Dossier: 585-02-49101
AFFAIRE CONCERNANT
LA LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LE SECTEUR PUBLIC FÉDÉRAL
et une demande d’arbitrage entre
le Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (est), l’agent négociateur,
et le Conseil du Trésor, l’employeur,
relativement à l’unité de négociation composée du groupe Réparation des navires Est (SR-E)
Devant : William Kaplan, président
J.D. Sharp, personne nommée par le Conseil du Trésor
Steven Barrett, personne nommée par l’agent négociateur
Pour l’agent négociateur : Ronald Pink et Sophie Pineau
Pour l’employeur : Marc Bernard
Affaire entendue à Halifax dans le cadre d’une médiation, le 16 novembre 2024.
Affaire entendue par vidéoconférence le 2 décembre 2024 et le 22 janvier 2025.
Le conseil d’arbitrage s’est réuni en séance exécutive le 10 février 2025.
(Traduction de la CRTESPF)
Décision arbitrale |
(Traduction de la CRTESPF) |
I. Introduction
[1] Le groupe Réparation des navires Est (SR-E) comprend des postes de gens de métier au sein du ministère de la Défense nationale (MDN) situé en Nouvelle-Écosse. Le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime (Conseil) représente environ 600 employés de l’Installation de maintenance de la Flotte Cape Scott (IMFCS) à Halifax – et du Dépôt de munitions des Forces canadiennes (DMFC) à Bedford.
[2] Les employés de SR-E sont indispensables à la défense et à la sécurité du Canada. Les membres du Conseil détiennent tous une autorisation de sécurité de haut niveau de l’OTAN et sont chargés d’assurer la sécurité de la Marine en mer. Ils réparent et entretiennent les frégates, les destroyers, les sous-marins, les patrouilleurs côtiers et les navires de ravitaillement, ainsi que leurs systèmes complexes d’armes, de sonars et de radars. Ces gens de métier apportent une contribution indispensable à la défense du Canada, notamment en maintenant l’état de préparation opérationnelle de la marine et en soutenant cette marine dans l’accomplissement de sa lourde mission. Les employés de SR (E) travaillent pour l’intérêt national, au service de la population du Canada et de nos alliés.
[3] La convention collective précédente a expiré le 31 décembre 2022. L’avis de négociation a été signifié un mois plus tôt, le 21 novembre 2022. Les parties se sont rencontrées à huit reprises entre juin et décembre 2023. Une impasse a été déclarée le 16 février 2024 et les questions en suspens ont été renvoyées à l’arbitrage de différends (une nouvelle tentative de médiation a eu lieu en mai 2024). Il s’est avéré que les parties n’ont pu convenir que d’un seul point (l’ajout de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation à la liste des congés payés, que nous avons directement inclus dans la convention collective réglée par la présente décision). L’actuel conseil d’arbitrage (le conseil) a été convoqué par consensus, les deux parties ont déposé des mémoires et une autre médiation a eu lieu à Halifax le 16 novembre 2024.
[4] Malheureusement, le conseil n’a pas été en mesure d’aider les parties à parvenir au renouvellement de la convention collective, et les questions en suspens – les propositions du Conseil et de l’employeur – ont fait l’objet d’audiences tenues sur Teams le 2 décembre 2024 et le 22 janvier 2025 (à la suite d’autres arguments écrits). Le conseil s’est réuni en séance exécutive le 10 février 2025.
[5] Toute proposition du Conseil ou de l’employeur qui n’est pas directement traitée dans la présente décision est réputée rejetée.
II. Les critères
[6] L’article 148 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF) énonce les critères pertinents dont la Commission doit tenir compte pour trancher les questions en suspens en litige :
a) la nécessité d’attirer au sein de la fonction publique des personnes ayant les compétences voulues et de les y maintenir afin de répondre aux besoins des Canadiens;
b) la nécessité d’offrir au sein de la fonction publique une rémunération et d’autres conditions d’emploi comparables à celles des personnes qui occupent des postes analogues dans les secteurs privé et public, notamment les différences d’ordre géographique, industriel et autre qu’elle juge importantes;
c) la nécessité de maintenir des rapports convenables, quant à la rémunération et aux autres conditions d’emploi, entre les divers échelons au sein d’une même profession et entre les diverses professions au sein de la fonction publique;
d) la nécessité d’établir une rémunération et d’autres conditions d’emploi justes et raisonnables, compte tenu des qualifications requises, du travail accompli, de la responsabilité assumée et de la nature des services rendus;
e) l’état de l’économie canadienne et la situation fiscale de l’État fédéral.
[7] Outre ces critères prévus par la loi, le conseil a également pris en considération les critères standards qui s’appliquent généralement, y compris et surtout la reproduction de la libre négociation collective, mais aussi la nécessité avérée, le gradualisme et la rémunération totale.
III. Questions en suspens
[8] Comme il a été indiqué ci-dessus, les deux parties ont soumis des questions à l’arbitrage. Toutefois, il est juste de dire qu’il y avait un point majeur en litige : les taux de rémunération.
IV. Taux de rémunération
[9] La proposition économique du Conseil était la suivante :
À compter du 1er janvier 2023 : une restructuration de la rémunération avec une nouvelle augmentation d’échelon de rémunération de 4 % au sommet de l’échelle salariale et l’élimination de l’augmentation au bas de l’échelle;
À compter du 1er janvier 2023 : une augmentation économique de 6,3 %;
À compter du 1er janvier 2024 : une restructuration de la rémunération avec une nouvelle augmentation d’échelon de rémunération de 4 % au sommet de l’échelle salariale et l’élimination de l’augmentation au bas de l’échelle;
À compter du 1er janvier 2024 : une augmentation économique de 4,8 %;
À compter du 1er janvier 2025 : une augmentation économique de 4 %;
À compter du 1er janvier 2026 : une augmentation économique de 4 %.
[10] La proposition économique de l’employeur était la suivante :
À compter du 1er janvier 2023 : Augmentation des taux de rémunération : 3,50 %
À compter du 1er janvier 2023 : Rajustements aux échelons salariaux : 1,25 % d’ajustement aux échelons salariaux
À compter du 1er janvier 2024 : Augmentation des taux de rémunération : 3,00 %
À compter du 1er janvier 2025 : Augmentation des taux de rémunération : 2,00 %
À compter du 1er janvier 2025 : Rajustement salarial de 0,25 %
À compter du 1er janvier 2026 : Augmentation des taux de rémunération : 2 %
Indemnité unique liée à l’exercice des fonctions régulières : 2 500 $. Cette indemnité unique ouvre droit à pension et sera versée aux titulaires de postes au sein du groupe SR-E à la date de la décision arbitrale concernant l’exécution des fonctions et des obligations régulières associées à leur poste.
V. Arguments du Conseil
A. Résumé
[11] De l’avis du Conseil, toute cette série de négociations collectives ne s’était pas bien déroulée, une situation inadmissible exacerbée par le fait que l’employeur n’avait même pas déposé de proposition de rémunération avant que les parties ne rencontrent le conseil d’arbitrage dans le cadre du processus de médiation. Selon le Conseil, cette situation est tout à fait inadmissible. Le rejet systématique par l’employeur de la proposition de rémunération du Conseil, qui était pleinement justifiée par l’application des critères légaux et réglementaires – examinés ci-dessous – et qui était également nécessaire pour s’assurer que ses membres conservent leur position de chef de file sur le marché du travail par rapport à Irving Shipbuilding (Irving), était également inacceptable. Le Conseil était d’avis que les employés SR-E avaient été, et devaient continuer à être, en tête du marché, une situation acceptée sans faille par les arbitres de différents successifs, établissant un modèle qui ne devrait pas être ignoré en l’absence de circonstances exceptionnelles, inexistantes dans le présent cas.
[12] Dans Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (est) et Conseil du Trésor (16 septembre 2005, Norman), il a été observé que [traduction] « les membres du Conseil profitent d’un avantage de salaire important à l’embauchage quand on le compare à celui offert aux nouvelles recrues des trois chantiers maritimes situés dans la région de l’Atlantique » (au par. 9). De même, dans Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (est) et Conseil du Trésor (18 septembre 2013, Ready), l’arbitre de différends a accordé une majoration de salaire, un résultat que le Conseil a réclamé ici, justifié en partie par « l’avantage historique que détient le groupe Réparation des navires (Est) sur le plan des salaires au premier échelon […] » (au par. 25).
[13] Tout simplement, selon le Conseil, il a été établi au cours des négociations collectives successives que les employés de SR-E ont été, et doivent rester les leaders du marché (ce qui signifie des taux de rémunération supérieurs d’environ 20 % à ceux d’Irving, à peu près). Cette réalité du marché reflétait le fait que les membres du Conseil effectuaient un travail plus spécialisé et plus compliqué – de loin par rapport aux corps de métier d’Irving – et aux autres partout ailleurs. Certes, Irving avait convenu d’une certaine souplesse du métier avec son syndicat. Le Conseil avait déjà fait de même. Cependant, c’est l’employeur qui a renoncé à ces arrangements de travail souples et qui tente maintenant de justifier sa proposition de rémunération déficiente en se basant sur l’accord d’Irving. Selon le Conseil, cette démarche était totalement inappropriée. Comment pourrait-il être juste, a demandé le Conseil, dans ces circonstances, de pénaliser le Conseil et ses membres pour cette décision unilatérale de la direction de renoncer à un accord de souplesse (que l’employeur cherche maintenant à utiliser contre eux pour soutenir une proposition de rémunération inadéquate et inacceptable)? Par ailleurs, et en pratique, les membres du Conseil offraient de la souplesse, mais ne recevaient aucune reconnaissance pour cela. De l’avis du Conseil, cette situation était également tout à fait injuste.
[14] Le Conseil a expliqué ce contexte factuel, ainsi que les facteurs légaux et réglementaires spécifiques qui justifiaient sa demande de rémunération, et a fait référence à certaines preuves par déclaration sous serment (la déclaration sous serment de Fournier, ci-dessous).
B. Recrutement et maintien en poste
[15] Le Conseil a observé qu’il était largement reconnu qu’il y avait une pénurie de main-d’œuvre qualifiée au Canada, une situation regrettable qui devrait s’aggraver pendant la durée de la convention collective et bien au-delà. Le gouvernement fédéral y prêtait attention : les mesures budgétaires de 2023 et 2024 visaient spécifiquement à attirer les Canadiens et Canadiennes vers des carrières dans le domaine des métiers spécialisés, ce qui était particulièrement important en Nouvelle-Écosse (où la pénurie de main-d’œuvre qualifiée était particulièrement importante).
[16] L’essentiel, du point de vue du recrutement et du maintien en poste, est que pour que le travail soit effectué à IMFCS et à DMFC, les taux de rémunération devaient être considérablement améliorés afin d’attirer et de maintenir en poste les travailleurs dont nous avons besoin. L’unité de négociation était en dessous de ses effectifs depuis des années : en 2012, elle comptait 809 membres et, en 2024, elle ne comptait plus que 606 membres (le taux de vacance était de 18 % et des départs à la retraite imminents devaient faire grimper ce chiffre davantage). L’employeur avait besoin d’une centaine de nouveaux postes spécialisés, ce qui signifiait qu’il devait faire concurrence à Irving; cela impliquait d’accueillir la demande de rémunération du Conseil. Le fait de ne pas reconnaître cette réalité en matière de recrutement et de maintien en poste en alignant les salaires sur ceux d’Irving ne peut que provoquer des conflits de travail dans le futur.
[17] Entre la livraison prévue de nouveaux destroyers, de navires de patrouille et le déplacement d’un sous-marin, ainsi que l’entretien des navires existants, le Conseil a observé qu’il fallait recruter beaucoup plus de gens de métier qualifiés, faute de quoi le travail ne pourrait pas être fait. De plus, les employés actuels doivent être encouragés à rester. De l’avis du Conseil, des rajustements de rémunération très importants, y compris la suppression/l’ajout d’un échelon dans la grille, étaient nécessaires pour pourvoir aux postes vacants actuels et imminents. Il était également évident, à la lumière des résultats des récentes négociations collectives fédérales, que des ajustements au marché et autres sont régulièrement accordés (et acceptés) pour des raisons de recrutement et de maintien en poste et lorsque l’application des autres critères le justifie, ce qui était précisément le cas ici.
C. Comparateurs externes
[18] Le Conseil avait une priorité, celle de maintenir un avantage salarial par rapport aux métiers qualifiés chez Irving. Il y avait le modèle historique d’avantage salarial qui avait été reconnu à maintes reprises par arbitrage et qui avait guidé les parties en milieu de travail pendant des décennies, et qui était pleinement ancré dans la réalité du milieu de travail. Les divers métiers à Irving et chez l’employeur peuvent avoir les mêmes qualifications formelles, mais les compétences requises par les membres du Conseil pour satisfaire aux normes militaires rigoureuses dépassent de loin tout le travail effectué à Irving. Les taux de SR-E ont toujours dépassé ceux d’Irving et, plus largement, ceux du secteur privé, pour une raison, à savoir que les gens de métier d’IMFCS et de DMFC effectuaient un travail plus ardu et plus complexe, exigeant des compétences et une expérience qui dépassaient largement les exigences d’Irving ou d’autres entreprises similaires. Selon le Conseil, cela s’apparente à comparer des pommes avec des oranges.
[19] Par exemple, les gens de métier employés à Irving, déployés dans le cadre du Projet des navires de combat canadiens de surface, allaient construire 15 destroyers de classe rivière au cours des 25 prochaines années. La construction de navires était bien différente du travail bien plus spécialisé et complexe effectué par les membres du Conseil à IMFCS et DMFC.
[20] Le Conseil l’a expliqué en détail dans la déclaration sous serment déposée le 22 novembre 2024 par Yves Fournier, président du Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (est).
D. Déclaration sous serment Fournier
[21] La déclaration sous serment Fournier (déclaration sous serment) commence par décrire l’unité de négociation. Il y avait 606 membres de l’unité de négociation qui travaillaient dans 30 classifications différentes. Les deux tiers des membres appartenaient au groupe salarial 6 ou 7 (sur 12). Pour résumer la déclaration sous serment, la preuve a établi – et de nombreux exemples ont été fournis par des personnes anciennement employées à Irving – que les gens de métier à Irving effectuaient des tâches de base, les travaux plus complexes étant confiés à des sous-traitants. À IMFCS et DMFC, la gamme complète des métiers était exercée, le travail étant d’un niveau plus spécialisé et technique. Ce travail avancé, complexe et souvent dangereux nécessitait expertise et savoir-faire. Le travail à Irving était totalement différent; aucune des compétences et de l’expérience requises pour effectuer ce travail de haut niveau n’était nécessaire. Les personnes de métier du Conseil étaient également tenues de suivre des formations spéciales, ce qui n’était pas le cas à Irving.
[22] La déclaration sous serment soulignait non seulement que le travail à IMFCS et à DMFC était beaucoup plus exigeant que celui à Irving et que, paradoxalement, les gens de métier d’Irving recevaient une prime de 3 $ de l’heure en plus de leurs taux négociés. Cette situation est due à un protocole d’entente : Prime à la compétence (PE) conclue entre Irving et l’agent négociateur des métiers, Unifor (21 juin 2023). Selon la déclaration sous serment, à la suite d’un arbitrage qui a établi un taux fixe – au lieu du taux variable préexistant – le protocole d’entente a été retiré de la convention collective Irving-Unifor. En d’autres termes, la prime a été intégrée à la grille salariale. Le Conseil a cherché à améliorer sa grille salariale pour refléter l’écart historique entre lui et Irving, un modèle de négociation collective ancré dans la reconnaissance commune par les parties que les membres du Conseil avaient des compétences supérieures déployées sur des missions plus difficiles.
E. Conclusions de la déclaration sous serment Fournier
[23] Sur la base de cette analyse comparative, rien ne justifiait, selon le Conseil, que les employés d’IMFCS et de DMFC soient moins bien payés que les gens de métier à Irving, tant au niveau des salaires que des primes (et encore une fois, les primes prévues dans le PE étaient maintenant incorporées, de façon générale, dans les taux de rémunération d’Irving). Si la proposition de rémunération de l’employeur était acceptée, le taux de départ pour SR-E baisserait, pour la première fois, bien en dessous du taux de départ d’Irving, mettant fin à des relativités de longue date obtenues au cours de cycles successifs de négociation collective. Il n’y avait pas d’issue possible à une négociation collective libre dans laquelle le Conseil et ses membres accepteraient le modèle de l’Administration publique centrale (APC) totalement inadéquat, indéfendable et inapproprié, dont l’applicabilité aux métiers spécialisés de SR-E était contestable.
[24] Selon le Conseil, l’utilisation du modèle de l’APC à des fins de reproduction n’est pas appropriée : aucun travail effectué par un employé de l’APC, où que ce soit, ne peut être comparé de manière convaincante au travail et aux compétences uniques exigés des membres du Conseil à SR-E. En d’autres termes, les règlements de l’AFPC, par exemple, n’avaient rien à voir avec ce syndicat et ses revendications légitimes. Pour aggraver encore les choses, le Conseil estime que si le modèle de l’APC était accepté et imposé, ses membres se retrouveraient derrière des gens de métier analogues, très prisés dans l’industrie privée, avec leurs salaires surévalués par rapport à ceux versés aux membres de SR-E. Cela ne pourrait jamais être le résultat d’une négociation collective libre, selon le Conseil.
F. Comparateurs internes
[25] De nombreux règlements conclus dans le cadre des négociations collectives en cours dans le secteur public fédéral prévoyaient des rajustements supérieurs au modèle de l’APC. Le même résultat a été visé dans le présent cas, car il était également justifié. L’unité de négociation SR-W n’était pas un comparateur approprié. Les salaires avaient été injustement réduits par la législation, et leur convention collective d’une durée comparable restait à déterminer (et la parité avec SR-E faisait partie des nombreux objectifs de négociation qu’il prévoyait réaliser lors d’un prochain arbitrage de différends plus tard en 2025). Dans ces circonstances, le Conseil a estimé que les comparateurs internes n’étaient pas un facteur à évaluer dans le cadre de l’examen de la rémunération. Ils étaient totalement inapplicables.
G. Des conditions justes et raisonnables
[26] Selon le Conseil, l’importance du travail de l’unité de négociation et les compétences que ses membres doivent posséder sont inégalées (voir ci-dessus). Cela a été reconnu dans des décisions arbitrales antérieures, comme en 2013, lorsque l’arbitre de différends Ready a écrit – citation ci-dessus – qu’« [o]n ne peut raisonnablement mettre en doute le haut niveau du travail accompli par les membres de cette unité de négociation ». Le travail était, selon l’arbitre de différends Ready, « complexe » et « spécialisé », les employés de SR-E étant « plus qualifiés, mieux formés et, en principe, plus importants à la défense du Canada que n’importe quels autres travailleurs de chantiers maritimes œuvrant dans le secteur privé » (aux paragraphes 31 à 33). Dans ces circonstances, le Conseil a soutenu qu’il était évident que le maintien des membres du Conseil en tant que leaders du marché était, par définition, juste et raisonnable.
H. État de l’économie canadienne et situation budgétaire du gouvernement
[27] L’inflation est, selon le Conseil, une réalité et par conséquent, elle doit être prise en compte dans le résultat. La mise en œuvre appropriée de ce critère n’exigeait rien de moins. Bien que l’inflation ait peut-être commencé à régresser (modestement), les hausses antérieures et historiques de l’inflation sont désormais intégrées dans les prix, ce qui a une incidence négative sur la valeur de la rémunération et le pouvoir d’achat. En 2021-2022, le Conseil a reçu une augmentation de 1,5 % des salaires, ce qui signifie que des augmentations en pourcentage nettement plus élevées étaient nécessaires pour la période actuelle afin de tenir compte des pertes antérieures. L’économie canadienne dans son ensemble justifiait également des augmentations supérieures au modèle de l’APC : elle était en voie de redressement, l’économie était en croissance et les indicateurs économiques étaient, dans l’ensemble, positifs et prometteurs. Les perspectives budgétaires du gouvernement étaient, elles aussi, en voie de rétablissement, voire en voie d’amélioration. Presque tous les indicateurs économiques conventionnels donnaient des raisons d’être optimistes, ce qui permettait de conclure que non seulement il n’y avait pas d’incapacité à payer, mais qu’il y avait des raisons tout à fait justifiées de procéder à une attribution économique dans le sens de ce que le Conseil proposait.
I. Conclusion des arguments du Conseil
[28] En conclusion, le Conseil a fait valoir qu’il avait présenté des arguments – fondés sur les critères légaux et réglementaires – non seulement pour l’octroi de ses propositions économiques, y compris la rémunération nécessaire et les suppressions ou ajouts d’échelons, mais aussi pour ses propositions non financières (comme cela a été discuté de manière exhaustive dans ses arguments écrits).
VI. Arguments de l’employeur
A. Résumé
[29] Selon l’employeur, il existait un modèle de l’APC, et le Conseil et ses membres en faisaient partie. L’employeur a rejeté l’idée que les membres du Conseil, en tant que corps de métier, pouvaient se soustraire à l’application du principe de reproduction. La fonction publique fédérale est extrêmement diversifiée; il n’y a rien dans ce groupe professionnel, ni dans aucun autre, qui l’exempte de la reproduction des résultats librement consentie par les agents négociateurs représentant des centaines de milliers d’employés. L’employeur a fait remarquer qu’il existait des conventions collectives signées ou provisoires pour 20 des 28 unités de négociation de l’APC, représentant 98 % de la population des employés de l’APC. À une exception près, toutes ces conventions collectives avaient une durée de quatre ans, ce que l’employeur avait également proposé (et que le Conseil avait accepté). L’employeur a souligné que le modèle de l’APC était également suivi dans 27 des 30 unités de négociation des agences séparées financées par le secteur public, représentant 97 % de l’ensemble de la population représentée par des agences séparées. En se fondant uniquement sur la reproduction de la négociation collective libre, l’employeur a estimé que le modèle de l’APC devait être accordé, car il n’y avait pas de circonstances spéciales ou atténuantes justifiant un écart par rapport à ce résultat largement répandu.
[30] En effet, selon l’employeur, pas un seul des critères cités par le Conseil ne soutenait sa demande d’ordre économique. Personne ne quittait IMFCS ou DMFC pour travailler chez Irving ou chez d’autres employeurs du secteur privé. Le fait que la route soit à sens unique dans la direction opposée n’est pas un résultat surprenant compte tenu de la rémunération totale, de l’absence de licenciements, d’un régime de retraite à prestations fixes et de toutes les autres conditions de premier ordre en place à IMFCS et à DMFC. Une analyse comparative avec Irving a confirmé ce point.
[31] Les employés d’Irving, par exemple, étaient licenciés chaque année. Ce n’était pas le cas chez IMFCS ou DMFC. Il n’y avait pas de congé pour obligations familiales chez Irving et il n’y avait pas de congé pour raisons personnelles. Les congés de maladie étaient meilleurs à IMFCS et à DMFC, il y avait un régime de retraite à prestations fixes garanti par l’État fédéral. Il y avait davantage de possibilités d’avancement. La liste des conditions d’emploi supérieures ne cesse de s’allonger et il est impossible de prétendre de façon crédible, sur la base de la rémunération totale, qu’Irving, ou tout autre comparateur possible du secteur privé se rapproche le moins du monde des conditions d’emploi des membres du Conseil.
[32] Rien, selon l’employeur, ne justifiait les augmentations de salaire demandées par le Conseil, et ses affirmations, tant sur l’état de l’économie canadienne que sur la situation fiscale du gouvernement, étaient tout simplement contraires à la réalité (comme l’exposé économique présenté à l’audience du 2 décembre 2024 aurait dû le montrer clairement). En outre, la preuve a établi qu’il y avait, tout au plus, un petit nombre d’ajustements au marché limités dans la ronde actuelle et que lorsqu’ils avaient été convenus, c’était dans des circonstances difficiles et avec des faits réels à l’appui. Le Conseil cherchait à obtenir des augmentations de rémunération sans précédent dans l’APC. Le nombre très limité d’ajustements au marché était modeste et ne s’appliquait qu’à une seule année, ce qui s’éloignait radicalement des demandes du Conseil, qui souhaitait des augmentations massives de la rémunération, année après année, pour tous les membres de l’unité de négociation, indépendamment de tout besoin démontré (à l’exception du souhait manifesté par le Conseil de demeurer le premier en ce qui concerne les taux de rémunération). L’employeur a précisé ces arguments.
B. Recrutement et maintien en poste
[33] En bref, l’employeur n’avait aucun problème de recrutement ou de maintien en poste des employés. En réalité, il s’agissait du contraire, ces postes du MDN étaient très recherchés et le personnel de SR-E augmentait – à l’exception d’une petite baisse liée à la pandémie en 2020-2021 – ce qui n’est pas ce à quoi on s’attendrait s’il y avait vraiment des problèmes de recrutement et de maintien en poste. Les gens de métier quittaient Irving avant que la prime ne soit négociée, et ils ont encore quitté Irving après que la prime a été intégrée au taux de rémunération (en juin 2024, par exemple, l’employeur a recruté 12 électriciens d’Irving et n’a perdu aucun employé à Irving). En d’autres termes, avant et après l’accord sur la prime, les employés d’Irving cherchaient un emploi auprès de l’employeur. Il en va de même pour les autres employeurs régionaux du secteur privé : là aussi, les employés allaient vers l’employeur, et jamais l’inverse. Il y avait toujours un grand nombre de candidats qualifiés qui répondaient volontiers aux offres d’emploi, et la raison en était évidente : les taux de rémunération et les avantages sociaux, y compris le régime de retraite fixe, étaient très compétitifs. Le taux de cessation d’emploi entre 2018 et 2023 s’est situé entre 0,18 % et 0,52 %, bien en dessous du taux moyen de l’APC, qui est d’environ 1 %. Dans ces circonstances, l’employeur a fait valoir qu’aucune augmentation supérieure au modèle de l’APC ne pouvait être justifiée par le recrutement ou le maintien en poste.
C. Relativité interne
[34] Le meilleur comparateur pour SR-E était le groupe SR-W. Les deux groupes effectuaient les mêmes tâches sur les mêmes navires pour le compte du même employeur, mais les taux de rémunération du groupe SR-E étaient environ 6 % plus élevés que ceux du groupe SR-W. Sur cette base, aucune augmentation de salaire supérieure à l’APC ne pouvait être justifiée sur la base de la relativité interne.
D. Comparabilité externe
[35] Lorsque les taux de SR-E (sans tenir compte des primes, intégrées ou non) ont été comparés aux deux plus grands comparateurs du secteur privé – Irving et Chantier Davie Canada Inc. – dans l’Est du Canada, et lorsque la rémunération totale a été prise en compte, il n’a pas été possible, selon l’employeur, de s’écarter du modèle de l’APC. En d’autres termes, la comparaison entre ces taux était simpliste et trompeuse et ne justifiait aucune augmentation. Toutefois, lorsqu’on compare les taux sans la prime intégrée – dont il est question ci-dessous – les employés du Conseil sont nettement avantagés et, dans certains groupes, ils le sont de manière significative.
E. Réponse de l’employeur à la déclaration sous serment Fournier
[36] La plupart des employés de SR-E étaient des apprentis, mais parmi ceux qui ne l’étaient pas, la moitié venait d’Irving – à Halifax, juste à proximité – et ces employés ont pu être facilement intégrés parce que les métiers étaient comparables. Certes, les gens de métier qui passent d’un lieu de travail à un autre ont souvent besoin d’une formation supplémentaire spécifique au lieu de travail. Comme tout nouvel employé, les gens de métier embauchés à Irving ont besoin d’une période d’adaptation; en d’autres termes, ils ont besoin d’être intégrés. D’après l’expérience de l’employeur, la plupart des nouveaux employés d’Irving effectuaient du travail facturable en quelques semaines. En outre, aucun des employés mentionnés dans la déclaration sous serment Fournier n’a déclaré – et ne pourrait le faire, car ce ne serait pas vrai – qu’il ne possédait pas les compétences nécessaires pour effectuer le travail qui lui avait été assigné dans le cadre de son nouvel emploi. Le fait d’utiliser les compétences différemment ne signifie pas que les (anciens) employés d’Irving sont arrivés chez l’employeur avec un ensemble de compétences inférieur. De toute évidence, des taux de rémunération plus élevés n’étaient pas nécessaires pour inciter ces employés d’Irving à rejoindre l’employeur, ce qui, du point de vue de l’employeur, en disait long sur ce qui comptait vraiment : l’ensemble des conditions d’emploi, c’est-à-dire la rémunération totale en d’autres termes.
[37] En tout état de cause, l’affirmation du Conseil selon laquelle les emplois chez Irving étaient moins complexes que ceux de son lieu de travail était tout simplement erronée. Les preuves avancées sont des ouï-dire et sont loin d’être convaincantes ou même exactes. Irving construisait et entretenait des navires; notamment, les employés d’Irving travaillaient en utilisant toute leur compétence, et nombre d’entre eux possédaient une double certification professionnelle (une souplesse inexistante chez l’employeur). Irving, de l’avis de l’employeur, où le travail était organisé de manière totalement différente et où une prime était versée pour la souplesse en milieu de travail, était un comparateur inapproprié à tous égards.
D. Le protocole d’entente Irving et l’arbitrage de différends
[38] L’employeur a également soutenu qu’il n’était pas justifié d’accorder la prime Irving à ses employés, alors que cette prime avait été négociée dans un contexte entièrement différent et représentait une entente conclue entre Irving et son syndicat, Unifor. Le PE prévoyait qu’en échange de plusieurs primes, Irving bénéficiait d’un allègement de certaines règles de travail :
[Traduction]
Souplesse des métiers
En contrepartie du paiement continu de ces primes en général, aucun article de la convention collective qui restreint la souplesse à quelque égard que ce soit ne s’appliquera à un employé, y compris l’article 20.
Bien que l’accent soit mis sur le fait que les employés travaillent dans leur domaine de prédilection, il n’y aura pas de restrictions sur la souplesse des métiers.
Le brûlage normal au chalumeau sera considéré comme faisant partie des compétences requises pour les métiers.
Outre l’amélioration de l’efficacité et de la productivité de la main-d’œuvre, l’objectif de cette souplesse accrue en matière de métiers est de réduire la nécessité pour l’entreprise de faire appel à des sous-traitants pour effectuer le travail disponible.
[39] Il y a eu des difficultés liées à la mise en œuvre du PE, et cette affaire a été soumise à l’arbitrage devant l’arbitre de différends Outhouse (décision non publiée datée du 26 février 2024). L’employeur a attiré l’attention sur certains aspects de la décision de l’arbitre de différends :
[Traduction]
Le concept des primes à la compétence était nouveau et l’intention était de récompenser les gens de métier pour l’acquisition et la mise en œuvre de compétences multidisciplinaires et par conséquent, d’améliorer la souplesse du métier. En vertu du PE, les employés de métier pouvaient toucher des primes allant de 0,50 $ à 5 $ de l’heure, selon le nombre de compétences spécifiées qu’ils avaient acquises. Malheureusement, le PE s’est avéré inapplicable dans la pratique pour diverses raisons.
En conséquence, en décembre 2023, les parties ont participé à une médiation pour tenter de régler les problèmes causés par le PE. Toutefois, la médiation n’a pas abouti. En janvier 2024, l’employeur a déposé un grief de principe pour régler la question.
[40] En fin de compte, l’arbitre de différends Outhouse, siégeant effectivement en tant qu’arbitre de différends, a résolu le différend en choisissant l’offre d’Irving (reflétant la demande conjointe des parties d’annuler le PE, mais d’augmenter les taux de base de tous les employés de 3 $ par heure).
[41] Selon l’employeur, ce résultat était directement pertinent. Citant la décision Outhouse :
[Traduction]
En contrepartie du paiement de ces primes, l’entreprise et le syndicat conviennent qu’aucun article de la convention collective qui restreint la souplesse à quelque égard que ce soit ne s’appliquera à un employé, y compris l’article 20. Les employés feront tout le travail pour lequel ils sont formés et qualifiés. L’entreprise continuera de s’efforcer de réduire au minimum le recours à des sous-traitants sur le chantier naval.
[…]
Les dispositions du PE relatives au double métier seront maintenues jusqu’à la fin de la convention collective actuelle.
[42] Selon l’employeur, ce contexte factuel était déterminant et conduisait au rejet de toute demande de rajustement des taux de rémunération des membres du Conseil pour tenir compte de cette prime. L’employeur a expliqué : Oui, le PE a été éliminé et 3 $ de l’heure pour tout le monde ont été incorporés dans les taux de rémunération, mais Irving a reçu en échange une souplesse sans précédent en matière de métiers. Ce contexte factuel ne justifiait pas le rajustement des taux du Conseil pour surpasser Irving alors qu’il n’avait pas obtenu de souplesse comparable en matière de règles de travail. Pourquoi, a demandé l’employeur, devrait-il payer les membres du Conseil pour une souplesse qui a été acquise et payée chez Irving, mais pas chez lui? De plus, si l’on ne tient pas compte de la prime inapplicable, comme l’employeur le pense, et si l’on applique le modèle de l’APC, les taux de rémunération de toutes les catégories salariales 6 à 12 sont supérieurs à ceux d’Irving, allant d’un minimum de 2,43 % à un maximum de 11,12 %. Cela a été le début et la fin de l’affaire en ce qui concerne la demande du Conseil pour des rajustements totalement injustifiés au-dessus du modèle de l’APC, selon l’employeur. Pour ce que cela valait, l’employeur a également fait remarquer qu’aucun autre comparateur du secteur privé n’était supérieur aux membres du Conseil à la suite d’une évaluation objective de la rémunération totale.
E. L’état de l’économie canadienne et la situation fiscale de l’État fédéral
[43] Si le Canada a surmonté assez rapidement la pandémie, de nouvelles pressions sont apparues depuis lors, qui requièrent une attention particulière. Des défis économiques, sociaux et politiques persistants ont exercé une pression sur l’économie du Canada et sur la situation fiscale du gouvernement, et continueront probablement à le faire pendant toute la durée de la convention collective.
[44] L’employeur a catégoriquement rejeté le point de vue positif du Conseil sur la situation économique globale, notant que les perspectives économiques du Canada étaient plutôt menacées, comme en témoigne le ralentissement de la croissance du PIB réel (baisses répétées et successives), l’inflation persistante, l’augmentation du chômage et de l’endettement des ménages – y compris une augmentation des faillites de consommateurs et d’entreprises –, une dette publique substantielle et croissante avec les frais de service associés, ainsi qu’une nécessité évidente de réduire les dépenses publiques. Comme indiqué ci-dessus, l’employeur a présenté une mise à jour de cette situation fiscale décourageante avec les données les plus récentes lors de l’audience du 2 décembre 2024 (confirmant ainsi les arguments qu’il avait déjà exposés dans son mémoire), ce qui permet de conclure, selon l’employeur, qu’une récession pourrait se profiler, sans même tenir compte des graves répercussions qui ne manqueront pas de survenir à la suite de l’imposition annoncée de droits de douane américains, dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils aient des répercussions économiques catastrophiques s’ils sont mis en œuvre.
[45] Toute analyse impartiale, affirme l’employeur, mène à la conclusion inévitable qu’il existe un risque réel pour le Canada et ses perspectives économiques. Les dépenses du gouvernement faisaient l’objet d’un examen, et cet examen n’incluait pas l’allocation de fonds en réponse à des demandes injustifiées du Conseil. Le budget 2023 et l’exposé économique de l’automne 2023 ont annoncé un total de 4,8 milliards de dollars d’économies, tandis que le budget 2024 a annoncé de nouvelles restrictions de dépenses, principalement par le biais de l’attrition naturelle dans la fonction publique fédérale. Les frais de rémunération représentent une part importante des frais de fonctionnement globaux et doivent être réduits. Il s’agit là d’une priorité et d’un impératif budgétaires. Les prévisions fiscales sont sombres et la marge de manœuvre fiscale est limitée pour financer la demande du Conseil, en particulier dans des situations où elle n’est pas légitimement fondée sur l’un des critères légaux ou réglementaires.
[46] Dans ce contexte, la demande globale du Conseil d’environ 30 % pour la durée du mandat (sans parler de ses diverses autres propositions financières telles que l’amélioration des congés) était totalement injustifiée. Aucun autre groupe n’avait bénéficié d’augmentations de rémunération semblables à celles proposées par le Conseil, voire proches de celles-ci. Même lorsque des ajustements au marché avaient été convenus, ils l’avaient été une seule fois au cours d’une année et à un taux bien inférieur à celui demandé ici. Le fait est que même le modèle de l’APC n’aurait pas été proposé dans le climat économique actuel. L’économie avait évolué – la réalité économique et fiscale actuelle est différente – et bien que l’employeur n’ait pas renoncé à son offre de modèle, il a observé que les circonstances avaient changé depuis qu’il avait été établi, et pas forcément de manière positive.
F. Conclusion des arguments de l’employeur
[47] Après analyse de tous les facteurs légaux et réglementaires, ainsi que des faits, l’employeur a fait valoir que rien ne justifiait les augmentations de rémunération sans précédent demandées, augmentations qui n’étaient même pas liées à des classifications spécifiques où l’on pourrait éventuellement faire valoir des arguments. Or, dans le présent cas, il n’y avait aucun argument en ce sens. Au contraire, des rajustements spéciaux étaient demandés pour tout le monde, sans exception. La reproduction devait être suivie, ce qui signifiait le modèle de l’APC. Il n’y avait pas de problème de recrutement et de maintien en poste : seuls 27 employés en 15 ans (2009) avaient quitté volontairement l’entreprise. La comparaison – externe ou interne – n’a pas aidé le Conseil, pas plus que l’économie canadienne ou la situation fiscale du gouvernement.
[48] Il était opportun de se pencher sur Irving, mais la prime lui était propre et, une fois analysée, elle ne revêtait pas une grande importance. Il y avait une contrepartie à cette prime : la souplesse en milieu de travail en échange de plus d’argent. Rien de semblable n’était proposé dans le présent cas. L’employeur a conclu que ce qui importait le plus était la rémunération totale et les autres conditions d’emploi – y compris la possibilité de progresser dans la grille – et que lorsque l’on examinait la situation dans son ensemble, l’employeur était clairement le premier de sa catégorie. Si l’on compare les taux réels – sans la prime – les membres du Conseil se retrouvent largement en tête. Pour toutes ces raisons, et d’autres encore, l’employeur a demandé que ses propositions soient acceptées.
VII. Analyse
[49] Comme nous l’avons indiqué au début, si ce n’était le désaccord sur les salaires, les parties auraient probablement été en mesure de conclure leur convention collective. Nous estimons que le modèle de l’APC est omniprésent et qu’il s’impose en l’absence d’une application correcte de critères légaux ou réglementaires conduisant à un résultat différent. Les résultats de l’APC – tant économiques qu’autres – reflètent des négociations collectives libres avec des syndicats représentant des centaines de milliers d’employés du secteur public fédéral. Dans ces circonstances, toute partie qui souhaite ne pas suivre ce type de modèle établi doit présenter des arguments clairs, convaincants et irréfutables.
[50] De toute évidence, le Conseil n’est pas l’AFPC ni aucun des autres syndicats qui se sont entendus sur des résultats types, et inversement. Cependant, la reproduction nous oblige à considérer les résultats de la négociation collective libre de ce grand syndicat et de cet employeur (et un résultat reproduit par d’autres syndicats du secteur public fédéral et cet employeur). Les résultats pertinents de la négociation collective libre convenus par le même employeur et des syndicats représentant des centaines de milliers d’employés ne sont pas concluants à cent pour cent, mais ils s’en approchent. On peut supposer que si le Conseil estimait que l’entente conclue avec l’AFPC était avantageuse, ses arguments viseraient à encourager le conseil d’arbitrage à la reproduire (dans le cas où l’employeur aurait tenté de faire valoir le contraire).
[51] Nous n’acceptons pas l’argument selon lequel, parce que les membres du Conseil ont des métiers aux fonctions et responsabilités très spécifiques, ils sont en quelque sorte, ou devraient être, exemptés de l’application du modèle de l’APC (en l’absence de circonstances exceptionnelles). L’APC contient de nombreuses et très diverses classifications. Ce n’est pas une raison pour exclure les membres du SR-E du principe de reproduction. Il est toujours possible, le cas échéant, de négocier des ajustements au marché et d’autres augmentations de rémunération telles que la suppression ou l’ajout d’échelons lorsque les critères et les faits conduisent à ce résultat.
[52] Par exemple, lors de la récente ronde de négociations de l’AFPC, des ajustements au marché ont été déterminés et convenus pour les pompiers : il y avait un écart important entre les pompiers représentés par l’AFPC et leurs homologues municipaux. L’AFPC a fait valoir un écart de 20 %; le Conseil du Trésor n’était pas d’accord. Les parties se sont finalement entendues sur un rajustement ponctuel de 6 % (et non sur un rajustement de 0,5 % de la ligne de paye). De même, lors de la dernière ronde de négociations entre l’AFPC et les services frontaliers, les parties se sont entendues sur un autre rajustement ponctuel de 2,8 %. En contrepartie (et également avec le groupe CX représenté par un autre syndicat), il a été convenu de rendre les règles de travail plus efficaces (notamment en ce qui concerne la gestion des heures supplémentaires). D’autres ajustements au marché dans le secteur public fédéral, par exemple pour recruter et retenir les infirmières autorisées, peuvent facilement être compris comme faisant partie des défis de recrutement et de maintien en poste dans l’ensemble du secteur des soins de santé au Canada. Rien de tout cela n’est présent ici (et l’augmentation globale demandée par le Conseil excède tout ce qui est demandé ou accordé ailleurs dans la fonction publique fédérale, et ce avec une marge considérable). L’employeur ne fait face à aucun défi en matière de recrutement et de maintien en poste, et aucune augmentation de marché ne peut être justifiée sur cette base. Il convient également de mentionner que sur la base de la rémunération totale, les membres du Conseil sont bien en avance sur leurs comparateurs du secteur privé comme Irving, non seulement sur le plan fiscal, mais également en termes de conditions générales d’emploi. Il y a une raison pour laquelle il y a si peu de départs volontaires de l’employeur; le recrutement se fait presque entièrement dans le sens inverse.
[53] Les rajustements au marché sont généralement convenus, ou accordés, pour répondre à des défis réels de recrutement et de maintien en poste et en réponse aux réalités du marché qui établissent un besoin manifeste. C’est précisément le contraire qui est vrai ici, avec des preuves non contestées que les membres du Conseil ne quittent pas leur employeur pour aller travailler chez Irving (ou ailleurs, d’ailleurs, étant donné les statistiques incontestables sur la mobilité de l’emploi). Il convient également de noter qu’en général, les rajustements au marché sont traités une fois et une année seulement; dans ce cas, le Conseil les a demandés pour tout le monde pendant toute la durée de la convention collective, sans autre explication que son insistance à ce que tous les membres du Conseil restent au sommet. Cela entraînerait un échelonnement sans fin. Pour récapituler, les diverses augmentations de rémunération proposées par le Conseil sont également tout à fait exceptionnelles lorsqu’on les additionne : elles n’ont pas de point de comparaison avec les négociations en cours.
[54] Le Conseil affirme que le travail de ses membres est plus difficile, plus complexe et plus spécialisé et souligne qu’aucune de ces affirmations n’a été contestée de manière convaincante dans les arguments de l’employeur en réponse à la déclaration sous serment Fournier. Nous admettons, comme l’ont fait les conseils d’arbitrage de différends qui nous ont précédés, que les membres du Conseil exercent leur métier au niveau le plus élevé et le plus spécialisé. L’employeur ne conteste pas ce fait, mais n’accepte pas que les recrues d’Irving soient d’une certaine manière bien en dessous du niveau, notant qu’elles sont rapidement opérationnelles, effectuant un travail facturable en quelques semaines. Nous pensons que la véracité de tout cela n’est pas la question qui nous intéresse, car le fait est que la prime a été négociée dans un but unique : la souplesse de l’emploi.
[55] Les parties ont de l’expérience dans la négociation de la souplesse des métiers – le modèle d’équipe autonome de travail (EAT), abandonné par l’employeur en 2014, était, d’après le Conseil, un grand succès. Le Conseil a reproché à l’employeur d’avoir abandonné cette initiative utile. L’employeur conteste cette caractérisation et souligne que si le modèle avait connu un succès fulgurant, il n’aurait pas été abandonné, et que le fait est qu’il a toujours été d’une valeur et d’une portée limitées (comme le savait, selon lui, le syndicat).
[56] Nous ne parvenons à aucune conclusion en la matière. Nous notons que l’employeur était catégoriquement d’avis que la prime EAT était complètement différente de celle négociée à Irving et, plus important encore, qu’elle avait déjà été intégrée aux taux de rémunération dans une décision arbitrale antérieure et qu’aucune prime supplémentaire ne pouvait, et ne devait, être accordée dans ces circonstances. Nous convenons qu’il est plus probable que la prime intégrée à Irving survivra au renouvellement de cette convention collective, mais il est impossible de le savoir avec certitude. Pour l’instant, le plus important à propos de la prime est qu’elle faisait partie d’une négociation collective.
[57] L’expérience en la matière nous permet de conclure facilement que les modifications des règles de travail se traduisent régulièrement par des augmentations de la rémunération. La conclusion est évidente : Irving a accepté de rémunérer pour quelque chose qui a de la valeur pour elle. Quoi qu’il en soit, nous avons inclus dans notre décision une disposition – ci-dessous – qui pourrait inciter les parties à envisager ce type d’approche – EAT version 2.0 ou autre – à l’avenir, dans la mesure où il est dans leur intérêt commun de le faire (voir ci-dessous).
[58] Nous ne pouvons tout simplement pas accepter que Irving soit un comparateur approprié dans le sens où ses paiements de primes – négociés dans un but spécifique – devraient conduire à une augmentation de salaire chez un employeur comparable. Une comparaison des salaires entre l’employeur et Irving indique que les membres du Conseil, après les augmentations accordées ici, seront en avance sur Irving, dans certains cas de façon substantielle (si la prime de souplesse des métiers est exclue). La rémunération totale doit faire partie de toute analyse, même si nous convenons qu’une simple comparaison des taux horaires peut ne pas être entièrement satisfaisante, car les employés regardent leurs fiches de paie – leurs taux horaires – et les comparent à ceux de leurs collègues du chantier naval voisin, mais ce n’est pas une raison pour égaler les taux d’Irving (avec la prime incluse). De même, nous ne pouvons accepter, comme l’a soutenu l’employeur, que SR-W est un comparateur approprié, car les salaires y ont été supprimés par l’application de la législation. Les salaires de SR-E ne devraient pas être affectés par les résultats de SR-W résultant d’une législation de limitation des salaires qui ne s’est jamais appliquée à cette unité de négociation. Lors de la médiation, il a été reconnu que les questions relatives à SR-W devaient être examinées lors de la médiation ou de l’arbitrage de différend (prévu en temps voulu).
[59] La prime Irving a maintenant été intégrée dans cette convention collective, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agissait d’un échange effectué dans le cadre d’une négociation collective. En échange de plus d’argent, la direction a obtenu une souplesse exceptionnelle (c’est du moins ce qu’indique le dossier, y compris la décision Outhouse). Il n’y a pas d’accord de ce genre ici, et nous ne voyons pas comment, dans ces circonstances, il serait approprié de reproduire une partie de ce PE ou de la décision Outhouse, mais pas l’autre. Toutefois, nous prenons note du fait que les deux parties ont manifesté le souhait de poursuivre les discussions de collaboration en vue d’améliorer l’efficacité; pour elles, il s’agit d’amener les navires en mer le plus rapidement possible. Dans ces circonstances, nous sommes d’avis qu’il est approprié dans ce cas – qui est clairement loin de la norme – d’inclure une réouverture de la prime au cas où les parties parviendraient à un accord sur l’amélioration de l’efficacité pendant la durée du contrat, mais ne parviendraient pas à se mettre d’accord sur sa valeur. Nous avons également inclus une réouverture des salaires pour la dernière année si les parties ne parviennent pas à un accord.
[60] En somme, nous ne sommes pas persuadés qu’il y ait lieu ici de procéder à un ajustement au marché ou à une augmentation supérieure au modèle sur la base de l’un des critères légaux ou réglementaires. Aucun de ces éléments ne le justifie. Le Conseil soutient qu’à moins que les salaires ne soient ajustés comme il a été demandé, ses membres commenceront à se diriger vers Irving, et qu’il commencera à avoir des difficultés à recruter des apprentis. Cette prévision d’un revirement complet dans la direction du recrutement, qui amènerait les membres du Conseil à quitter leur emploi à SR-E et à rejoindre Irving, semble peu probable. Comme l’a fait remarquer l’employeur, avant la mise en place de la prime, il recrutait auprès d’Irving, et une fois la prime mise en place, il recrutait auprès d’Irving. Il nous semble pertinent que la prime d’Irving soit en place depuis un certain temps sans impact apparent sur la dotation en personnel de l’employeur, les gens de métier d’Irving continuant à se diriger vers eux.
[61] Le fait que les membres du Conseil aient toujours eu les taux les plus élevés n’est pas non plus une raison, à lui seul, pour accorder la proposition de modèle supérieure à l’APC demandée par le Conseil, qui, nous le notons, dépasse de loin, dans une large mesure, les ajustements au marché demandés et obtenus dans quelques cas – modestes, une seule fois, une seule année – au cours de la présente ronde de négociations. Pour autant que cette observation vaille, nous ne disposons d’aucun principe d’arbitrage de différends selon lequel, simplement parce qu’un groupe particulier d’employés a toujours été le leader du marché salarial, ce statut, et les écarts existants avec un comparateur, doivent être maintenus indéfiniment (en particulier lorsque le comparateur a reçu un ajustement pour des raisons qui lui sont totalement propres dans le cadre d’une négociation collective singulière).
[62] Nous estimons que les facteurs légaux et réglementaires doivent être pris en compte pour réfuter la conclusion selon laquelle la reproduction – le critère le plus important de tous – ne devrait pas s’appliquer. Au moins, certains des critères légaux doivent être appliqués de manière appropriée et un besoin réel et avéré doit être établi. Il n’y a rien de tel dans le présent cas, si ce n’est le souhait de rester au sommet, qui justifierait que l’on change de modèle. La reproduction ne conduit pas à cela. La comparaison interne et externe n’y conduit pas. L’état de l’économie canadienne n’y conduit pas non plus, pas plus que la situation fiscale du gouvernement. Cela ne veut pas dire que les membres du Conseil ne sont pas des employés extrêmement compétents et appréciés, mais cela ne suffit pas à justifier l’octroi de l’énorme augmentation demandée.
[63] Par conséquent, nous attribuons le modèle de l’APC pour les trois premières années, y compris le montant forfaitaire désormais normalisé de 2 500 $, mais ouvrant droit à pension (la quatrième année devant être négociée par les parties, faute de quoi nous demeurons saisis). De plus, nous accordons les autres améliorations des conditions de la convention collective obtenues de l’APC au cours de la ronde actuelle.
VIII. Décision
A. Durée
[64] Comme l’ont convenu les parties, quatre ans avec une date d’expiration au 31 décembre 2026.
B. Salaires
À compter du 1er janvier 2023 : Augmentation des taux de rémunération : 3,50 %
À compter du 1er janvier 2023 : Rajustements aux échelons salariaux : 1,25 % d’ajustement aux échelons salariaux
À compter du 1er janvier 2024 : Augmentation des taux de rémunération : 3,00 %
À compter du 1er janvier 2024 : Rajustements aux échelons salariaux : 0,50 %
À compter du 1er janvier 2025 : Augmentation des taux de rémunération : 2,00 %
À compter du 1er janvier 2025 : Rajustement salarial de 0,25 %
À compter du 1er janvier 2026 : Remise aux parties. Le conseil d’arbitrage saisi.
Indemnité unique liée à l’exercice des fonctions régulières : 2 500 $. Cette indemnité unique ouvre droit à pension et sera versée aux titulaires de postes au sein du groupe SR-E à la date de la décision arbitrale concernant l’exécution des fonctions et des obligations régulières associées à leur poste.
C. Réouverture des primes
[65] Si les parties s’accordent sur des rendements pendant la durée de la présente convention collective, mais ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la valeur de ces rendements aux fins du paiement des primes, cette question peut être renvoyée au conseil d’arbitrage pour laquelle nous demeurons spécifiquement saisis.
D. Groupes 6 et 7
[66] Rajuster tous les taux de 0,30 ¢ à compter de la date d’entrée en vigueur de la décision.
E. Congés
Ajouter : Lorsqu’un congé peut être accordé à la discrétion de l’employeur, ce congé ne doit pas être refusé de manière déraisonnable.
Ajouter : Trois jours de congé payé en cas de mortinaissance.
Ajouter : Un jour de congé payé pour les tantes et les oncles dans le cadre du congé de deuil.
Ajouter : La proposition modifiée de l’employeur est accordée pour ajouter l’incapacité et la mise à pied.
Ajouter : Congé payé pour obligations familiales : prolongation pour rendre visite à un membre de la famille en fin de vie.
Ajouter : Congé payé pour obligations familiales : augmentation de 8 à 16 heures pour assister à un rendez-vous avec un conseiller juridique ou un parajuriste, un professionnel de la finance ou autre.
Congé annuel payé : La proposition modifiée de l’employeur a été accordée.
Nouveau : Deux jours de congé payé pour pratiques autochtones traditionnelles.
Nouveau : Trois jours de congé non payé pour pratiques autochtones traditionnelles.
F. Article 9
Temps supplémentaire
Modifier : Les clauses 9.06a) et b) ne s’appliqueront pas [traduction] « ou à l’employé qui a obtenu l’autorisation de travailler à son domicile ou à un autre endroit convenu par l’employeur ».
G. Article 10
Report des congés annuels
La proposition modifiée de l’employeur a été accordée.
H. Article 15
Indemnités de repas pendant les heures supplémentaires
Ajouter :
d. Les indemnités de repas prévues par la présente clause ne s’appliquent pas à l’employé qui a obtenu l’autorisation d’effectuer des heures supplémentaires à son domicile.
H. Article 17
Déplacement
Il s’agit d’une question très complexe qui nécessite une discussion plus approfondie. Proposition du Conseil renvoyée aux parties. Conseil d’arbitrage saisi.
J. Certificat médical
[67] Lorsqu’un certificat médical est demandé par l’employeur, l’employé sera indemnisé pour le coût du certificat, dans la limite de 35 dollars, sur présentation d’un justificatif valable, pour les périodes d’absence de trois jours consécutifs ou moins.
K. Article 23
Travail salissant
Proposition du Conseil accordée.
L. Protocole de mise en œuvre de la convention collective
[68] Proposition de l’employeur accordée.
Conclusion
[69] À la demande des parties, nous demeurons saisis de la mise en œuvre de notre décision.
Le 8 avril 2025
« William Kaplan »
William Kaplan, président du conseil d’arbitrage
Je suis partiellement en désaccord. Dissidence partielle ci-jointe.
J.D. Sharp, personne nommée par le Conseil du Trésor
Je ne suis pas d’accord. Dissidence ci-jointe.
Steven Barrett, personne nommée par l’agent négociateur
Dissidence de la personne nommée par le Conseil du Trésor
L’arbitrage de différends remplace de plus en plus les véritables négociations collectives au sein de l’administration publique centrale. Plutôt que d’agir comme un tribunal de dernier recours, on peut craindre à juste titre que l’arbitrage de différends ne soit utilisé pour remplacer une véritable négociation collective. Pour comprendre quelle partie bénéficie de manière démesurée de l’arbitrage de différends, il suffit de regarder quelle partie enclenche ce processus. Il est significatif et instructif de constater que ce sont presque exclusivement les syndicats qui enclenchent l’arbitrage de différends. La raison en est tout aussi simple : ils obtiennent des avantages plus importants grâce à l’arbitrage de différends qu’ils ne pourraient obtenir s’ils devaient se risquer à une grève ou à un lock-out.
La présente dissidence n’est pas une opposition aux conclusions de l’arbitre de différends Kaplan, un arbitre expérimenté et très respecté dans le domaine des relations de travail au Canada. Elle porte plutôt sur le régime d’arbitrage de différents défaillant qui pourrait accélérer la fin de la négociation collective de bonne foi et conduire à des services publics d’un coût insoutenable. Les normes et les attentes créées par le régime d’arbitrage de différends et les décisions qui en découlent sont une question qui mérite un examen plus approfondi.
Le régime d’arbitrage de différends
Les postes de l’unité de négociation en question sont entièrement financés par les contribuables canadiens, dont la majorité touche un salaire inférieur à celui des membres de l’unité de négociation. Le syndicat a maintenu une position salariale indéfendable depuis le début des négociations collectives jusqu’à ce que cette position soit soumise et rejetée dans le cadre de ce processus. À elle seule, la revendication salariale du syndicat représentait une augmentation de plus de 30 % sur les quatre années de la convention collective. Les membres de l’unité de négociation en question gagnent plus que tous les comparateurs, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, et ils ont néanmoins demandé une augmentation salariale de plus de 30 %, ainsi que d’autres mesures d’amélioration s’additionnant au coût global. Les augmentations de coûts sont exclusivement à la charge du contribuable canadien.
L’arbitrage de différends incite les syndicats à maintenir des positions indéfendables longtemps après qu’elles ont cessé d’être des questions soulevées à la table des négociations si le syndicat et ses membres étaient confrontés à la possibilité d’une grève ou d’un lock-out. L’arbitrage de différends évite au syndicat et à ses membres les dures réalités d’un arrêt de travail sur le plan économique et humain. Peut-être que certains des nombreux employés à Irving Shipbuilding Inc. (ISI) qui ont choisi de quitter ISI et de rejoindre cet employeur ont cherché, en partie, à éviter le risque de grève ou de lock-out et les répercussions éventuelles sur leurs familles. Ils bénéficient également d’avantages sociaux et de pensions beaucoup plus importants, ce qui accroît l’avantage de leur rémunération totale par rapport aux employeurs du secteur privé.
Une grève ou un lock-out est l’exercice ultime de l’effet de levier et de la détermination des travailleurs. Les parties confrontées à cette éventualité sont obligées de déterminer rapidement lesquelles de leurs revendications sont des questions « existentielles » lorsqu’elles sont confrontées à une réduction des services et à une perte de rémunération. Il est peu probable que ce syndicat aurait maintenu une demande d’augmentation salariale de plus de 30 % s’il avait besoin d’un fonds de grève et de défense et si ses membres avaient dû supporter le risque et les frais d’un piquet de grève. Ces risques ont déjà été éliminés pour le syndicat et ses membres grâce au déclenchement de la procédure d’arbitrage de différends et à la protection irrationnelle qu’elle procure.
Les syndicats et leurs membres tirent davantage profit de la procédure d’arbitrage de différends qu’ils ne le font en poursuivant les négociations en vue d’un accord. Ils sont récompensés pour avoir maintenu une longue liste de revendications coûteuses alors qu’il est évident que l’employeur ne peut pas accepter ces revendications injustifiées et injustifiables. Le syndicat et ses membres espèrent obtenir un résultat favorable sur au moins quelques-unes de ces revendications, ce qui est généralement le cas, et qui peut ensuite être exploité dans d’autres unités de négociation comparables au sein de l’administration publique centrale. Cette situation conduit à un système défaillant qui récompense l’intransigeance. Il est temps que cela change. Si les parties devaient supporter le risque du processus obligatoire de sélection de l’offre finale lorsqu’elles choisissent de contourner les efforts nécessaires à la négociation pour parvenir à un accord, les positions seraient plus rapidement resserrées et la rationalité serait à nouveau de mise dans le processus de négociation.
L’arbitre de différends Kaplan a résumé les positions des parties et l’étendue des revendications dans la décision, mais certaines questions méritent d’être examinées plus en profondeur du point de vue de l’employeur, en commençant par les critères à appliquer pour parvenir à une décision.
Les critères législatifs énoncés à l’article 148 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») qui doivent être pris en considération par un conseil d’arbitrage de différends sont les suivants :
Facteurs à prendre en considération
148 Dans la conduite de ses séances et dans la prise de ses décisions, le conseil d’arbitrage prend en considération les facteurs qui, à son avis, sont pertinents et notamment :
•a) la nécessité d’attirer au sein de la fonction publique des personnes ayant les compétences voulues et de les y maintenir afin de répondre aux besoins des Canadiens;
•b) la nécessité d’offrir au sein de la fonction publique une rémunération et d’autres conditions d’emploi comparables à celles des personnes qui occupent des postes analogues dans les secteurs privé et public, notamment les différences d’ordre géographique, industriel et autre qu’il juge importantes;
•c) la nécessité de maintenir des rapports convenables, quant à la rémunération et aux autres conditions d’emploi, entre les divers échelons au sein d’une même profession et entre les diverses professions au sein de la fonction publique;
•d) la nécessité d’établir une rémunération et d’autres conditions d’emploi justes et raisonnables compte tenu des qualifications requises, du travail accompli, de la responsabilité assumée et de la nature des services rendus;
•e) l’état de l’économie canadienne et la situation fiscale de l’État fédéral.
Il convient de noter que le principe fondamental auquel on fait souvent référence, mais qui n’est pas explicitement inclus dans les critères imposés par la loi, est le principe de reproduction. La mission du conseil d’arbitrage est de rendre une décision qui se rapproche le plus possible du résultat de la libre négociation collective entre les parties. Ce critère fondamental sera abordé plus loin dans la présente dissidence. Toutefois, en termes simples, sur la base des facteurs énoncés dans la législation, aucune augmentation de salaire ou de coûts n’est justifiée dans l’affaire dont est saisi le conseil d’arbitrage, et aucune augmentation ne peut être justifiée si la reproduction est le facteur décisif.
Facteurs légaux à prendre en considération
1. Recrutement et maintien en poste
Le premier critère légal est une simple analyse visant à déterminer si l’employeur a des difficultés à recruter ou à garder suffisamment de personnel pour répondre aux besoins de l’organisation. La conclusion de l’arbitre de différends Kaplan sur cet aspect des critères est suffisante pour l’écarter de la considération comme facteur justifiant des augmentations :
« L’employeur ne fait face à aucun défi en matière de recrutement et de maintien en poste, et aucune augmentation de marché ne peut être justifiée sur cette base. Il convient également de mentionner que sur la base de la rémunération totale, les membres du Conseil sont bien en avance sur leurs comparateurs du secteur privé comme Irving, non seulement sur le plan fiscal, mais également en termes de conditions générales d’emploi. Il y a une raison pour laquelle il y a si peu de départs volontaires de l’employeur; le recrutement se fait presque entièrement dans le sens inverse.
Les rajustements au marché sont généralement convenus, ou accordés, pour répondre à des défis réels de recrutement et de maintien en poste et en réponse aux réalités du marché qui établissent un besoin manifeste. C’est précisément le contraire qui est vrai ici, avec des preuves non contestées que les membres du Conseil ne quittent pas leur employeur pour aller travailler chez Irving (ou ailleurs, d’ailleurs, étant donné les statistiques incontestables sur la mobilité de l’emploi). »
De toute évidence, le facteur de recrutement et de maintien en poste prévu à l’article 148a) de la Loi ne peut pas être utilisé pour justifier une augmentation de salaire pour ces membres de l’unité de négociation. L’élément de la présente décision qui représente un « rajustement au marché » de fait n’est pas étayé par les arguments des parties.
2. Comparabilité – externe and interne
Les parties disposent dans le présent cas d’un comparateur interne qui effectue un travail identique pour le même employeur. Les employés de Réparation des navires (Ouest) effectuent le même travail, sur le même équipement et dans les mêmes conditions de travail. Les employés de l’employeur dans le présent cas gagnent plus que les employés du comparateur interne direct et identique. Encore une fois, l’analyse du facteur de comparabilité interne ne peut pas être utilisée pour justifier une augmentation de rémunération pour ces membres de l’unité de négociation.
La décision souligne l’impact de la législation sur les restrictions salariales sur les salaires des membres de l’unité de négociation de Réparation des navires (Ouest) et ne permet donc pas de les utiliser comme comparateur. Il est incongru que des personnes travaillent pour une entité gouvernementale et paraissent choquées lorsque des décisions politiques influencent leur emploi et leur rémunération. Les employeurs du secteur privé ne sont soumis à aucune législation sur les restrictions salariales, et pourtant les membres de l’unité de négociation ne fuient pas la fonction publique pour ces prétendues [traduction] « herbes plus vertes », tels qu’ISI, le comparateur externe dont il est question ci-dessous.
Le comparateur externe identifié par le syndicat dans la présente affaire est Irving Shipbuilding Inc. (ISI), situé géographiquement à proximité de l’employeur et effectuant un travail largement similaire. Le syndicat a passé beaucoup de temps à essayer de distinguer le niveau du travail accompli par les employés chez ISI par rapport au travail accompli par les membres de l’unité de négociation. Ces arguments sont sans importance compte tenu de la preuve non contestée que les employés d’ISI quittent ISI pour travailler chez cet employeur et qu’ils sont rapidement en mesure de contribuer pleinement au milieu de travail. Les membres de l’unité de négociation ont été et sont actuellement mieux payés que les employés d’ISI. Une prime récente de 3 $ de l’heure versée aux employés d’ISI n’a pas réussi à renverser la tendance au recrutement et au maintien en poste dont il a été question précédemment, mais plus important encore, la prime était fondée sur des avantages généralisés en matière de souplesse pour ISI que l’employeur dans le présent cas n’a pas cherché à obtenir et qu’il n’obtiendra pas en vertu de la décision arbitrale. La citation par l’arbitre de différends Kaplan de la décision de l’arbitre Outhouse concernant son choix de l’offre finale d’ISI par rapport à celle soumise par l’unité de négociation (dans le cadre d’un processus de sélection de l’offre finale), montre clairement l’étendue de la concession faite par les employés de l’unité de négociation d’ISI en échange de la prime de 3 $.
Le syndicat a fait valoir que la supériorité salariale de ses membres doit être maintenue pour un employeur du secteur public par rapport à tout comparateur du secteur privé. L’arbitre de différends Kaplan a rejeté cette position à juste titre.
3. Maintien de relations de rémunération appropriées entre les niveaux de classification et entre les professions au sein de la fonction publique
Le modèle d’augmentation salariale proposé par l’employeur dans le présent cas a été suivi dans 27 des 30 unités de négociation d’organismes distincts financés par le secteur public, ce qui représente 97 % de leur effectif. La reproduction de ce modèle maintient les relations appropriées envisagées par les facteurs énoncés à l’article 148c) de la Loi.
Pour des raisons qui seront abordées ci-dessous, l’examen des facteurs légaux pris séparément ne justifie aucune augmentation salariale pour les employés de l’unité de négociation dans l’affaire dont le conseil d’arbitrage est saisi. Cependant, l’employeur a proposé à titre gracieux de reproduire la tendance des augmentations salariales et des autres améliorations avec cette unité de négociation, et c’est là la limite maximale de toute augmentation qui peut être justifiée pour ce groupe.
4. Établissement d’une rémunération équitable et raisonnable et d’autres conditions d’emploi liées aux exigences du travail accompli
La preuve que les membres de l’unité de négociation d’ISI sont tout à fait capables d’exécuter le travail accompli par les membres de l’unité de négociation de l’employeur dans le présent cas est en grande partie sans importance étant donné que les membres de l’unité de négociation de cet employeur perçoivent une rémunération plus élevée que les membres du comparateur ISI. Lorsque la rémunération totale entre les deux unités de négociation est correctement et nécessairement prise en compte, aucun argument lié à un prétendu manque d’équité ou de caractère raisonnable de la rémunération ne reste valable.
5. L’état de l’économie canadienne et la situation fiscale de l’État fédéral
Le dernier facteur énoncé dans la législation est une référence à une exigence de « capacité à payer », où les circonstances uniques d’un gouvernement fédéral dont la capacité à augmenter les impôts est apparemment illimitée et où la dette nationale et les frais du service de cette dette sont si élevés qu’ils font réfléchir le lecteur occasionnel, qui se demande si une dette supplémentaire aura vraiment de l’importance. Ce type de raisonnement crée une économie du tiers monde. Une réflexion et une approche différentes sont nécessaires, et dans le présent cas, les faits sont clairs et sans équivoque, ce qui constitue un bon point de départ. Un résumé rapide de l’actualité économique met en évidence la situation fiscale de l’employeur (et donc du contribuable canadien) :
1. Le taux de chômage a augmenté de plus de 1,5 % en moins de 12 mois et devrait continuer à grimper.
2. L’endettement des ménages se maintient à un niveau presque record.
3. Les faillites de consommateurs ont augmenté de plus de 16 % et les faillites d’entreprises de plus de 52 % en un an.
4. Le régime de retraite des employés du secteur public a subi des pertes actuarielles de plus de 155 milliards de dollars en moins de 15 ans, et ces pertes persistent.
5. Le service de la dette nationale du Canada en 2024-2025 coûtera plus de 54 milliards de dollars, soit plus que le coût du Transfert canadien en matière de santé aux provinces.
6. Les budgets fédéraux ont été et devraient rester déficitaires, notre dette nationale dépassant les 1 000 milliards de dollars.
Ce n’est pas une situation économique ou une réalité fiscale qui plaide en faveur d’une augmentation des salaires. L’incertitude créée par une guerre commerciale imminente avec les États-Unis et les conséquences éventuelles des droits de douane ne doivent pas non plus être ignorées. Les droits de douane auront un impact sur les Canadiens comme sur les Américains, augmenteront les frais pour les contribuables, mettront en péril des dizaines de milliers d’emplois (et l’assiette fiscale), diminueront la compétitivité de l’Amérique du Nord au niveau de l’économie mondiale et perturberont, peut-être à jamais, une relation commerciale particulièrement prospère.
Le Canada ne va pas faire faillite à cause de la présente décision, mais il va faire un pas de plus vers sa perte économique. Une cellule cancéreuse ne tue pas, mais elle se multiplie. Le fondement des revendications du syndicat et des suppléments qu’il a obtenus dans le cadre de la présente décision est que les contribuables peuvent toujours financer davantage, que cela soit mérité ou non. Les employeurs du secteur privé doivent rester compétitifs, sinon ils feront faillite. Tous les contribuables, ou presque, veulent et se voient promettre la même chose : plus de services à moindres coûts. Pourtant, cela ne s’est jamais produit.
Il ne fait aucun doute que les employés de l’unité de négociation jouent un rôle essentiel dans notre système de défense nationale. Toutefois, les faits économiques sont indéniables, et ils sont sombres. Dans un système où la véritable négociation collective a lieu sans recourir à la protection de l’arbitrage de différends, la situation économique du Canada justifierait des concessions de la part du syndicat ou, au minimum, un gel des salaires.
Reproduction
Il est difficile de faire preuve de bon sens et de raison en affirmant qu’un employeur dont la dette dépasse 1 billion de dollars, qui enregistre des déficits annuels et qui est confronté à la multitude d’indicateurs économiques sombres décrits dans les arguments non contestés de l’employeur dans la présente affaire, pourrait accepter un résultat de négociation collective libre qui aboutirait à des augmentations salariales. Le fait que l’employeur ait offert quoi que ce soit, dans la présente affaire, est une reconnaissance implicite du fait qu’il sait que le régime d’arbitrage de différends et son prétendu recours à la reproduction ne reproduiront jamais vraiment ce qui devrait se passer à la table de négociation. Cela confirme une fois de plus que le régime d’arbitrage de différends est défectueux et que, de manière générale, il n’y a pas de reproduction.
L’arbitre de différends Kaplan a pris en considération et appliqué les facteurs énoncés à l’article 148 de la Loi. Il a également tenu compte de la reproduction. Sa conclusion se lit comme suit :
« Nous estimons que les facteurs légaux et réglementaires doivent être pris en compte pour réfuter la conclusion selon laquelle la reproduction – le critère le plus important de tous – ne devrait pas s’appliquer. Au moins, certains des critères légaux doivent être appliqués de manière appropriée et un besoin réel et avéré doit être établi. Il n’y a rien de tel dans le présent cas, si ce n’est le souhait de rester au sommet, qui justifierait que l’on change de modèle. La reproduction ne conduit pas à cela. La comparaison interne et externe n’y conduit pas. L’état de l’économie canadienne n’y conduit pas non plus, pas plus que la situation fiscale du gouvernement. Cela ne veut pas dire que les membres du Conseil ne sont pas des employés extrêmement compétents et appréciés, mais cela ne suffit pas à justifier l’octroi de l’énorme augmentation demandée. »
Néanmoins, le syndicat a obtenu plus que ce que l’employeur a offert. Le syndicat n’a satisfait à aucun critère légal. La reproduction ne peut pas conduire à un résultat qui leur apporte une augmentation des frais, y compris des salaires. Ils ont toutefois réussi à obtenir davantage, et les Canadiens vont financer ce résultat.
Certes, le syndicat n’a pas obtenu beaucoup mieux que l’offre de l’employeur et l’arbitre de différends Kaplan a fait preuve de retenue. Cependant, le syndicat s’est vu offrir suffisamment d’incitations pour récompenser son intransigeance, de sorte qu’il ne fait aucun doute que ces parties s’engageront à nouveau dans le processus coûteux et fastidieux de l’arbitrage de différends afin de conclure leur prochaine convention collective. Pour la simple raison, maintes fois évoquée, que le syndicat a mieux tiré parti de la procédure d’arbitrage de différends qu’il n’aurait pu le faire dans le cadre d’une véritable négociation collective.
Modifications à la décision
Mes commentaires sur des éléments spécifiques de la décision sont les suivants :
1. Des augmentations salariales correspondant aux augmentations types pour la durée de la convention collective, y compris la quatrième année, devraient être accordées. Rien n’indique que le modèle pour la quatrième année changera par rapport à l’augmentation de 2 % déjà applicable à 96 % des employés des unités de négociation du groupe B.
2. Pour les raisons évoquées tout au long de la présente dissidence, rien ne justifie l’augmentation de 0,30 $ des salaires pour tous les taux des groupes 6 et 7. Aucun ajustement du marché ou ajustement spécial ne peut être justifié dans le présent cas et aucune autre description ne peut être appliquée à cette augmentation des coûts.
3. Il n’est pas non plus nécessaire de procéder à une réouverture des primes, car les parties n’envisagent pas de discuter de l’obtention de gains d’efficacité supplémentaires. ISI et son agent négociateur se sont engagés dans cette voie, ce qui n’est pas le cas des présentes parties. Aucune des parties n’a évoqué des discussions sur l’efficacité comme une perspective à venir. Cette convention collective expirera dans environ dix-huit (18) mois, et aucune discussion sérieuse sur les gains d’efficacité n’aura lieu pendant cette période.
J.D. Sharp,
personne nommée par le Conseil du Trésor
Dissidence de la personne nommée par le Conseil
J’ai examiné attentivement les raisons pour lesquelles le président a décidé de ne pas suivre la tendance de longue date selon laquelle les gens de métier de Réparation des navires (Est) ont maintenu des taux horaires qui dépassent de beaucoup les taux horaires payés à Irving Shipyard. La validité de cette tendance de longue date a été constamment reconnue et acceptée par l’agent négociateur et l’employeur lors des renouvellements successifs de la convention collective, et par des arbitres tiers réputés dans le cadre du processus d’arbitrage de différends.
À la lumière de ses motifs, il semble que le président accorde beaucoup d’importance à deux facteurs qui, à mon humble avis, devraient avoir un poids réduit, voire nul, compte tenu des antécédents de cette relation de négociation particulière.
Premièrement, le président souligne le modèle de négociation fédéral. Toutefois, comme le syndicat l’a démontré de manière convaincante, ce modèle n’a pas été suivi par ce même employeur lorsque des comparaisons historiques ou d’autres facteurs justifiaient une augmentation plus élevée. Cela inclut les pompiers représentés par l’AFPC, qui ont reçu une augmentation supplémentaire permanente de 6 % au-delà du modèle, uniquement sur la base d’une comparaison avec les comparateurs municipaux, et sur ces mêmes comparateurs municipaux que l’employeur n’avait pas acceptés auparavant, jusqu’à ce soi-disant cycle de négociation du modèle. En outre, les services frontaliers ont reçu une augmentation permanente de 2,8 % au-delà du modèle.
Bien que le président suggère que c’était en échange de certains gains d’efficacité dans les règles de travail, le fait est que les agents correctionnels ont ensuite reçu la même augmentation supérieure au modèle, uniquement pour les maintenir au même niveau que les gardes-frontières, et rien n’indique qu’ils ont réalisé des gains d’efficacité.
Le syndicat a également signalé (y compris aux paragraphes 71 et 72 de son mémoire) diverses autres augmentations supérieures au modèle volontairement négociées par le Conseil du Trésor, et bien que certaines portent sur le recrutement et le maintien en poste, d’autres portent simplement sur des augmentations supérieures au modèle nécessaires pour maintenir ou atteindre les modèles de comparaison. Ces augmentations comprennent la suppression ou l’ajout d’échelons dans la grille salariale, y compris une restructuration substantielle de la grille salariale des avocats du gouvernement fédéral, qui s’est traduite par une augmentation nette d’environ 20 %, bien supérieure au modèle.
Dans tous ces cas notamment, le Conseil du Trésor a accepté les augmentations habituelles ci-dessus sans avoir examiné les diverses raisons qui ont pu ou non conduire à ce que le comparateur reçoive un taux de rémunération plus élevé ou une augmentation plus importante que ce qu’il aurait reçu si le modèle avait été un facteur contraignant.
Deuxièmement, le facteur supplémentaire sur lequel le président s’est appuyé de façon injustifiée et excessive est le lien présumé entre l’augmentation salariale de trois dollars accordée à Irving (qui fait que les employés d’Irving reçoivent maintenant des taux plus élevés que ceux qui seraient versés aux gens de métier de Réparation des navires [Est] si l’on suivait seulement le modèle) et un engagement de la part de l’agent négociateur d’Irving à l’égard d’un certain degré d’amélioration de la souplesse du métier.
Cependant, dans les négociations et les décisions arbitrales précédentes impliquant ces parties, où les gens de métier de Réparation des navires (Est) ont constamment reçu des augmentations qui maintiennent leurs taux horaires considérablement plus élevés par rapport à Irving, ni les parties ni les arbitres de différends n’ont examiné les taux d’Irving pour convenir ou décider de maintenir les taux plus élevés pour Réparation des navires (Est).
Comme l’a reconnu l’arbitre de différends Norman en 2005, l’historique des négociations jusqu’à ce moment-là avait toujours donné lieu à un « avantage de salaire important à l’embauchage quand on le compare à celui offert aux nouvelles recrues des trois chantiers maritimes situés dans la région de l’Atlantique » : voir Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (Est) c. Conseil du Trésor, décision non publiée, 16 septembre 2005, dossier de la Commission 185-2-411 (Norman), au paragraphe 9.
En outre, la reconnaissance de longue date du maintien de l’avantage salarial du secteur Réparation des navires (Est) a été confirmée par l’arbitre de différends Ready dans sa décision de 2013 : Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (Est) c. Conseil du Trésor, décision non publiée, 18 septembre 2013, dossier de la Commission 585-02-46 (Ready).
Dans cette affaire, Irving avait accepté de payer des taux de rémunération plus élevés à ses gens de métier, parce que le gouvernement fédéral avait pris des engagements en matière de construction navale qui s’étendaient à Irving Shipyard. Même si ces engagements ne s’appliquaient pas directement à Réparation des navires (Est), l’arbitre de différends Ready a jugé, pour maintenir la relation salariale historique et de longue date entre Réparation des navires (Est) et Irving, que les augmentations d’Irving ne pouvaient pas être limitées au modèle fédéral (comme l’avait préconisé le Conseil du Trésor). Comme l’a conclu l’arbitre Ready au paragraphe 25 de sa décision :
Ce qui nous est apparu davantage pertinent est l’avantage historique que détient le groupe Réparation des navires (Est) par rapport aux Chantiers maritimes Halifax sur le plan des salaires au premier échelon; un comparateur salarial local de longue date, notamment relevé par l’arbitre de différend Norman en 2005 dans Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral est et Conseil du Trésor, (décision non publiée), et qui est susceptible d’être renversé en raison des salaires plus élevés dans la foulée des récents engagements pris envers Halifax par le gouvernement fédéral en matière de construction de navires si le groupe Réparation des navires (Est) devait n’obtenir que les hausses conformes à la tendance établie. »
En d’autres termes, il importait peu à l’arbitre de différends Ready de déterminer pourquoi Irving recevait des taux et des augmentations plus élevés; c’est plutôt le simple fait de ces taux et augmentations plus élevés qui, à leur tour, ont forcé des augmentations à Réparation des navires (Est) – supérieures au modèle fédéral – afin de maintenir l’écart de rémunération de Réparation des navires (Est).
Je dois préciser, compte tenu des commentaires du président sur le recrutement et le maintien en poste, que l’arbitre de différends Ready est parvenu à cette conclusion même s’il a estimé qu’il n’y avait pas de problèmes particuliers de recrutement ou de maintien en poste à Shipyard East (voir les paragraphes 22 et 23 de sa décision). J’estime que, même si le président laisse entendre que les ajustements du marché sont nécessairement liés à des problèmes de recrutement et de maintien en poste, cela n’a jamais été une condition préalable au maintien d’une structure salariale dans laquelle un groupe a toujours été rémunéré à un taux plus élevé qu’un autre.
Par conséquent, je pense que si la reproduction avait été correctement appliquée à l’historique des négociations avant son utilisation, rien ne justifierait que les gens de métier de Réparation des navires (Est) – historiquement mieux payés que leurs homologues d’Irving – soient maintenant moins bien payés que leur comparateur, historiquement moins bien payé. C’est pourtant le résultat de la décision du président, du moins pour les trois premières années de cette convention collective.
Je dois ajouter qu’à mon avis, la preuve du syndicat, y compris par déclaration sous serment – étant donné qu’il n’y a pas eu de contre-preuve de la part de l’employeur – a également apporté un appui supplémentaire à des taux de rémunération plus élevés pour ses membres, puisque la preuve a démontré de manière écrasante (comme l’a également reconnu l’arbitre de différends Ready dans sa décision de 2013, aux paragraphes 31 à 33) que, toutes choses étant égales par ailleurs, le travail accompli par les personnes de métier de Dockyard East est beaucoup plus complexe et spécialisé, exigeant un niveau général plus élevé de compétences spécialisées, que celui exigé à Irving.
Quoi qu’il en soit, le fait que le président s’appuie sur sa caractérisation de la prime de trois dollars d’Irving comme un compromis de négociation collective pour une souplesse accrue ne tient pas compte du fait qu’un compromis similaire avait déjà été fait à Réparation des navires (Est) lorsque le modèle d’équipes autonomes de travail a été négocié il y a plus d’une décennie. Le fait que l’employeur ait mis fin à ce modèle en 2014 ne peut pas être retenu contre le syndicat ou l’empêcher de maintenir son avantage salarial historique.
Après avoir exprimé mes préoccupations quant à l’approche du président, je voudrais ajouter qu’il ressort également de la décision du président que, malgré son raisonnement sous-jacent, le président a néanmoins accordé des augmentations légèrement supérieures au modèle, puisqu’il a ordonné un rajustement supplémentaire de 30 cents de l’heure en plus du modèle, au moins pour les échelons 6 et 7.
En outre, bien que le président ait imposé le modèle fédéral pour les trois premières années, sa décision prévoit une réouverture au cours de la quatrième année de la convention collective.
Tous ces éléments de la décision du président reconnaissent au moins dans une certaine mesure que le modèle n’est pas approprié pour ces employés. Par conséquent, lorsqu’il s’agira de négocier l’augmentation de la quatrième année, l’employeur serait bien avisé de prendre cela comme un signe qu’il faudra faire davantage pour augmenter les taux horaires de ces employés, pour que, au minimum, ils ne soient pas inférieurs à ceux d’Irving pendant la durée de cette convention, y compris en tenant compte de l’impact de l’augmentation de 3 dollars d’Irving.
Un dernier point : en vertu de la décision, les parties ont été invitées à poursuivre les négociations sur le labyrinthe des règles existantes, extrêmement complexes, en matière d’indemnisation des frais de déplacement. Il ne fait aucun doute qu’il est nécessaire non seulement de simplifier les règles existantes, mais aussi de les rendre plus équitables, en particulier compte tenu des effets négatifs des déplacements prolongés, principalement à l’étranger, sur les employés et du fait que le calendrier des déplacements est largement sous le contrôle de l’employeur.
Steven Barrett,
personne nommée par le Conseil