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Date: 20250410

Dossier: 566‑02‑09525

 

Référence: 2025 CRTESPF 36

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

Keith Reilly

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère des Transports)

 

Employeur

Répertorié

Reilly c. Conseil du Trésor (ministère des Transports)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Steven B. Katkin, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Zachary Rodgers, avocat

Pour l’employeur : Calvin Hancock, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence

les 19 et 20 septembre et le 8 novembre 2023

et par arguments écrits

déposés le 15 décembre 2023, le 19 janvier et les 2 et 7 février 2024.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Keith Reilly, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») était un inspecteur de la sécurité de l’aviation civile (classifié au groupe et au niveau TI‑06) auprès de Transports Canada (l’« employeur »). Le 4 janvier 2012, il a déposé un grief au motif qu’il avait droit à l’« indemnité provisoire » prévue à l’appendice P de la convention collective des Services techniques conclue entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « syndicat ») et le Conseil du Trésor, qui a expiré le 21 juin 2011 (la « convention collective »). L’employeur a rejeté le grief, et le syndicat l’a renvoyé à l’arbitrage à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission », qui dans la présente décision fait également référence à ses prédécesseurs).

[2] La question devant la Commission était de savoir si le fonctionnaire comptait les « […] six (6) à dix (10) années d’expérience en procédé de fabrication » requis par l’appendice P pour être admissible à l’indemnité provisoire.

[3] Le fonctionnaire a soutenu qu’il possédait l’expérience requise en raison de son travail avec les fiches de progression de vol et les règlements de zonage aéroportuaire (RZA), qu’il a tous deux qualifiés de procédés de fabrication. L’employeur a soutenu qu’il avait effectué un travail qualifié et très apprécié dans ces deux domaines, mais que ce travail ne constituait pas une expérience en procédé de fabrication.

[4] Je conclus que ni le travail du fonctionnaire avec les fiches de progression de vol ni avec les RZA ne constituaient une expérience en matière de procédé de fabrication qui le rendrait admissible à recevoir l’indemnité provisoire.

II. Contexte

[5] Lorsque le grief a été déposé, l’appendice P de la convention collective se lisait comme suit :

[…]

Dans le but de résoudre les problèmes de maintien en poste de l’effectif, l’Employeur versera une indemnité aux titulaires de certains postes faisant partie du Groupe de l’inspection technique.

To resolve retention problems, the Employer will provide an allowance to incumbents of specific positions for the performance of duties in the Technical Inspection Group.

Les employé‑e‑s de Transports Canada […] titulaires des postes de niveau TI‑5 à TI‑8 énumérés ci‑dessous et possédant les qualités précisées sont admissibles aux indemnités provisoires énumérées ci‑dessous.

Employees in Transport Canada … who are incumbents at the TI‑5 through TI‑8 levels in the following positions and who possess the listed qualifications shall be entitled to Terminable Allowances as listed below.

[…]

Les inspecteurs de l’aviation civile titulaires d’un diplôme universitaire […] qui possèdent de six (6) à dix (10) années d’expérience en procédé de fabrication […]

civil aviation safety inspectors holding a university degree … with six (6) to ten (10) years of manufacturing process experience.…

[…]

[Je mets en évidence]

 

 

[6] Le 18 octobre 2013, son libellé a été modifié pour exiger particulièrement une expérience dans la fabrication de produits aéronautiques, comme suit :

[…]

· Les inspecteurs de l’aviation civile titulaires d’un diplôme universitaire ou d’un certificat décerné par un collège, ou qui sont membres de la American Society for Quality Control, et qui possèdent six (6) années ou plus d’expérience au sein de l’industrie dans l’exécution ou la supervision de procédé de fabrication de produits aéronautiques […]

· civil aviation safety inspectors holding a university degree, college certificate or a current membership in the American Society for Quality Control who have six (6) or more years of industry experience in the performance or supervision of aeronautical product manufacturing processes.…

[…]

[Je mets en évidence]

 

 

[7] Il n’était pas contesté que le fonctionnaire était un inspecteur de la sécurité de l’aviation civile TI‑06 auprès de l’employeur et qu’il détenait un baccalauréat en arts de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario. Par conséquent, il a clairement satisfait à tous les autres critères pour avoir droit à l’indemnité provisoire, sauf celle en litige.

[8] Le fonctionnaire a commencé à travailler pour l’employeur en 1978 en tant que contrôleur adjoint de la circulation aérienne. En 1981, son titre de poste a été changé à spécialiste technique d’exploitation (STE), qu’il a occupé jusqu’à ce qu’il soit promu à superviseur technique d’exploitation en 1991. Les éléments de preuve de cette période se rapportent à son travail avec les fiches de progression de vol.

[9] En 1992, il a été muté à un poste d’agent de planification – analyste des systèmes et a commencé à travailler sur les RZA. En 1996, il a été muté à NAV Canada à titre d’analyste des systèmes, mais il a continué de gérer les modifications et les textes des RZA en vigueur dans la région de l’Ontario de l’employeur. En 1999, il est retourné chez l’employeur en tant qu’inspecteur de la sécurité de l’aviation civile – aérodromes et navigation aérienne. Il a occupé ce poste d’attache jusqu’à sa retraite en 2014.

[10] En avril 2010, le fonctionnaire a appris qu’un collègue, qui était également un inspecteur de la sécurité de l’aviation civile – aérodromes et navigation aérienne, avait l’intention de demander une indemnité provisoire en fonction de son expérience en développement de logiciels. En décembre 2010, le fonctionnaire a appris que son collègue avait reçu l’indemnité, avec effet rétroactif à sa date d’embauche. Le fonctionnaire a conclu que si le développement de logiciels était considéré comme une expérience en procédé de fabrication aux fins de l’indemnité provisoire, alors son expérience de travail avec des fiches de progression de vol ou des RZA, qui impliquaient toutes deux la manipulation de données en un outil utilisable, devrait également l’être.

[11] Le 7 février 2011, il a demandé l’indemnité provisoire en fonction de son travail avec les fiches de progression de vol de 1981 à 1992 et avec les RZA de 1992 à 2011. L’employeur a refusé sa demande.

III. Résumé de la preuve concernant les fiches de progression de vol

[12] Le fonctionnaire a expliqué en détail ce qu’il considérait comme le procédé de fabrication des fiches de progression de vol et son rôle dans ce procédé en tant que STE et en tant que superviseur technique d’exploitation. Il a témoigné que les STE travaillent sur une chaîne de montage, recueillant des données sur les vols prévus. Ils utilisent ces données pour produire des fiches de progression de vol.

[13] Une fiche de progression de vol est une fiche de papier que les contrôleurs de la circulation aérienne utilisent pour situer les vols et enregistrer les directives qu’ils donnent au pilote d’un vol. Les vols selon les règles de vol aux instruments (« IFR ») dépendent des directives des contrôleurs de la circulation aérienne pour assurer une séparation sécuritaire entre les aéronefs. Ils travaillent en équipes de deux : un contrôleur est chargé du radar et communique avec les pilotes, l’autre, connu sous le nom de [traduction] « l’homme de tableau », est chargé du tableau contenant les fiches de progression de vol.

[14] Les emplacements géographiques sont appelés des « repères ». Une fiche de progression de vol est créée pour chaque repère qu’un aéronef doit traverser le long de sa route. Chaque fiche est livrée à l’homme de tableau qui est chargé du secteur géographique dans lequel ce repère est situé. Selon le vol, chaque secteur pourrait avoir besoin d’une ou de plusieurs fiches pour un seul vol. Pour chaque repère, la fiche de progression de vol contient l’indicatif d’appel de l’aéronef, le type, le code du transpondeur, la vitesse anémométrique, l’itinéraire, l’heure d’arrivée prévue et l’altitude prévue au repère.

[15] Les fiches de progression de vol en direct sont insérées dans les porte‑fiches et disposées ensemble sur le tableau, selon le repère. Les porte‑fiches permettent le déplacement des fiches entre différents emplacements sur le tableau, pour tenir compte d’où le vol est géographiquement situé par rapport aux autres vols contrôlés. Cela permet à l’homme de tableau de voir d’un coup d’œil quand et à quelle altitude tous les vols actifs sont estimés arriver à un repère donné. L’homme de tableau enregistre l’heure d’arrivée réelle lorsque le pilote la signale.

[16] Les fiches de progression de vol sont un outil essentiel pour assurer la séparation et agissent comme un dispositif de sécurité en cas de dysfonctionnement du radar. Lorsque les vols quittent un secteur, les fiches sont archivées et servent de registres judiciaires des directives données à l’aéronef.

[17] Le fonctionnaire a décrit ce qu’il considérait comme le [traduction] « procédé de fabrication des fiches de progression de vol ». Il a dit qu’une équipe de STE a fabriqué les fiches, les a livrées aux contrôleurs et les a regroupés à des fins de tenue de registres. Le procédé a commencé lorsque le STE chargé des téléphones a recueilli les données brutes d’un exploitant aérien ou d’un pilote. Ils rempliraient ensuite un formulaire de plan de vol qui leur était soit dicté par un exploitant lisant le même formulaire, soit en interrogeant le pilote. Les STE ont également reçu des plans de vol par d’autres moyens, comme les télétypes, et les ont transcrits sur des formulaires de plans de vol.

[18] Une fois rempli, un formulaire de plan de vol a été remis à un STE chargé du Système commun en route et terminal (JETS) qui remplirait le radar et indiquerait le code de transpondeur de l’aéronef, qui serait ajouté au plan de vol, aux fins d’inclusion sur la fiche de progression de vol. Le formulaire de plan de vol serait ensuite transmis à un STE dotant le Système national de traitement des données de vol (SNTDV), qui saisirait les renseignements du plan de vol dans le SNTDV.

[19] Certains éléments pourraient être pris directement du formulaire de plan de vol, mais l’itinéraire était plus complexe. Le STE affecté au SNTDV devait vérifier la route proposée par rapport à une liste des itinéraires privilégiés et des routes communes qui était conservée dans un classeur tenu à jour par l’employeur. Le STE choisirait soit un itinéraire privilégié, si le plan de vol en avait utilisé un, soit une route qui correspondait plus étroitement au plan de vol proposé. Une fois qu’une route est saisie dans le SNTDV, il génère une liste de repères prévus le long de cette route. Le STE pourrait alors ajuster manuellement les repères pour tenir compte de la route proposée par l’exploitant aérien ou le pilote ou, au besoin, créer manuellement des repères là où il n’y en avait pas, pour tenir compte du plan de vol.

[20] Dans certains cas, le STE contournerait le plan de vol et exigerait que l’exploitant ou le pilote suive l’itinéraire privilégié. Dans le présent cas, les fiches de progression de vol comporteraient la mention [traduction] « Autorisation de la route complète », pour s’assurer que les contrôleurs lisent la route complète au pilote et reçoivent une bonne rétroaction de l’ensemble de la route avant que le pilote ne soit autorisé à décoller.

[21] Chaque STE qui a travaillé avec un plan de vol pouvait corriger des erreurs, par exemple, lorsque le plan de vol était communiqué par téléphone ou lorsque le STE chargé du SNTDV manipulait la route. En fin de compte, il incombait au STE chargé du SNTDV d’assurer la viabilité de la route.

[22] En plus du processus du SNTDV, le fonctionnaire a dit qu’en ce qui concerne les vols enregistrés au centre, des fiches de progression de vol étaient créées à l’aide de différents outils. Les vols enregistrés au centre étaient ceux qui étaient gérés régulièrement et de manière uniforme par un exploitant aérien. Les fiches de progression de vol pour les vols enregistrés au centre ont été, selon les mots du fonctionnaire, fabriquées à l’aide d’un ordinateur à cartes perforées IBM 1800.

[23] Une fois qu’un exploitant aérien a confirmé qu’un vol enregistré au centre se déroulait sans changement, le STE utilisait l’ordinateur IBM 1800 pour imprimer les fiches de progression de vol à chacun des repères pertinents. Si un changement était apporté à un vol enregistré au centre, le STE chargé du SNTDV produirait les fiches de progression de vol, conformément au processus du SNTDV.

[24] Onze STE ont travaillé dans ce qu’on appelait la [traduction] « salle arrière » selon un horaire de travail rotatif de trois quarts, pour doter le centre de contrôle 24 heures sur 24, 365 jours par an. La salle arrière fonctionnait comme une chaîne d’assemblage, chaque STE passant par les tâches désignées suivantes :

· postes téléphoniques – plans de vol recueillis et exploitation du Système intégré de contrôle des communications (ICCS) pour communiquer avec d’autres centres de contrôle;

 

· poste de télétype – a reçu des plans de vol par télétype et était responsable de l’envoi de renseignements importants à d’autres centres de contrôle, y compris aux États‑Unis;

 

· poste du JETS – remplit le radar et les codes de transpondeur générés;

 

· poste du OIDS – saisir des renseignements dans le Système d’affichage de l’information opérationnelle (OIDS), qui comprenait des renseignements météorologiques et des avis aux aviateurs;

 

· poste du SNTDV – plans de vol traités en fiches de progression de vol à l’aide du SNTDV;

 

· poste AMIS – a reçu des missions militaires et s’est assuré que le STE du SNTDV a généré en temps opportun des fiches de progression de vol militaire;

 

· VFR – suivi des vols à vue à l’aide de fiches de progression de vol.

 

 

[25] Les STE ont utilisé des outils communs et spécialisés dans le cadre de leur travail, y compris le SNTDV, l’ICCS, les aides manuelles à la base de données, les ordinateurs et les téléphones spécialisés et les machines de télétype. Le fonctionnaire a dit qu’il utilisait ces outils pour, selon ses propres mots, fabriquer des fiches de progression de vol et qu’il les maintenait également en réparant les imprimantes spécialisées et en s’assurant que les bases de données comme le SNTDV étaient régulièrement mises à jour pour inclure les routes communes.

[26] Selon le fonctionnaire, le poste de STE était semblable à celui d’un travailleur d’usine traitant un grand nombre de données de vol proposées dans un format exploitable pour le contrôle de la circulation aérienne.

[27] L’employeur a convenu que, en sa qualité de STE et brièvement de superviseur technique d’exploitation à l’aéroport international Pearson à Toronto, en Ontario, le fonctionnaire a travaillé au sein d’une équipe qui recevait des renseignements des compagnies aériennes ou des aviateurs, imprimait ces renseignements sur des fiches de progression de vol et fournissait divers autres services de soutien, afin de faciliter le travail des contrôleurs de la circulation aérienne.

[28] Les éléments de preuve de l’employeur indiquaient que les plans de vol enregistrés au centre ne nécessitaient généralement pas de modifications ou d’analyse supplémentaire des renseignements avant que les fiches de progression de vol ne soient imprimées. La compagnie aérienne ou l’aviateur pourrait conserver les renseignements au dossier avec l’équipe de STE et communiquer avec eux uniquement si des modifications étaient nécessaires. Le superviseur technique d’exploitation a créé les cartes perforées sur lesquelles les renseignements de vol enregistrés au centre étaient conservées, et les STE ont introduit ces cartes dans l’ordinateur à cartes perforées IBM qui imprimait ensuite automatiquement les fiches de progression de vol indiquant les renseignements de vol enregistrés au centre. En contre‑interrogatoire, le fonctionnaire a convenu que, à moins que la compagnie aérienne ne fasse part d’une modification d’un vol enregistré au centre, la préparation de la fiche de progression de vol ne nécessitait que d’introduire la carte perforée dans la machine.

[29] En ce qui concerne d’autres vols, les aviateurs ou les compagnies aériennes communiqueraient avec l’équipe de STE par téléphone ou par télétype, afin de fournir le plan de vol et d’autres renseignements requis. Le rôle du STE à ce stade était de s’assurer que les renseignements étaient corrects, de les saisir dans le SNTDV et de faire part des modifications nécessaires.

[30] L’employeur a fait remarquer que le fonctionnaire avait reconnu ce qui suit au cours de son contre‑interrogatoire :

que la plupart des renseignements requis, comme le type et l’ID de l’aéronef et le code du transpondeur, n’ont que rarement été corrigés ou modifiés. La modification la plus courante requise était celle apportée à la route demandée si un pilote n’avait pas demandé l’itinéraire privilégié;

 

l’itinéraire privilégié pour les vols a été publié dans un document appelé le Supplément de vol du Canada qui est à la disposition du public et auquel les aviateurs avaient accès;

 

si des modifications de la route étaient nécessaires, le STE avait accès à un livre physique contenant des routes et des numéros de route pour générer les repères appropriés dans le SNTDV. Le superviseur technique d’exploitation tenait à jour le livre, et non les STE et ils ne créaient pas les itinéraires privilégiés;

 

lorsque les STE ont saisi un numéro de route à partir du livre de référence physique, le SNTDV remplissait automatiquement les repères proposés. Les STE vérifieraient si des modifications étaient nécessaires; dans l’affirmative, ils pourraient manipuler manuellement les repères avant l’impression et, si aucune modification n’était nécessaire, ils pourraient imprimer la fiche de progression de vol;

 

la plupart des vols avec lesquels le fonctionnaire a traité en tant que STE étaient entre des destinations avec des tours de contrôle qui avaient des repères simples ou communs à partir des routes tenues à jour dans le livre de référence physique. Si un pilote se trouvait dans une zone de faible densité sans un itinéraire privilégié, le STE pourrait toujours utiliser le livre de routes pour choisir l’approximation qui correspond le plus étroitement à la route proposée, puis effectuer des modifications manuelles dans le SNTDV pour s’assurer que les repères étaient appropriés.

 

[31] Une fois le vol terminé, les fiches de progression de vol ont été recueillies et comptées à des fins statistiques. En contre‑interrogatoire, le fonctionnaire a convenu qu’ils ne servaient plus à aucune fin pratique pour faciliter le contrôle de la circulation aérienne en toute sécurité. Ils ont été retenus pendant six mois pour des raisons de responsabilité en cas d’accident, de quasi‑accident ou de plainte.

[32] Le fonctionnaire a reconnu que plusieurs des rôles du STE n’étaient pas directement liés à ce qu’il appelait la fabrication de fiches de progression de vol. Ils ont fourni d’autres services essentiels aux contrôleurs de la circulation aérienne, pour les soutenir et les aider dans leur tâche d’assurer une séparation sécuritaire entre les aéronefs.

[33] Une offre d’emploi de STE datée du 30 juin 1989, et déposée en preuve, ne contenait aucune référence à la fabrication et énonçait les tâches comme suit : [traduction] « […] Fournir un service de soutien aux contrôleurs, pilotes d’avion et autres organismes concernés par le mouvement sûr et efficace des aéronefs […] ».

[34] Une offre d’emploi de superviseur technique d’exploitation datée du 17 mai 1991 décrivait les attributions comme superviser les STE pour fournir différents services afin de soutenir les contrôleurs de la circulation aérienne et ne faisait aucune référence à la fabrication.

[35] Une offre d’emploi STE de contrôle de la circulation aérienne non datée, déposée en preuve, décrivait de manière semblable les fonctions et ne faisait aucune référence à la fabrication.

[36] En contre‑interrogatoire, le fonctionnaire a convenu qu’aucune de ces offres d’emploi ne mentionnait la fabrication.

[37] Un formulaire d’évaluation du rendement de STE a fait référence à [traduction] « produire des fiches de progression de vol » comme un sous‑titre dans une catégorie plus large de l’évaluation de la capacité à [traduction] « fournir un soutien technique » aux contrôleurs de la circulation aérienne. Elle ne faisait aucune référence à la fabrication.

IV. Résumé de la preuve concernant les RZA

[38] De 1992 jusqu’à sa retraite en 2014, le travail du fonctionnaire comportait la responsabilité des RZA. Un RZA est un règlement édicté conformément à l’article 5.4 de la Loi sur l’aéronautique (L.R.C. (1985), ch. A‑2), dont le but fondamental est de restreindre le développement sur des terres à proximité d’un aéroport, afin d’éviter une utilisation des terres qui serait incompatible avec l’exécution de cet aéroport en toute sécurité.

[39] Le fonctionnaire a expliqué que les RZA sont préparés en traçant une série de surfaces imaginaires autour de l’aéroport qui serviront de restrictions de hauteur aux fins du développement. Ils comprennent des restrictions sur les utilisations des terres qui, par exemple, pourraient interférer avec la communication aérienne, permettre une croissance naturelle qui dépasserait les restrictions de hauteur, ou attirer des oiseaux qui pourraient créer un danger pour l’aviation.

[40] Le fonctionnaire a résumé ce qu’il a appelé le [traduction] « […] procédé de fabrication et d’adoption des RZA […] » en référence au document Instruction visant le personnel, qui décrivait le procédé étape par étape tel qu’il était à cette époque et dans cette région, comme suit :

 

· Le promoteur demande l’adoption ou la modification d’un RZA.

 

· L’inspecteur engage des discussions pour expliquer que le promoteur sera chargé de tous les frais de zonage et de la surveillance de la conformité et aide le promoteur à remplir le formulaire des exigences de RZA.

 

· En utilisant le formulaire des exigences, l’inspecteur prépare ce qu’on appelle une « entente d’engagement » et une note d’information à l’intention du directeur régional de l’aviation civile et de l’agent préposé au zonage et à l’utilisation de terre de l’employeur, qui est mis à jour à plusieurs étapes du processus.

 

· L’inspecteur gère plusieurs séances d’information internes au sein de l’employeur.

 

· Le promoteur, en consultation avec l’inspecteur, communique avec un fournisseur de services, habituellement Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), tel qu’il était désigné à l’époque, pour obtenir les documents nécessaires pour le livre de règlement de zonage. Le livre comprend des arpentages, des intrusions existantes, des recherches de titres, un projet de règlement, des schémas codés par couleur des surfaces et des descriptions légales de toutes les terres touchées. À ce stade, les documents sont collectivement appelés [traduction] « directives de zonage ».

 

· L’inspecteur examine l’ébauche du promoteur afin de vérifier la conformité.

 

· L’inspecteur organise la traduction des directives de zonage et les envoie à l’Unité des règlements des Services juridiques du ministère de la Justice (l’« Unité des règlements »), qui les utilise pour créer un projet de règlement aux fins de discussions qui sont ensuite retournées à l’inspecteur.

 

· L’inspecteur organise des annonces dans les journaux et des consultations avec les intervenants.

 

· L’inspecteur rédige le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation et l’envoie à l’Unité des règlements, avec les instructions de rédaction finales et les plans de zonage.

 

· Après cette étape pré‑réglementaire, l’Unité des règlements prépare un projet de règlement, en consultation avec l’inspecteur, qui le guide ensuite dans le cadre de plusieurs approbations internes et l’envoie finalement à l’agent préposé au zonage et à l’utilisation de terre qui, à son tour, le transmettra au Conseil du Trésor et au Bureau du Conseil privé. Il est publié dans la Partie I de la Gazette du Canada, puis dans un journal local.

 

· Après la première publication du projet aux fins de discussion, il y a une période supplémentaire de consultations qui peut entraîner des modifications soit au Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, soit au règlement lui‑même. L’inspecteur continue de coordonner les réponses aux questions soulevées lors des consultations et coordonne entre le promoteur, TPSGC, et les différents bureaux de l’employeur.

 

· L’Unité des règlements prépare un autre projet, maintenant appelé [traduction] « règlement proposé », qui est soumis aux fins de publication dans la Partie II de la Gazette du Canada.

 

· La dernière étape du procédé de fabrication est l’étape post‑réglementaire, au cours de laquelle l’inspecteur coordonne la mise en œuvre et l’entrée en vigueur effectives. Cela comprend l’obtention d’un rapport sur les intrusions existantes qui seront maintenues et la mise à jour des descriptions officielles des terres touchées.

 

· À ce stade, le livre de zonage aéroportuaire final est publié et imprimé, pour être déposé auprès du bureau d’enregistrement des titres fonciers et du bureau d’enregistrement compétents et fourni aux autres intervenants. Le RZA est publié sur Internet. Le plan de zonage, élaboré par le promoteur et TPSGC en consultation avec l’inspecteur, constitue la grande partie du texte des annexes au règlement publié.

 

[41] L’inspecteur est l’acteur important tout au long du processus d’élaboration et de publication d’un RZA et de fabrication du livre de zonage aéroportuaire. Le rôle consiste à coordonner, à gérer les projets et à contrôler la qualité.

[42] La description de travail pour un inspecteur de la sécurité de l’aviation civile – Aérodromes et navigation aérienne décrit les tâches liées aux RZA comme suit :

[…]

Diriger, gérer et orienter le processus de zonage aéroportuaire de l’étape de conception à son approbation par le gouverneur en conseil. Pour ce faire, indiquer les étapes nécessaires, consulter tous les intervenants concernés et formuler des recommandations visant l’approbation par la promulgation d’une loi.

[…]

 

[43] Conformément à l’en‑tête « Compétence », il exige que l’inspecteur possède ce qui suit :

[…]

Posséder des connaissances et des habiletés pour interpréter les dessins techniques, les plans d’arpentage, les plans de construction et les cartes topographiques; positionner les coordonnées géographiques et effectuer les calculs afin d’établir les dimensions les plus restreintes des surfaces de zonage et des espaces aériens protégés […]

[…]

 

[44] Le fonctionnaire a expliqué que son travail exigeait qu’il s’assure que toutes les étapes ont été effectuées de manière exacte. Il s’agissait de coordonner les intervenants. Son rôle a commencé avec la demande du client et l’étape de la conception du produit. Il a aidé le promoteur de l’aéroport, qu’il a comparé à un client, à comprendre le processus d’obtention d’un RZA et à recueillir les renseignements nécessaires pour remplir le formulaire des exigences.

[45] Il a décrit le livre de zonage aéroportuaire comme un produit que l’aéroport promoteur achète et a fait remarquer que les règlements ne sont pas en vigueur tant que la publication n’est pas déposée au bureau d’enregistrement des titres fonciers provincial. Il a dit que les RZA sont uniques parmi les règlements fédéraux en ce sens que chaque règlement a un aéroport promoteur individuel qui demande la promulgation du règlement et est intimement impliqué et chargé de certains éléments du processus réglementaire.

[46] Le fonctionnaire a témoigné qu’il jouait un rôle de coordination à chaque étape énoncée dans le document Instruction visant le personnel. Même si TPSGC a effectué le travail d’arpentage sur le terrain, il avait le pouvoir décisionnel quotidien concernant la description des terres. De plus, même si l’Unité des règlements avait le pouvoir ultime en matière de rédaction législative, il a fait la grande partie du travail relative à la rédaction des annexes aux règlements.

[47] L’employeur a convenu qu’en tant qu’inspecteur de la sécurité de l’aviation civile de 1992 à 2011, le fonctionnaire a travaillé à l’adoption et à la promulgation des RZA.

[48] Imtiazali Waljee, directeur adjoint, Opérations, Aviation civile, a témoigné pour l’employeur. Il a fait remarquer que son document Instruction visant le personnel énonce un processus détaillé pour mettre en œuvre et promulguer les RZA. Il a dit que la plupart des renseignements utilisés par un aéroport pour remplir le formulaire modèle proviennent de documents de référence préexistants de l’employeur qui énoncent des normes et des pratiques recommandées pour guider l’aéroport promoteur et les inspecteurs de la sécurité de l’aviation civile. L’aéroport coordonne également directement avec la municipalité au sujet de ses plans d’aménagement à long terme.

[49] Après que le premier formulaire est rempli, les prochaines étapes dans le processus pré‑réglementaire consistent à achever les premières instructions de rédaction, à préparer et à signer les ententes qui guideront le processus, et à commander des plans de zonage actualisés. L’employeur a fait remarquer que le fonctionnaire avait reconnu les points suivants au cours de son contre‑interrogatoire :

· que l’agent préposé au zonage et à l’utilisation de terre, l’homologue du fonctionnaire à l’administration centrale de l’employeur, effectue le dernier examen, approuve l’entente d’engagement et prépare l’Évaluation environnementale stratégique;

 

· que les arpenteurs avec TPSGC ou un autre tiers préparent ou mettent à jour les plans de zonage et les travaux d’arpentage;

 

· que TPSGC traduise les instructions de rédaction;

 

· que les avocats de l’Unité des règlements préparent le premier projet de RZA aux fins de discussions et de consultations.

 

[50] Ensuite, l’étape réglementaire consiste à publier le RZA proposé dans la Gazette du Canada. En contre‑interrogatoire, le fonctionnaire a confirmé qu’au cours de cette étape, les avocats de l’Unité des règlements sont toujours chargés de tout le travail de rédaction réel et que TPSGC est chargé de tout travail de zonage ou d’arpentage mis à jour. L’agent préposé au zonage et à l’utilisation de terre est également fortement impliqué dans l’obtention de l’approbation des bureaux ministériels concernés, du Conseil du Trésor et du Bureau du Conseil privé.

[51] Une fois déposé auprès du bureau d’enregistrement des titres fonciers et du bureau d’enregistrement, le RZA approuvé est publié en ligne. Le fonctionnaire a confirmé en contre‑interrogatoire que TPSGC prépare ou met à jour la grande partie du texte du règlement définitif; c’est‑à‑dire, les descriptions officielles des terres énoncées dans les annexes. M. Waljee a fait remarquer qu’une grande partie des renseignements énoncés dans les annexes, par exemple, les restrictions sur les surfaces d’approche et de transition, provient de documents de référence de l’employeur préexistants et est intégrée par référence dans le document Instruction visant le personnel.

[52] M. Waljee a décrit le livre imprimé comme un article secondaire à ce qui a été publié en ligne. Lui et le fonctionnaire ont tous deux confirmé que TPSGC était chargé de l’impression du livre physique.

[53] La description de travail de l’inspecteur de la sécurité de l’aviation civile contient les affirmations suivantes concernant les activités principales et responsabilités pour le processus relatif au RZA :

Activités principales

[…]

Entreprendre, gérer, planifier, coordonner et diriger la promulgation des règlements fédéraux de zonage aéroportuaire pour les titulaires de certificat.

[…]

Responsabilités

[…]

Diriger, gérer et orienter le processus de zonage aéroportuaire de l’étape de conception à son approbation par le gouverneur en conseil. Pour ce faire, indiquer les étapes nécessaires, consulter tous les intervenants concernés et formuler des recommandations visant l’approbation par la promulgation d’une loi.

[…]

 

[54] Comme le fonctionnaire, M. Waljee a également décrit le rôle du fonctionnaire dans le processus relatif au RZA comme celui de la coordination.

[55] En contre‑interrogatoire, le fonctionnaire a convenu que sa description de travail ne contenait aucune mention de fabrication.

V. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

[56] Les renseignements constituaient la principale saisie pour les deux procédés de fabrication (les fiches de progression de vol et les RZA). Pour les deux, les produits physiques fabriqués par ces procédés de fabrication étaient des produits imprimés, dont les matières premières physiques étaient le papier et l’encre. Toutefois, la participation du fonctionnaire dans les procédés de fabrication concernait plus la manipulation et la transformation de renseignements bruts en un produit utilisable.

[57] Sur le plan philosophique, la fabrication consiste souvent à façonner précisément une matière première aux fins d’une utilisation particulière. L’acier qui est tordu et coupé dans une forme utilisable ne cesse pas d’être l’acier; il devient le produit fini, qui est fait de la matière première mais peut être utilisé à une certaine fin en raison de sa nouvelle forme. De même, les renseignements sur un vol figurant dans un plan de vol sont utilisables aux fins du contrôle de la circulation aérienne parce qu’ils ont été transformés en fiche de progression de vol.

[58] Les STE ont recueilli des matières premières sous forme de renseignements sur les vols auprès des pilotes et des exploitants aériens par téléphone et par télétype. Les STE chargés du SNTDV ont ensuite appliqué un procédé à cette matière première en saisissant les données dans le SNTDV, en les manipulant, au besoin, conformément aux recettes concernant les routes dans le classeur de routes, contrôlant la qualité afin de veiller à ce que les repères indiqués soient précis et de les corriger manuellement, au besoin.

[59] Ensuite, les fiches de progression de vol ont été imprimées et livrées à l’aide du matériel et des outils logiciels qui font partie du SNTDV (c.‑à‑d. la base de données et les imprimantes spécialisées). En même temps, les STE ont appliqué un autre procédé de fabrication, l’ordinateur à cartes perforées IBM 1800, pour produire des fiches de progression de vol pour les vols enregistrés au centre.

[60] Le résultat du processus était un produit physique, produit en masse – un outil physique spécialisé utilisé par les contrôleurs de la circulation aérienne, différent des renseignements ou du plan de vol que le STE avait reçu à l’origine en tant que matière première. Le format physique de la fiche de progression de vol, obtenu grâce à l’utilisation de machines et d’outils par les STE, était essentiel à sa fonction. Le contrôle de la circulation aérienne n’aurait pas été en mesure d’effectuer son travail en utilisant le plan de vol tel qu’il a été reçu par les STE. La transformation du procédé de fabrication était nécessaire.

[61] Ce procédé était organisé comme une chaîne de montage et fonctionnait 24 heures sur 24 avec la division du travail et le travail par quarts, qui sont des caractéristiques supplémentaires de la connotation industrielle qui peuvent être présentes dans l’utilisation du mot [traduction] « fabrication ». La participation du fonctionnaire dans le procédé de fabrication des fiches de progression de vol était directement analogue à celle du fonctionnaire s’estimant lésé dans Lessard c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2009 CRTFP 34, car il appliquait des recettes aux matières premières pour réaliser la transformation nécessaire en produit fini.

[62] M. Waljee a comparé le travail du STE concernant la fiche de progression du vol à la copie. Le fonctionnaire a soutenu que même si cela n’était pas exact, il convenait également de noter que la production d’un grand nombre de produits semblables selon des caractéristiques différentes à l’aide du même procédé de base est précisément ce qui est effectué dans les exemples les plus archétypes de la fabrication industrielle.

[63] Selon M. Waljee, la fiche de progression de vol n’était pas différente des matières premières utilisées pour la produire et il s’agissait simplement des mêmes renseignements, présentés sous une forme différente. Le témoignage du fonctionnaire contredisait l’idée que les renseignements n’avaient pas été modifiés; il a résisté à la proposition selon laquelle les STE devaient rarement modifier les renseignements du plan de vol. Si le rôle d’un STE était aussi simple que d’imprimer les mêmes fiches pour les vols enregistrés au centre, une opération comportant plusieurs quarts, 24 heures sur 24, avec 11 personnes par équipe n’aurait pas été nécessaire.

[64] Le rôle du fonctionnaire dans le procédé de fabrication des livres de zonage aéroportuaire était analogue à celui d’un gestionnaire de projets, d’un superviseur ou d’un agent de contrôle de la qualité dans la fabrication industrielle. Ce procédé a commencé par la collecte de matières premières sous la forme du formulaire des exigences rempli de l’aéroport promoteur. Ces matières premières ont ensuite été saisies dans le procédé étape par étape prévu dans le document Instruction visant le personnel.

[65] Le rôle du fonctionnaire était d’assurer le contrôle de la qualité des renseignements sur le formulaire des exigences et de mettre à l’essai de manière efficace les matières premières, afin de veiller à ce qu’ils soient adaptés à leur but de fabrication. Après cette étape, il a appliqué un procédé qui tirait parti du travail et des connaissances d’autres ressources, y compris des arpenteurs de TPSGC, des avocats du ministère de la Justice et d’autres. Il devait s’assurer que les cartes et les diagrammes correspondaient correctement aux exigences de l’aéroport promoteur et que les descriptions officielles des terres correspondaient aux exigences réglementaires. Il a coordonné plusieurs personnes et outils utilisés tout au long du procédé, a tenu à jour un registre de ce qui a été fait et a informé les intervenants concernés, ce qui constituait un important contrôle de la qualité ou fonction de gestion.

[66] Le livre de zonage aéroportuaire est une transformation importante des matières premières initiales. Même si le formulaire des exigences prévoit les éléments nécessaires, le livre de zonage ne ressemblait aucunement aux renseignements figurant sur le formulaire. Il comprenait des images et des diagrammes, des descriptions officielles des terres, ainsi que le texte et les annexes du règlement. Ceux‑ci ont été créés en appliquant le procédé de fabrication aux matières premières prévues dans le formulaire des exigences.

[67] Le fonctionnaire a soutenu que la principale raison de l’employeur pour refuser d’accepter son expérience dans la fabrication des livres de zonage aéroportuaire était que sa participation était insuffisante, mais M. Waljee a convenu que son rôle était analogue à celui d’un gestionnaire de projets ou d’un agent de contrôle de la qualité et qu’un tel poste dans un contexte de fabrication industrielle serait admissible.

[68] Le fonctionnaire a reconnu que l’employeur avait probablement raison de dire qu’en général, un processus réglementaire n’est pas un procédé de fabrication, mais il a fait valoir que les RZA sont des règlements uniques et que son rôle dans le processus relatif au RZA était unique. Il a dit que le processus relatif au RZA est différent parce que l’aéroport promoteur achète et paie le livre physique, qui est un outil nécessaire dans le processus réglementaire.

[69] Le fonctionnaire a demandé l’indemnité provisoire après avoir appris que son collègue l’avait obtenue en raison de son expérience en développement de logiciels, qui est un procédé de fabrication entièrement intangible. Son collègue a manipulé le code informatique pour créer un produit et a dirigé ses équipes pour convertir des idées et des caractéristiques en un produit fonctionnel pour le marché. Si le développement de logiciels est une fabrication, il en va de même pour les opérations de type impression du fonctionnaire. De plus, l’expérience en développement de logiciels de son collègue a été obtenue principalement dans un rôle de gestionnaire de projets, ce qui était semblable au rôle du fonctionnaire consistant à produire les livres de réglementation de zonage aéroportuaire.

[70] L’expérience du fonctionnaire avec la fiche de progression de vol était semblable à celle d’un compositeur et de directeur de la production – édition dans la fabrication de livres. En plus de manipuler les données, il a utilisé et entretenu des outils spécialisés (le SNTDV et les imprimantes spécialisées y afférentes), pour organiser les renseignements mis au point sur les fiches. Cette analogie s’applique également à la production des livres de réglementation de zonage aéroportuaire, même si en ce qui concerne cette activité, le poste du fonctionnaire était plus semblable à celui d’un directeur de la publication surveillant ou gestionnaire qui surveille le procédé de fabrication tout en traitant également d’autres éléments de l’opération.

[71] Même le procédé de fabrication le plus archétype concerne des étapes où la seule saisie est l’information et le rôle complet du travailleur consiste à manipuler ces renseignements, pour s’assurer qu’elle sert l’objectif du produit fini. Cela se produit dans la fabrication de produits aéronautiques, où les principales étapes du procédé de fabrication global d’un aéronef comprennent l’installation et la personnalisation des logiciels de bord. Il en est de même dans la fabrication d’automobiles.

[72] L’expérience du fonctionnaire en procédé de fabrication est semblable à celle d’un travailleur qui contrôle un robot dans une opération de fabrication industrielle et qui manipule et saisit des renseignements, qui sont ensuite mis en œuvre pour contrôler des outils qui construisent réellement le produit. Cela ressemble à son rôle dans l’exploitation du SNTDV, une machine moins sophistiquée, dans laquelle il a saisi les renseignements nécessaires pour que la machine crée le produit fini pour les contrôleurs de la circulation aérienne.

B. Pour l’employeur

[73] L’employeur a soutenu que le grief devrait être rejeté parce qu’il n’existe aucune interprétation raisonnable qui permettrait de qualifier l’expérience de travail du fonctionnaire de « fabrication » au sens de l’appendice P. Les éléments de preuve n’ont pas démontré qu’il a travaillé avec des « matières premières » dans un environnement semblable à une « chaîne de montage » ou à une « usine » pour « fabriquer » des produits au sens où ces mots sont couramment compris. Au contraire, les éléments de preuve ont révélé un professionnel col blanc travaillant au sein d’une équipe dans un milieu de bureau, afin de fournir des services aux aviateurs et aux aéroports.

[74] L’argument du fonctionnaire selon lequel les RZA sont uniques en raison de la proposition selon laquelle l’aéroport promoteur « achète » effectivement un produit n’est étayé par aucun élément de preuve. Au contraire, le témoignage de M. Waljee était clair que la raison d’être de l’employeur est de promouvoir des programmes, des politiques et des règlements afin de favoriser un système de transport sûr, efficace et respectueux de l’environnement au Canada.

[75] Même si le fonctionnaire a clairement joué un rôle essentiel dans la supervision de l’élaboration et de l’adoption des RZA, il est difficile de croire que superviser un processus de rédaction réglementaire puisse être qualifié d’« expérience en procédé de fabrication ». Le fait de se référer aux étapes du processus d’adoption réglementaire comme « développement de produit » ou « conception » ne transforme pas le processus en un procédé de fabrication.

[76] En ce qui concerne les fiches de progression de vol, le fonctionnaire a reconnu qu’il n’avait pas du tout modifié les données brutes dans de nombreux cas, par exemple les vols enregistrés au centre. À moins de modifications, comme un autre aéronef, l’impression de la fiche de progression de vol nécessitait simplement l’insertion d’une carte perforée dans une machine. Même lorsque les aviateurs ont communiqué directement avec les STE, le fonctionnaire a reconnu que les renseignements qu’ils fournissaient ne nécessitaient pas toujours une correction ou une modification, et si aucune n’était nécessaire, il a généré la fiche de progression de vol en vérifiant simplement les renseignements et en les saisissant dans le SNTDV. Même si des modifications étaient nécessaires, il consultait un livre que son superviseur tenait à jour et contenait les routes communes, qui seraient ensuite remplies automatiquement dans le SNTDV à l’aide des repères proposés. Le fonctionnaire n’inventait ni ne créait aucun des renseignements sur les itinéraires privilégiés.

[77] La tentative du plaignant de caractériser son lieu de travail comme une « chaîne de montage » ou une « usine » n’était pas étayée par les éléments de preuve. Il a admis que plusieurs des rôles du STE, en particulier les rôles du JETS, du OIDS du centre de contrôle de la circulation aérienne en route et du ICCS, n’étaient pas directement concernés par ce qu’il a décrit comme la « fabrication » des fiches de progression de vol. Ces postes appuyaient les contrôleurs de la circulation aérienne de diverses autres façons.

[78] La preuve documentaire étaye également la conclusion selon laquelle le fonctionnaire a fourni un service aux aviateurs, semblable aux instructions d’atterrissage décrites dans Lodge c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2021 CRTESPF 5. Les offres d’emploi et l’évaluation du rendement liées au rôle de STE font référence à un service de soutien offert aux aviateurs; aucune ne fait référence à un travail de fabrication.

[79] Les instructions d’atterrissage dans Lodge avaient été publiées et ont servi un but durable après leur rédaction, tandis que les fiches de progression de vol étaient conservées uniquement à des fins de collecte de données ou en cas de plainte ou de collision. Étant donné ce qui précède, le travail du fonctionnaire semble encore moins être de la fabrication que le travail décrit dans Lodge. Il n’est pas non plus raisonnable d’établir une analogie entre l’impression des fiches de progression de vol et la création de logiciels de bord pour les automobiles ou les avions.

[80] Le travail du fonctionnaire était technique et hautement spécialisé, mais il est difficile de croire qu’un emploi de col blanc dans un bureau consistant à fournir un service aux aviateurs puisse être qualifié d’« expérience en procédé de fabrication ». Ce lieu de travail n’est pas une usine ni une chaîne de montage. Il s’agit d’un bureau, où des employés de bureau fournissent divers soutiens aux contrôleurs de la circulation aérienne, pour assurer le bon fonctionnement des vols. Il ne faut permettre aux efforts du fonctionnaire pour caractériser son travail comme [traduction] « recueillir (ou) mettre à l’essai des matières premières » ou étant sur une « chaîne de montage » de l’emporter sur le bon sens. Il n’existe aucune interprétation raisonnable qui permettrait de considérer ce travail comme une fabrication au sens de la convention collective.

[81] En l’absence de définitions de la convention collective, et en examinant les définitions légales pertinentes et les définitions de dictionnaire, il est clair qu’aucune d’entre elles ne convient pour décrire le travail du fonctionnaire.

[82] Le fonctionnaire a soutenu que la demande de son collègue pour l’indemnité provisoire qui lui a été accordée devrait faire étayer sa demande, mais ces éléments de preuve comportaient une pertinence minimale et offraient peu, voire aucune assistance dans le cadre de cet exercice d’interprétation. Le fonctionnaire n’a pas cité son collègue à témoigner et, par conséquent, la Commission n’a entendu aucune preuve directe concernant sa demande d’indemnité ou son expérience de travail, sur laquelle elle aurait pu établir des comparaisons ou utiliser comme une lentille pour interpréter l’expression « expérience en procédé de fabrication ».

VI. Motifs

[83] Afin de trancher la présente affaire, j’ai appliqué les principes d’interprétation des conventions collectives :

· il faut donner aux mots leur sens ordinaire;

 

· il faut lire les dispositions dans leur ensemble;

 

· si une approche fondée sur le sens ordinaire pouvait donner lieu à deux ou à plusieurs interprétations linguistiques acceptables, la Commission peut être guidée par l’objet de la disposition, le caractère raisonnable de chaque interprétation possible et la question de savoir si une interprétation mènerait à un résultat absurde;

 

· lorsqu’un droit à un avantage pécuniaire est revendiqué, un fonctionnaire s’estimant lésé doit établir qu’un libellé précis existe qui impose l’obligation de le payer;

 

· le sens des mots dans un texte législatif peut être considéré comme une aide à l’interprétation. L’existence d’une définition légale peut donner lieu à une présomption selon laquelle un libellé clair sera nécessaire pour l’emporter sur le même sens que celui donné à un terme dans une convention collective;

 

· la Commission peut tenir compte des définitions de dictionnaire pour vérifier les sens à accorder aux termes uniquement en tant qu’aides à l’interprétation, et non comme règle exécutoire.

 

A. Les fiches de progression de vol

[84] Le fonctionnaire a expliqué que les fiches de progression de vol étaient de petites fiches de papier contenant des renseignements sur l’identification des aéronefs et le plan de vol. À titre de STE, il a reçu et vérifié les renseignements sur le plan de vol proposé des pilotes ou des exploitants aériens. Il s’est assuré qu’un plan de vol proposé constituait un itinéraire privilégié, ou il a substitué une route sûre et appropriée de rechange et a mis tous les renseignements sur une fiche de progression de vol.

[85] En ce qui concerne les vols enregistrés au centre, il a enregistré toute modification requise sur la fiche de progression de vol, mais, en général, aucune n’était nécessaire, et il a simplement saisi les renseignements dans le SNTDV au moyen d’une carte perforée. Il a placé les fiches de progression de vol dans des porte‑fiches et les a mises sur un tableau afin que les emplacements géographiques appelés « repères » puissent être facilement vus et que la séparation des aéronefs puisse être assurée en toute sécurité.

[86] Évidemment, ces tâches ont offert aux contrôleurs de la circulation aérienne un service inestimable. Cependant, travailler avec des renseignements, y apporter des modifications, puis les afficher de manière plus utile ne constitue pas, pour les contrôleurs, de la fabrication. La fabrication signifie créer quelque chose de nouveau à partir de matières premières.

[87] L’argument du fonctionnaire consistait essentiellement à décrire en détail un service de soutien à l’information pour les contrôleurs de la circulation aérienne et à attribuer des mots couramment associés aux procédés de fabrication à différents aspects de ce service. Utiliser des mots qui sont généralement utilisés pour décrire des aspects d’un procédé de fabrication et les appliquer de manière inappropriée à un service de soutien à l’information ne transforme pas ce service en un procédé de fabrication.

[88] Le fait de faire référence aux renseignements initiaux du plan de vol transmis par téléphone par les pilotes comme une « matière première » ne transforme pas un plan de vol en matière première. Il s’agit de renseignements provenant de pilotes tirés de sources à la disposition du public ou, dans le cas de vols enregistrés au centre, conservés dans le dossier. Une fiche de progression de vol n’est pas non plus un produit final fabriqué. Il s’agit d’une fiche de papier sur laquelle le fonctionnaire a imprimé des renseignements d’identification de l’avion et l’a affiché sur un tableau de manière à montrer l’emplacement de l’aéronef par rapport aux autres aéronefs.

[89] En tant que STE, le fonctionnaire a fourni un service de soutien à l’information d’une importance vitale aux contrôleurs de la circulation aérienne, mais il ne participait pas à un procédé de fabrication.

B. Les RZA

[90] De même, le processus relatif au RZA que le fonctionnaire a décrit était évidemment un processus réglementaire qu’il a coordonné, géré et facilité. Il ne s’agissait pas d’un procédé de fabrication.

[91] Tout comme un plan de vol transmis par téléphone par un pilote ne constitue pas une matière première, une demande de RZA par un aéroport promoteur n’en constitue pas une non plus. Aucun travail effectué par les parties ne constitue un travail de fabrication; par exemple, l’arpentage de TPSGC ou la rédaction de règlements par les avocats de l’Unité des règlements.

[92] Tout comme les fiches de papier physiques sur lesquelles les renseignements du plan de vol étaient imprimés, le fonctionnaire a cherché à renforcer son argument selon lequel le processus relatif au RZA constituait une fabrication en se référant au fait qu’un livre physique avait été imprimé et publié à la fin du processus. Même s’il avait participé à l’impression réelle du livre (ce qu’il n’a pas fait), le fait qu’un livre soit imprimé dans le cadre d’un processus ne transforme pas un processus réglementaire en un procédé de fabrication.

[93] Le but d’un livre dans le cadre du processus relatif au RZA est le même que celui d’une fiche de progression de vol : soit contenir et afficher des renseignements imprimés. Dans les deux cas, le travail du fonctionnaire ne consistait pas à fabriquer les fiches de papier ou les livres physiques, mais plutôt de travailler avec les renseignements qu’ils contiennent ou qui y figurent.

[94] Le travail du fonctionnaire relatif au RZA pourrait être qualifié de gestion de projet ou de facilitation ou de coordination d’un processus réglementaire, mais il n’a pas fabriqué de RZA ni géré un procédé de fabrication.

C. Définitions légales et de dictionnaire du mot « fabrication »

[95] Le régime légal qui s’applique au lieu de travail du fonctionnaire définit la fabrication comme suit au paragraphe 101.01(1) du Règlement de l’aviation canadien (DORS/96‑433) :

[…]

construction Construction ou fabrication et assemblage à l’exception de la fabrication de pièces dans le cadre d’une réparation de produits aéronautiques. Sont comprises, dans le cas d’un aéronef nouvellement construit, toutes les tâches effectuées par le constructeur sur un aéronef avant la délivrance du premier certificat de navigabilité ou du certificat de navigabilité pour exportation.

[…]

[Je mets en évidence et le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[96] Les deux parties ont présenté des définitions de dictionnaires du terme « fabrication », par exemple :

[Traduction]

[…]

[Tirée du dictionnaire en ligne Merriam Webster :]

 

1 : fabriquer un produit adapté à l’utilisation

2a : fabriquer à partir de matières premières à la main ou à l’aide de machines

b : produire selon un plan organisé et avec répartition du travail

[…]

[Tirée du dictionnaire Collins :]

[…]

fabriquer à la main ou, particulièrement, par des machines, souvent à grande échelle et avec répartition du travail

travailler (laine, acier, etc.) en vue de transformer en une forme utilisable

produire (art, littérature, etc.) d’une manière considérée comme mécanique et peu inspirée

[…]

[Tirée du Oxford English Dictionary :]

[…]

Fabriquer (un produit, des marchandises, etc.) à partir de matières premières; produire (des marchandises) par le travail physique, la machinerie, entre autres, maintenant surtout à grande échelle.

[…]

 

[97] L’expérience de travail du fonctionnaire, tel qu’elle est décrite dans ses éléments de preuve, ne correspondait ni aux définitions légales ni aux définitions du dictionnaire de la fabrication. Ces définitions, ainsi que l’utilisation courante de la langue, mènent toutes à la même conclusion. Le fonctionnaire n’a pas créé, monté ou fabriqué un produit. Il n’a pas, à la main ou par machine, pris des matières premières et les a transformées en un produit qui convient à l’utilisation.

D. Le collègue du fonctionnaire a reçu une indemnité provisoire pour le développement de logiciels

[98] Le fonctionnaire a soutenu que la réception de l’indemnité provisoire par son collègue pour son travail de développement de logiciels devrait étayer sa demande, car, tout comme son travail, le travail de son collègue a produit un produit intangible. Je conviens qu’en théorie, cela aurait pu constituer un exemple pertinent à prendre en considération comme indiquant possiblement une pratique antérieure de l’employeur. Toutefois, cela dépendrait de la question de savoir si les éléments de preuve démontraient que le travail de son collègue était analogue à celui du fonctionnaire concernant les fiches de progression de vol ou les RZA.

[99] Le seul élément de preuve dont je dispose à ce sujet était la demande écrite du collègue pour l’indemnité provisoire, dans laquelle il a décrit le développement de logiciels comme étant semblable à un procédé de fabrication traditionnel en ce sens qu’il consistait en l’initiation, la conception, la production, les mises à l’essai et la mise en œuvre. À première vue, cet élément de preuve laisserait entendre que son travail était assez différent de celui du fonctionnaire, qui ne suivait pas ce genre de procédé.

[100] Toutefois, le collègue du fonctionnaire n’a pas témoigné au sujet de son processus de travail réel. Et lorsque M. Waljee a été interrogé quant à savoir s’il contestait les éléments de preuve déposés au sujet de la demande d’indemnité provisoire, il a indiqué qu’il n’avait aucune connaissance de ce cas et qu’il ne pouvait pas témoigner à ce sujet. Il a dit qu’une autre personne avait pris la décision dans cette affaire. Aucun élément de preuve n’a été déposé en preuve concernant le motif pour lequel l’employeur avait accordé la demande d’une indemnité provisoire.

[101] Par conséquent, il n’y avait tout simplement pas suffisamment d’éléments de preuve permettant à la Commission de décider si le travail du collègue était analogue à celui du fonctionnaire et si l’octroi de cette indemnité provisoire constituait une pratique antérieure pertinente à prendre en considération.

E. La jurisprudence

[102] La Commission a examiné l’application de l’appendice P dans ce lieu de travail dans deux décisions antérieures, d’abord dans Lessard, en 2009, et plus récemment dans Lodge. Dans Lodge, la Commission a examiné le raisonnement de Lessard et a conclu qu’il était erroné. Le fonctionnaire a exhorté la Commission à suivre Lessard, et l’employeur a fait valoir l’approche adoptée dans Lodge.

[103] L’employeur a fait remarquer les similitudes factuelles frappantes de Lodge, dans laquelle la fonctionnaire s’estimant lésée était également une inspectrice de la sécurité de l’aviation civile au groupe et au niveau TI‑06. Elle avait élaboré des procédures relatives aux instruments qui avaient été publiés dans le manuel Canada Air Pilot et avait préparé des instructions relatives à l’atterrissage et au décollage afin d’assurer la sécurité des pilotes et des voyageurs canadiens. Ses tâches comprenaient ce qui suit :

· consulter certaines politiques et certains critères quand elle élabore des procédures relatives aux instruments;

 

· garantir que toutes les spécifications sont respectées et que ses approches étaient les moins complexes possibles pour les pilotes;

 

· parler avec les intervenants pour intégrer des facteurs externes à ses conceptions d’approche d’atterrissage;

 

· rechercher des fréquences radio et des sources d’altimètre et confirmer les données afin de s’assurer que ses cartes constituent des guides fiables pour les pilotes;

 

· planifier que la redondance soit intégrée à son travail;

 

· examiner les mises à jour pertinentes et les demandes de licence qui pourraient avoir une incidence sur ses procédures relatives aux instruments.

 

[104] Dans Lodge, la Commission a examiné la signification définie des mots dans le cadre législatif applicable au milieu de travail, ainsi que les définitions des dictionnaires et le bon sens, pour conclure que Mme Lodge « […] cré[ait] des connaissances relatives à des procédures d’instruments […] Son employeur prépare ensuite ces connaissances afin de les offrir en tant que service aux aviateurs. »

[105] La Commission n’a expressément pas accepté l’argument selon lequel elle « inventait » des instructions d’atterrissage et qu’elle faisait donc un travail de fabrication. Elle a conclu que même si Mme Lodge accomplissait un travail très technique et très valorisé, il était absurde de laisser entendre que l’élaboration de procédures relatives aux instruments pour les atterrissages, que son employeur prépare ensuite afin de les offrir en tant que service aux aviateurs, constituaient une fabrication.

[106] Les arguments du fonctionnaire quant à la raison pour laquelle son travail concernant les fiches de progression de vol devrait être considéré comme de la fabrication étaient semblables aux arguments de Mme Lodge. De plus, en ce qui concerne les RZA, il occupait le même poste qu’elle et il y avait des similitudes considérables dans leurs fonctions. Ils ont tous deux préparé des documents techniques écrits qui ont ensuite été publiés en ligne ou sur papier.

[107] Le travail que le fonctionnaire a accompli était étroitement analogue au travail que Mme Lodge a accompli. Ils ont tous deux travaillé avec des renseignements techniques, afin de fournir un service de soutien aux aviateurs et aux aéroports. Aucun des deux n’effectuait un travail de fabrication; c’est‑à‑dire, créer, monter ou fabriquer quelque chose à partir de matières premières.

F. Expérience de fabrication aéronautique

[108] Une autre question soulevée devant moi était de savoir si l’appendice P, dans sa version au moment où le présent grief a été déposé, exigeait que l’expérience en procédé de fabrication soit une expérience en fabrication aéronautique. Le libellé de l’appendice P ne le précisait pas à l’époque, mais il a été ajouté plus tard.

[109] En ce qui concerne ce libellé, dans Lessard, la Commission a conclu que l’expérience requise en procédé de fabrication était une exigence plus générale qui pouvait être constatée dans d’autres domaines, et qu’elle ne devait pas nécessairement être une expérience en fabrication aéronautique. Elle a conclu que l’expérience de M. Lessard à créer des solutions et des composants dans des boîtes de pétri constituait une expérience en procédé de fabrication pour l’application de l’appendice P.

[110] Cependant, dans Lodge, la Commission a conclu que Lessard avait été mal tranché et absurde sur ce point, et elle a conclu que même si le libellé de l’appendice P avait été clarifié pour indiquer particulièrement l’exigence aéronautique, cette dernière avait toujours été l’objectif de l’appendice P. La Commission dans Lodge n’a pas souscrit à Lessard selon laquelle le fait de suivre des recettes pour créer des composants et des solutions dans des boîtes de pétri constituait le type d’expérience requis par l’appendice P, même avant l’ajout du libellé précisant l’expérience aéronautique.

[111] Toutefois, Lodge a également conclu que le travail de Mme Lodge ne constituait pas un travail de fabrication de quelque nature que ce soit. Ce cas ne portait pas sur une conclusion selon laquelle elle ne possédait pas une expérience en fabrication aéronautique, mais plutôt sur le motif qu’elle fournissait un service de soutien à l’information aux pilotes et aux aéroports, ce qui ne constituait pas de la fabrication.

[112] Je souscris à la conclusion de la Commission dans Lodge selon laquelle le travail de Mme Lodge ne constituait pas une fabrication de quelque nature que ce soit, et je suis parvenu à la même conclusion dans le présent cas concernant le travail du fonctionnaire relatif aux fiches de progression de vol et aux RZA.

[113] Étant donné que les éléments de preuve n’indiquaient pas que le fonctionnaire avait une expérience en procédé de fabrication de quelque nature que ce soit, je n’ai pas besoin de trancher la question de savoir si la version de l’appendice P en vigueur au moment où le présent grief a été déposé exigeait une expérience en procédé de fabrication aéronautique ou plus générale. Le fonctionnaire n’avait ni l’une ni l’autre.

[114] Je conclus que ni les services de soutien à l’information que le fonctionnaire a fourni aux contrôleurs de la circulation aérienne avec des fiches de progression de vol, ni le processus réglementaire relatif au RZA qu’il a coordonné, ne constituaient une expérience en procédé de fabrication requise pour recevoir l’indemnité provisoire prévue à l’appendice P de la convention collective.

[115] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII. Ordonnance

[116] Le grief est rejeté.

Le 10 avril 2025.

Traduction de la CRTESPF

Steven B. Katkin,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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