Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté une plainte en vertu de l’article 133(1) du Code. Dans sa plainte, il allègue que l’employeur lui a imposé une mesure disciplinaire, soit une suspension sans solde de deux jours, en représailles pour avoir exercé ses droits, en contravention de l’article 147 du Code. Le plaignant a demandé la récusation du commissaire nommé pour instruire sa plainte pour plusieurs motifs, en autre pour garantir l’impartialité des procédures, et il a par la suite refusé de se présenter à l’audience. En rejetant la demande de récusation, la Commission a conclu que le plaignant n’avait présenté aucun élément de preuve pour renverser la présomption selon laquelle tout commissaire agit de façon impartiale et qu’une personne sensée, raisonnable et bien renseignée, qui examinerait l’ensemble des faits du dossier de manière réaliste et pratique, conclurait à l’absence d’une crainte raisonnable de partialité envers le plaignant, justifiant que le commissaire se récuse. Puisque le plaignant ne s’est pas présenté à l’audience, il n’a présenté aucune preuve afin d’établir que le défendeur avait exercé des représailles à son égard en contravention de l’article 147 du Code et la plainte a été rejetée.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20250506

Dossier: 560-02-47838

 

Référence: 2025 CRTESPF 50

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Code canadien du travail

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Abderrahim Touri

plaignant

 

et

 

conseil du trésor

(ministère de la Défense nationale)

 

défendeur

Répertorié

Touri c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant une plainte visée à l’article 133 du Code canadien du travail

Devant : Adrian Bieniasiewicz, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour le défendeur : Ariane Beaulieu, avocate

Affaire entendue par vidéoconférence,

le 12 novembre 2024.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Survol

[1] Abderrahim Touri (le « plaignant ») a présenté une plainte en vertu de l’article 133(1) du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2; le « Code »). Il allègue que l’employeur lui a imposé une mesure disciplinaire, soit une suspension sans solde de deux jours, en représailles pour avoir exercé ses droits, en contravention de l’article 147 du Code (la « plainte »).

[2] Environ deux semaines avant l’audience, le plaignant a demandé que je me récuse pour plusieurs motifs. J’ai rejeté sa demande avec motifs à suivre, et informé les parties que l’audience se tiendra comme prévu. Le plaignant a refusé de se présenter à l’audience en raison de mon refus d’accueillir sa demande de récusation.

[3] Pour les motifs qui suivent, je rejette la plainte.

II. Contexte

A. La plainte

[4] Le plaignant allègue que le défendeur a contrevenu à l’article 147 du Code en lui imposant une sanction disciplinaire de deux jours de suspension sans solde. Selon lui, il s’agit des mesures de représailles en raison de l’exercice de ses droits en vertu du Code. Une lecture attentive des allégations révèle que cette mesure disciplinaire est liée à une inconduite reprochée au plaignant envers un collègue de travail.

[5] Dans sa plainte, le plaignant dénonce également des irrégularités que le défendeur aurait commises dans le processus de collecte des faits en lien avec l’inconduite qui lui est reprochée. Enfin, il reproche au défendeur de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour préserver sa santé et sa sécurité au travail. Dans la plainte, le plaignant mentionne également les griefs qu’il a déposés contre le défendeur pour diverses raisons. Ces griefs ne sont toutefois pas en cause dans la présente affaire.

[6] Les dispositions pertinentes du Code se lisent comme suit :

[…]

133 (1) L’employé — ou la personne qu’il désigne à cette fin — peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

133 (1) An employee, or a person designated by the employee for the purpose, who alleges that an employer has taken action against the employee in contravention of section 147 may, subject to subsection (3), make a complaint in writing to the Board of the alleged contravention.

[…]

147 Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre — ou menacer de prendre — des mesures disciplinaires contre lui parce que :

147 No employer shall dismiss, suspend, lay off or demote an employee, impose a financial or other penalty on an employee, or refuse to pay an employee remuneration in respect of any period that the employee would, but for the exercise of the employee’s rights under this Part, have worked, or take any disciplinary action against or threaten to take any such action against an employee because the employee

a) soit il a témoigné — ou est sur le point de le faire — dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;

(a) has testified or is about to testify in a proceeding taken or an inquiry held under this Part;

b) soit il a fourni à une personne agissant dans l’exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;

(b) has provided information to a person engaged in the performance of duties under this Part regarding the conditions of work affecting the health or safety of the employee or of any other employee of the employer; or

c) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

(c) has acted in accordance with this Part or has sought the enforcement of any of the provisions of this Part.

 

[…]

 

[7] D’emblée, je tiens à préciser que le plaignant n’a prouvé aucune des allégations formulées dans sa plainte, comme j’en discuterai plus loin dans ma décision.

B. Les étapes préliminaires menant à l’audience

[8] Le 26 juin 2024, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a informé le plaignant que l’audience aura lieu du 12 au 14 novembre 2024, par vidéoconférence.

[9] Le 7 juillet 2024, le plaignant a demandé que l’audience se tienne en personne pour préserver la transparence et l’impartialité des procédures et respecter la règle audi alteram partem, c’est-à-dire le droit d’être entendu. En réponse à cette demande, le défendeur était d’avis que la plainte pouvait être entendue par vidéoconférence et que le plaignant n’avait pas fourni de raison justifiant une audience en personne. Le défendeur a rappelé que les audiences faites de façon virtuelle sont assujetties aux principes de transparence et d’impartialité, et permettent l’exercice des droits du plaignant au même titre que les audiences en personne. Le défendeur a souligné que le choix du mode d’audience était conforme aux Lignes directrices sur le choix du mode d’audience de la Commission.

[10] Le 17 juillet 2024, j’ai rejeté la demande du plaignant au motif qu’il n’avait pas fourni des motifs convaincants justifiant la tenue d’une audience en personne ni démontré le préjudice qu’il subirait si l’audience se tenait par vidéoconférence. De plus, j’ai rassuré le plaignant que les audiences virtuelles respectent les principes de transparence et d’impartialité, et permettent à chaque partie de se faire entendre.

[11] La conférence préparatoire à l’audience a eu lieu le 16 octobre 2024. Parmi les questions procédurales qui y ont été abordées, j’ai notamment expliqué au plaignant le déroulement de l’audience, et souligné qu’il avait le fardeau de la preuve de démontrer que sa plainte était fondée. Sur ce, je l’ai renvoyé à la jurisprudence applicable. Il m’a contredit en me précisant que le fardeau de la preuve incombait plutôt au défendeur.

[12] Le 23 octobre 2024, le plaignant a demandé la tenue d’une conférence de gestion des cas pour traiter des questions techniques et procédurales. Celle-ci a eu lieu le 31 octobre 2024. Lors de la conférence, le plaignant a demandé que je me récuse pour divers motifs. Je lui ai suggéré de déposer sa requête en récusation par écrit afin de me permettre de l’étudier attentivement et de donner au défendeur la possibilité d’y répondre. À cet effet, j’ai établi un échéancier. J’ai également précisé aux parties que, dans l’éventualité où je rejetterais la requête, l’audience se tiendrait comme prévu, du 12 au 14 novembre 2024. Par ailleurs, j’ai rappelé au plaignant qu’il avait le fardeau de la preuve pour démontrer le bien-fondé de sa plainte. Le résumé de cette conférence de gestion des cas a été envoyé aux parties le même jour.

[13] Le 31 octobre 2024, le plaignant a déposé la requête en récusation. Les motifs à l’appui de la requête sont les suivants :

1) Refus d’accepter la demande du plaignant que l’audience procède en personne;

2) Refus d’ordonner aux témoins du défendeur de ne pas porter leur uniforme militaire lors de leur témoignage afin de ne pas m’influencer;

3) Refus de permettre l’enregistrement de l’audience;

4) Refus d’envoyer aux parties une copie du procès-verbal de la conférence préparatoire du 16 octobre 2024;

5) Refus d’ordonner que le collègue de travail auteur de la plainte pour inconduite contre le plaignant produise une preuve de sa citoyenneté canadienne et son contrat de travail avec le gouvernement;

6) Refus de visiter le lieu de travail du plaignant et suggestion que ce dernier fournisse plutôt des photographies des endroits qu’il juge pertinents aux fins du litige;

7) Avoir précisé lors de la conférence préparatoire que le fardeau de la preuve incombait au plaignant;

8) Le fait qu’avant d’être nommé commissaire à la Commission, j’ai occupé le poste d’avocat-conseil au sein de deux cours d’appel nationales, ce qui me place « en situation de conflit d’intérêts et de favoritisme ».

 

[14] Le 4 novembre 2024, le défendeur a répondu à la requête en récusation. En résumé, le défendeur a demandé que la requête soit rejetée au motif qu’elle est sans fondement et ne satisfait pas aux exigences établies par la jurisprudence. Le défendeur a soumis que le fait d’être en désaccord avec une décision de la Commission ne suffisait pas pour accueillir une requête en récusation.

[15] Le même jour, le plaignant a informé par écrit la Commission et le défendeur qu’il ne répliquera pas à la réponse du défendeur, comme je lui avais permis de faire. Dans sa missive, le plaignant a indiqué que si je refusais de me récuser, il contesterait ma décision devant la Cour d’appel fédérale.

[16] J’ai rejeté la requête en récusation le 6 novembre 2024, avec motifs à suivre. Dans ma directive, j’ai informé les parties que l’audience se déroulera comme prévu, du 12 au 14 novembre 2024, et j’ai précisé ce qui suit :

Le plaignant est informé que le fardeau de la preuve lui incombe et qu’il devra présenter des éléments probants au soutien de sa plainte lors de l’audience. Dans l’éventualité où le plaignant déciderait de ne pas se présenter à l’audience, comme il semble l’avoir indiqué dans son courriel du 1er novembre 2024, sa plainte pourra être rejetée pour défaut de présenter la preuve requise en soutien de celle-ci.

 

[17] Le 8 novembre 2024, le greffe de la Commission a transmis aux parties les informations nécessaires pour se joindre à l’audience par vidéoconférence, prévue le 12 novembre 2024 à 9 h 30. Le même jour, le plaignant a demandé que l’audience soit remise jusqu’à ce que la Cour statue sur mon refus de me récuser. Le défendeur s’y est opposé. Le défendeur a rappelé que l’audience était fixée depuis longtemps, tout en soulignant qu’il avait investi beaucoup de temps et de ressources en vue de la préparation de celle-ci. Le défendeur a rappelé que les décisions interlocutoires de la Commission ne sont pas susceptibles de contrôle judiciaire pendant que le processus administratif suit son cours, à moins de circonstances exceptionnelles, ce qui n’est aucunement le cas ici.

[18] Après avoir examiné la demande du plaignant visant à remettre l’audience et la réponse du défendeur, j’ai rejeté cette demande, au motif qu’elle n’était pas appuyée par des motifs clairs, logiques et convaincants, comme exigé par la Politique sur les remises d’audiences de la Commission (disponible sur son site Web). Je partage l’avis du défendeur selon lequel, sauf en cas de circonstances exceptionnelles — absentes dans le présent dossier —, la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale établit clairement que les décisions interlocutoires de la Commission ne peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire tant que le processus administratif suit son cours. J’ai rappelé aux parties que l’audience débutera comme prévu le 12 novembre 2024, à 9 h 30, en mode virtuel.

[19] Le plaignant ne s’est pas présenté à l’audience. Vers 9 h 35, j’ai demandé au greffe de communiquer avec le plaignant afin de vérifier s’il avait eu un empêchement. Le greffe m’a informé que le plaignant n’avait pas répondu à son appel, mais qu’un message lui avait été laissé dans sa boîte vocale, l’invitant à communiquer avec la Commission. J’ai également demandé au greffe d’essayer de joindre le plaignant par courriel. À 9 h 45, le greffe a envoyé au plaignant un courriel lui demandant de confirmer, au plus tard à 10 h, s’il comptait se présenter à l’audience. Le courriel précisait également les conséquences potentielles de son absence à l’audience sur sa plainte. Ces démarches sont restées sans réponse.

[20] L’audience a repris à 10 h, en l’absence du plaignant. Compte tenu de ce qui précède, le défendeur a demandé que la plainte soit rejetée, affirmant qu’il n’y avait pas de preuve pour l’appuyer. Après avoir examiné attentivement les arguments de l’employeur et le droit applicable, j’ai accepté sa demande.

[21] Le 22 novembre 2024, le plaignant a déposé une demande de contrôle judiciaire de ma décision de ne pas me récuser et de refuser de suspendre l’audience jusqu’à ce que la Cour se prononce sur sa demande (A-381-24). Le 13 mars 2025, la Cour a rejeté la demande.

III. Analyse et motifs

A. Requête en récusation

[22] Comme je l’ai déjà mentionné, le 6 novembre 2024, j’ai informé les parties que je rejetais la requête en récusation présentée par le plaignant, avec motifs à suivre. Voici ces motifs.

[23] Dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, la Cour suprême du Canada a formulé le critère relatif à une crainte raisonnable de partialité comme suit :

[…]

[…] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. […] ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question […] de façon réaliste et pratique. Croiraitelle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

[…]

 

[24] Le plaignant a présenté une série de motifs à l’appui de sa requête en récusation. Je vais les analyser à tour de rôle.

1. Refus d’accepter la demande du plaignant que l’audience procède en personne

[25] D’entrée de jeu, il importe de préciser que la Commission a le pouvoir d’ordonner la tenue d’une audience en mode virtuel (voir l’article 20c) de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; la « Loi »); Ghafari c. Canada (Procureur général), 2023 CAF 206, au par. 22). La jurisprudence reconnaît également que la Commission est maître de sa procédure (voir Exeter c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 119, au par. 27). Enfin, le mode d’audience retenu dans le cadre du présent dossier est conforme aux Lignes directrices sur le choix du mode d’audience de la Commission.

[26] Les motifs avancés par le plaignant au soutien de sa demande de tenir une audience en personne étaient peu convaincants. Plus précisément, le plaignant fonde sa demande sur la nécessité de garantir la transparence et l’impartialité des procédures, ainsi que sur le droit de se faire entendre. Comme je l’ai expliqué au plaignant lors de la conférence préparatoire à l’audience le 16 octobre 2024, une audience par vidéoconférence est transparente, impartiale et respecte la règle selon laquelle toute partie a le droit de se faire entendre. Le plaignant n’a pas pu préciser quel préjudice il subirait si l’audience se tenait par vidéoconférence.

[27] D’ailleurs, les cours et tribunaux ont régulièrement estimé qu’il n’y a rien d’« intrinsèquement injuste » dans le fait de tenir une audience virtuelle (voir, par exemple, Sanayhie v. Durham Regional Police Services Board, 2025 ONSC 287; College of Physicians and Surgeons of Ontario v. Dr. X, 2021 ONCPSD 38, au par. 31; Miller v. FSD Pharma, Inc., 2020 ONSC 3291, au par. 10; Ontario College of Teachers v. Mammarella, 2022 ONOCT 87, au par. 93).

[28] Pour ces raisons, j’ai rejeté la demande du plaignant visant à ce que l’audience se tienne en personne.

2. Refus d’ordonner aux témoins du défendeur de ne pas porter leur uniforme militaire lors de leur témoignage afin de ne pas m’influencer

[29] Il n’y avait aucun motif justifiant une ordonnance interdisant aux témoins de porter leur uniforme militaire lors de leur témoignage. Les témoins peuvent porter une tenue vestimentaire de leur choix, pourvu que celle-ci respecte le décorum. D’ailleurs, lors de la conférence préparatoire à l’audience, j’ai essayé de dissiper les craintes du plaignant selon lesquelles je serai indûment influencé par un témoin qui porte l’uniforme en lui expliquant que cela n’aurait aucune incidence sur mon jugement.

3. Refus de permettre l’enregistrement de l’audience et d’envoyer aux parties une copie du procès-verbal de la conférence préparatoire du 16 octobre 2024

[30] La Loi ne contient aucune disposition stipulant que la Commission est tenue d’enregistrer ses audiences. Le Guide sur les plaintes – santé et sécurité au travail de la Commission (disponible sur son site Web) (le « Guide ») précise que, de façon générale, les audiences ne sont pas enregistrées, et qu’aucun procès-verbal n’est produit. Bien sûr, il y a des exceptions. Il est déjà arrivé que la Commission permette l’enregistrement des audiences dans des cas d’une grande complexité où les audiences durent plusieurs semaines (voir Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2012 CRTFP 78, aux paragraphes 10 à 13, et Singaravelu c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 8, au par. 29). Je tiens également à souligner que l’enregistrement des audiences devant des tribunaux de travail n’est pas la norme (voir British Columbia Public School Employers’ Association/ A Certain School District v. British Columbia Teachers’ Federation/ A Certain Teachers’ Association, 2024 CanLII 72129 (BC LA)).

[31] Le plaignant n’était pas en mesure d’expliquer en quoi les circonstances de son dossier justifiaient l’enregistrement de l’audience. Je ne doute pas que la plainte revêt une importance particulière pour le plaignant et qu’il y est personnellement investi. Toutefois, elle ne soulève pas des enjeux de grande complexité justifiant l’enregistrement des procédures. D’ailleurs, l’audience ne devait durer que trois jours.

[32] Enfin, quoique selon le Guide la Commission ne produit pas de procès-verbaux, un bref résumé de la conférence préparatoire à l’audience du 16 octobre 2024 a été transmis aux parties le jour-même, précisant l’échéancier pour les étapes suivantes. Le plaignant n’a pas expliqué en quoi cela suscitait une crainte raisonnable de partialité de ma part à son égard.

4. Refus d’ordonner que le collègue de travail, auteur de la plainte pour inconduite contre le plaignant, produise une preuve de sa citoyenneté canadienne et son contrat de travail avec le gouvernement

[33] La plainte soulève la question à savoir si le défendeur a pris des mesures de représailles contre le plaignant parce qu’il s’était prévalu des droits prévus par la partie II — Santé et sécurité au travail du Code. Le plaignant n’était pas en mesure d’expliquer en quoi la preuve de citoyenneté et le contrat de travail de son collègue de travail étaient d’une pertinence défendable pour décider de la plainte (voir : Canadian Labour Arbitration, 5e édition, au par. 3:11; Production of Documents—Ordering Production (Production de documents — Ordonnance de production); Dalhousie University and DFA (ARB-22-0001), Re, 348 L.A.C. (4e) 315, au par. 14 et suivants). C’est la raison justifiant mon refus d’ordonner la production des documents en question.

5. Refus de visiter le lieu de travail du plaignant et suggestion que ce dernier fournisse plutôt des photographies des endroits qu’il juge pertinents aux fins du litige

[34] Comme je l’ai déjà mentionné, la plainte porte sur une allégation selon laquelle le défendeur aurait exercé des représailles contre le plaignant en lui imposant une mesure disciplinaire, en raison de l’exercice de ses droits (voir les paragraphes 5 et 6 de la plainte). Le plaignant n’a pas expliqué en quoi il aurait été important pour la Commission de visiter son lieu de travail pour décider du bien-fondé de sa plainte. Je ne vois pas en quoi la visite des lieux m’aiderait à trancher la question qui fait l’objet de la plainte. C’est pourquoi j’ai rejeté la demande de visiter les lieux, et non parce que j’aurais un parti pris contre le plaignant, comme il le prétend.

[35] Quoi qu’il en soit, avec le consentement du défendeur, j’ai permis au plaignant de soumettre des photos de tout objet ou lieu qu’il jugeait pertinent pour la plainte.

6. Avoir précisé lors de la conférence préparatoire que le fardeau de la preuve incombait au plaignant

[36] Il ne m’apparaît toujours pas clair en quoi le fait de préciser que le fardeau de la preuve incombe au plaignant pourrait susciter une crainte raisonnable de partialité. C’est dans le but d’aider le plaignant, qui se représentait seul, à se préparer pour l’audience que j’ai clarifié la question du fardeau de la preuve et de l’ordre de procédure (voir Principes de déontologie judiciaire du Conseil canadien de la magistrature, section 2.D.2). Le fait qu’il soit en désaccord avec mes propos concernant le fardeau de la preuve ne suffit pas à susciter une crainte raisonnable de partialité.

7. Avoir occupé le poste d’avocat-conseil au sein de deux cours d’appel nationales

[37] L’allégation générale et laconique du plaignant, non étayée par aucune preuve, selon laquelle le fait d’avoir occupé le poste d’avocat-conseil au sein de deux cours d’appel nationales me place « en situation de conflit d’intérêts et de favoritisme », n’a pour seul objectif que de frustrer le déroulement des procédures et s’apparente à un abus de procédure (voir AstraZeneca Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2010 CAF 112, au par. 5).

[38] Le plaignant n’a présenté aucun élément de preuve pour renverser la présomption selon laquelle tout commissaire agit de façon impartiale (voir Oberlander c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 64, aux paragraphes 8 et 9, et Veillette c. Chouinard, 2013 CRTFP 61, aux paragraphes 10 et 11).

[39] Pour toutes ces raisons, j’ai déterminé qu’une personne sensée, raisonnable et bien renseignée, qui examinerait l’ensemble des faits du dossier de manière réaliste et pratique conclurait à l’absence d’une crainte raisonnable de partialité de ma part envers le plaignant, justifiant que je me récuse.

B. Le plaignant n’a présenté aucune preuve au soutien de sa plainte

[40] Il incombait au plaignant d’établir que la plainte était fondée. Or, il n’a présenté aucune preuve à l’appui de celle-ci. En effet, considérant que la plainte ne découle pas de l’exercice par le plaignant des droits prévus aux articles 128 ou 129 du Code — refus de travailler en cas de danger — le plaignant ne bénéficie pas de la présomption en sa faveur prévue à l’article 133(6) du Code. Par conséquent, le fardeau de la preuve reposait entièrement sur le plaignant (voir Vallée c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2007 CRTFP 52, au par. 65; White c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2022 CRTESPF 52, aux paragraphes 69 à 73; Panesar c. Agence du revenu du Canada, 2024 CRTESPF 32, aux paragraphes 130 et 131).

[41] Plus précisément, le plaignant avait le fardeau de démontrer ce qui suit, selon la prépondérance des probabilités (voir White, au par. 73) :

a) il a observé les dispositions de la partie II du Code ou cherché à en assurer lapplication (article 147);

b) le défendeur a pris une mesure interdite par larticle 147 du Code à son égard (articles 133 et 147);

c) il existe un lien direct entre a) les mesures prises contre lui et b) lobservation des dispositions de la partie II du Code ou le fait de chercher à en assurer lapplication par le plaignant.

 

[42] La plainte ne prouve pas les allégations qu’elle contient. Ces allégations doivent être prouvées par des moyens de preuve usuels, notamment la preuve documentaire et la preuve testimoniale (voir Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2006 CF 785, aux paragraphes 13 à 15; Gilkinson c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2012 CRTFP 111, aux paragraphes 53 à 56; Edmunds c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 28, au par. 38; Tshibangu c. Administrateur général (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2011 CRTFP 143, au par. 17).

[43] Or, le plaignant n’a pas témoigné, n’a cité aucun témoin et n’a déposé en preuve aucun des documents contenus dans ses cahiers des documents transmis en prévision de l’audience. Il n’a pas démontré que le défendeur avait exercé des représailles à son égard en contravention de l’article 147 du Code.

[44] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[45] La plainte est rejetée.

Le 6 mai 2025.

Adrian Bieniasiewicz,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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