Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Deux plaintes ont été présentées contre l’utilisation par l’intimé de processus de nomination non annoncés. La première plainte portait sur une nomination pour une période indéterminée. L’intimé a d’abord mené un processus de nomination annoncé pour un poste de même niveau. La candidate reçue, qui était au niveau lorsqu’elle a posé sa candidature, a été nommée plus tard après que le salaire du poste eut augmenté, ce qui en a fait une promotion. Par conséquent, l’intimé a créé un nouveau processus de nomination non annoncé pour nommer la candidate. Bien que la Commission ait reconnu que la transition d’un processus annoncé à un processus non annoncé peut être problématique, dans le présent cas, le changement était dû au moment de la négociation collective. Même si la candidate n’était pas au niveau au moment de sa nomination, elle l’était au moment de sa candidature et elle l’aurait été de nouveau dans les deux mois suivant sa nomination. De plus, la candidate était la seule candidate retenue dans le processus annoncé à l’origine. L’intimé n’a pas abusé de son pouvoir en passant à un processus non annoncé dans les circonstances. La deuxième plainte portait sur une nomination intérimaire. L’intimé a d’abord nommé la candidate reçue à un poste intérimaire de moins de quatre mois, mais il a par la suite prolongé sa nomination pour un an. La plaignante a soutenu qu’elle était intéressée par le poste et que l’intimé aurait dû l’ouvrir à une expression d’intérêt chez les employés. Toutefois, un ministère n’est pas tenu de solliciter des manifestations d’intérêt avant de procéder à une nomination intérimaire. La preuve a démontré qu’en fait, l’intimé avait demandé des manifestations d’intérêt et que la plaignante n’avait pas répondu. Même si elle avait manifesté son intérêt plus tard, il n’y a pas eu d’abus dans la décision de l’intimé de s’en tenir à l’employé qui avait manifesté son intérêt au départ. La preuve indiquait également qu’il fallait assurer la stabilité du poste, compte tenu du roulement, et que la candidate reçue avait un bon rendement. La Commission a conclu qu’il n’y avait pas eu d’abus de pouvoir dans la décision de prolonger la nomination intérimaire dans les circonstances.
Plaintes rejetées.
Contenu de la décision
Date: 20250410
Dossiers: 771‑02‑49132 et 49133
Référence: 2025 CRTESPF 35
relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et fonction publique |
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entre
Mpume Mtimkulu
plaignante
et
Administrateur général
(ministère de la Justice)
Répertorié
Mtimkulu c. Administrateur général (ministère de la Justice)
Devant : Christopher Rootham, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la plaignante : Elle‑même
Pour l’intimé : Nadine Rizk, avocate
Pour la Commission de la fonction publique : Maude Bissonnette Trudeau, analyste principale
Affaire entendue par vidéoconférence
(Traduction de la CRTESPF)
MOTIFS DE DÉCISION |
(TRADUCTION DE LA CRTESPF) |
I. Aperçu
[1] Les deux présentes plaintes concernent des nominations non annoncées au Bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (le « Bureau de l’AIPRP ») au ministère de la Justice. Dans les deux plaintes, il est allégué que le choix d’un processus de nomination non annoncé constituait un abus de pouvoir. Les deux nominations ont été annoncées au début de février 2024. Compte tenu de leurs contextes semblables, je les ai entendues ensemble au cours d’une audience de trois jours.
[2] J’ai décidé de rejeter les deux plaintes. J’ai conclu que la décision de recourir à des processus de nomination non annoncés pour ces deux nominations ne constituait pas un abus de pouvoir.
[3] La plainte présentée dans le dossier 771‑02‑49132 concerne une nomination pour une période indéterminée. L’intimé a, à l’origine, mené un processus de nomination annoncé pour ce poste. Il a été annoncé pour une nomination au même niveau. La candidate retenue provenait d’un organisme distinct. Lorsqu’elle a présenté sa candidature, elle était au même niveau de ce poste. Toutefois, en raison d’une augmentation de salaire pour le poste au Bureau de l’AIPRP, au moment où l’intimé a décidé de la nommer, la nomination est devenue une promotion. L’intimé a créé un nouveau processus de nomination non annoncé pour nommer cette candidate. J’ai conclu qu’il n’a pas abusé de son pouvoir en agissant ainsi. Même si la nomination constituait techniquement une promotion, il s’agissait d’une caractéristique transitoire qui découlait du choix du moment de la négociation collective. L’intimé n’a pas abusé de son pouvoir en passant à ce processus de nomination non annoncé pour traiter ce qui équivaut à une question de détail.
[4] La plainte présentée dans le dossier 771‑02‑49133 concerne une nomination intérimaire. L’intimé a nommé la candidate retenue pour occuper un poste par intérim pendant une période de quatre mois moins un jour, pour remplacer une personne pendant son congé. Il a prolongé la nomination d’un an; la plainte vise cette prolongation de la nomination intérimaire. L’intimé n’a pas abusé de son pouvoir lorsqu’il a eu recours à un processus de nomination non annoncé. Selon les éléments de preuve, il y avait un roulement important au Bureau de l’AIPRP et à ce niveau de poste en particulier. La nécessité de stabiliser le Bureau de l’AIPRP compte tenu de ce roulement justifiait de manière suffisante le fait de ne pas annoncer cette nomination intérimaire.
II. Contexte factuel pour les deux plaintes
[5] Comme je l’ai dit dans l’aperçu, les deux plaintes concernent des nominations non annoncées au Bureau de l’AIPRP au ministère de la Justice. Les deux nominations ont été effectuées en février 2024, et les événements concernant ces nominations se sont déroulés de mai 2023 jusqu’à ce moment‑là. Par conséquent, je vais commencer par un aperçu du Bureau de l’AIPRP.
[6] Le Bureau de l’AIPRP est dirigé par un directeur. Benoit Guilbert était le directeur par intérim entre mars 2023 et septembre 2024. M. Guilbert a décrit que le Bureau de l’AIPRP était divisé en trois groupes : un groupe de protection des renseignements personnels et de politiques, un groupe opérationnel et un groupe chargé des plaintes. Il y avait un total de cinq gestionnaires pour ces groupes, chacun au niveau de classification PM‑06. Le groupe de protection des renseignements personnels et de politiques était dirigé par un employé ayant le titre de gestionnaire, politique et programmes d’AIPRP. Le groupe opérationnel comptait trois gestionnaires ayant le titre de gestionnaire, opérations d’AIPRP. Le groupe opérationnel gérait les demandes d’AIPRP. Le groupe chargé des plaintes était dirigé par un seul gestionnaire qui portait également le titre de gestionnaire, opérations d’AIPRP. Le groupe chargé des plaintes aidait à répondre aux plaintes en matière d’AIPRP, donc le gestionnaire de ce groupe traitait avec le Commissariat à l’information du Canada (« CI ») ou le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (« CPVP »). Il y avait environ 50 postes au total dans le Bureau de l’AIPRP.
[7] M. Guilbert a témoigné au sujet d’un certain nombre de défis plus généraux auxquels était confronté le Bureau de l’AIPRP.
[8] En premier lieu, il a témoigné que le Bureau de l’AIPRP éprouvait des difficultés à satisfaire à ses obligations prévues par la loi en matière d’accès à l’information ou de protection des renseignements personnels. Cela a donné lieu à une relation tendue entre le groupe chargé des plaintes et le CI et le CPVP.
[9] En deuxième lieu, il a témoigné qu’il était très difficile de doter les postes au Bureau de l’AIPRP.
[10] En troisième lieu, il a témoigné qu’il y avait un roulement important de personnel au Bureau de l’AIPRP pendant son mandat d’environ 18 mois. Il a témoigné qu’il était chargé d’un total de 67 mesures de dotation. Il a qualifié cela de plusieurs mesures de dotation, et je souscris à cette caractérisation. Plus particulièrement, au niveau PM‑06, il a témoigné des difficultés à veiller à ce que ces cinq postes soient toujours dotés. En 2023, deux gestionnaires ont pris un congé de maternité et un congé parental, un autre gestionnaire a quitté le Bureau de l’AIPRP pour un autre emploi, et, d’après les témoignages des témoins, il semble que l’un des postes de gestionnaire des opérations soit resté vacant pendant un certain temps (même si leur témoignage à ce sujet n’a pas été aussi clair qu’il aurait pu l’être). Ce roulement au niveau PM‑06 a entraîné des répercussions aux niveaux inférieurs, car ces postes ont été dotés pendant les congés par des employés subalternes, qui eux‑mêmes ont été dotés par des employés encore plus subalternes.
[11] M. Guilbert a témoigné que selon la directive qu’il a reçue, lorsqu’il a été nommé directeur par intérim, il devait créer de la stabilité au Bureau de l’AIPRP, compte tenu de ces défis. Je peux comprendre la raison pour laquelle il a reçu cette directive de créer de la stabilité, surtout compte tenu du taux de roulement dans le Bureau de l’AIPRP.
III. Contexte juridique des plaintes concernant les nominations non annoncées
[12] Dans les deux dossiers, la plaignante allègue que l’administrateur général du ministère de la Justice a abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi un processus de nomination non annoncé plutôt qu’un processus de nomination annoncé. Les parties ne contestent pas le cadre juridique général pour ces types de plaintes.
[13] L’article 33 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP) confère le pouvoir d’utiliser un processus de nomination annoncé ou non annoncé. Tel que cela est indiqué dans Jarvo c. le sous‑ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 6, au par. 25 : « La LEFP n’accorde aucune préférence aux processus annoncés par rapport aux processus non annoncés. » Les décisions dans Bérubé‑Savoie c. le sous‑ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2013 TDFP 2 et Marin‑Lazarescu c. Président de Services partagés Canada, 2020 CRTESPF 52, au par. 106, confirment ce point.
[14] L’alinéa 77(1)b) de la LEFP autorise une personne dans la zone de recours (comme la plaignante dans le présent cas) à présenter une plainte parce qu’elle n’a pas été nommée ou qu’elle n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination au motif d’un « abus de pouvoir » dans le choix entre un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé. Il n’existe aucune signification unique ou exhaustive d’un abus de pouvoir, bien que celui-ci suppose plus qu’une simple erreur; la conduite en question doit être « […] déraisonnable, inacceptable ou outrageante, de telle manière qu’il ne pouvait être l’intention du législateur que la personne en situation d’autorité exerce son pouvoir discrétionnaire de cette manière […] » (cité de Davidson c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 226, au par. 25).
IV. La plainte dans le dossier 771‑02‑49132
A. Le processus de nomination pour ce poste
[15] La présente plainte concerne une nomination pour une période indéterminée non annoncée à un poste de gestionnaire, opérations d’AIPRP, dans le groupe opérationnel. La personne nommée à ce poste devait diriger une stratégie de modernisation de l’accès à l’information plus vaste.
[16] M. Guilbert a essayé de pourvoir le poste au moyen d’un processus interne annoncé. En mai 2023, il a lancé un processus interne annoncé limité aux candidats et aux candidates du ministère de la Justice. Aucun candidat ni aucune candidate n’ont été retenus à la fin du processus. Par conséquent, il a élargi le processus aux candidats et aux candidates provenant de la fonction publique fédérale dans la région de la capitale nationale qui ont postulé au plus tard le 12 juin 2023.
[17] Les deux fois, le processus a été annoncé pour une affectation, une mutation, un détachement ou un échange. L’intention était de trouver un candidat ou une candidate qui était [traduction] « au même niveau » – cette dotation n’était pas destinée à être une occasion de promotion. M. Guilbert a témoigné que lorsqu’il avait tenté pour la première fois de doter le poste à l’aide d’une personne du ministère de la Justice, les trois seules personnes qui avaient présenté une candidature n’étaient pas au niveau requis et, par conséquent, il n’a pas examiné davantage leur candidature.
[18] Après avoir ouvert le poste à des candidats et à des candidates de l’extérieur du ministère de la Justice, 12 personnes ont présenté leur candidature. De ces 12 personnes, seulement 3 satisfaisaient aux exigences de base du poste. M. Guilbert a créé un comité chargé d’examiner les candidats et les candidates qui était composé de trois gestionnaires au groupe et au niveau PM‑06 qui travaillaient à l’époque. Ce comité a examiné les candidats et les candidates et a décidé que deux d’entre eux ne possédaient pas une expérience suffisante. Le comité a interrogé la candidate restante, puis M. Guilbert l’a également interrogée. Ils ont tous convenu qu’elle satisfaisait aux exigences du poste et ont décidé de l’embaucher. M. Guilbert était absent à la fin de septembre ou au début d’octobre 2023, donc l’un des gestionnaires des opérations d’AIPRP lui a en fait présenté l’offre. La candidate l’a acceptée.
[19] La candidate retenue travaillait au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (« CANAFE »). Le CANAFE est un organisme distinct et ne fait pas partie de l’administration publique centrale. Par conséquent, il a son propre régime de classification. Elle a été classifiée au groupe et au niveau FT‑04 au sein du CANAFE.
[20] Comme je l’ai déjà dit, ce processus a été conçu pour les candidats et les candidates qui étaient [traduction] « au même niveau ». Le candidat ou la candidate retenu devait être embauché dans le cadre d’une « mutation ». L’article 51 de la LEFP énonce les règles concernant ce qui constitue une mutation. Selon l’une de ces règles, une mutation ne peut pas constituer une « promotion ». Selon la définition de promotion prévue à l’article 3(1) du Règlement définissant le terme « promotion » (DORS/2005‑376) s’entend de la nomination (ou, techniquement, de « […] l’attribution à un fonctionnaire des fonctions d’un poste […] ») à un poste dont le taux de rémunération maximale correspond à une augmentation d’échelon de rémunération ou supérieure à 4 % du taux de rémunération maximal de l’ancien poste de la personne. Il existe des règles techniques en plus du principe général que j’ai décrit et dont les détails précis sont sans importance dans le présent cas.
[21] Le 27 juin 2023, l’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor ont signé une nouvelle convention collective pour l’unité de négociation du groupe Services des programmes et de l’administration. Cela signifiait que les postes dans la classification du groupe PM ont reçu une augmentation de salaire. Une partie de cette augmentation de salaire était rétroactive au 21 juin 2021, et les augmentations devaient être mises en œuvre dans un délai de 180 jours.
[22] Lorsque la candidate retenue a présenté sa candidature, le taux de rémunération maximal d’un FT‑04 au CANAFE était supérieur à celui d’un PM‑06. Toutefois, en raison des nouveaux taux de rémunération pour le groupe PM, ce n’était plus le cas en octobre lorsqu’il a été temps de nommer la candidate retenue – la nomination est devenue une promotion.
[23] La question de savoir si une nomination d’un poste FT‑04 au CANAFE à un poste PM‑06 dans l’administration publique centrale est une mutation ou une promotion dépend de la date précise de la nomination.
[24] Aux fins de contexte, j’ai examiné les taux de rémunération pour les postes PM‑06 et FT‑04. La convention collective du groupe PM est à la disposition du public; CANAFE affiche ses taux de rémunération actuels en ligne pour le 1er avril de chaque année, et j’ai trouvé une affiche d’emploi pour un poste auprès du CANAFE divulguant le salaire au 1er avril 2023. Le groupe PM‑06 compte cinq augmentations d’échelon de rémunération. L’augmentation la plus faible entre les échelons était de 3 246 $ avant la nouvelle convention collective, de 3 572 $ en 2023 et de 3 643 $ en 2024. Par conséquent, une « promotion » à un poste au groupe et au niveau PM‑06 était de tout poste avec un taux de rémunération maximal inférieur à 111 346 $ avant la nouvelle convention collective, de 122 600 $ lorsque la convention collective a été mise en œuvre en 2023, et inférieur à 125 374 $ à compter du 21 juin 2024.
[25] Les détails précis relatifs au salaire ne sont pas importants aux fins de la présente décision. Cependant, simplement pour illustrer la situation, voici les taux de rémunération respectifs et leur incidence :
Date |
FT‑04 |
PM‑06 |
Résultat |
Le 1er avril 2023 (c.‑à‑d. avant la nouvelle convention collective du groupe PM) |
121 300 $ |
114 592 $ |
Pas une promotion |
Le 27 juin 2023 (date à laquelle la nouvelle convention collective du groupe PM a été signée) |
121 300 $ |
126 172 $ |
Promotion |
Le 1er avril 2024 |
124 035 $ |
126 172 $ |
Pas une promotion |
Le 21 juin 2024 |
124 035 $ |
129 017 $ |
Promotion |
[26] Il n’y a aucun doute que, dans le présent cas, la nomination aurait constitué une mutation lorsque la candidate retenue a présenté sa candidature pour le poste, mais constituait une promotion lorsque M. Guilbert a décidé de l’embaucher. Après avoir consulté des experts en ressources humaines, M. Guilbert a décidé de nommer la candidate retenue dans le cadre d’un processus de nomination non annoncé. De plus, les compétences en langue officielle de la candidate retenue avaient expiré et devaient être renouvelées. Par conséquent, il a fallu jusqu’au 7 février 2024 pour achever le processus de nomination de la candidate retenue. M. Guilbert était en congé à ce moment‑là, donc la nomination a été finalisée par une personne à qui il avait délégué son pouvoir de nomination pendant son absence.
B. Le changement d’un processus annoncé à un processus non annoncé ne constituait pas un abus de pouvoir
[27] J’ai conclu que le changement d’un processus annoncé à un processus non annoncé ne constituait pas un abus de pouvoir.
[28] Je tiens à souligner que je suis parvenu à cette conclusion en me fondant sur les faits uniques du présent cas.
[29] En principe, un changement d’un processus annoncé à un processus non annoncé soulève deux problèmes. Le premier problème est la transparence. L’un des principes ou valeurs qui régissent les nominations faites en application de la LEFP est la transparence. La LEFP « exige […] un certain niveau de transparence dans les nominations » (tiré de Mousseau Bailey c. Administrateur général (ministère des Services aux Autochtones), 2024 CRTESPF 52, au par. 119). Un changement d’un processus de nomination annoncé à un processus de nomination non annoncé pourrait ne pas être transparent. Je comprends que tous les processus de nomination non annoncés sont « opaques par nature » et que la transparence découle généralement de l’avis de nomination (voir Mousseau Bailey, au par. 119), mais il peut y avoir quelque chose de particulièrement opaque à annoncer un poste, pour ensuite nommer une personne à ce poste au moyen d’un processus de nomination non annoncé.
[30] Cependant, dans le présent cas, la candidate retenue faisait partie du processus de nomination annoncé. Elle était la seule candidate qui a été reçue dans le cadre de ce processus. Ce n’est qu’après avoir découvert qu’il tenterait de la nommer pendant la période où sa nomination constituerait une promotion plutôt qu’une mutation que le ministère de la Justice a changé le processus, passant d’un processus de nomination annoncé à un processus de nomination non annoncé. Toute préoccupation que j’ai concernant la transparence de ce changement (et, pour être clair, ces préoccupations sont très mineures selon les faits du présent cas) ne constitue pas un abus de pouvoir.
[31] En deuxième lieu, le changement vers un processus non annoncé dans le présent cas a été effectué parce que le ministère de la Justice l’a modifié d’une mutation à une nomination promotionnelle. L’annonce initiale du poste indiquait qu’il s’agissait d’une affectation, d’une mutation, d’un détachement ou d’un échange – en d’autres termes, il était ouvert uniquement aux candidats et aux candidates qui étaient [traduction] « au même niveau ». La nomination ultime n’était pas [traduction] « au même niveau ».
[32] Il existe un principe plus général issu de la LEFP selon lequel les qualifications exigées pour un poste ne peuvent pas être modifiées en cours de processus de dotation. Dans Burke c. Sous‑ministre de la défense nationale, 2009 TDFP 3, la Commission a conclu que le fait de modifier un énoncé des critères de mérite après l’évaluation des candidats, sans procéder à une nouvelle évaluation de tous les candidats selon l’énoncé des critères de mérite révisé, constitue une « erreur fondamentale » (voir le paragraphe 44) dans un processus de nomination. Plus précisément, dans De Santis c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2016 CRTEFP 34, le gestionnaire d’embauche a baissé les qualifications liées à l’éducation entre un courriel demandant aux candidats d’exprimer leur intérêt relatif au poste et le moment où il a choisi le candidat retenu. La Commission a conclu qu’il s’agissait d’un abus de pouvoir car « […] un critère ne peut être modifié entre l’affichage de la déclaration d’intérêt et l’évaluation, sans qu’un autre avis soit donné à toutes les personnes concernées par la déclaration d’intérêt » (voir le paragraphe 39).
[33] J’ai conclu que le changement d’une nomination au même niveau à une nomination promotionnelle ne constituait pas un abus de pouvoir, pour trois raisons.
[34] Premièrement, le changement n’était pas lié à une qualification pour le poste. Afin de décider s’il y a eu un abus de pouvoir, « […] la question cruciale est de savoir si une erreur en particulier met en péril l’objectif primordial de la LEFP, qui est de garantir que les nominations sont fondées sur le mérite » (tiré de Savoie c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social, 2024 CRTESPF 78, au par. 88). L’article 30(2)a) de la LEFP prévoit qu’une nomination est fondée sur le mérite lorsque la personne à nommer possède les qualités essentielles pour le travail à accomplir. Le passage d’une nomination au même niveau à une nomination promotionnelle n’a pas mis en péril le principe de mérite dans le présent cas, car le changement ne concernait pas une qualification requise pour le poste.
[35] Deuxièmement, l’élément qui a été modifié était une caractéristique ou une condition transitoire. Comme je l’ai dit à maintes reprises, la candidate retenue n’était pas au même niveau lorsqu’elle a été nommée, mais elle l’était lorsqu’elle a présenté sa candidature et elle l’aurait de nouveau été au même niveau deux mois après sa nomination.
[36] Cette situation est analogue à celle d’un candidat dans le cadre d’un processus de nomination où l’une des qualifications est une compétence linguistique ou une autorisation sécuritaire d’un certain niveau. Si le profil linguistique ou l’autorisation sécuritaire du candidat a expiré, il s’agit simplement d’une question transitoire qui peut être réglée en effectuant l’examen de langue seconde requis ou en renouvelant son autorisation sécuritaire. La candidate retenue étant au même niveau était semblable dans le présent cas : elle était au même niveau lorsqu’elle a présenté sa candidature et l’aurait été encore s’ils avaient attendu.
[37] Troisièmement, le changement signifiait toujours que la candidate retenue satisfaisait à l’objectif sur lequel la condition était fondée. M. Guilbert souhaitait embaucher une personne au même niveau parce que la candidate retenue devait diriger une stratégie de modernisation de l’accès à l’information plus vaste, tout en promouvant la stabilité au sein du Bureau de l’AIPRP. Accomplir la gestion du changement et la stabilité en même temps est une aiguille étroite à filtrer. Il est compréhensible qu’il ait souhaité trouver une personne possédant une expérience en gestion au groupe et au niveau PM‑06 ou équivalent plutôt que de chercher une personne qui souhaitait être promue à ce poste. La candidate retenue a, techniquement, été promue, mais en pratique, il a conclu qu’elle avait été mutée d’un poste au même niveau. Le fait qu’elle ait été promue constituait un élément de détail fondé sur le choix du moment des taux de rémunération au CANAFE; vu d’un point de vue plus général, il ne s’agissait pas d’une promotion.
[38] Enfin, l’intimé a cité Marin‑Lazarescu à l’appui de sa décision. Dans ce cas, le gestionnaire d’embauche a, à l’origine, dit à son équipe (y compris la personne occupant le poste par intérim qui a été doté par une autre personne) que le poste serait doté au moyen d’une mutation. Lorsqu’il a constaté le salaire de la candidate retenue, il a dû plutôt utiliser une promotion. La plaignante a soutenu que ce changement d’une mutation à une promotion non annoncée constituait un abus de pouvoir. La Commission n’était pas du même avis, déclarant au paragraphe 115 qu’« [a]près avoir examiné toutes les circonstances, je ne crois pas que le changement d’une mutation à un processus de nomination non annoncé constituait un abus de pouvoir ». Les faits de Marin‑Lazarescu sont différents du présent cas. Toutefois, ce cas indique que le passage d’une mutation à une promotion non annoncée ne constitue pas automatiquement un abus de pouvoir.
[39] J’ai conclu que le choix d’un processus non annoncé ne constituait pas un abus de pouvoir. Je tiens à souligner de nouveau que je suis parvenu à cette conclusion en fonction des faits uniques du présent cas.
C. Il n’existait aucun abus de pouvoir dans d’autres aspects de la nomination
[40] La plaignante a formulé d’autres arguments contre cette nomination que je vais maintenant aborder.
[41] La plaignante a soutenu que la candidate retenue n’était pas qualifiée pour le poste. La plaignante a également fait valoir que M. Guilbert ne possédait pas l’expérience nécessaire pour bien comprendre les responsabilités du poste PM‑06 et qu’il n’aurait pas pu bien évaluer les qualifications de la candidate. Enfin, elle a soutenu que les qualifications essentielles avaient été modifiées entre l’affichage du poste et l’évaluation de la candidate retenue.
[42] Le premier problème lié à ces trois allégations est qu’elles outrepassent toutes la portée de la présente plainte. Le formulaire que la Commission utilise pour les plaintes déposées en vertu de la LEFP permet aux plaignants de cocher une case indiquant les motifs de leur plainte. La plaignante a coché la case pour abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination (article 77(1)b) de la LEFP) et elle n’a pas coché la case pour abus de pouvoir dans l’application du mérite (article 77(1)a)). Ces arguments concernent tous l’application du mérite, et non le choix d’un processus de nomination non annoncé. Les plaignants déposent également une déclaration d’allégations après avoir eu l’occasion d’échanger des renseignements avec les intimés. La déclaration d’allégations de la plaignante ne soulève aucune de ces questions. Enfin, la plaignante a déposé une demande d’ordonnance pour fournir des renseignements (ce que la Commission appelle une [traduction] « demande d’Ordonnance de communication de renseignements (OCR) »). Dans cette demande, la plaignante a demandé un organigramme [traduction] « […] pour démontrer [le] poste doté en fonction d’[un] ensemble de compétences spécialisées […] » et parce qu’elle estimait que l’organigramme montrerait si le ministère de la Justice avait des besoins qui justifiaient une promotion non annoncée au lieu d’envisager la promotion d’un PM‑05, comme elle.
[43] La plaignante a soulevé ces trois allégations pour la première fois à l’audience. J’ai soulevé cette préoccupation avec elle à maintes reprises pendant l’audience, à la fois lorsque l’intimé s’est opposé à certaines questions qu’elle a posées aux témoins sur la base de la pertinence par rapport à la plainte et de nouveau lorsqu’elle a formulé ces allégations lors de ses conclusions finales. Elle a tenté d’établir un lien entre ces questions et le choix d’un processus non annoncé en soutenant que le tout faisait partie d’un manque de transparence dans le processus. J’ai déjà abordé la question de la transparence plus tôt dans la mesure où elle est pertinente pour le choix du processus de nomination. Sinon, je dois rejeter ces allégations parce qu’elles ne m’avaient pas été dûment présentées – elles ne figuraient pas dans les documents introductifs ou la déclaration d’allégations, la plaignante n’a jamais demandé de modifier sa déclaration d’allégations, et il serait inéquitable sur le plan procédural pour l’intimé de parvenir à une conclusion défavorable en fonction d’allégations soulevées pour la première fois à l’audience.
[44] Même si les allégations m’avaient été dûment présentées, je les rejetterais. La plaignante n’a pas établi que la candidate retenue n’était pas qualifiée pour le poste. Selon la grande partie de l’argument de la plaignante, la candidate retenue possédait une expérience et une expertise insuffisantes en matière de questions d’AIPRP. M. Guilbert a expliqué que le CANAFE, en tant qu’organisme plus petit, n’a pas de Bureau de l’AIPRP dédié de la même manière que le ministère de la Justice et, par conséquent, la candidate retenue a exercé à la fois des fonctions liées à l’AIPRP et d’autres fonctions. M. Guilbert a également expliqué la raison pour laquelle l’expérience de la candidate retenue en matière d’initiatives de modernisation était plus importante pour lui que de savoir, selon l’un des exemples soulignés par la plaignante, si elle connaissait le logiciel d’AIPRP utilisé au ministère de la Justice. La plaignante a souligné que M. Guilbert et la gestionnaire qui faisaient partie du comité qui a évalué la candidate retenue et qui a préparé les documents pour justifier sa nomination (Jolyanne Ouellet) ont surestimé la classification du poste de la candidate retenue pour un emploi qu’elle a occupé de 2004 à 2007, période durant laquelle elle a accompli des tâches administratives liées à l’AIPRP. Il en est peut‑être ainsi, mais comme l’a expliqué M. Guilbert, ils ont utilisé ce poste (entre autres, celui qu’elle occupait) pour se satisfaire de ses connaissances, et non de son expérience. La classification de son poste n’est pas pertinente pour évaluer ses connaissances en AIPRP.
[45] En ce qui concerne l’inexpérience alléguée de M. Guilbert en raison de laquelle il n’était pas qualifié pour évaluer la candidate retenue, cette affirmation n’a aucun fondement. Il avait le pouvoir délégué de nommer la candidate retenue. Qu’il se soit avéré être un expert en AIPRP importe peu.
[46] En ce qui concerne le changement allégué apporté aux qualifications essentielles, je suis convaincu qu’aucun tel changement n’a été apporté. La plaignante souligne que l’affiche d’emploi pour la nomination annoncée énumérait quatre fonctions. Le formulaire d’évaluation des candidats et des candidates ne permet pas d’évaluer expressément la candidate retenue par rapport à ces quatre fonctions. Il ne s’agit pas d’un abus de pouvoir, pour deux raisons.
[47] En premier lieu, l’affiche d’emploi énumère ces éléments comme des fonctions, et non des qualifications.
[48] En deuxième lieu, même s’il s’agissait de qualifications, chacune d’elles a été évaluée – en utilisant simplement des formulations légèrement différentes. Un gestionnaire délégué est autorisé à clarifier ou à élaborer les qualifications existantes, tant qu’il n’a pas interprété les qualifications d’une manière contraire à leur sens ordinaire; voir Jean‑Pierre c. Président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, 2016 CRTEFP 62, au par. 88; et Renaud c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2013 TDFP 26, au par. 43. Par exemple, l’affiche d’emploi énumère la fonction de [traduction] « [l]’expérience récente dans le leadership et le mentorat des équipes chargées de l’AIPRP ». Le critère d’expérience a été reformulé dans le document d’évaluation des candidats et des candidates en [traduction] « [e]xpérience de supervision du personnel »; la candidate retenue satisfaisait à ce critère de par son emploi actuel lorsqu’elle a présenté sa candidature. Même s’il existait une différence importante entre la façon dont l’expérience était formulée dans l’affiche d’emploi et l’évaluation de la candidate, le récit de son évaluation indiquait que la candidate retenue avait [traduction] « guidé des subordonnés », ce qui n’est pas substantiellement différent de diriger et d’offrir un mentorat à une équipe chargée de l’AIPRP.
[49] En contre‑interrogatoire, M. Guilbert a décrit l’évaluation des candidats et des candidates comme complémentaire à l’affiche d’emploi, et non différente de celui‑ci. Je souscris à cette caractérisation.
D. Conclusion concernant la présente plainte
[50] Pour ces motifs, j’ai rejeté la plainte présentée dans le dossier de la Commission 771‑02‑49132. J’ai conclu que l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi un processus de nomination non annoncé pour ce poste. Sa décision était justifiée à la lumière des circonstances inhabituelles du présent cas.
V. La plainte présentée dans le dossier de la Commission 771‑02‑49133
[51] La présente plainte concerne une nomination intérimaire non annoncée à un poste ayant le titre de gestionnaire, opérations d’AIPRP. La personne occupant ce poste était le PM‑06 qui dirigeait le groupe chargé des plaintes au sein du Bureau de l’AIPRP.
[52] Les faits qui ont mené à la présente plainte sont plus simples que ceux de la première. L’une des gestionnaires PM‑06 (occupant un autre poste des opérations d’AIPRP) prévoyait de prendre un congé de maternité et un congé parental en juin 2023. Par conséquent, en mai 2023, M. Guilbert a demandé aux employés du Bureau de l’AIPRP de lui faire savoir s’ils souhaitaient occuper un poste intérimaire au groupe et au niveau PM‑06. Trois employés se sont portés volontaires; la plaignante ne l’a pas fait. Il a choisi l’un de ces employés pour occuper par intérim le poste de gestionnaire des opérations d’AIPRP.
[53] Le gestionnaire PM‑06 du groupe chargé des plaintes est parti à l’automne 2023. De plus, le gestionnaire par intérim PM‑06 qui a été nommé en juin 2023 est parti en octobre 2023. M. Guilbert a décidé de nommer la candidate retenue pour occuper par intérim le poste de gestionnaire du groupe chargé des plaintes pendant une période de quatre mois moins un jour, à compter du 16 octobre 2023. Elle était la deuxième candidate des trois candidats qui avaient indiqué qu’ils souhaitaient occuper le poste en mai 2023. La candidate retenue a bien effectué son travail en dirigeant le groupe chargé des plaintes; M. Guilbert a souligné qu’elle avait stabilisé le groupe chargé des plaintes et avait veillé à ce qu’il soit plus organisé et axé sur le respect de ses dates limites. Puisque le gestionnaire permanent était toujours en congé, il a décidé de prolonger sa nomination intérimaire d’un an, à compter du 16 février 2024.
[54] M. Guilbert a expliqué de manière suffisante les raisons opérationnelles pour choisir une nomination non annoncée. Il devait stabiliser le Bureau de l’AIPRP et l’équipe chargée des plaintes en particulier. Cela était évident à la lumière des chaises musicales (ma phrase, pas la sienne) des nominations intérimaires qui se déroulaient au groupe et au niveau PM‑06 et ailleurs. Le besoin de stabilité était particulièrement urgent au sein de l’équipe chargée des plaintes en raison de la relation tendue avec ses organismes de réglementation.
[55] La principale plainte de la plaignante concernant ce processus de nomination est qu’elle souhaitait occuper le poste, qu’elle en avait informé M. Guilbert, et qu’il aurait donc dû ouvrir le poste à une autre déclaration d’intérêt. Il n’est pas clair si la plaignante fait valoir qu’il aurait dû l’avoir fait en octobre 2023, en février 2024, ou les deux. De plus, M. Guilbert nie que la plaignante ne lui ait jamais informé qu’elle souhaitait occuper ce poste.
[56] La loi est claire : un ministère n’est pas tenu de demander à ses employés s’ils souhaitent faire l’objet d’une nomination intérimaire, avant de procéder à la nomination. Comme l’a affirmé la Commission dans Jarvo, au par. 32 : « Ni la LEFP, ni les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP ne garantissent à un employé le droit d’accès à toutes les possibilités d’emploi. » Dans le présent cas, M. Guilbert l’a en fait demandé. La plaignante n’a pas fait part de son intérêt. M. Guilbert avait le droit de choisir parmi le groupe d’employés qui avaient fait part de leur intérêt la première fois. Même si la plaignante lui a dit plus tard qu’elle souhaitait faire l’objet d’une nomination intérimaire au poste de PM‑06 (et je ne fais aucune conclusion à ce sujet), il n’y avait rien d’abusif à ce qu’il ne prenne en considération que les employés qui avaient levé la main la première fois qu’il l’avait demandé.
[57] La plaignante a également allégué que la candidate retenue ne possédait pas une expérience suffisante pour le poste. Comme pour la première plainte, sa plainte telle qu’elle est formulée concerne le choix du processus de nomination et non l’application du mérite. Cet argument outrepasse la portée de la présente plainte, tout comme la première. De plus, la candidate retenue avait occupé le poste par intérim pendant quatre mois moins un jour. La présente plainte ne concerne pas sa nomination d’octobre. Même si elle ne possédait pas l’expérience en octobre 2023 (et je ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant qu’elle était inexpérimentée), elle en avait certainement en février 2024.
[58] La plaignante a également fait valoir que le processus de nomination n’était pas transparent. Ses arguments sur ce point oscillaient entre les deux plaintes, donc je vais traiter les deux ici. Essentiellement, il existait une certaine confusion dans les éléments de preuve concernant la préparation des justifications écrites des nominations non annoncées et l’évaluation du mérite. Les documents n’étaient pas datés. M. Guilbert a témoigné que Mme Ouellet avait préparé les documents pour la nomination intérimaire, mais elle a témoigné qu’elle l’avait fait uniquement pour celle pour une période indéterminée et qu’un autre PM‑06 avait préparé les documents pour la nomination intérimaire.
[59] La plaignante invoque Martin c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2024 CRTESPF 66, pour établir qu’un manque de transparence dans les documents signifie que la nomination constituait un abus de pouvoir. Respectueusement, ce n’est pas ce qu’indique Martin. La plaignante invoque le paragraphe 59 de cette décision, dans lequel la Commission énonce les arguments présentés par la plaignante dans ce cas. La Commission a en fait conclu qu’il y avait un abus de pouvoir en raison de ce qu’elle a qualifié de mesures semblables au népotisme. De plus, le problème relatif aux documents était beaucoup plus aigu dans ce cas. Il y avait plusieurs versions du document d’évaluation de la candidate, dont une n’était pas signée. Selon l’argument dans Martin, l’employeur était incohérent dans son évaluation de la candidate retenue. Cela diffère du présent cas, où il existe une certaine confusion quant au moment où les documents ont été préparés et qui les a rédigés. Il n’y a aucune confusion quant au point clé : la personne possédant le pouvoir délégué a approuvé le contenu de ces documents. J’hésite même à qualifier l’omission de dater les documents ou la confusion sur qui les a traités d’erreur; cependant, s’il s’agissait d’une erreur, elle n’était pas suffisamment grave pour constituer un abus de pouvoir.
[60] Enfin, l’intimé a soutenu que toute incohérence ou confusion dans le témoignage de M. Guilbert découlait de la manière dont la plaignante lui posait des questions. Je suis du même avis. La plaignante oscillait entre les deux plaintes lorsqu’elle interrogeait M. Guilbert. Ses questions contenaient souvent de longs préambules dans lesquels elle se plaignait d’un certain nombre de questions liées à ces plaintes et à son milieu de travail de manière plus générale. J’ai dû intervenir à maintes reprises pour demander à la plaignante de clarifier sa question. À une occasion, j’ai dû excuser le témoin pour discuter longuement d’une question avec la plaignante, l’aider à formuler la question, puis la poser en son nom lorsque le témoin est revenu, car elle n’était pas en mesure de poser la question sans y ajouter des accusations non pertinentes.
[61] J’ajoute que M. Guilbert a dû mener 67 mesures de dotation en environ 18 mois; s’il a oublié certaines des dates ou des détails des documents dans ces 2 processus de nomination, c’est tout à fait compréhensible.
[62] Enfin, le témoignage de la plaignante était encore plus faible que celui de M. Guilbert. Elle a précédé la plupart de son témoignage par des clauses conditionnelles, telles que [traduction] « je crois comprendre », et a discuté avec l’avocate de l’intimé lors du contre‑interrogatoire d’éléments de base tels que le fait qu’une personne étant absente pour congé de maternité constituait une [traduction] « vacance ». Elle a également témoigné qu’elle n’avait aucune intention de [traduction] « priver quiconque en général », pourtant elle a accusé toutes les personnes concernées par ces plaintes, des candidats reçus au comité d’évaluation et à M. Guilbert, de ne pas avoir suffisamment de connaissances ou d’expérience en matière d’AIPRP pour faire leur travail.
[63] J’ai conclu qu’il n’y avait pas d’abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé dans la présente plainte. L’intimé a prolongé une nomination intérimaire pendant que la titulaire était en congé, afin d’aider à stabiliser ce qui était par ailleurs une série de départs et de remplacements au groupe et au niveau PM‑06 dans le Bureau de l’AIPRP. La candidate retenue était qualifiée pour le poste et faisait preuve d’un bon rendement. Il n’y a eu aucun abus de pouvoir dans la décision de prolonger sa nomination intérimaire dans ces circonstances.
[64] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
VI. Ordonnance
[65] Les plaintes sont rejetées.
Le 10 avril 2025.
Traduction de la CRTESPF
Christopher Rootham,
une formation de la Commission
des relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral