Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief concernant le refus de l’employeur de lui rembourser les dommages liés aux problèmes de paye avec Phénix en 2016. Il a également présenté une demande pour les mêmes dommages dans le cadre du processus spécialisé. Il a demandé à la Commission de suspendre ce grief en attendant le résultat du processus spécialisé. L’employeur a demandé à la Commission de considérer le grief comme retiré puisque l’article 39 du PE exigeait que l’agent négociateur retire tous les griefs liés aux dommages causés par Phénix. La Commission a conclu que les pertes alléguées du fonctionnaire s’estimant lésé relevaient du mot « dommages » à l’article 39 du PE. Le PE interdisait au fonctionnaire s’estimant lésé de maintenir son grief devant la Commission, de sorte qu’il a dû être retiré.

Grief réputé retiré.

Contenu de la décision

Date: 20250507

Dossier: 566-02-38919

 

Référence: 2025 CRTESPF 51

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Gurupkar Singh

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

Conseil du TrÉsor

(ministère de l’Emploi et du Développement social)

 

employeur

Répertorié

Singh c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Pamela Sihota, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Adam Feldman, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés les 11 septembre, 18 octobre, 1er novembre et 15 novembre 2024,

et les 13 et 31 janvier 2025.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Résumé

[1] L’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a renvoyé un grief lié à la rémunération à l’arbitrage devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») au nom de Gurupkar Singh, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »). Il n’est pas contesté qu’en 2016, un salaire de 1 005 $ était dû au fonctionnaire et qu’il aurait dû lui être versé le 4 mai 2016, mais qu’il a plutôt été payé 9 jours plus tard, soit le 13 mai.

[2] Le fonctionnaire allègue que cela a causé une perte d’environ 33 000 $ en raison de coûts d’emprunt plus élevés, de pénalités de prêt, etc., pour laquelle il a présenté une demande dans le cadre du processus de réclamations pour dommages liés au système de paye Phénix (« Phénix ») (le « processus spécialisé ») énoncé dans l’Entente concernant les dommages causés par le système de paye Phénix (2020) (le « PE ») qui a été signée par son agent négociateur et son employeur (le Conseil du Trésor du Canada).

[3] L’agent négociateur demande à la Commission de mettre le grief en suspens en attendant l’issue du processus spécialisé. L’employeur s’oppose à la demande et soutient que le PE exige que le grief soit retiré, en attendant le règlement de la réclamation dont il est actuellement saisi.

[4] Pour les motifs énoncés ci-après, le grief est réputé retiré et le dossier est fermé, comme l’exige le PE.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

[5] Dans ses arguments, l’employeur a déclaré que le processus spécialisé a été mis en place pour traiter les demandes d’indemnisation liées à Phénix et qu’il englobe entièrement le grief. La Commission n’a rien de résiduel à examiner.

[6] Le processus spécialisé offre une indemnisation potentielle pour les répercussions graves causées par Phénix. Si le fonctionnaire n’obtient pas gain de cause dans le cadre de ce processus, dans ce cas, et seulement dans ce cas, il peut interjeter appel auprès de la Commission. L’employeur soutient que c’est plus qu’un détail technique. Permettre au grief de rester en suspens équivaudrait à permettre à l’agent négociateur de rechercher la procédure la plus favorable, ce qui obligerait à faire double emploi des efforts judiciaires et décisionnels. L’incidence de la décision de la Commission n’est pas seulement rétrospective.

[7] La Commission s’est déjà penchée sur cette question dans Qasim c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2020 CRTESPF 95, dans laquelle elle a rejeté une demande de l’agent négociateur visant à suspendre le renvoi d’un grief à l’arbitrage.

[8] Les parties ont signé le PE qui, avec le processus spécialisé, recoupe entièrement les dommages et le processus que le fonctionnaire s’estimant lésé réclame dans le grief.

[9] Les parties ont convenu que les griefs au sujet des dommages causés par Phénix qui ont été déposés avant et après la date d’entrée en vigueur du PE seraient traités en vertu du PE.

[10] Le fait de permettre au grief de rester en suspens créerait un raccourci vers la Commission, ce qui serait contraire au PE. Cela drainerait inutilement les ressources de la Commission et de la Couronne. Les parties ont conçu le processus spécialisé prévu par le PE afin d’indemniser rapidement tous les employés touchés.

[11] Il ressort clairement du PE que les parties se sont entendues sur le processus spécialisé, qui prévoit une indemnisation complète pour les pertes liées à Phénix. Le PE garantit qu’aucune demande de dommages supplémentaire déjà couverte ne peut être présentée ailleurs, sauf si une demande est rejetée.

[12] L’employeur demande à l’agent négociateur de respecter l’engagement qu’il a pris en vertu du PE. Le fait de demander que le grief demeure en suspens va à l’encontre du PE. Plus précisément, à l’article 39, l’agent négociateur a accepté de retirer tous les griefs liés aux dommages causés par Phénix.

B. Pour l’agent négociateur

[13] L’agent négociateur a soutenu qu’il reconnaît l’existence du processus spécialisé établi en vertu du PE et sa participation à ce processus.

[14] Le PE exige que les griefs relatifs à Phénix soient traités dans le cadre du processus spécialisé; toutefois, l’agent négociateur demande respectueusement que la Commission exerce son pouvoir discrétionnaire pour conserver sa compétence à l’égard du grief, puisque le fonctionnaire a déjà dû attendre plus de huit ans avant de trouver une solution. Le grief a été déposé en 2016.

[15] Dans l’éventualité où le processus spécialisé n’aboutirait pas à un résultat satisfaisant pour lui, le fonctionnaire pourrait devoir déposer de nouveau le grief auprès de la Commission, ce qui pourrait entraîner des retards dans sa résolution. La présente affaire se distingue de Qasim, dans laquelle le délai entre le dépôt du grief et la décision de la Commission n’était que d’environ trois ans.

[16] Plutôt que de demander une décision immédiate, l’agent négociateur demande respectueusement à la Commission de suspendre le grief en attendant la décision du processus spécialisé. Cela préserverait les droits du fonctionnaire sans dédoubler les processus administratifs ou contourner le PE. Le fait de le garder en suspens offrirait une protection contre d’autres retards si le processus spécialisé ne permettait pas de régler le cas du fonctionnaire.

[17] À titre subsidiaire, si la Commission juge que de mettre le grief en suspens n’est pas approprié et qu’elle exige que le fonctionnaire dépose un nouveau grief après la fin du processus spécialisé, l’agent négociateur demande que le grief demeure en suspens et que tout grief futur que le fonctionnaire déposera, si le processus aboutit à un résultat insatisfaisant, soit autorisé à remplacer le présent grief, étant donné que tout nouveau grief serait essentiellement le même que le présent, ce qui aiderait à éviter d’autres retards.

[18] La demande de l’agent négociateur vise à respecter, plutôt qu’à contourner, le processus spécialisé et le PE. Elle vise à faire progresser l’objectif principal du PE, qui est d’offrir une indemnisation rapide et équitable. Le PE a été créé pour simplifier le traitement des griefs, et non pour faire obstacle aux demandes nécessitant un traitement spécial en raison de leur longueur et de leur complexité. Le fait de suspendre le grief ou, à défaut, de permettre le remplacement du grief s’harmoniserait avec l’intention du PE en assurant un règlement équitable pour le fonctionnaire tout en respectant le processus spécialisé.

[19] La demande de l’agent négociateur protège le droit du fonctionnaire à un règlement complet et ne constitue pas une recherche de la procédure la plus favorable, comme le suggère l’employeur. Au contraire, elle respecte le processus spécialisé tout en offrant une garantie nécessaire contre d’autres retards procéduraux. La suggestion de l’employeur selon laquelle l’approche de l’agent négociateur entre en conflit avec le PE ne tient pas compte de l’objectif du PE d’accélérer la résolution des conflits et non de faire obstacle à celle-ci en cas de retard exceptionnel.

III. Motifs

[20] Bien que je comprenne le côté pratique du fonctionnaire qui cherche à rester dans la file d’attente de la Commission pour une audience, pour atténuer les retards s’il n’est pas satisfait de l’issue de sa demande, ce n’est toutefois pas ce que son agent négociateur a accepté dans le PE.

[21] L’article 39 du PE stipule clairement ce qui suit : « L’agent de négociation accepte de retirer tous les griefs connexes (individuel, de groupe et de principe), les pratiques de travail déloyales et tout autre litige lié aux dommages, et à la mise en œuvre tardive des conventions collectives de 2014. »

[22] Bien que le mot « dommages » ne soit pas défini dans le PE, je note que la section « Principes généraux » du PE énonce ce qui suit (à l’article 3) : « Les parties acceptent le plan suivant pour l’indemnisation des dommages pour les employés qui ont subi des dommages financiers et non financiers en raison de problèmes associés à leur paye causés par le système de paye Phénix. » J’estime que les circonstances présentées dans la présente affaire relèvent clairement du mot « dommages ». Par conséquent, je conclus que les pertes alléguées énoncées dans le grief sont visées par l’article 39 du PE.

[23] Le PE interdit au fonctionnaire de maintenir une réclamation dans le cadre du processus spécialisé et de garder son grief, qui porte sur le même sujet, devant la Commission en attendant l’arbitrage. Cela est conforme à la conclusion de la Commission dans Qasim.

[24] Par conséquent, le grief doit être retiré et il est réputé l’être, et le dossier sera clos.

[25] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[26] J’ordonne que le grief soit réputé retiré et que le dossier soit clos.

Le 7 mai 2025.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.