Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté une plainte alléguant que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’application du mérite. Il a prétendu que le directeur général avait un parti pris contre lui, qu’il était un bon ami de la personne nommée et qu’il avait fait preuve de discrimination à son endroit en raison de sa race et de son origine ethnique. Il a aussi allégué qu’une membre du comité de sélection était la mentore de la personne nommée et que celle-ci avait été favorisée en recevant une série de nominations intérimaires. La preuve a démontré que la membre du comité de sélection avait attribué plus de points au plaignant à l’examen écrit. Elle a pris sa retraite en 2020 et n’a eu aucune influence sur la nomination de la personne nommée en 2022. Le directeur général n’a pas participé à la sélection de la personne nommée, et la preuve n’a pas démontré qu’il avait eu une influence sur cette sélection. La preuve a révélé que le plaignant n’avait pas manifesté son intérêt et qu’il avait refusé plusieurs occasions d’occuper ce poste de façon intérimaire. La Commission a conclu que la membre du comité de sélection et la personne nommée entretenaient une relation professionnelle. Le fait que le directeur général et la personne nommée aient marché ensemble du bureau jusqu’à un train n’a pas démontré qu’ils entretenaient une relation personnelle étroite. Le plaignant n’a pas établi que la nomination avait été faite sur la base d’un favoritisme personnel. La Commission a conclu qu’un observateur relativement bien informé ne pouvait raisonnablement percevoir de partialité de la part du directeur général et de la membre du comité de sélection. Le plaignant n’a pas non plus établi que sa race ou son origine ethnique était un facteur qui l’avait empêché d’être nommé.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20250304

Dossier : 771-02-44361

 

Référence : 2025 CRTESPF 22

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la

fonction publique

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Yoginder Gulia

plaignant

 

et

 

Administrateur en chef du Service administratif des tribunaux judiciaires

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Gulia c. Administrateur en chef du Service administratif des tribunaux judiciaires

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir déposée en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Guy Giguère, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Satinder Bains, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’intimé : Karen Clifford, avocate

Pour la Commission de la fonction publique : Maude Bissonnette Trudeau, analyste principale

Affaire entendue par vidéoconférence

les 18 et 19 avril 2024.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

Introduction

[1] Yoginder Gulia conteste la nomination pour une période indéterminée de Shirley Aciro à titre de superviseure des services administratifs, classifiée au groupe et au niveau AS-04, au Bureau régional de Toronto du Service administratif des tribunaux judiciaires de la région de l’Ontario (le « SATJ »).

[2] M. Gulia (le « plaignant ») affirme qu’Imtiaz Rajab, directeur général régional du SATJ, a un parti pris contre lui, ce qui a entaché le processus de nomination en cause. La nomination de Mme Aciro pour des raisons de favoritisme personnel en a fait la preuve. Le plaignant allègue que M. Rajab est un ami proche de Mme Aciro, qui a été favorisée en recevant une série de nominations intérimaires. Il soutient en outre qu’un membre du comité de sélection était un mentor pour la personne nommée et que ce membre a omis de divulguer le conflit d’intérêts.

[3] Le plaignant allègue également que M. Rajab a fait preuve de discrimination à son égard en raison de ses origines indiennes.

[4] Le 14 mars 2022, le plaignant a déposé une plainte pour ces motifs, alléguant que l’intimé avait abusé de son pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13).

[5] L’intimé nie que le favoritisme personnel ou la partialité aient été des facteurs dans le processus de nomination. L’intimé explique que M. Rajab et Mme Aciro n’ont aucune relation personnelle. De plus, M. Rajab n’a pas participé au processus de nomination. Le fait qu’un membre du comité de sélection ait été un mentor pour la personne nommée n’a pas eu d’incidence sur l’évaluation du mérite. L’intimé soutient également que le plaignant n’a pas prouvé son allégation de discrimination.

[6] Pour régler la présente plainte, je dois déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir ’en procédant à la nomination pour des raisons de favoritisme personnel ou s’il n’a pas nommé le plaignant pour des raisons de partialité. Je dois également déterminer si l’intimé a fait preuve de discrimination à son endroit.

[7] Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir, puisque le plaignant n’a pas établi qu’il avait fait preuve de favoritisme personnel ou de partialité dans le cadre du processus de nomination. Il n’a pas établi qu’il avait fait l’objet de discrimination en raison de sa race ou de son origine ethnique en provenance de l’Inde.

Contexte

[8] En novembre 2006, le plaignant commence à travailler au SATJ à titre d’agent du greffe. Par la suite, il occupe plusieurs affectations intérimaires de courte durée à titre d’agent principal du greffe. En juin 2013, il est admis au Barreau de l’Ontario et travaille maintenant à temps partiel comme avocat.

[9] Le 13 octobre 2017, M. Rajab envoie un courriel au personnel du SATJ au sujet d’une possibilité d’affectation intérimaire à titre d’agent de planification et de projets (AS-04) pour une période de quatre mois moins un jour, avec la possibilité d’une prolongation. Par la suite, des affectations intérimaires sont offertes aux employés qui ont manifesté leur intérêt. Mme Aciro postule l’affectation intérimaire, mais pas le plaignant. Par conséquent, elle s’en voit offrir une, ce qui n’a pas été le cas du plaignant.

[10] Le 31 juillet 2018, un processus de nomination (le « processus de 2018 ») est lancé pour les postes classifiés au groupe et au niveau AS-04 au SATJ. Deux nouveaux postes sont à pourvoir pour deux volets d’emplois. Le volet 1 est un poste de coordonnateur des services administratifs, et le volet 2 est un poste d’agent de planification et de projets. Les postes sont annoncés comme devant être pourvus, notamment pour une période déterminée et indéterminée. L’intention est également de créer un bassin, afin de pourvoir des postes semblables à l’avenir.

[11] Mme Aciro et le plaignant postulent tous deux le processus de 2018. Au début de 2019, les deux sont évalués au moyen d’un examen écrit, d’une entrevue et d’une vérification des références. Le comité de sélection est composé de Johanne Parent, agente de l’évaluation fiscale, et de deux autres personnes. Le plaignant et la personne nommée sont jugés qualifiés et sont placés dans un bassin de candidats pour des nominations futures.

[12] Au début, les deux postes AS-04 sont comblés de façon intérimaire, pour des périodes de quatre mois moins un jour. En 2018, Christopher Garito, agent du greffe classifié au groupe et au niveau PM-03, occupe par intérim les postes des volets 1 et 2. En 2019, il est nommé dans le volet 1 à titre de superviseur des services administratifs au groupe et au niveau AS-04. Il relève directement du directeur des services de gestion.

[13] De 2017 à 2021, six employés occupent les postes par intérim, dont Mme Aciro, qui occupe les postes par intérim dans les deux volets à plusieurs reprises.

[14] En mars 2020, la pandémie de COVID-19 frappe, et le SATJ est initialement fermé pour un mois. Après cela, la plupart des employés travaillent à partir de leur domicile. En juillet et en août 2020, le SATJ passe à la tenue d’audiences virtuelles et au dépôt de documents par voie électronique.

[15] Grâce à sa formation en technologie de l’information et à l’aide de Mme Aciro, M. Garito est très impliqué dans la mise en œuvre de ce changement au SATJ. Les deux travaillent ensemble pour codifier les audiences par vidéoconférence sur Zoom et les processus de dépôt électronique. Le rôle de Mme Aciro consiste également à réviser la plupart des procédures administratives afin de les aligner sur le travail à distance. Elle assure également la liaison avec les sections du SATJ afin d’assurer la continuité des activités.

[16] En mars 2021, M. Garito remplace le directeur des services de gestion à titre intérimaire. Le 6 août 2021, Mme Aciro le remplace à titre intérimaire à son poste d’attache de superviseur des services administratifs pour un mandat se terminant le 3 mars 2022. Le 26 janvier 2022, M. Rajab signe la justification de la décision de sélection pour sa nomination d’une durée indéterminée comme superviseure des services administratifs.

[17] Le 11 mars 2022, M. Garito signe la lettre d’offre de Mme Aciro en tant que directeur général régional intérimaire du SATJ en remplacement de M. Rajab. Elle accepte la nomination pour une période indéterminée au poste de superviseure des services administratifs. Le même jour, l’« avis de nomination ou de proposition de nomination » pour sa nomination est affiché sur le site Web des emplois du gouvernement fédéral.

Analyse

[18] Question 1 : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en procédant à la nomination pour des raisons de favoritisme personnel?

[19] Les preuves de favoritisme personnel peuvent être directes, comme les faits établissant une relation personnelle étroite entre un membre du comité de sélection et une personne nommée. Elle peut aussi être établie au moyen de preuves circonstancielles, comme le traitement préférentiel accordé à un candidat, les commentaires ou les actions des membres du comité de sélection, ou des événements survenus avant ou pendant un processus de nomination. Les preuves circonstancielles peuvent être aussi convaincantes que les preuves directes. Leur pouvoir convaincant dépend de leur source et de la façon dont elles sont liées aux questions soulevées dans une plainte, et il repose habituellement sur le poids de nombreuses circonstances ajoutées. Voir Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7; et Ayotte c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 21.

[20] Le plaignant prétend que Mme Parent n’a pas divulgué qu’elle était le mentor de Mme Aciro. Il a témoigné qu’il les voyait souvent ensemble au bureau.

[21] L’intimé soutient que le fait que Mme Parent ait agi à titre de mentor pour Mme Aciro, de concert avec le ministère de la Santé (Santé Canada), n’a pas eu d’incidence sur l’évaluation du mérite. En contre-interrogatoire, le plaignant a confirmé que Mme Parent lui avait attribué plus de points à l’examen écrit qu’à Mme Aciro. Il a ajouté que, de son espace de travail, il ne pouvait pas voir le bureau de Mme Parent et qu’il ne savait pas que le mentorat était fait en collaboration avec Santé Canada.

[22] Le plaignant allègue également que M. Rajab et la personne nommée sont des amis proches. L’intimé nie toute relation personnelle entre eux. Le plaignant a témoigné qu’il les a vus marcher ensemble après le travail en direction de la gare Union à Toronto. Mme Aciro a aussi aidé M. Rajab à faire des présentations. Le plaignant soutient également que Mme Aciro a été favorisée par plusieurs affectations intérimaires, ce qui lui a procuré un avantage en ce qui concerne la nomination.

[23] L’intimé soutient que M. Rajab n’avait rien à voir avec la nomination de Mme Aciro. M. Garito a témoigné que c’était sa décision de nommer Mme Aciro, car elle excellait dans toutes les fonctions qui lui étaient assignées dans le cadre de la nomination intérimaire au plus fort de la pandémie de COVID-19. Il a expliqué qu’il avait préparé le document de décision de sélection, mais que M. Rajab l’avait signé parce qu’à ce moment-là, il avait le pouvoir délégué pour les nominations. Cependant, M. Rajab était absent par la suite et le 11 mars 2022, M. Garito a signé la lettre d’offre de Mme Aciro, à titre de directeur général régional par intérim de la région de l’Ontario.

[24] Je conclus que la preuve du plaignant, qu’elle soit directe ou circonstancielle et considérée ensemble, ne démontre pas que le favoritisme personnel a été un facteur dans la nomination de Mme Aciro. Dès le début, Mme Parent a attribué plus de points au plaignant à l’examen écrit. Elle a pris sa retraite en 2020 et n’a eu aucune influence sur la nomination de Mme Aciro pour une période indéterminée en mars 2022. Il n’y a aucune preuve d’une relation personnelle étroite entre Mme Parent et Mme Aciro. Le fait que Mme Parent ait agi comme mentor auprès de Mme Aciro, de concert avec Santé Canada, ne constitue qu’une preuve de relation professionnelle.

[25] De même, M. Rajab n’a pas participé à la sélection de Mme Aciro pour la nomination d’une durée indéterminée en 2022. Rien ne prouve qu’il ait eu une influence quelconque sur cette sélection. Le fait que M. Rajab et Mme Aciro aient marché ensemble du bureau pour prendre un train ne démontre pas qu’ils entretenaient une relation personnelle étroite. En fait, en contre-interrogatoire, le plaignant a reconnu qu’ils avaient pris le même train puisqu’ils vivaient dans le même quartier.

[26] Enfin, le plaignant soutient que Mme Aciro a bénéficié d’un traitement préférentiel en occupant à plusieurs reprises par intérim des postes au groupe et au niveau AS-04, ce qui justifiait sa sélection pour la nomination d’une durée indéterminée. L’intimé soutient que le plaignant n’a pas cherché à obtenir de nominations intérimaires à ces postes AS-04, car il était plus intéressé à agir à titre intérimaire au poste d’agent principal du greffe PM-04.

[27] Je conclus de la preuve que le plaignant a refusé plusieurs occasions d’occuper par intérim les postes AS-04, ce qui signifie qu’il n’a pas acquis d’expérience dans ces postes, comme l’a fait Mme Aciro. Il n’a pas exprimé son intérêt en réponse au courriel d’octobre 2017 de M. Rajab pour les postes des volets 1 et 2. Par conséquent, il n’a pas acquis d’expérience plus tôt, comme l’a fait Mme Aciro. De plus, en juillet 2021, M. Garito a offert au plaignant un poste intérimaire à ce niveau, ce qu’il a refusé.

[28] Pour toutes ces raisons, je conclus que le plaignant n’a pas établi que la nomination avait été faite sur la base d’un favoritisme personnel.

[29] Question 2 : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en ne considérant pas le plaignant pour une nomination d’une durée indéterminée en raison de préjugés à son encontre?

[30] L’intimé a le devoir d’évaluer les candidats de façon impartiale et d’une manière qui ne donne pas lieu à une crainte raisonnable de partialité. Un critère a été établi depuis longtemps pour déterminer s’il existe une crainte raisonnable de partialité (voir Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, 1976 CanLII 2 (CSC); et Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), 1992 CanLII 84 (CSC)).

[31] Appliqué à la présente affaire, le critère consiste à déterminer si un observateur relativement bien informé peut raisonnablement percevoir une partialité de la part de l’intimé dans le processus de nomination (voir Denny c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29; Gignac c. Sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 10; Amirault c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2012 TDFP 6; Drozdowski c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada), 2016 CRTEFP 33; Monfourny c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2023 CRTESPF 37).

[32] Le plaignant prétend que Mme Parent, en tant que membre du comité de sélection dans le cadre du processus de 2018, a fait preuve de partialité, car elle était le mentor de Mme Aciro et n’a pas divulgué qu’elle était en conflit d’intérêts. Il allègue également que M. Rajab avait un parti pris contre lui et ne l’aimait pas. Il explique qu’en raison de ses activités syndicales, il remettait en question les politiques et les décisions; par conséquent, sa relation avec M. Rajab n’était pas agréable.

[33] Un observateur relativement bien informé ne pourrait pas raisonnablement percevoir de la partialité de la part de Mme Parent dans le processus de 2018. Toute préoccupation liée au fait qu’elle ait été mentor de Mme Aciro est dissipée par le fait qu’elle a attribué plus de points au plaignant. De plus, elle a pris sa retraite en 2020 et n’a pas participé à la sélection de Mme Aciro pour la nomination d’une durée indéterminée en 2022. Par conséquent, un observateur relativement bien informé ne pourrait pas raisonnablement percevoir de la partialité de la part de Mme Parent dans la nomination de 2022.

[34] De plus, un observateur relativement bien informé ne pourrait pas raisonnablement percevoir de la partialité de la part de M. Rajab. Il n’a pas participé à la sélection de Mme Aciro en vue de la nomination en 2022 et rien ne prouve qu’il ait eu une quelconque influence sur la sélection. M. Garito a décidé de la nommer, et il a témoigné qu’il avait préparé la justification de la décision de sélection et non M. Rajab.

[35] Par conséquent, je conclus que le plaignant n’a pas établi qu’il n’avait pas été pris en considération en raison de préjugés à son égard. Il ne suffit pas de soupçonner ou de supposer un parti pris; il doit être réel, probable ou raisonnablement évident. Il n’y a pas de preuve de ce genre dans le présent cas. Voir Gignac, au paragraphe 72.

[36] Question 3 : L’intimé a-t-il fait preuve de discrimination envers le plaignant en raison de sa race et de son origine ethnique?

[37] Le plaignant a expliqué qu’il s’était senti victime de discrimination au SATJ en raison de sa race et de son origine ethnique indiennes. Il estime que M. Rajab a fait preuve de discrimination à son égard en raison de son origine ethnique en provenance de l’Inde. Bien qu’ils soient tous deux de race indienne, M. Rajab est originaire des Caraïbes, tout comme Mme Aciro. Le plaignant a expliqué qu’il est plus qualifié pour le poste AS-04, puisqu’il est un avocat agréé, ce qui n’est pas le cas de la personne nommée. Il a été jugé qualifié dans deux processus de dotation pour des postes PM-04 et pour le poste AS-04, tandis que la personne nommée a été jugée qualifiée seulement pour le poste AS-04.

[38] Le critère visant à déterminer s’il y a eu discrimination en matière d’emploi se déroule en deux étapes. Premièrement, le plaignant doit établir qu’il y a eu discrimination à première vue, c’est-à-dire une preuve, en l’absence d’une réponse de l’intimé, qui serait suffisante pour conclure qu’il y a eu discrimination. Voir Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61; Giannini c. Opérations des enquêtes statistiques, 2022 CRTESPF 89, aux paragraphes 49 à 55; McNabb c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2024 CRTESPF 143, aux paragraphes 117 et 118.

[39] Ces trois éléments sont nécessaires pour établir une discrimination à première vue en matière d’emploi :

1) le plaignant a une caractéristique protégée contre la discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6);

2) le plaignant a subi un effet préjudiciable dans son emploi;

3) la caractéristique protégée a été un facteur de l’effet préjudiciable.

 

[40] Dans le présent cas, le plaignant répond aux deux premiers éléments. Il n’a pas été nommé pour une période indéterminée, et sa race et son origine ethnique sont des caractéristiques protégées contre la discrimination.

[41] Il doit ensuite démontrer un lien entre ces deux éléments. En d’autres termes, il doit démontrer que sa race et son origine ethnique (les caractéristiques protégées) ont été un facteur de non-nomination (l’effet préjudiciable), tout en reconnaissant que d’autres facteurs pourraient être présents. Les deux étapes de la preuve sont nécessaires. Sans ces deux éléments, il n’y a pas de preuve à première vue. Voir Bourdeau c. Conseil du Trésor (Commission de l’immigration et du statut de réfugié), 2021 CRTESPF 43; et Kirby c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 41.

[42] Le seuil pour établir une discrimination à première vue est bas. Il exige que le plaignant présente des preuves établissant que sa race ou son origine ethnique ait été un facteur qui l’a empêché d’être nommé. Cela peut être établi par des preuves directes ou circonstancielles.

[43] Bien que le plaignant estime qu’il a été victime de discrimination, il doit présenter certains faits pour confirmer sa croyance, que ce soit au moyen de preuves directes ou circonstancielles. Toutefois, il n’a pas présenté de preuve démontrant que sa race ou son origine ethnique ont été un facteur dans la non-nomination. M. Rajab n’a pas participé à la sélection de Mme Aciro pour la nomination en 2022. Rien ne prouve que M. Rajab ait influencé le processus. M. Garito a témoigné qu’il avait choisi Mme Aciro parce qu’elle fait partie du plan de gestion des talents depuis 2019 et qu’elle est très qualifiée. Il n’est pas nécessaire d’être titulaire d’un diplôme en droit pour occuper le poste de superviseur des services administratifs. L’effectif des SATJ est diversifié, car la majorité des employés sont membres de minorités visibles. Voir Nash c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2014 TDFP 10, au paragraphe 54.

[44] Pour toutes ces raisons, je conclus que le plaignant n’a pas établi que sa race et son origine ethnique étaient un facteur dans le fait qu’il n’a pas été nommé. Par conséquent, je conclus qu’il n’a pas établi une preuve à première vue de discrimination.

[45] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


Ordonnance

[46] La plainte est rejetée.

Le 4 mars 2025.

Traduction de la CRTESPF

Guy Giguère,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 

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