation opportune susceptible de révéler une cause défendable selon laquelle la conduite de la défenderesse était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[98] La défenderesse a également fait valoir que la Commission pourrait conclure que l’objet de la présente plainte est maintenant théorique, et elle m’a renvoyé à une jurisprudence qui étayerait son argument. Selon les documents versés au dossier, en fin de compte, la défenderesse a soutenu et représenté le plaignant devant la CAF, et son représentant juridique l’a soutenu au cours de la procédure et de l’audience de la demande de contrôle judiciaire.

[99] Comme j’ai conclu que la grande partie des allégations du plaignant sont hors délai et qu’il n’a pas présenté une cause défendable de contravention de l’article 187 de la Loi selon laquelle ces allégations pourraient être considérées comme opportunes, je n’ai pas besoin de parvenir à une conclusion concernant le caractère théorique.

[100] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[101] Les objections préliminaires de la défenderesse sont accueillies.

[102] La plainte est rejetée.

Le 29 janvier 2025.

Traduction de la CRTESPF

Pierre Marc Champagne,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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