Décisions de la CRTESPF

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Date: 20250403

Dossier: 566‑02‑43955

 

Référence: 2025 CRTESPF 32

Loi sur la Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

Vanessa Podgurny

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement)

 

employeur

Répertorié

Podgurny c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Goretti Fukamusenge, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Paul Raven, conseiller en relations de travail

Pour l’employeur : Soojee Hahn, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés
le 27 février et les 12 et 15 mars 2024.
(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] La présente décision concerne un grief contestant le refus de l’employeur d’approuver une demande d’avance comptable lors d’une évacuation d’urgence en raison de la pandémie de la COVID‑19. Vanessa Podgurny, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), travaillait pour le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (l’« employeur »), qui est également connu sous le nom d’Affaires mondiales Canada. Lorsque la pandémie de la COVID‑19 est survenue, la fonctionnaire était en affectation auprès de l’ambassade du Canada pour la République hellénique à Athènes, en Grèce, où elle résidait avec trois personnes à charge, y compris deux jeunes enfants. Elle habitait également avec ses trois animaux de compagnie, soit un chien et deux chats.

[2] Même si quelques éléments de la demande de la fonctionnaire avaient été approuvés, de nombreux ne l’ont pas été parce que l’employeur a décidé qu’ils étaient considérés comme non essentiels. La question à trancher consiste à savoir si la décision de l’employeur est raisonnable et je conclus qu’elle l’était.

[3] Pendant toute la période pertinente, la fonctionnaire occupait un poste d’agent du service extérieur classifié au groupe et au niveau FS‑03 et faisait partie de l’unité de négociation du Service extérieur, qui était représentée par l’Association professionnelle des agents du service extérieur (l’« agent négociateur »). L’employeur et l’agent négociateur étaient régis par une convention collective, à laquelle plusieurs directives élaborées par le Conseil national mixte (CNM) sont intégrées. En vertu de l’article 11 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), la « Loi »), le CNM est le forum de consultation et d’élaboration conjointe des améliorations en milieu de travail par le Conseil du Trésor en tant qu’employeur et les agents négociateurs.

[4] La question porte sur l’application par le CNM des Directives sur le service extérieur (les « DSE » ou la « Directive »), en particulier, la DSE 64 « Évacuation d’urgence et pertes », et son article 64.5, « Avances comptables pour l’achat des effets mobiliers essentiels ». Cette disposition vise à prévoir l’évacuation d’urgence d’un fonctionnaire ou d’une personne à charge d’une affectation à l’étranger en cas d’hostilités ou de catastrophe naturelle.

[5] La principale disposition en litige est définie à l’article 64.5 de la Directive, qui se lit comme suit :

64.5 Avances comptables pour l’achat des effets mobiliers essentiels

64.5 Accountable Advances for Purchase of Essential Household Effects

64.5.1 Au moment de l’évacuation du fonctionnaire et/ou de ses personnes à charge, l’administrateur général pourra autoriser une ou plusieurs avances comptables pour le remplacement des effets ménagers essentiels, des vêtements essentiels ou des jouets d’enfants essentiels laissés au poste et, dans le cas d’une évacuation dans un tiers pays, des articles essentiels qui sont les mêmes que ceux qui sont en entreposage à la ville du bureau principal. Ces avances ne peuvent être autorisées que pour l’achat d’articles qui sont les mêmes que ceux qui sont énumérés dans l’inventaire. Le paragraphe 64.10.2 s’applique aux cas où un dédommagement a été accordé pour certains articles qui sont récupérés par la suite. Le montant des avances accordées ne devront pas dépasser :

64.5.1 Upon evacuation of the employee and/or dependants, the deputy head may authorize one or more accountable advances to replace essential items of household effects, clothing or children’s toys which have been left at the post and, in the event of evacuation to a third country, essential items which duplicate those in storage at headquarters. Advances may only be used to purchase items which duplicate items listed on the employee’s inventories. Subsection 64.10.2 refers to compensation where items which have been replaced are subsequently recovered. The maximum amount of the advance(s) shall not exceed:

a) 2 500 $ pour un fonctionnaire; ou

(a) $2,500 for an employee; or

b) 2 500 $ pour l’époux ou le conjoint de fait d’un fonctionnaire dans les cas où le fonctionnaire n’est pas évacué ou que son époux ou son conjoint de fait le précède à l’occasion d’une évacuation d’urgence; et

(b) $2,500 for the spouse or common‑law partner of an employee, where an employee is not evacuated or the spouse or common‑law partner of an employee precedes the employee on emergency evacuation; and

c) 1 000 $ pour un fonctionnaire, lorsque son époux ou son conjoint de fait a reçu une avance de 2 500 $; et

(c) $1,000 for an employee where the employee’s spouse or common‑law partner has received an advance of $2,500; and

d) 1 000 $ pour chaque personne à charge qui accompagne le fonctionnaire ou l’époux ou le conjoint de fait au moment d’une évacuation d’urgence.

(d) $1,000 for each dependant accompanying the employee and/or spouse or common‑law partner on emergency evacuation.

 

[6] Les parties conviennent que les dispositions de l’article 64.5 de la Directive confèrent à l’employeur le pouvoir discrétionnaire de décider si une avance comptable est autorisée et de quelle manière. Elles ne s’entendent pas quant à savoir si l’employeur a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable.

II. Contexte

[7] Le contexte factuel est fondé sur un énoncé conjoint des faits et un recueil conjoint de documents, qui sont résumés comme suit.

[8] Le 16 mars 2020, en réponse à l’éclosion mondiale du virus de la COVID‑19, l’employeur a donné un ordre d’évacuation d’urgence de tous les fonctionnaires vulnérables désignés et de leurs personnes à charge résidant dans des postes à l’extérieur du Canada.

[9] À la suite de l’ordre d’évacuation d’urgence de l’employeur, la fonctionnaire a présenté une demande d’avance comptable de 5 500 $ en vertu de l’article 64.5 de la Directive. La demande a été refusée, et la fonctionnaire a été invitée à fournir une liste détaillée, comportant un coût estimé pour chaque article. La fonctionnaire a présenté de nouveau sa demande de 5 500 $, à laquelle était jointe une liste détaillée comprenant plusieurs articles, pour un coût total estimé de 12 219 $.

[10] La demande de la fonctionnaire a été refusée en partie en raison de la considération selon laquelle un certain nombre des articles réclamés étaient considérés comme non essentiels. L’employeur a approuvé la demande d’achat de deux sièges d’auto pour enfants et de filtres à air, comportant un coût estimé de 500 $ et de 1 450 $, respectivement. Il a décidé de ne pas approuver les autres articles. Il a expliqué qu’il avait appliqué une définition stricte de ce qui était considéré comme des « articles essentiels » dans l’ensemble de la fonction publique pendant la pandémie de la COVID‑19, étant donné que les fonctionnaires avaient été informés de préparer des bagages supplémentaires avant l’évacuation et de commencer à préparer leurs bagages dès que possible.

[11] Entre mars et septembre 2020, la fonctionnaire a reçu des avances et des remboursements pour plusieurs droits, y compris pour les déplacements, un logement autonome dans un Airbnb, les repas et les frais accessoires.

[12] L’évacuation de la fonctionnaire a eu lieu en très peu de temps. Le 16 mars 2020, la fonctionnaire a été informée par courriel de l’évacuation d’urgence. Les renseignements comprenaient ce qui suit :

[…]

Puisque nous ne pouvons pas prédire la durée de l’évacuation, les excédents de bagages seront approuvés (jusqu’aux limites de la compagnie aérienne) pour permettre aux Employés canadiens et aux personnes à charges d’emmener le plus grand nombre possible d’articles essentiels (vêtements adéquats pour la température changeante (tenue décontractée et d’affaire), articles requis pour les jeunes enfants tels que les sièges de voiture et les jouets, les ordinateurs portables personnels pour l’enseignement à distance, etc..). L’achat d’articles essentiels additionnels ne sera autorisé qu’en circonstances exceptionnelles. Les employés pourront également demander l’accès à leurs effets personnels essentiels présentement en entreposage à long terme si nécessaire.

[…]

Il est possible que les Directives du Service extérieur (DSE) ne puissent pas couvrir toutes les dépenses encourues par les employés canadiens et les personnes à charges, qui sont attribuables à cette évacuation […]

[…]

 

[13] Le lendemain, soit le 17 mars 2020, la fonctionnaire a été informée qu’un vol pour sa famille était réservé pour le 19 mars 2020. Les renseignements indiquaient que l’employeur éprouvait des difficultés en raison de nombreuses annulations et de vols limités en survente. Ils soulignaient également que l’employeur tentait d’étudier d’autres options afin que le chien puisse voyager seul, car la compagnie aérienne ne l’accepterait pas.

[14] Le 18 mars 2020, plusieurs échanges ont eu lieu concernant les dispositions en matière d’évacuation. À 3 h 09, l’ambassade a informé la fonctionnaire qu’un vol partant le 21 mars 2020 était réservé pour sa famille, y compris le chien et les deux chats. Cependant, en même temps, l’ambassade a fait remarquer qu’elle tentait toujours de trouver des vols à des dates plus tôt, car elle était préoccupée par la forte incidence d’annulations de vols à mesure que le temps passait.

[15] Le même jour, à 10 h 42, la fonctionnaire a été informée qu’un vol avait été réservé pour eux et que ce vol devait partir à 14 h 40 et qu’un taxi viendrait les chercher à 12 h.

[16] À 10 h 55, la fonctionnaire a été informée que le taxi avait été réservé de nouveau et qu’il arriverait pour les emmener à l’aéroport à 11 h 30.

[17] La fonctionnaire et sa famille ont quitté la Grèce le 18 mars et ont transité par Paris, en France. Le 19 mars 2020, après une nuit à Paris, ils ont quitté cette ville et sont arrivés à Montréal, au Québec. Ils ont loué un véhicule à l’aéroport de Montréal et l’ont utilisé pour se rendre à leur destination à Ottawa, en Ontario.

III. La décision de l’employeur

[18] La décision de l’employeur a été expliquée principalement par un courriel qui a été envoyé au représentant de la fonctionnaire dans le cadre des discussions avec l’agent négociateur. Il se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

La demande ci‑dessous porte sur l’achat d’articles essentiels.

Étant donné que les EC ont eu la possibilité d’apporter des bagages supplémentaires, nous n’avons pas approuvé la plupart des demandes d’articles essentiels supplémentaires. Des exceptions ont été faites pour les dispositifs médicaux, les gros articles pour bébé, les sièges d’auto, etc. […]

Cette question a été discutée au GTB et est conforme à ce que font les autres ministères.

En ce qui concerne Mme Podgurny : Elle a demandé des vêtements, des vêtements d’hiver, de l’artisanat et des jeux d’enfants, des articles de cuisine, des vélos neufs et des sièges d’auto. Les sièges d’auto ont été approuvés pour des raisons de sécurité.

En ce qui concerne [nom caviardé], elle a demandé les articles suivants :

Duvet x 3, oreillers x 6, draps et housses d’oreillers (ensembles) x 6, serviettes de bain, essuie‑mains, débarbouillettes (ensemble) x 6, lavettes, vadrouilles, balais, produits de nettoyage, corbeille à vaisselle, poubelle, poubelle à couches, tapis de jeu pour bébé, tapis d’exercice pour enfant (gymnastique), vélo pour enfant, jouet de marche pour bébé, tasses à café x 6, verres et tasses x 6, ensemble d’assiettes, coutellerie, ustensiles (spatules, fouets, cuillère, ouvre‑boîtes, etc.) ensemble de chaudrons et de casseroles, plat de cuisson, rideau de douche x 2, tapis de bain x 2, siège d’aisances d’enfant, chaise haute, parc de jeu, télévision, jouets pour bébé, jouets d’enfants, livres pour enfants (x 2), vêtements et chaussures x, vêtements et chaussures pour bébé x, vêtements et chaussures pour enfants de neuf ans x, vêtements et chaussure pour Wesley x, boîte à outils pour Eilis.

Même si je ne suis pas sûr qu’une réponse finale lui ait été fournie (je vais vérifier), la plupart des articles demandés auraient normalement été fournis par l’hôtel ou le logement temporaire. Si la fonctionnaire a choisi un endroit non meublé, cela aurait été considéré comme une décision personnelle. Certains des articles essentiels pour bébés peuvent être fournis.

[…]

 

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire

[19] La fonctionnaire soutient que tous les articles de sa demande auraient dû être approuvés, puisqu’elle n’a présumément pas eu suffisamment de temps pour profiter de l’occasion d’apporter des bagages supplémentaires. La fonctionnaire fait valoir qu’il y avait des renseignements contradictoires concernant les dispositions relatives aux déplacements et que la contrainte de temps liée aux responsabilités parentales rendait impossible pour elle de préparer ses bagages et d’apporter tous ses effets personnels avec elle lors de son évacuation. La fonctionnaire explique qu’en tant que famille avec de jeunes enfants, les responsabilités parentales étaient continues pendant la période d’évacuation, puisque les enfants étaient à la maison, alors qu’elle continuait à travailler à l’ambassade jusqu’au 17 mars 2020.

[20] Plus particulièrement, la fonctionnaire souligne que même si le libellé de l’article 64.5 mentionne particulièrement des « vêtements » comme un exemple du type d’articles essentiels pour lesquels une avance comptable pourrait être accordée, aucun des vêtements énumérés dans son inventaire n’a été approuvé aux fins de remplacement au moyen d’une avance comptable autorisée. La fonctionnaire soutient que si les parties avaient eu l’intention d’exclure les vêtements de l’article 64.5, le mot « vêtements » n’aurait pas été inclus dans cette disposition.

[21] La fonctionnaire attire mon attention sur la clause 42.02 de la convention collective et fait valoir que je devrais donner à la Directive la même interprétation que celle de la convention collective. La clause 42.02 se lit comme suit :

42.02 Les ententes conclues par le Conseil national mixte de la fonction publique sur les clauses qui peuvent figurer dans une convention collective et que les parties à cette dernière ont ratifiées après le 6 décembre 1978, et telles que modifiées de temps à autre, feront partie de la présente convention collective, sous réserve de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF) et de toute loi du Parlement qui, selon le cas, a été ou peut être établie en application d’une loi stipulée à l’article 113 de la LRTSPF.

42.02 Agreements concluded by the National Joint Council of the public service on items which may be included in a collective agreement, and which the parties to this agreement have endorsed after December 6, 1978, and as amended from time to time, will form part of this agreement, subject to the Federal Public Sector Labour Relations Act (FPSLRA) and any legislation by Parliament that has been or may be, as the case may be, established pursuant to any act specified [in] section 113 of the FPSLRA.

 

[22] La fonctionnaire me renvoie aux principes bien connus de l’interprétation des conventions collectives et, en citant Genest c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 31, me demande d’interpréter les mots de la convention collective « […] dans l’ensemble de leur contexte, dans leur sens grammatical et ordinaire, et en harmonie avec l’économie générale de l’accord, son objet et l’intention des parties ».

[23] La fonctionnaire m’a également renvoyée à Daigneault c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 38, aux paragraphes 28 et 29, pour m’aider à interpréter la Directive telle qu’elle s’applique dans la présente affaire.

[24] De plus, la fonctionnaire soutient que même si la Directive confère un pouvoir discrétionnaire à l’employeur, ce pouvoir doit être exercé de manière équitable ou raisonnable. Afin d’étayer cet argument, la fonctionnaire fait référence à Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels – CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 120, aux paragraphes 22 et 23).

[25] Enfin, la fonctionnaire soutient que l’allégation de l’employeur selon laquelle le grief de l’employeur est maintenant théorique, puisqu’elle a reçu les effets mobiliers qui avaient été laissés en Grèce, n’est pas exacte. Afin d’appuyer ses arguments, la fonctionnaire invoque le paragraphe 64.10.2 de la Directive, qui se lit comme suit :

64.10.2 Le dédommagement d’effets personnels et mobiliers qui sont récupérés ultérieurement, après une évacuation d’urgence, sera effectué conformément aux dispositions de la DSE 15 ‑ Réinstallation qui ont trait aux effets perdus ou endommagés, sauf que le fonctionnaire aura le choix de :

64.10.2 Compensation for loss/damage of personal and household effects which are subsequently recovered following emergency evacuation shall be in accordance with the provisions of FSD 15 ‑ Relocation, related to loss/damage except that the employee shall have the option of:

a) conserver les articles récupérés qui ont été remplacés par des articles semblables en vertu des dispositions de l’article 64.9, auquel cas le dédommagement sera limité à la moitié de la valeur de remplacement à neuf des articles récupérés; ou

(a) retaining recovered articles which have been duplicated under the provisions of section 64.9, in which case compensation shall be limited to one‑half of the replacement cost value of the articles recovered; or

b) refuser les articles récupérés qui ont été remplacés par des articles semblables en vertu des dispositions de l’article 64.9, auquel cas le dédommagement correspondra à la valeur de remplacement à neuf des articles récupérés et la propriété desdits articles est dévolue à l’État.

(b) refusing acceptance of recovered articles which have been duplicated under the provision of section 64.9 in which case compensation shall be in accordance with the replacement cost value of the articles recovered, and ownership of such articles shall vest in the Crown.

 

[26] La fonctionnaire explique que selon cette disposition, le fait de recevoir des effets mobiliers qui ont été récupérés à la suite d’une évacuation d’urgence ne rend pas un grief théorique. Selon le paragraphe 64.10.2, une fois qu’un fonctionnaire reçoit des articles récupérés, il a la possibilité de les accepter ou de les refuser. La décision du fonctionnaire déterminera alors s’il a droit à la totalité ou seulement à la moitié du montant qui lui a été avancé en vertu de l’article 64.5.

[27] La fonctionnaire fait remarquer que si elle avait reçu la totalité de l’avance demandée en vertu de l’article 64.5, alors la réception des effets récupérés aurait simplement déclenché la décision de les accepter ou de les refuser et ainsi d’avoir droit de garder la totalité ou la moitié de l’avance.

[28] En fin de compte, la fonctionnaire allègue que le refus de l’employeur de sa demande de 5 500 $ a imposé un fardeau financier imprévu à elle et à sa famille.

B. Pour l’employeur

[29] L’employeur présente les arguments suivants. En premier lieu, il soutient que la fonctionnaire a eu suffisamment de temps pour préparer ses articles essentiels avant le vol du 18 mars 2020. L’employeur souligne que la fonctionnaire aurait dû commencer à préparer ses bagages dès qu’elle a été informée de l’évacuation d’urgence le 16 mars 2020. La fonctionnaire était ou aurait dû être au courant des directives de l’employeur de préparer autant d’articles essentiels que possible et que l’achat d’articles essentiels ne serait autorisé que dans des circonstances exceptionnelles.

[30] De plus, l’employeur affirme que le 18 mars 2020, à 3 h 09, la fonctionnaire a été informée par courriel qu’un vol prévu pour le 21 mars 2020 avait été réservé pour elle, ses trois personnes à charge et ses trois animaux de compagnie. Il a indiqué que des options de vol plus tôt étaient à l’étude, car les vols étaient annulés. À ce moment‑là, la fonctionnaire était ou aurait dû être au courant du fait que le vol pouvait changer pour une date et une heure antérieures à tout moment donné.

[31] En ce qui concerne les articles non approuvés, l’employeur soutient que pendant l’évacuation d’urgence, la fonctionnaire et sa famille ont séjourné dans un Airbnb meublé avec des installations de cuisine et des effets mobiliers. Les articles de cuisine qu’elle a demandés, comme une cafetière à piston, un mélangeur à immersion et une poêle à frire, n’étaient pas essentiels. La fonctionnaire et sa famille ont reçu des indemnités de repas pendant cette période. Les effets mobiliers qu’elle a demandés, comme un duvet, un pèse‑personne électronique et des réveille‑matins, n’étaient pas non plus essentiels. Les articles comme les talons hauts, les produits de maquillage et les costumes pour enfants n’étaient pas essentiels.

[32] La fonctionnaire et sa famille sont arrivées au Canada à la fin du mois de mars 2020. Ils ont dû être mis en quarantaine pendant quelques semaines à leur arrivée, et les vêtements d’hiver saisonniers n’étaient pas nécessaires à ce moment‑là.

[33] La fonctionnaire aurait dû mettre les vêtements essentiels dans ses bagages. Il était raisonnable que l’employeur s’attende à ce que la fonctionnaire mette dans ses bagages des vêtements essentiels, tels que des sous‑vêtements, des chemises, des pantalons, des chaussettes et une veste pour chaque membre de la famille.

[34] Plus particulièrement, l’argument central de l’employeur est formulé en fonction de ce qu’il soutient être le pouvoir discrétionnaire de la direction lorsqu’il évalue les demandes en vertu de la Directive. Dans l’ensemble, il soutient qu’une avance comptable pour l’achat d’effets mobiliers essentiels en vertu de l’article 64.5 est assujettie à un vaste pouvoir discrétionnaire de la direction.

[35] L’employeur fait valoir que son pouvoir discrétionnaire n’est pas assujetti à l’examen de la Commission, sauf pour s’assurer qu’il a été exercé de manière raisonnable. La Commission ne devrait pas intervenir à moins que l’employeur se soit mal comporté sur le plan procédural ou n’ait pris une décision manifestement déraisonnable. Afin d’étayer cet argument, l’employeur fait référence à Nova Scotia Civil Service Commission v. Nova Scotia Government Employees Union, 1993 NSCA 111; et à Borst c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement), 2023 CRTESPF 83.

[36] De plus, l’employeur explique que, compte tenu du contexte de la pandémie de la COVID‑19 et des difficultés financières auxquels de nombreux Canadiens et Canadiennes ont été confrontés à cette époque, son exercice du pouvoir discrétionnaire d’appliquer une définition stricte et cohérente à ce qui est considéré comme des « articles essentiels » était raisonnable. L’exercice de son pouvoir discrétionnaire a été effectué de manière raisonnable en s’assurant que tout article approuvé constituerait une dépense justifiable des fonds publics.

[37] L’employeur convient que les DSE sont intégrées dans la convention collective et fait valoir que les règles modernes d’interprétation des contrats doivent s’appliquer dans le cadre de l’examen de ses dispositions. Il me demande d’interpréter les DSE en utilisant ces principes modernes. Citant Daigneault, il soutient que la Commission a conclu que si le libellé des DSE est clair, la Commission ne peut donc pas s’écarter de ce que les dispositions expriment clairement.

[38] L’employeur fait également référence à Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens combattants), 2013 CRTFP 165, au par. 67, et soutient que la fonctionnaire n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que son interprétation de l’article 64.5 de la Directive est appropriée, à l’aide d’une preuve suffisamment claire et convaincante. Par conséquent, il demande à la Commission de rejeter le grief.

[39] Subsidiairement, l’employeur me demande de rejeter le grief au motif qu’il est devenu théorique et que la fonctionnaire n’a pas réussi à démontrer des difficultés financières. Selon l’employeur, les avances comptables en vertu de l’article 64.5 ne peuvent être utilisées que pour acheter des articles qui sont les mêmes que ceux qui sont énumérés dans l’inventaire de la fonctionnaire. Cette condition est assujettie au paragraphe 64.10.2, lorsque les articles remplacés sont ensuite récupérés.

[40] L’employeur explique que le 12 août 2020, les effets de la fonctionnaire à Athènes ont été emballés et expédiés à Ottawa. Le 14 octobre 2020, ses effets ont obtenu la mainlevée aux douanes à Montréal et ont été transportés vers sa résidence permanente à Ottawa. Elle ne peut plus demander des avances comptables en vertu de l’article 64.5.

[41] À titre de mesure corrective, la fonctionnaire demande que l’employeur lui verse une avance comptable en vertu de l’article 64.5 et qu’elle bénéficie d’une mesure corrective intégrale. Elle n’est plus en situation d’évacuation d’urgence conformément aux dispositions de l’article 64. Tous les articles énumérés dans son inventaire ont été récupérés et lui ont été livrés en octobre 2020.

V. Analyse

[42] En premier lieu, il convient de noter qu’avant que le grief ne soit renvoyé à la Commission pour arbitrage, il a été renvoyé au Comité des Directives sur le service extérieur du CNM, puis à son Comité exécutif. Ils sont parvenus à une impasse.

[43] Il convient également de noter que les parties ont convenu de procéder par voie d’arguments écrits. Conformément à l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), la Commission a le pouvoir de trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience. Par conséquent, j’ai exercé ce pouvoir pour trancher le grief uniquement en fonction des arguments écrits.

[44] Le point de départ logique de cette analyse est les questions concernant le caractère théorique, car si les arguments de l’employeur concernant le caractère théorique sont confirmés, l’analyse prend fin.

A. La récupération des articles laissés à Athènes à la suite de l’évacuation rend‑elle le grief théorique?

[45] La réponse à cette question est négative.

[46] La Cour suprême du Canada a établi le critère du caractère théorique dans Borowski c. Canada (Procureur général), 1989 CanLII 123 (CSC), [1989] 1 R.C.S. 342 (« Borowski ») (voir la page 353). Le critère comporte deux étapes : en premier lieu, déterminer si un différend tangible et concret existe; en deuxième lieu, sinon, il faut décider s’il serait approprié d’exercer le pouvoir discrétionnaire et d’entendre tout de même l’affaire.

[47] La présente affaire comporte un litige actuel entre les parties. Le grief n’est donc pas théorique.

[48] L’employeur laisse entendre que le grief devrait être rejeté en raison de son caractère théorique, car tous les articles énoncés dans les inventaires de la fonctionnaire ont été récupérés et lui ont été livrés. L’employeur soutient que la fonctionnaire ne peut plus demander des avances comptables en vertu de l’article 64.5 puisqu’elle ne fait plus l’objet de l’évacuation d’urgence. L’employeur invoque le paragraphe 64.10.2 qui prévoit une indemnité pour les dommages ou la perte d’effets personnels et mobiliers.

[49] À mon avis, cet argument interprète mal l’objectif de l’article 64.5, qui impose l’évaluation de la demande d’un fonctionnaire pour une avance comptable au moment de l’évacuation, et non lors de la récupération subséquente des articles. L’interprétation de l’employeur créerait un résultat absurde, retardant l’aide essentielle et sapant la protection immédiate prévue par l’article 64.5.

[50] Il n’est pas contesté que la récupération des articles remplacés déclenche le paragraphe 64.10.2. Toutefois, ce paragraphe ne précise que deux options lorsque les articles remplacés sont récupérés : accepter les articles et recevoir la moitié du coût de remplacement ou les refuser et recevoir la totalité du coût de remplacement. Aucune de ces options ne laisse entendre une résolution automatique d’une affaire liée à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’employeur en vertu de l’article 64.5.

[51] La récupération des articles n’a pas rendu le grief théorique. Comme il a été indiqué dans Borowski, un différend ne devient pas théorique lorsqu’il existe encore un [traduction] « litige tangible et concret » entre les parties. Le grief, qui a été suscité par l’évaluation discrétionnaire de la demande de la fonctionnaire par l’employeur en vertu de l’article 64.5, était actif au début de la présente instance. Il est demeuré actif après la récupération des articles et a continué jusqu’à ce que la Commission rende sa décision.

[52] Par conséquent, les arguments de l’employeur concernant le caractère théorique sont rejetés. Je vais maintenant instruire les questions de fond soulevées sur le bien‑fondé.

B. Les questions à trancher

[53] Il n’y a qu’une seule question fondamentale à trancher, à savoir si l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’employeur lors de l’évaluation de la demande d’avances comptables de la fonctionnaire était raisonnable.

[54] Cet exercice était raisonnable.

[55] Pour la grande partie, les arguments des parties étaient axés sur l’interprétation de la convention collective. Cependant, il n’y a aucune ambiguïté dans l’article 64.5 de la Directive. Il n’y a aucun doute que les parties ont conféré à l’employeur un vaste pouvoir discrétionnaire pour autoriser des avances comptables afin de remplacer des articles essentiels, pour aider à couvrir les dépenses pendant une période d’évacuation. Le facteur le plus pertinent dans la présente affaire est la façon dont l’employeur a exercé ce pouvoir discrétionnaire.

[56] Le point de départ pour déterminer si l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’employeur était raisonnable est l’article 64.5, qui prévoit que l’employeur « […] pourra autoriser […] [des] avances comptables pour le remplacement des effets ménagers, des vêtements ou des jouets d’enfants essentiels laissés au poste et, dans le cas d’une évacuation […] [je mets en évidence] ».

[57] Citant Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels – CSN, aux paragraphes 22 et 23, la fonctionnaire soutient que l’employeur est tenu d’administrer la convention collective de manière équitable et raisonnable. La fonctionnaire a raison sur ce point.

[58] Pour sa part, l’employeur soutient que l’utilisation du mot « pourra », dans la phrase « […] pourra autoriser […] [des] avances comptables pour le remplacement des effets ménagers […] essentiels […] » à l’article 64.5 indique qu’il dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire et, par conséquent, les avances comptables sont assujetties au pouvoir discrétionnaire de la direction.

[59] La véritable question dans le présent cas ne consiste pas à savoir si l’article 64.5 utilise le terme « pourra » pour conférer un pouvoir discrétionnaire, mais si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de manière raisonnable – c’est‑à‑dire, de manière qui n’est pas arbitraire, abusive ou de mauvaise foi.

[60] Il est bien accepté dans la jurisprudence que le terme « pourra » à lui seul n’est pas déterminant (voir, par exemple, Butler v. Snelgrove, 2015 NLCA 46, au par. 26); il doit être examiné dans l’ensemble du contexte, ainsi que l’esprit et l’objectif de la disposition. Le terme « pourra » ne permet pas l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire d’une manière arbitraire, abusive ou de mauvaise foi. Tel qu’il a été justement indiqué dans Roncarelli v. Duplessis, [1959] S.C.R. 121, à la page 140, [traduction] « […] il n’y a rien de tel qu’une “discrétion” absolue et sans entraves, c’est‑à‑dire celle où l’administrateur pourrait agir pour n’importe quel motif ou pour toute raison […] ».

[61] Les parties m’ont renvoyée à Genest, aux paragraphes 51 à 54, et à Daigneault, aux paragraphes 28 et 29, pour m’aider à interpréter l’article 64.5. Ces décisions examinent les principes généraux régissant l’interprétation des conventions collectives. Je suis d’avis que le libellé de l’article 64.5 est clair et sans ambiguïté et qu’il ne nécessite pas d’interprétation.

[62] Le présent grief soulève une question d’administration ou d’application de la convention collective, qui peut être tranchée sous différents angles. Aux fins de cette analyse, j’ai décidé d’utiliser le principe directeur général de bonne foi régissant l’exécution des contrats, que la Cour suprême du Canada a reconnu dans Bhasin c. Hrynew, 2014 CSC 71. Récemment, la Cour a précisé l’obligation d’exercer les pouvoirs discrétionnaires de bonne foi dans Wastech Services Ltd. c. Greater Vancouver Sewerage and Drainage District, 2021 CSC 7 (« Wastech »).

C. Le principe directeur de bonne foi

[63] Au paragraphe 63 de Bhasin, la Cour a fait remarquer que le principe directeur de bonne foi énonce simplement que, de façon générale, les parties doivent exécuter leurs obligations contractuelles de manière honnête et raisonnable, et non de façon abusive ou arbitraire. De même, Wastech, aux paragraphes 62 à 64, a souligné que l’obligation d’exercer le pouvoir discrétionnaire contractuel de bonne foi « […] exige des parties qu’elles exercent celui‑ci d’une manière conforme aux objectifs pour lesquels il est conféré par contrat, ou, pour reprendre la terminologie du principe directeur dans l’arrêt Bhasin, qu’elles exercent leur pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable ».

[64] Dans le cadre de l’évaluation de la conduite de l’employeur lorsqu’il a appliqué le principe de l’obligation d’exercer le pouvoir discrétionnaire de bonne foi, il est utile de s’inspirer des directives que la Cour suprême du Canada a fournies dans Wastech, aux paragraphes 62 et 63.

[62] On peut se demander — comme l’ont fait les tribunaux et les universitaires à l’occasion — comment l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire contractuel apparemment absolu peut constituer une violation de contrat, puisqu’on pourrait faire valoir qu’une partie, lorsqu’elle exerce un tel pouvoir, même de façon opportuniste, fait simplement ce que l’autre partie a convenu qu’elle pouvait faire dans le contrat (D. Stack, « The Two Standards of Good Faith in Canadian Contract Law » (1999), 62 Sask. L. Rev. 201, p. 208). La réponse se trouve dans la « norme » qui sous‑tend les règles de droit particulières et se manifeste dans la doctrine particulière applicable, laquelle exige que lorsqu’une partie exerce un pouvoir discrétionnaire, elle doive le faire de bonne foi. Définie comme un principe directeur, cette norme exige que les parties exécutent leurs obligations contractuelles, et exercent leurs droits contractuels, de manière honnête et raisonnable, et non de façon abusive ou arbitraire (Bhasin, par. 63‑64). Par conséquent, un pouvoir discrétionnaire, même absolu, est limité par la bonne foi. L’exercer de manière abusive ou arbitraire, par exemple, est fautif et constitue une violation de contrat. Même absolu, le pouvoir discrétionnaire aura des objectifs qui tiennent compte des attentes et des intérêts communs des parties, lesquels aident à déterminer quand l’exercice est abusif ou arbitraire, pour garder le même exemple. Comme l’obligation d’exécution honnête étudiée dans les arrêts Bhasin et Callow, l’obligation d’exercer le pouvoir discrétionnaire de bonne foi limite la façon dont une personne peut exercer des droits contractuels à première vue illimités. Lorsqu’il y a manquement à l’obligation d’exécution de bonne foi, il y a violation du contrat. La question est de savoir quelles contraintes pose cette obligation précise à l’exercice du pouvoir discrétionnaire contractuel.

[63] Pour dire les choses simplement, l’obligation d’exercer un pouvoir discrétionnaire contractuel de bonne foi exige des parties qu’elles exercent celui‑ci d’une manière conforme aux objectifs pour lesquels il est conféré par contrat, ou, pour reprendre la terminologie du principe directeur dans l’arrêt Bhasin, qu’elles exercent leur pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable.

[Je mets en évidence]

 

[65] Selon les commentaires au paragraphe 62 de Wastech, « […] les parties [doivent] exécute[r] leurs obligations contractuelles, et exerce[r] leurs droits contractuels, de manière honnête et raisonnable, et non de façon abusive ou arbitraire […] ».

[66] La fonctionnaire a allégué que l’employeur avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière déraisonnable. Il incombait à la fonctionnaire d’établir que sa décision était déraisonnable, abusive ou arbitraire. Toutefois, l’énoncé conjoint des faits et les éléments de preuve dont je dispose n’étayent pas une conclusion selon laquelle la conduite de l’employeur était entachée de ces vices. Par conséquent, je ne suis pas d’avis que la fonctionnaire s’est acquittée du fardeau de la preuve, en particulier pour les motifs suivants.

1. La question relative au délai insuffisant pour préparer les bagages

[67] La fonctionnaire soutient qu’on ne lui a pas accordé un délai suffisant pour profiter de l’occasion d’apporter des bagages supplémentaires. Cependant, l’énoncé conjoint des faits indique que l’employeur a commencé à évacuer les fonctionnaires et leurs personnes à charge des postes dans d’autres pays à compter de janvier 2020. Étant donné que la fonctionnaire s’est identifiée comme une personne vulnérable, elle aurait pu commencer à envisager quels articles elle et ses trois personnes à charge pourraient avoir besoin d’apporter avec eux au moment de leur évacuation. Il semble qu’elle n’ait pas prévu de préparer les articles essentiels avant mars 2020, date à laquelle elle a été informée de son évacuation.

[68] Une partie pertinente de la demande de la fonctionnaire, qui a été présentée à l’aide du portail sur les DSE de l’employeur, se lit comme suit : [traduction] « Conformément à la DSE 64 – Je souhaite obtenir une avance comptable pour moi (fonctionnaire) et mes trois personnes à charge. Nous avons eu un préavis de moins de deux heures pour évacuer et nous devons acheter des articles […]. » Toutefois, la fonctionnaire a été informée de l’ordre d’évacuation d’urgence le 16 mars 2020. La fonctionnaire et sa famille ont quitté Athènes le 18 mars 2020, ce qui signifie qu’ils ont disposé d’un délai d’au moins 24 heures pour préparer leurs bagages.

a. La question relative à l’espace insuffisant pour les bagages

[69] De même, la fonctionnaire soutient que la capacité d’apporter des bagages supplémentaires était limitée par ce qui était physiquement possible de mettre dans un véhicule, car ils ont voyagé avec ses trois personnes à charge, deux chats et un chien. La fonctionnaire explique qu’il y avait à peine d’espace pour ses bagages, sa cage pour chien, ses cages de transport pour chats et ses enfants dans le plus grand véhicule et qu’il n’y avait pas d’espace pour des bagages supplémentaires. Toutefois, il ressort des éléments de preuve dont je dispose que les fonctionnaires qui ont été assujettis à l’évacuation d’urgence ont été informés qu’ils pouvaient réclamer le coût pour faire garder leurs animaux de compagnie ou les expédier en tant que bagages non accompagnés ou par fret aérien, au besoin, jusqu’au moment de l’évacuation. Même si le fait de voyager séparément de leurs animaux de compagnie n’était pas une solution idéale, la fonctionnaire avait eu l’occasion de se prévaloir de cette option pour créer de l’espace pour des bagages supplémentaires, mais elle a choisi de ne pas le faire.

[70] Il aurait sans aucun doute été préférable d’assurer l’évacuation de la fonctionnaire, de ses trois personnes à charge, du chien et des chats sans aucune contrainte. Toutefois, une évacuation d’urgence est intrinsèquement imparfaite. L’énoncé conjoint des faits indique que l’employeur a été le plus touché de tous les ministères fédéraux, dont plus de 70 % de ses fonctionnaires étaient affectés à l’étranger lorsque la pandémie de la COVID‑19 a éclaté. Dans une situation comme celle de la pandémie, où l’employeur a dû évacuer des centaines de fonctionnaires et leurs personnes à charge, il était impossible d’assurer la perfection. Même si la fonctionnaire peut estimer qu’elle n’a pas été traitée de manière équitable, il est également important de reconnaître que l’employeur a dû gérer une situation imprévisible et avait ses propres limitations et contraintes.

b. Les éléments non essentiels et non approuvés

[71] La DSE énonce ce qui suit : « Au moment de l’évacuation du fonctionnaire et/ou de ses personnes à charge, l’administrateur général pourra autoriser […] une ou plusieurs avances comptables pour le remplacement des effets […] essentiels […]. Ces avances ne peuvent être autorisées que pour l’achat d’articles qui sont les mêmes que ceux qui sont énumérés dans l’inventaire. »

[72] À mon avis, une lecture de l’article 64.5 établit que le caractère essentiel est une condition préalable à l’approbation de l’employeur. Les articles doivent non seulement être approuvés pour être essentiels, mais ils doivent également être destinés à remplacer des articles essentiels énumérés dans l’inventaire de la fonctionnaire. En d’autres termes, il incombe à la fonctionnaire d’établir que les articles pour lesquels elle demande l’approbation sont essentiels et sont énumérés dans son inventaire. Toutefois, même dans ce cas, l’employeur a le pouvoir discrétionnaire de refuser la demande, à condition de le faire de manière raisonnable.

[73] De cette manière, il me semble que le processus d’approbation pourrait être structuré en trois étapes.

[74] En premier lieu, la fonctionnaire doit établir que les articles demandés sont essentiels et qu’ils sont énumérés dans son inventaire. Cette étape est cruciale, car le fardeau de la preuve incombe à la fonctionnaire, ce qui exige qu’elle présente des renseignements convenables pour établir la nécessité des articles. La Directive ne prévoit aucune définition du terme « essentiel » et, à mon avis, ce qui est « essentiel » dépend en grande partie du contexte et des perspectives en fonction desquels la situation est évaluée.

[75] Cependant, malgré cette souplesse contextuelle, dans Colombie‑Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23 (CanLII), [2007] 2 R.C.S. 86, au par. 42, la Cour suprême du Canada a fourni une définition du terme « essentiel » qui, à mon avis, s’harmonise avec son sens ordinaire. Selon la définition de la Cour, le terme « essentiel » s’entend de « absolument nécessaire ». L’extrait pertinent du paragraphe 42 est reproduit ci‑dessous.

42 L’affaire qui nous occupe implique une entreprise fédérale, l’APV, constituée conformément à deux chefs de compétence législative fédérale, soit la compétence relative à la propriété publique (Loi constitutionnelle de 1867, par. 91(1A)) et celle relative à la navigation et aux bâtiments ou navires (par. 91(10)). Dans Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749 (« Bell Canada (1988) »), la Cour a limité l’application de la doctrine de l’exclusivité des compétences aux « éléments essentiels ou vitaux » de telles entreprises (p. 839 et 859‑860). Comme nous l’avons expliqué dans l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest, nous estimons que le juge Beetz a bien pesé ses mots, et qu’il entendait employer le mot « vital » dans son sens grammatical ordinaire, à savoir ce qui est « essentiel à la vie d’un individu, d’une collectivité; indispensable » (Nouveau Petit Robert (2007), p. 2724). Le mot « [e]ssentiel » possède un sens similaire, soit celui de ce qui « est absolument nécessaire (opposé à inutile) » (p. 932).

[Je mets en évidence]

 

[76] Une fois que la fonctionnaire fournit des renseignements justifiant que les articles demandés sont essentiels ou nécessaires, la deuxième étape exige l’évaluation de l’employeur. L’employeur évalue si les renseignements présentés et les circonstances de la personne étayent suffisamment sa demande. L’employeur détermine si la demande doit être approuvée en fonction des circonstances, et non de son interprétation personnelle de ce qui est « essentiel ». Toutefois, même lorsque les articles sont considérés comme essentiels, la DSE n’exige pas que l’employeur approuve une demande uniquement pour ce motif. L’employeur pourrait prendre en considération certains facteurs ou circonstances pertinentes, qui pourraient inclure ce qui suit :

· La pertinence des articles demandés, par exemple, s’ils sont énumérés dans l’inventaire du fonctionnaire s’estimant lésé.

· La question de savoir si les articles sont nécessaires dans le contexte des circonstances.

· La disponibilité de solutions de rechange : par exemple, s’il existe d’autres options, moins coûteuses, qui répondraient quand même aux besoins du fonctionnaire s’estimant lésé.

· Contraintes budgétaires : même s’il est établi que les articles sont essentiels, il pourrait exister des contraintes budgétaires ou d’autres considérations financières qui pourraient empêcher l’approbation d’une demande présentée en vertu de la DSE.

· La question de savoir si la demande dépasse les montants envisagés en vertu de l’article 64.5 de la DSE).

 

[77] La troisième et dernière étape est l’approbation ou le rejet de la demande. Il s’agit de l’étape où le pouvoir discrétionnaire de l’employeur entre en jeu. Le pouvoir discrétionnaire à cette étape est exercé en tenant compte de toutes les circonstances concernant la demande et en veillant à ce que la décision soit conforme à l’objectif prévu de la DSE. La décision définitive d’approuver ou de rejeter la demande devrait être prise d’une manière qui peut être raisonnablement justifiée dans le contexte des circonstances individuelles. Si l’employeur refuse l’avantage, les raisons du refus devraient être communiquées clairement et fondées sur des considérations raisonnables (par exemple, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas établi que les articles étaient essentiels).

[78] Dans le présent cas, il semble que l’une des raisons pour lesquelles la demande de la fonctionnaire a été refusée était que la fonctionnaire avait reçu une directive de préparer des bagages supplémentaires, avec autant d’articles essentiels que possible, et qu’elle avait été avertie que l’achat d’articles essentiels ne serait autorisé que dans des circonstances exceptionnelles. De plus, certains articles que la fonctionnaire a demandés, tel qu’une cafetière à piston, un mélangeur à immersion et une poêle à frire ont été refusés au motif qu’ils auraient dû être fournis par l’hôtel. Il ressort de l’énoncé conjoint des faits que, pendant l’évacuation d’urgence, la fonctionnaire et sa famille ont séjourné dans un Airbnb meublé, avec des installations de cuisine et des effets mobiliers. La fonctionnaire et sa famille avaient également reçu des indemnités de repas pendant cette période.

[79] De même, les effets mobiliers que la fonctionnaire a demandés, tel qu’un duvet, un pèse‑personne électronique et des réveille‑matins, ainsi que d’autres articles comme des talons hauts, des produits de maquillage et des vêtements d’hiver pour enfants, n’ont pas été approuvés, car ils ont été considérés comme non essentiels.

[80] Comme je l’ai déjà indiqué, le fardeau d’établir que ces articles étaient essentiels incombait à la fonctionnaire. Par exemple, la fonctionnaire aurait pu fournir des raisons expliquant la raison pour laquelle des articles tels qu’une cafetière à piston, un duvet et des vêtements d’extérieur d’hiver pour enfants étaient essentiels ou nécessaires. Cependant, aucun tel élément de preuve ou renseignement n’a été déposé devant la Commission. Par conséquent, la décision de l’employeur de ne pas approuver ces articles ne peut pas être considérée comme déraisonnable.

[81] De plus, en ce qui concerne la question de ne pas approuver les vêtements, la fonctionnaire soutient que, puisque les parties ont inclus particulièrement le mot « vêtements » dans l’article 64.5 de la Directive, il s’ensuit que la demande d’avance comptable pour des vêtements aurait dû être approuvée.

[82] L’affirmation de la fonctionnaire selon laquelle tous les articles de vêtement auraient dû être approuvés simplement parce qu’il s’agissait de vêtement est en contradiction directe avec les termes clairs de la Directive qui prévoit que ces articles doivent être considérés comme essentiels. Je ne constate aucune intention ni aucune décision de la part de l’employeur de refuser le remboursement de tous les vêtements, mais il n’est pas non plus tenu d’approuver toutes ces demandes simplement parce qu’il s’agit de vêtements. Tous les articles demandés aux fins de remboursement doivent, d’abord et avant tout, être considérés comme essentiels.

[83] L’article 64.5 dispose que l’employeur « […] pourra autoriser […] une ou plusieurs avances comptables pour le remplacement des effets ménagers, des vêtements ou des jouets d’enfants essentiels laissés au poste […] [je mets en évidence] ». À mon avis, le mot « vêtements » à l’article 64.5 est descriptif ou exemplatif. Il s’agit d’un exemple, entre autres, et doit être lu en association avec tous les articles qui peuvent être inclus dans la disposition. Dans ce contexte, accepter l’affirmation de la fonctionnaire aurait pour résultat malheureux de mettre l’employeur dans une situation impossible d’approuver toutes les demandes d’avance comptable pour des vêtements. Cela ne serait pas l’objectif de l’article 64.5. Il ne faut pas se limiter uniquement aux mots utilisés dans la disposition; il faut également inclure le contexte pertinent.

[84] De plus, en considérant à la fois les versions anglaise et française de l’article 64.5, la version française est sans équivoque claire en utilisant les termes « des vêtements essentiels », ce qui souligne que les vêtements doivent être essentiels.

[85] L’employeur a expliqué que son exercice de son pouvoir discrétionnaire était guidé par les objectifs de maximiser l’efficacité et de réduire au minimum les coûts, étant donné qu’il était confronté à une situation imprévisible; il ne pouvait pas prédire la durée de l’évacuation. C’est pourquoi il a informé les fonctionnaires avant l’évacuation qu’il se pouvait que les dépenses ne soient pas toutes approuvées et pourquoi il leur avait demandé de préparer des bagages supplémentaires.

[86] Même si la fonctionnaire a été déçue que sa demande n’a pas été entièrement approuvée, il était raisonnable pour l’employeur de s’assurer que les dépenses étaient gérées de manière efficace et efficiente. Il est également important de garder à l’esprit que l’objectif du présent cas est de déterminer le caractère raisonnable de la décision de l’employeur, et non pas si sa décision était appropriée pour la fonctionnaire. Mon rôle n’est pas de réévaluer la demande de la fonctionnaire ou de définir ce qui est considéré comme essentiel ou non essentiel, mais plutôt de déterminer si l’employeur a agi d’une manière déraisonnable, arbitraire ou abusive. Dans les circonstances du présent cas, je ne constate aucun fondement pour conclure que le refus de l’employeur d’approuver la demande de la fonctionnaire était déraisonnable.

[87] Je n’ai aucun doute que les problèmes soulevés par la fonctionnaire lui ont causé des défis importants, et en même temps, il faut garder à l’esprit les défis uniques de la pandémie de la COVID‑19, au cours de laquelle les ordres d’évacuation étaient traités. La pandémie et les confinements connexes ont créé des défis sans précédent, comportant de nombreux facteurs inconnus pour tout le monde, y compris les gouvernements, les communautés, les familles et les personnes.

c. Allégation de l’omission d’évaluer la demande de la fonctionnaire sur le fond

[88] L’énoncé conjoint des faits indique qu’étant donné la diversité et la quantité des demandes de remplacement d’articles essentiels conformément à la Directive, l’employeur souhaitait assurer une approche commune quant à la façon dont ces demandes étaient traitées. L’employeur affirme qu’il a appliqué une définition stricte de « article essentiel » dans l’ensemble de la fonction publique pendant la pandémie de la COVID‑19. Toutefois, il n’a pas expliqué ce qu’était cette définition stricte.

[89] La fonctionnaire fait valoir que l’employeur n’a pas examiné séparément chaque demande et la série de faits afférents. Citant le paragraphe 33 de Coppin c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 81, la fonctionnaire laisse entendre que l’employeur n’a pas fondé sa décision sur le bien‑fondé de sa demande.

[90] La décision Coppin se distingue par les faits et comporte une application très limitée dans ces circonstances. Dans Coppin, les fonctionnaires s’estimant lésés faisaient partie des fonctionnaires qui avaient été empêchés de se présenter au travail en raison d’une tempête hivernale. Tous les autres fonctionnaires, à l’exception des fonctionnaires s’estimant lésés, avaient demandé un congé annuel ce jour‑là. Les fonctionnaires s’estimant lésés avaient présenté des demandes de congé payé pour « d’autres raisons » en vertu de leur convention collective. L’employeur a refusé leurs demandes et leur a plutôt accordé un congé annuel. En fonction des circonstances de ce cas, l’ancienne Commission a, à juste titre, conclu que l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’employeur était déraisonnable.

[91] Dans le présent cas, l’argument selon lequel la demande n’a pas été examinée sur le fond n’est pas étayé par les faits importants, pour les raisons suivantes.

[92] Avant l’évacuation, la fonctionnaire a été avertie de la possibilité que les dépenses ne soient pas toutes approuvées en vertu de l’article 64.5. À la suite de sa demande d’une avance comptable, les raisons pour lesquelles tous les articles n’ont pas été approuvés lui ont été fournies; certains des articles dans sa demande n’ont pas été considérés comme essentiels, conformément à la décision de l’employeur d’appliquer une définition cohérente des « articles essentiels » à toutes les demandes d’avance comptable en vertu de la Directive pendant la pandémie de la COVID‑19. Il a également été indiqué que « […] la plupart des articles demandés auraient normalement été fournis par l’hôtel ou le logement temporaire. Si la fonctionnaire a choisi un endroit non meublé, cela aurait été considéré comme une décision personnelle. »

[93] Il semble que l’une des questions les plus importantes que l’employeur a prise en compte lorsqu’il a refusé la demande de la fonctionnaire était l’aspect financier, par exemple le fait de ne pas approuver le remplacement des articles qui auraient été fournis par un hôtel ou de ceux considérés comme non essentiels, comme des talons hauts, des produits de maquillage et des costumes pour enfants. Par conséquent, je ne peux souscrire à l’affirmation de la fonctionnaire selon laquelle l’employeur n’a pas évalué sa demande sur le fond.

[94] De plus, je ne suis pas d’avis que l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’employeur était arbitraire ou qu’il a été exercé de manière abusive. La Directive ne précise pas la façon dont le pouvoir discrétionnaire doit être exercé. Elle n’utilise pas de termes comme « raisonnable », « arbitraire » ou « mauvaise foi ». Si je peux emprunter une terminologie des raisons dans Grain and General Services Union v. Viterra Inc., 2012 CanLII 12423 (CA LA), au par. 129, citant Telus Communications Inc. v. Telecommunications Workers Union, [2007] C.L.A.D. No. 358 (QL), au par. 50 :

[Traduction]

[129] […] Le terme « arbitraire » est utilisé pour définir des actions et des décisions […] qui sont effectuées de manière abusive et déraisonnable en faisant délibérément fi des faits. La « mauvaise foi » est définie comme envisageant un « état d’esprit comportant un objectif furtif ou de malveillance ».

[Je mets en évidence]

 

[95] Je ne suis pas d’avis que l’employeur a agi [traduction] « en faisant délibérément fi des faits ». Il a fourni des directives claires dès le début de l’évacuation, et pendant le processus, il a expliqué la justification de l’évaluation de la demande de la fonctionnaire. Par exemple, il a conclu que le pèse‑personne, les réveille‑matins, les talons hauts, les produits de maquillage et les costumes pour enfants n’étaient pas essentiels dans les circonstances. En agissant ainsi, il a démontré que sa décision de ne pas approuver certains articles était fondée sur une étude réfléchie. Par conséquent, puisque la décision a été prise à la suite d’une étude, elle ne peut pas être considérée comme abusive ou arbitraire.

[96] En fin de compte, la fonctionnaire allègue que le refus de l’employeur de sa demande de 5 500 $ a imposé un fardeau financier imprévu à elle et à sa famille. Cependant, aucun élément de preuve permettant d’établir la façon dont les contraintes financières subies par la fonctionnaire et l’ampleur de ces contraintes étaient liées à la décision de l’employeur de ne pas approuver l’avance comptable. Il convient de noter que la Directive n’indique pas qu’une indemnité est justifiée, même dans les cas où le refus de l’employeur a été raisonnable, si le fonctionnaire a subi un type de contrainte financière prédominante.

[97] Compte tenu de tout ce qui a été examiné jusqu’à présent, je suis convaincue que la décision de l’employeur n’a pas violé la Directive, qui fait partie de la convention collective ou l’obligation implicite d’exercer le pouvoir discrétionnaire contractuel de bonne foi et de manière raisonnable. Je conclus qu’il a rejeté la demande en fonction des considérations appropriées. On ne peut pas dire que sa décision était arbitraire, abusive ou prise de mauvaise foi.

[98] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[99] Les arguments de l’employeur concernant le caractère théorique sont rejetés.

[100] Le grief est rejeté.

Le 3 avril 2025.

Traduction de la CRTESPF

Goretti Fukamusenge,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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