Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée, une agente correctionnelle employée comme travailleuse par quarts, a déposé un grief après que l’employeur eut modifié l’heure de début du quart de travail de la fonctionnaire s’estimant lésée pour tenir une séance de formation obligatoire, sans donner l’avis de 48 heures requis pour un changement de quart de travail. L’agent négociateur a soutenu que le changement de l’heure de début du quart de travail de la fonctionnaire s’estimant lésée pour assister à la formation constituait un changement de quart de travail sans préavis adéquat, donnant à la fonctionnaire s’estimant lésée le droit à une prime de salaire, tandis que l’employeur a soutenu qu’il s’agissait d’une rémunération pour les heures supplémentaires effectuées. Compte tenu des principes d’interprétation de la convention collective lus conjointement avec la jurisprudence, la Commission a conclu que le fait d’ordonner à la fonctionnaire s’estimant lésée de commencer son quart de travail 1,75 heure plus tôt constituait un changement de quart de travail non approuvé, et non une affectation d’heures supplémentaires involontaires, et exigeait donc un préavis de 48 heures. La Commission a déterminé que l’employeur avait enfreint la convention collective. La Commission a ordonné le paiement en espèces à temps et aux trois quarts pour les heures de travail du quart au complet, moins le montant déjà payé aux taux des heures normales.

Grief accueilli.

Contenu de la décision

Date: 20250311

Dossier: 566‑02‑11109

 

Référence: 2025 CRTESPF 23

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

Tammy Wilson

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

employeur

Répertorié

Wilson c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : David Jewitt, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Corinne Blanchette, Syndicat des agents correctionnels du Canada – Union of Canadian Correctional Officers – CSN

Pour l’employeur : Elizabeth Matheson, avocate

Affaire entendue par vidéoconférence

le 28 août 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] Le présent cas porte sur la question de savoir si le changement d’heure de début du quart de Tammy Wilson, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), apporté par le Service correctionnel du Canada (l’« employeur ») le 31 juillet 2014 afin qu’elle puisse assister à une séance de formation obligatoire de trois heures en classe, constituait un changement de quart ou une affectation d’heures supplémentaires en vertu des dispositions de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et le Syndicat des agents correctionnels du Canada – Union of Canadian Correctional Officers – CSN (l’« agent négociateur ») pour le groupe Services correctionnels qui a expiré le 31 mai 2014 (la « convention collective »). Le grief a été déposé le 19 août 2014.

[2] Si le changement de l’heure de début apporté par l’employeur constituait un changement de quart, la fonctionnaire a droit à une prime à tarif et trois‑quarts pour toutes les heures travaillées durant ce quart, car l’employeur n’a pas fourni un préavis de 48 heures concernant le changement, comme l’exige la convention collective.

[3] Si la directive de l’employeur constituait une affectation d’heures supplémentaires au début de son quart, alors elle n’a droit à aucune prime supplémentaire. La fonctionnaire a été rémunérée au taux des heures supplémentaires pour la 1,75 heure supplémentaire qu’elle a travaillée ce jour‑là.

[4] Compte tenu du contexte du libellé de la convention collective dans son ensemble et interprétée en tenant compte de la jurisprudence pertinente, j’ai conclu que la directive de l’employeur à la fonctionnaire le 31 juillet 2014 de commencer son quart 1,75 heure plus tôt constitue un changement de quart non approuvé et non une affectation d’heures supplémentaires.

[5] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) pour remplacer l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires prévues aux articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40; Loi no 2 sur le PAE) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014‑84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le PAE, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le PAE.

[6] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP, de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF).

II. Contexte

[7] La fonctionnaire est une agente correctionnelle (CX‑02) employée comme travailleuse de quarts à l’Établissement de Mountain, qui est l’établissement fédéral à sécurité moyenne de l’employeur situé à Agassiz, en Colombie‑Britannique.

[8] Lorsque le grief a été déposé, elle travaillait un quart du soir régulier de 8,75 heures qui commençait à 13 h 45 et se terminait à 22 h 30.

[9] Le mercredi 30 juillet 2014, la fonctionnaire a reçu un courriel de l’employeur indiquant que l’heure de début d’une séance de formation obligatoire à laquelle elle et un certain nombre de ses collègues étaient inscrits pour le lendemain, appelée Formation sur la prévention du suicide et de l’automutilation, avait été changée de 13 h à 12 h. Ce qui suit est une transcription du courriel, dans laquelle le nom des autres agents correctionnels a été supprimé :

[Traduction]

Veuillez noter le changement d’heure.

Un siège vous a été réservé lors de la séance de formation suivante :

PRÉVENTION DU SUICIDE ET DE L’AUTOMUTILATION EN CLASSE

DATE : Le jeudi 31 juillet

HEURE : de 13 h à 16 h de 12 h à 15 h

ENDROIT : Établissement de Mountain, salle de formation du personnel

INSTRUCTEURS : Dre H. Elise REEH

PARTICIPANTS : […] TAMMY WILSON […]

Pour les agents correctionnels, votre horaire a été ajusté par la GC (P et D). Si la séance se termine avant la fin de votre quart de travail, vous devrez communiquer avec le bureau de la GC et vous pourriez être affecté à un poste pour le reste de votre quart. De plus, vous devez apporter votre uniforme dans l’éventualité où vous devez retourner au travail pour une raison quelconque.

Si vous avez des préoccupations ou des questions au sujet de cette formation, veuillez communiquer avec votre coordonnateur de la formation du personnel de l’établissement.

[…]

 

[10] La fonctionnaire a assisté à la séance de formation le 31 juillet à la nouvelle heure de début, soit 12 h. Après la formation qui s’est terminée à 15 h, elle a travaillé à ses fonctions habituelles jusqu’à la fin prévue de son quart de travail à 22 h 30, pour un total de 10,5 heures.

[11] À 16 h 13 le 31 juillet, la fonctionnaire a envoyé un courriel à Gwen Bradley, la gestionnaire correctionnelle (GC), Planification et déploiement (P et D), pour l’informer du changement d’heure de son quart aux fins de rémunération :

[Traduction]

Gwen

Mon quart a été ajusté aux fins de la participation à la séance indiquée ci‑dessous sans préavis de 48 heures. Je crois comprendre que je toucherai une rémunération à tarif et trois‑quarts pour la totalité de mon quart de travail d’aujourd’hui. Le quart est maintenant de 10,5 heures, ce qui fait un total de 18,375 heures. Conformément à la clause 21.03 d) de la convention collective.

Veuillez indiquer que je toucherai une rémunération de temps compensatoire pour ce quart.

[…]

 

[12] Mme Bradley a répondu le lendemain comme suit :

[Traduction]

Tammy,

Votre quart n’a pas été ajusté ou vous seriez rentrée à la maison à 20 h 45. Vous serez rémunérée en heures supplémentaires de 12 00 à 13 45, ce qui correspond à l’heure de début de votre quart d’après‑midi. Je vous présente mes excuses du fait que ces heures n’ont pas été saisies hier. Toutefois, je n’ai pas été incluse dans la notification figurant ci‑dessous et je n’étais pas au courant que des changements avaient été apportés.

[…]

 

[13] La fonctionnaire a répondu à Mme Bradley le même jour, comme suit :

[Traduction]

[…]

Gwen

Je lis la convention collective et elle énonce ce qui suit :

21.02 b) (ii) pour veiller à ce qu’un‑e employé‑e affecté à un cycle de quarts réguliers, ne doive pas changer de quart plus d’une fois au cours de ce cycle de quarts sans son consentement, sauf en situation d’urgence survenant dans un pénitencier. Un changement de quart suivi du retour au quart d’origine ne constitue qu’un seul changement,

21.03 d) Un‑e employé‑e dont le quart normalement prévu est modifié, tel que prévu au sous‑alinéa 21.02b)(ii), sans un avis préalable de quarante‑huit (48) heures est compensé à tarif et trois‑quarts (1 3/4) pour le premier (1er) quart de travail complet travaillé dans le cadre du nouvel horaire. Les quarts ultérieurs dans le cadre du nouvel horaire doivent être rémunérés à tarif normal.

Mon quart a été modifié afin que je commence à 12 h. Je ne me suis pas inscrite aux heures supplémentaires ni n’ai reçu une offre de faire des heures supplémentaires. Je ne faisais que ce qu’on m’a dit de faire, soit de commencer à 12 h au lieu de commencer à 13 h 45. Que j’aie travaillé jusqu’à 20 h 45 ou 22 h 15 ne fait aucune différence dans le fait que mon heure de début a été modifiée. Par conséquent, j’ai le droit de recevoir une rémunération à tarif et trois‑quarts pour la totalité de mon quart de travail.

En outre, puisqu’il n’a pas été saisi correctement et qu’il s’agit d’un nouveau mois, j’espère qu’il sera encore crédité pour le mois dernier afin que je n’aie pas à attendre deux mois avant de pouvoir réellement l’utiliser. »

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[14] Ces trois courriels exposent succinctement les positions des deux parties dans le présent grief. Au nom de la fonctionnaire, l’agent négociateur a soutenu que son quart régulier prévu avait été modifié sans préavis de 48 heures et qu’elle avait droit à une rémunération à tarif et trois‑quarts pour toutes les heures travaillées pendant ce quart, conformément à la clause 21.03d) de la convention collective.

[15] Selon la position adoptée par l’employeur, le changement d’heure de début ne constituait pas un changement de quart, mais une affectation d’heures supplémentaires de 1,75 heure au début du quart, ce qui est défini à la clause 2.01n) de la convention collective comme étant « […] les heures de travail qu’il est autorisé à effectuer en sus de son horaire normal de travail […] ». Il a rémunéré la fonctionnaire 1,75 heure au titre d’heures supplémentaires. La fonctionnaire a déposé le présent grief le 18 août 2014, avec le soutien de son agent négociateur.

III. La question en litige

[16] La question dans le présent cas consiste à savoir si la directive de l’employeur du 30 juillet, exigeant que la fonctionnaire change son heure de début le 31 juillet de 13 h 45 à 12 h pour s’adapter à un changement de l’heure de début de la séance de formation, constituait un changement de quart au sens de la clause 21.03d) de la convention collective ou une affectation de 1,75 heure au titre d’heures supplémentaires juste avant l’heure de début prévue de son quart de travail.

[17] Pour les raisons décrites ci‑dessous, j’ai conclu que la directive de l’employeur du 30 juillet 2014 d’avancer de 1,75 heure l’heure de début du quart de la fonctionnaire pour tenir compte du changement de dernière minute dans l’horaire de formation devrait être traitée en vertu de la convention collective comme un avis à la fonctionnaire d’un changement de quart, et non comme une affectation d’heures supplémentaires obligatoires.

IV. La convention collective

[18] Les parties ont défini les termes et expressions « heures supplémentaires », « quart », « horaire de quarts » et « cycle de quarts » à l’article 2 de la convention collective, comme suit :

2.01 […]

2.01

[…]

n) « heures supplémentaires » (overtime) désigne :

(n) “overtime” means (heures supplémentaires):

(i) dans le cas d’un‑e employé‑e à temps plein, les heures de travail qu’il est autorisé à effectuer en sus de son horaire normal de travail […]

(i) in the case of a full‑time employee, authorized work in excess of the employee’s scheduled hours of work …

[…]

p) « quart » désigne les heures de travail continues normalement prévues à l’horaire de l’employé‑e, ne désigne pas le poste auquel l’employé‑e est affecté (shift);

(p) “shift” means the employee’s regularly scheduled continuous hours of work, not the post to which the employee is assigned (quart);

q) « Horaire de quarts » désigne la répartition des quarts pendant une période donnée (shift schedule);

(q) “shift schedule” means the arrangement of shifts over a given period of time (horaire de quarts);

r) « cycle de quarts » désigne les heures de travail continues normalement prévues à l’horaire entre deux (2) périodes d’au moins deux (2) jours de repos consécutifs (shift cycle);

(r) “shift cycle” means the regularly scheduled shifts between two (2) periods of at least two (2) consecutive days of rest (cycle de quarts) ….

[…]

 

[19] L’article 21, intitulé « Durée du travail et heures supplémentaires », énonce l’accord des parties sur la façon de planifier les horaires des employés pour le travail de jour ou de quart et sur la manière de gérer ou d’ajuster les horaires de quart créés conjointement par un accord mutuel en vertu du protocole négocié à l’annexe K de la convention collective.

[20] Aux fins du présent grief, les dispositions pertinentes concernant les changements de quart sont celles énoncées à l’article 21, plus précisément aux clauses 21.02b) et 21.03d) de la convention collective :

Article 21

Article 21

Durée du Travail et Heures Supplémentaires

Hours of Work and Overtime

[…]

Travail par quarts

Shift Work

**

**

21.02 Lorsque le quart d’un‑e employé‑e est établi suivant un horaire irrégulier ou par roulement :

21.02 When a shift is scheduled for an employee on a rotating or irregular basis:

**

**

a) il doit être établi de façon à ce que l’employé‑e :

(a) it shall be scheduled so that an employee:

**

**

(i) travaille une moyenne de quarante (40) heures par semaine pendant la durée de l’horaire de quarts,

(i) over the length of the shift schedule, works an average of forty (40) hours per week,

et

and

(ii) travaille huit virgule cinq (8,5) heures par jour.

(ii) on a daily basis, works eight decimal five (8.5) hours per day.

b) l’Employeur prendra toutes les mesures raisonnables possibles :

(b) every reasonable effort shall be made by the Employer:

(i) pour ne pas fixer le début du quart de travail dans les huit (8) heures qui suivent la fin du quart de travail précédent de l’employé‑e,

(i) not to schedule the commencement of an employee’s shift within eight (8) hours of the completion of the employee’s previous shift,

(ii) pour veiller à ce qu’un‑e employé‑e affecté à un cycle de quarts réguliers, ne doive pas changer de quart plus d’une fois au cours de ce cycle de quarts sans son consentement, sauf en situation d’urgence survenant dans un pénitencier. Un changement de quart suivi du retour au quart d’origine ne constitue qu’un seul changement,

(ii) to ensure an employee assigned to a regular shift cycle shall not be required to change his or her shift more than once during that shift cycle without his or her consent except as otherwise required by a penitentiary emergency. A change of shift followed by a return to the original shift is considered as one change;

et

and

(iii) pour éviter toute variation excessive de la durée du travail.

(iii) to avoid excessive fluctuations in hours of work ….

[…]

21.03

21.03

a) Les horaires de quarts doivent être affichés au moins quatorze (14) jours civils avant la date du début du nouvel horaire afin de permettre à un‑e employé‑e d’obtenir un avis raisonnable pour connaître le quart qui lui est affecté. Le quart, comme il est indiqué dans l’horaire, doit correspondre au quart normalement prévu à l’horaire de l’employé‑e.

(a) Shift schedules shall be posted at least fourteen (14) calendar days in advance of the starting date of the new schedule in order to provide an employee with reasonable notice as to the shift he or she will be working. The shift as indicated in this schedule shall be the employee’s regularly scheduled shift.

**

**

b) L’Employeur convient qu’avant que soit modifié l’horaire de quarts de travail d’un‑e employé‑e, la modification doit faire l’objet d’une entente conformément à l’annexe K.

(b) The Employer agrees that, before an employee’s shift schedule is changed, the change shall be agreed upon in accordance with Appendix “K”.

c) Dans les cinq (5) jours qui suivent la demande de modification présentée par l’une ou l’autre partie, le Syndicat communique par écrit à l’Employeur le nom du représentant autorisé à agir en son nom.

(c) Within five (5) days of request for modification served by either party, the Union shall notify the Employer in writing of the authorized representative to act on behalf of the Union.

**

**

d) Un‑e employé‑e dont le quart normalement prévu est modifié, tel que prévu au sous‑alinéa 21.02b)(ii), sans un avis préalable de quarante‑huit (48) heures est compensé à tarif et trois‑quarts (1 3/4) pour le premier (1er) quart de travail complet travaillé dans le cadre du nouvel horaire. Les quarts ultérieurs dans le cadre du nouvel horaire doivent être rémunérés à tarif normal.

(d) An employee whose regularly scheduled shift is changed, pursuant to subparagraph 21.02(b)(ii), without forty‑eight (48) hours prior notice shall be compensated at the rate of time and three quarters (1 3/4) for the first (1st) full shift worked on the new schedule. Subsequent shifts worked on the new schedule shall be paid for at the straight‑time [sic].

[…]

[Je mets en évidence]

 

[21] L’accord des parties concernant l’affectation d’heures supplémentaires est énoncé principalement aux clauses 21.10, 21.12, 21.13 et 21.14 de la convention collective :

21.10 Répartition des heures supplémentaires

21.10 Assignment of Overtime Work

L’Employeur fait tout effort raisonnable pour :

The Employer shall make every reasonable effort:

a) répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé‑e‑s qualifiés facilement disponibles,

(a) to allocate overtime work on an equitable basis among readily available qualified employees,

b) attribuer du travail en temps supplémentaire aux employé‑e‑s faisant partie du même groupe et niveau par rapport au poste à combler, p. ex. Agent correctionnel 1 (CX‑1) à agent correctionnel 1 (CX‑1), agent correctionnel 2 (CX‑2) à agent correctionnel 2 (CX‑2), etc.

(b) to allocate overtime work to employees at the same group and level as the position to be filled, i.e.: Correctional Officer 1 (CX‑1) to Correctional Officer 1 (CX‑1), Correctional Officer 2 (CX‑2) to Correctional Officer 2 (CX‑2) etc.;

Cependant, il est possible pour une section locale de convenir par entente écrite avec le directeur de l’établissement d’une méthode différente en ce qui a trait à l’attribution du temps supplémentaire.

However, it is possible for a Local Union to agree in writing with the Institutional Warden on another method to allocate overtime.

et

and

c) donner aux employé‑e‑s, qui sont obligés de travailler des heures supplémentaires, un préavis suffisant de cette obligation.

(c) to give employees who are required to work overtime adequate advance notice of this requirement.

[…]

**

**

21.12 Rémunération du travail supplémentaire

21.12 Overtime Compensation

L’employé‑e a droit à une rémunération à tarif et trois‑quarts (1 3/4) sous réserve du paragraphe 21.13 pour chaque heure supplémentaire de travail supplémentaire exécutée par lui.

An employee is entitled to time and three‑quarters (1 3/4) compensation for each hour of overtime worked by the employee.

Pour plus de précision, toute référence à la rémunération du travail supplémentaire ailleurs dans la présente convention collective est à tarif et trois‑quarts (1 3/4).

For greater certainty, any reference to compensation for each hour of overtime worked elsewhere in this Collective Agreement is at time and three‑quarters (1 3/4).

21.13 L’employé‑e recevra une indemnité pour chaque période complète de quinze (15) minutes de travail qu’il exécute en temps supplémentaire.

21.13 An employee is entitled to overtime compensation for each completed fifteen (15) minute period of overtime worked by him or her.

**

**

21.14 Rémunération en argent ou sous forme de congé compensatoire payé

21.14 Compensation in Cash or Leave with Pay

a) Les heures supplémentaires donnent droit à une rémunération en argent sauf dans les cas où, à la demande de l’employé‑e et avec l’approbation de l’Employeur, ces heures supplémentaires peuvent être compensées au moyen d’une période équivalente de congé payé.

(a) Overtime shall be compensated in cash, except that, upon request of an employee and with the approval of the Employer, overtime may be compensated in equivalent leave with pay.

[…]

[Je mets en évidence]

 

V. Les positions des parties

A. La position de l’agent négociateur

[22] L’agent négociateur a soutenu que les circonstances du présent cas indiquent clairement que le changement d’heure de début constitue un changement de quart, et non des heures supplémentaires. Dans tous les cas concernant un changement de quart, le fonctionnaire s’estimant lésé a droit à un préavis de 48 heures avant le changement. Les parties ont négocié cette période minimale de préavis pour soutenir l’objectif global des dispositions de la convention collective relatives à l’établissement des horaires, à savoir un besoin de prévisibilité et d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. L’agent négociateur a soutenu que le préavis de 48 heures pour un tel changement ne constitue pas une exigence onéreuse à respecter pour l’employeur, surtout dans ces circonstances, car le changement était absolument prévisible. Il s’agissait d’un changement pour une formation prévue et ne constituait pas une urgence institutionnelle.

[23] L’agent négociateur a fait remarquer qu’à l’origine, la formation devait commencer à 13 h et se poursuivre jusqu’à 16 h. Ces heures prévues à l’origine pour la formation constituaient également un changement de l’heure de début habituelle du quart de travail de la fonctionnaire. Le quart régulier de la fonctionnaire commençait à 13 h 45, mais elle avait reçu un préavis de 48 heures concernant le changement initial à 13 h, donc si la formation avait eu lieu à ce moment‑là, il n’y aurait eu aucune question au sens de la clause 21.03d) de la convention collective et l’employeur n’aurait été tenu de payer que 45 minutes au titre d’heures supplémentaires à la fonctionnaire, ce qui correspondait aux heures travaillées en sus des heures normales de travail prévues.

[24] Toutefois, ce n’est pas ce qui s’est passé. La veille du début de la formation, un changement de dernière minute a été apporté. Les heures de début et de fin de la formation ont été changées pour 12 h et 15 h. Ce changement a exigé que la fonctionnaire se présente au travail à 12 h plutôt qu’à 13 h, selon la directive précédente, ou à son heure de début habituelle, soit 13 h 45. Comme la fonctionnaire a été informée de ce changement moins de 48 heures avant de devoir se présenter au travail, elle est devenue admissible au paiement de pénalité prévu à la clause 21.03d) de la convention collective, qui indique ce qui suit : « […] est compensé à tarif et trois‑quarts (1 3/4) pour le premier (1er) quart de travail complet travaillé dans le cadre du nouvel horaire […] »

[25] L’agent négociateur a soutenu que les clauses 21.02b) et 21.03d) de la convention collective, lorsqu’elles sont lues ensemble, ont pour objet d’exiger de l’employeur qu’il prenne « […] toutes les mesures raisonnables possibles […] pour veiller à ce qu’un‑e employé‑e affecté à un cycle de quarts réguliers ne doive pas changer de quart plus d’une fois au cours de ce cycle de quarts sans son consentement […] » et « […] pour éviter toute variation excessive de la durée du travail […] ». Toutefois, lorsqu’un changement d’horaire doit être effectué, et qu’un préavis de 48 heures n’est pas donné, l’employeur doit alors verser une pénalité ou une prime à l’employé équivalent à tarif et trois‑quarts pour le premier quart de travail complet travaillé dans le cadre du nouvel horaire.

[26] L’agent négociateur a fait valoir en outre que le changement d’heure de début est plus correctement interprété comme un changement de quart et non comme une affectation d’heures supplémentaires, car le sens ordinaire du mot « quart » inclut une heure de début, une durée et une heure de fin. Dans le présent cas, l’employeur a changé l’heure de début et la durée du quart et, par conséquent, le changement devrait être considéré comme un changement de quart, et non comme des heures supplémentaires ajoutées au quart régulier de la fonctionnaire.

[27] L’agent négociateur a également fait référence à un bulletin sur les relations de travail de la gestion des ressources humaines, qui portait sur les [traduction] « Directives concernant la formation » pour la formation à court terme (c.‑à‑d. moins de huit jours). Les sections suivantes étayent le point de vue selon lequel il s’agissait d’un changement de quart et qu’un préavis de 48 heures pour un tel changement était requis :

[Traduction]

[…]

· Lorsque l’employeur modifie un quart prévu à l’horaire d’un jour de travail prévu à l’horaire affiché (p. ex., en changeant un quart du soir en un quart de jour) pour s’adapter à une formation à court terme, l’employé‑e sera informé‑e du changement de quart au moins 48 heures à l’avance. Un employé‑e qui n’est pas informé‑e du changement de quart au moins 48 heures à l’avance serait admissible à des primes conformément à la clause 21.03d).

· Lorsqu’il ou elle assiste à une formation à court terme un jour de repos prévu à l’horaire affiché, l’employé‑e serait admissible à des primes d’heures supplémentaires pour chaque heure qu’il ou elle passe en formation.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[28] L’agent négociateur m’a également renvoyé aux sources juridiques faisant autorité suivantes pour étayer sa position : Gérard Dion, Dictionnaire canadien des relations du travail, Presses de l’Université Laval, Québec, 2e éd., Bylow c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 78 (Bylow), Cooper c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 38, Munroe c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 56, Union of Canadian Correctional Officers ‑ Syndicat des agents correctionnels du Canada ‑ CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 120, Horner c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2012 CRTFP 33, Greater Victoria Hospital Society v. BCNU, 1996 CarswellBC 3443, Health Employers Assn. of British Columbia v. BCNU, 1998 CarswellBC 3112, Ontario Power Generation v. Society of United Professionals, 2019 CarswellOnt 22021, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 22 (« UCCO‑SACC‑CSN 2021 »), et Enger c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 6.

B. La position de l’employeur

[29] L’argumentation de l’employeur était simple. Puisque la totalité du quart de travail de la fonctionnaire était toujours en place et qu’elle l’a quand même travaillé, ce changement d’heure de début ne pouvait pas constituer un changement de quart et devait donc être considéré comme des heures supplémentaires. En se fondant sur les définitions pertinentes dans la convention collective, la fonctionnaire a quand même travaillé son quart régulier prévu, mais elle a simplement travaillé 1,75 heure supplémentaire immédiatement avant le début de son quart (ce qui dépassait ses heures régulières).

[30] L’employeur a reconnu que son bulletin sur les relations de travail, qui a été invoqué par la fonctionnaire et portait sur les Directives concernant la formation, stipulait que les employés dont les quarts de travail prévus étaient changés pour s’adapter à une formation à court terme avaient droit à un préavis d’au moins 48 heures pour ce changement ou devait recevoir les primes conformément à la clause 21.03d) de la convention collective. Toutefois, l’employeur a soutenu que la fonctionnaire avait travaillé son quart régulier et qu’il n’y avait donc pas de changement de quart et qu’aucun préavis n’était requis.

[31] En invoquant la récente décision de la Commission dans Bylow, l’employeur a soutenu que, à moins que l’employeur n’enjoigne à la fonctionnaire de changer son quart pour un autre quart approuvé figurant sur l’horaire des quarts approuvés, il ne pourrait y avoir aucun changement de quart. Étant donné qu’il n’y avait pas de quart approuvé au préalable commençant à 12 h et se terminant à 22 h 30, la seule caractérisation autorisée en vertu de la convention collective pour la directive de l’employeur était une affectation obligatoire d’une heure quarante‑cinq minutes au titre d’heures supplémentaires involontaires au début de son quart.

[32] L’employeur a fait valoir que dans UCCO‑SACC‑CSN 2021, la Commission a reconnu que les agents correctionnels peuvent être tenus de travailler des heures supplémentaires pour lesquelles ils ne se sont pas portés volontaires. Au paragraphe 109, la Commission a déclaré ce qui suit : « […] la clause 21.10 permet d’effectuer des heures supplémentaires sur une base non volontaire dans des circonstances particulières, telles que des situations d’urgence ou l’accomplissement de tâches essentielles après un quart. » L’employeur a soutenu que l’affectation à une formation obligatoire relève de la catégorie des tâches qui peuvent être affectées comme heures supplémentaires sur une base non volontaire, que ce soit au début ou à la fin d’un quart de travail.

[33] L’employeur a soutenu en outre que si une conclusion était tirée selon laquelle les heures supplémentaires travaillées au début du quart prévu constituaient un changement de quart plutôt que des heures supplémentaires, cela modifierait donc en effet les dispositions de la convention collective en ajoutant une nouvelle restriction à la définition des « heures supplémentaires », ce que la Commission n’est pas autorisée à faire en vertu de l’article 229 de la LRTSPF (voir Conseil de l’est des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2012 CRTFP 118, au paragraphe 38, et Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, au paragraphe 50).

[34] En ce qui concerne le fait que l’agent négociateur a invoqué le bulletin sur les relations de travail pour étayer son argument selon lequel un préavis de 48 heures était requis, l’employeur a soutenu que le bulletin fait référence à un changement de quart de soir à un quart de jour, ou vice versa, auquel cas un préavis de 48 heures du changement était requis. Cependant, la fonctionnaire a quand même travaillé son quart régulier, qui n’a pas changé, donc la politique sur la formation ne s’appliquait pas.

[35] L’employeur m’a renvoyé aux sources juridiques faisant autorité suivantes pour étayer sa position : Association des juristes de justice c. Conseil du Trésor, 2023 CRTESPF 5, Beese c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains), 2012 CRTFP 99; Bylow; Chafe; Cloutier c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 3; Federal Government Dockyard Trades and Labour Council East, Longo Brothers Fruit Market Inc. and U.F.C.W., Loc. 633, Re 1995 CanLII 18443 (ON LA); Saunders c. Conseil du Trésor (Défense nationale), [1985] C.R.T.F.P.C. no 43 (QL), dossier de la CRTFP no 166‑02‑14581 (19850115); Spears c. Conseil du Trésor (Transports Canada), [1985] C.R.T.F.P.C. no 59 (QL), dossier de la CRTFP no 166‑02‑14759 (19850130); et UCCO‑SACC‑CSN 2021.

VI. Décision

[36] La question à trancher dans le présent cas consiste à savoir si le changement apporté par l’employeur au jour de travail régulier prévu de la fonctionnaire le 31 juillet, pour qu’elle se présente une heure et quarante‑cinq minutes plus tôt, constituait une affectation d’heures supplémentaires ou un changement de dernière minute à son quart de travail sans le préavis nécessaire de 48 heures, conformément à ce qui est prévu à la clause 21.03d) de la convention collective.

[37] Pour les raisons qui suivent, je conclus que la directive de l’employeur qui exigeait que la fonctionnaire se présente au travail une heure et 45 minutes plus tôt que l’heure de début prévue de son quart de travail ne constituait pas une affectation d’heures supplémentaires sur une base non volontaire au début de son quart, mais plutôt une directive l’informant que l’heure de début de son quart avait été modifiée pour s’adapter au changement d’heure de début du programme de formation. Comme l’avis de ce changement de quart a été donné moins de 48 heures avant le début du quart, la pénalité prévue à la clause 21.03d) de la convention collective s’appliquait, et la fonctionnaire avait droit à une rémunération à tarif et trois‑quarts pour le quart de travail complet qu’elle a travaillé ce jour‑là.

1. Principes d’interprétation – Qu’entend‑on par sens ordinaire?

[38] Dans leur argumentation, les deux parties ont fait référence à la jurisprudence qui établit le principe selon lequel l’interprétation de la convention collective exige que l’interprète « […] [tienne] compte de l’ensemble du contexte de la convention, d’en lire les termes en les inscrivant dans leur contexte global et en leur attribuant leurs acception et sens courant, en harmonie avec l’économie générale et l’objet de la convention et de l’intention des parties » (voir Beese, au paragraphe 23; voir également Association des juristes de justice, au paragraphe 109; et Chafe, au paragraphe 51).

[39] L’exercice ici consiste à déterminer l’intention des parties en examinant le « sens ordinaire » du libellé pertinent de la convention collective afin de déterminer si un changement unilatéral de l’heure de début d’un quart par l’employeur pour permettre à la fonctionnaire d’assister à une formation obligatoire constituait un changement de quart ou une affectation d’heures supplémentaires obligatoires.

[40] Sullivan on the Construction of Statutes, cinquième édition, 2008, à la page 25 prévoit la définition et l’explication suivantes de l’expression « sens ordinaire » :

[Traduction]

QUE SIGNIFIE L’EXPRESSION « SENS ORDINAIRE »?

Définition de « sens ordinaire ». L’expression « sens ordinaire » est souvent utilisée dans l’interprétation législative, mais pas de manière cohérente. Parfois, elle est indiquée avec le sens du dictionnaire, parfois avec le « sens littéral » et parfois avec un sens dérivé de la lecture des mots dans leur contexte littéraire. Cependant, le sens ordinaire fait le plus souvent référence à la première impression du lecteur, la compréhension qui vient spontanément à l’esprit lorsque les mots sont lus dans leur contexte immédiat – pour reprendre les mots du juge Gonthier, « le sens naturel qui se dégage de la simple lecture de la disposition dans son ensemble ». Ce dernier sens de l’expression « sens ordinaire » est celui adopté dans le présent texte.

 

[41] Le sens ordinaire du libellé de cette convention collective concernant la planification des quarts de travail et des affectations d’heures supplémentaires démontre sans aucun doute l’intention des parties de créer un régime sophistiqué de travail et de planification des quarts, dont une grande partie a été élaborée par consentement mutuel conformément à l’annexe K, et une distribution équitable des heures supplémentaires requises parmi ces agents correctionnels qui sont qualifiés et se sont portés volontaires pour des affectations d’heures supplémentaires. Toutefois, la direction conserve son droit d’ordonner la main‑d’œuvre, en fonction des besoins opérationnels des établissements correctionnels, sous réserve des restrictions, pénalités et primes négociées dans la convention collective.

2. Le sens ordinaire et naturel qui se dégage de la lecture de l’article 21

[42] L’article 21 de la convention collective, « Durée du travail et heures supplémentaires », vise à établir des dispositions et des règles détaillées pour les quarts de travail et les horaires de quarts ainsi que pour l’affectation des heures supplémentaires. L’annexe K, qui est mentionnée dans l’article 21, est un protocole d’établissement des horaires complet dans le cadre duquel les parties confirment leur intention de créer et d’accepter conjointement tous les quarts de travail et les horaires de quarts que les CX travaillent aux échelles locale et nationale, par l’intermédiaire d’un comité d’établissement des horaires conjoint syndical‑patronal avant que les horaires des quarts ne puissent être mis en œuvre.

[43] La clause 21.02 de la convention collective prévoit un certain nombre de règles et de mesures de protection concernant l’affectation des quarts de travail, un préavis avant de changer les quarts de travail dans un horaire de quarts, et la clause 21.03 exige que l’employeur affiche un horaire de quarts au moins 14 jours civils à l’avance, afin de fournir à un employé un préavis raisonnable concernant le quart qu’il ou elle travaillera.

[44] La clause 21.03d) de la convention collective prévoit un préavis de 48 heures pour un changement de quart et un paiement d’une pénalité ou d’une prime à tarif et trois‑quarts (1 ¾) pour toutes les heures travaillées lors du quart modifié si le préavis du changement n’est pas donné 48 heures à l’avance. Il fait référence à la clause 21.02b)(ii), qui oblige l’employeur à prendre toutes les mesures raisonnables possibles pour veiller à ce qu’un‑e employé‑e « […] ne doive pas changer de quart plus d’une fois au cours de ce cycle de quarts sans son consentement […] » [je mets en évidence], sauf en situation d’urgence survenant dans un pénitencier.

[45] L’entente des parties sur l’attribution des heures supplémentaires est énoncée à la clause 21.10 de la convention collective :

21.10 Répartition des heures supplémentaires

L’Employeur fait tout effort raisonnable pour :

a) répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé‑e‑s qualifiés facilement disponibles,

b) attribuer du travail en temps supplémentaire aux employé‑e‑s faisant partie du même groupe et niveau par rapport au poste à combler, p. ex. Agent correctionnel 1 (CX‑1) à agent correctionnel 1 (CX‑1), agent correctionnel 2 (CX‑2) à agent correctionnel 2 (CX‑2), etc.

Cependant, il est possible pour une section locale de convenir par entente écrite avec le directeur de l’établissement d’une méthode différente en ce qui a trait à l’attribution du temps supplémentaire.

et

c) donner aux employé‑e‑s, qui sont obligés de travailler des heures supplémentaires, un préavis suffisant de cette obligation.

 

[46] Les éléments de preuve ont permis d’établir que l’employeur dispose d’un système informatisé connu sous le nom de Système des horaires de travail et du déploiement (SHD) pour attribuer de manière équitable les heures supplémentaires parmi les agents correctionnels qui souhaitent travailler des heures supplémentaires et se portent volontaires pour des possibilités d’heures supplémentaires lorsqu’elles deviennent disponibles. Selon le témoignage de la fonctionnaire, elle ne souhaitait pas travailler des heures supplémentaires et elle ne s’était pas portée volontaire ni ne s’était inscrite à des affectations d’heures supplémentaires. L’agent négociateur a soutenu que, étant donné que la fonctionnaire devait déjà travailler ce jour‑là, elle ne pouvait pas se voir attribuer des heures supplémentaires pour des périodes de travail connexes ce jour‑là et que, s’il y avait un besoin d’heures supplémentaires, l’employeur devait se référer à la liste des agents correctionnels qui s’étaient inscrits pour des heures supplémentaires dans le système de planification des horaires informatisé SHD.

3. La nature des heures supplémentaires

[47] Le sens ordinaire des dispositions relatives aux heures supplémentaires permet de conclure que les parties à cette convention collective considéraient principalement le travail supplémentaire comme étant un travail opérationnel non pourvu. La convention vise à déployer tous les efforts raisonnables pour attribuer de manière équitable le travail supplémentaire au sein du même groupe ou niveau d’agents correctionnels qualifiés pour accomplir ce travail, et surtout à une personne qui s’est portée volontaire ou qui s’est inscrite à des heures supplémentaires et qui est disponible pour accomplir le travail lorsqu’il doit être accompli, afin de s’assurer que la direction puisse répondre aux exigences globales en matière de dotation en personnel de l’établissement.

[48] L’affectation équitable des heures supplémentaires est un sujet important et qui a fait l’objet de nombreux litiges entre les parties; voir UCCO‑SACC‑CSN 2021, et Baldasaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 54.

[49] Si un agent correctionnel souhaite travailler des heures supplémentaires, il « se porte volontaire » pour les travailler et inscrit son nom et sa disponibilité dans le SHD pour indiquer quand il est disponible pour le travail supplémentaire qui pourrait survenir. Lorsque le besoin en heures supplémentaires se présente, l’employeur consulte cette liste pour attribuer des heures supplémentaires à ces agents du même groupe et niveau, car ils accomplissent normalement ce travail.

[50] La fonctionnaire a témoigné qu’elle évitait les heures supplémentaires chaque fois qu’elle le pouvait et qu’elle ne s’était pas inscrite pour en faire. Le sens ordinaire et naturel des heures supplémentaires, telles que définies par les parties dans la convention collective, étant principalement un travail opérationnel attribué de manière équitable à ceux qui se sont portés volontaires à travailler des heures supplémentaires, n’étaye pas la position de l’employeur selon laquelle la directive de dernière minute donnée à la fonctionnaire et à ses collègues dans le présent cas de se présenter 1,45 heure plus tôt pour s’adapter au changement de l’heure de début de la formation constituait une affectation d’heures supplémentaires sur une base non volontaire au sens de la clause 21.10 de la convention collective.

[51] La directive du 30 juillet fournit plutôt un avis d’une nouvelle heure de début de la formation obligatoire de trois heures. Dans certains cas, ce rajustement a pu faire en sorte que la formation soit suivie au cours du quart prévu de l’agent correctionnel sans pénalité, mais dans d’autres cas, comme celui de la fonctionnaire, les heures prévues de la formation exigeraient un changement de son quart. La directive de l’employeur du 30 juillet précise que les changements nécessaires en raison de la formation constituaient un rajustement à l’horaire approuvé au préalable, au besoin, et les agents correctionnels ont également été informés qu’ils ne pouvaient pas partir après la formation, mais devaient rester pour terminer leurs quarts de travail ou être réaffectés jusqu’à la fin de leur quart prévu.

[Traduction]

Pour les agents correctionnels, votre horaire a été ajusté par la GC (P et D). Si la séance se termine avant la fin de votre quart de travail, vous devrez communiquer avec le bureau de la GC et vous pourriez être affecté à un poste pour le reste de votre quart. De plus, vous devez apporter votre uniforme dans l’éventualité où vous devez retourner au travail pour une raison quelconque.

 

[52] Dans les communications par courriel provenant de l’employeur informant la fonctionnaire et ses collègues du changement de l’heure de début de la formation, il n’y a aucune mention que ce changement de l’heure de début constitue une affectation d’heures supplémentaires sur une base non volontaire – simplement un avis que l’heure de début a été changée.

[53] Dans la situation de la fonctionnaire, la directive de l’employeur du 30 juillet, prise dans son sens ordinaire et naturel, constitue une directive visant à changer l’heure de début de son quart, afin de s’adapter à un changement de l’heure de début de la formation. La durée de la formation était de trois heures, et elle était toujours prévue pour avoir lieu en partie pendant son quart normalement prévu à l’horaire. L’employeur a clairement indiqué dans l’avis qu’elle devait toujours travailler le reste de son quart habituel après la fin de la formation.

[54] Je conclus, selon les éléments de preuve, que le changement de l’heure de début de la formation ne constituait pas une affectation d’heures supplémentaires sur une base non volontaire pour la fonctionnaire, mais plutôt un avis de changement de quart de dernière minute.

[55] L’employeur a fait référence à UCCO‑SACC‑CSN 2021, au paragraphe 109, où la Commission a reconnu que, nonobstant l’exigence négociée de répartir les heures supplémentaires de manière équitable parmi les agents correctionnels qui s’y sont portés volontaires, l’employeur a le droit « […] dans des circonstances particulières, telles que des situations d’urgence ou l’accomplissement de tâches essentielles après un quart » d’affecter des heures supplémentaires sur une base non volontaire. Rien dans les éléments de preuve dans le présent cas ne laisse entendre que cette affectation constituait une urgence ou une tâche essentielle après un quart.

[56] Je ne dis pas qu’il est impossible pour l’employeur d’affecter des heures supplémentaires sur une base non volontaire avant le début d’un quart de travail, mais si l’employeur choisit de le faire, la clause 21.10c) de la convention collective exige que l’employeur donne un « préavis suffisant » selon lequel un employé est ordonné à travailler des heures supplémentaires :

21.10 Répartition des heures supplémentaires

21.10 Assignment of Overtime Work

L’Employeur fait tout effort raisonnable pour :

The Employer shall make every reasonable effort:

[…]

c) donner aux employé‑e‑s, qui sont obligés de travailler des heures supplémentaires, un préavis suffisant de cette obligation.

(c) to give employees who are required to work overtime adequate advance notice of this requirement.

 

[57] Dans les présentes circonstances, il n’y a aucune mention dans les courriels pour indiquer que ce changement constituait une affectation d’heures supplémentaires sur une base non volontaire. Les communications mêmes des parties, examinées en fonction du sens ordinaire du libellé de la convention collective, mènent naturellement à la conclusion que le changement ordonné par l’employeur constituait un changement de quart, et non une affectation d’heures supplémentaires sur une base non volontaire.

4. La décision de la Commission dans Bylow exclut‑elle une conclusion d’un changement de quart dans ces circonstances?

[58] Selon l’autre l’argument de l’employeur, en fonction de la décision de la Commission dans Bylow, il était impossible pour l’employeur de changer le quart de la fonctionnaire au sens de la clause 21.03d) de la convention collective parce qu’il n’y avait pas de quart commençant à 12 h et se terminant à 22 h 30 sur l’horaire des quarts approuvé.

[59] Dans Bylow, l’employeur avait changé unilatéralement les heures de début et de fin de quatre quarts de travail auxquels les fonctionnaires s’estimant lésés avaient été affectés dans un horaire de quarts de travail approuvé précédemment afin de s’adapter à une formation obligatoire de quatre jours sur les armes à feu.

[60] Dans Bylow, il n’y a eu aucune question ni aucune discussion concernant l’exigence de fournir un préavis de 48 heures d’un changement de quart au sens de la clause 21.03d) de la convention collective, probablement parce que l’employeur avait apporté les changements contestés à l’horaire de quarts des fonctionnaires s’estimant lésés le 6 novembre, soit 11 jours avant qu’il était prévu que les changements entrent en vigueur les 17 et 18 novembre.

[61] Dans Bylow, la question centrale consistait à savoir si l’employeur avait la capacité, au sens de la clause 21.02b)(ii) de la convention collective, de modifier l’horaire des quarts de travail des fonctionnaires s’estimant lésés une fois, sans le consentement des fonctionnaires s’estimant lésés ou de l’agent négociateur, pour un tout nouvel horaire de quarts de travail de quatre jours afin de s’adapter à la formation obligatoire de quatre jours.

[62] L’arbitre de grief a conclu que l’employeur, dans ces circonstances, ne pouvait pas invoquer la clause 21.02b) pour lui permettre de changer le quart des fonctionnaires s’estimant lésés une fois sans leur consentement et sans pénalité, car le nouveau quart n’était pas un quart approuvé en vertu de l’annexe K. Par conséquent, il a ordonné à l’employeur de payer des taux d’heures supplémentaires pour toutes les heures que l’employeur a unilatéralement prévues à l’horaire en dehors des heures qui avaient été précédemment prévues et approuvées en vertu de l’annexe K.

[63] C’était dans ce contexte que l’arbitre de grief a déclaré que le mot « quart » est utilisé comme un terme technique et « […] je conclus qu’un “quart” n’est un “quart” que s’il a été créé conformément à la convention collective [je mets en évidence] ». Ses commentaires n’ont pas modifié, et ne pouvaient pas modifier, les droits de la direction d’ordonner à son personnel de se présenter au travail à des heures de début et de fin différentes de celles de leur quart approuvé.

[64] Le commissaire dans Bylow a conclu que lorsque l’employeur exerce ses droits de gestion pour enjoindre un employé de se présenter à un quart qui n’a pas été approuvé en vertu de l’annexe K, il ne peut pas donc invoquer la disposition de la clause 21.02b) de la convention collective qui permet à l’employeur de changer le quart d’un employé une fois sans le consentement de l’employé et sans pénalité. Cette conclusion préserve l’intégrité des horaires créés conformément au protocole d’établissement des horaires énoncé à l’annexe K.

[65] À mon avis, la disposition relative au préavis de 48 heures de l’article 21 a été négociée dans l’intérêt des employés afin que ceux-ci puissent ajuster leurs circonstances personnelles pour s’adapter aux changements de dernière minute apportés à leurs horaires de travail, que l’employeur modifie le quart prévu d’un employé pour un autre quart approuvé au préalable dans l’horaire en vertu de l’annexe K ou pour un nouveau quart non approuvé créé unilatéralement par la direction pour répondre aux besoins opérationnels ou de formation, selon ce qu’elle juge indiqué.

[66] Comme je l’ai déjà mentionné, je conclus que la directive de l’employeur à la fonctionnaire de se présenter au travail une heure et 45 minutes avant l’heure de début prévue de son quart, dans le contexte du sens naturel et ordinaire du libellé de la convention collective, doit être plus justement caractérisée comme un changement de son quart, et non comme une affectation d’heures supplémentaires avant le début de son quart.

[67] Je rejette l’argument de l’employeur selon lequel la décision Bylow favorise la proposition selon laquelle aucun changement de quart n’est possible en vertu de cette convention collective, à moins qu’il ne s’agisse d’un quart approuvé. Bylow favorise la proposition selon laquelle, à moins que l’employeur ne change le quart de travail de l’employé pour un autre quart approuvé au préalable figurant déjà à l’horaire, toute heure affectée qui ne fait pas déjà partie des heures prévues à l’horaire peut potentiellement entraîner une pénalité en vertu de la convention collective. C’est ce qui s’est passé dans Bylow.

[68] Par conséquent, dans le présent grief, je conclus que la directive de l’employeur du 30 juillet 2014 à l’intention de la fonctionnaire de changer l’heure de début de son quart le 31 juillet 2014, de 13 h 45 à 12 h, constituait un changement de quart et a été apportée par l’employeur en violation de l’exigence d’un préavis de 48 heures énoncée à la clause 21.03d) de la convention collective.

[69] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


 

VII. Ordonnance

[70] Le grief est accueilli.

[71] L’employeur a enfreint les clauses 21.02b) et 21.03d) de la convention collective.

[72] La fonctionnaire a droit à une rémunération à tarif et trois‑quarts pour les heures du quart de travail complet travaillé dans le cadre du nouvel horaire qu’elle a travaillé le 31 juillet 2014, sauf pour 1,75 heure, pour laquelle l’employeur l’a déjà rémunérée en heures supplémentaires. Lors de l’audience, elle a modifié sa réparation demandée pour recevoir le montant en espèces au lieu d’un congé payé, comme elle l’avait demandé à l’origine dans le grief.

[73] J’ordonne le paiement en espèces à la fonctionnaire pour les heures qu’elle a travaillées le 31 juillet 2014, de 13 h 45 à 22 h 30, à tarif et trois‑quarts, moins ce qu’elle a déjà été payée au taux normal pour ces heures.

Le 11 mars 2025.

Traduction de la CRTESPF

David Jewitt,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.