Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief contestant son renvoi en cours de stage en vertu de l’article 209(1)b) de la Loi. L’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission en faisant valoir que son licenciement n’était pas une mesure disciplinaire. Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur n’avait pas justifié le motif de son licenciement lié à l’emploi ou ne lui avait pas donné un encadrement ou une formation de rattrapage adéquats. La Commission a conclu qu’elle avait compétence sur le grief si le licenciement était en fait une mesure disciplinaire. La Commission a conclu que le licenciement était un renvoi valide en cours de stage. La preuve de l’employeur a démontré qu’il avait des raisons liées à l’emploi de renvoyer le fonctionnaire s’estimant lésé en cours de stage. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas prouvé que son licenciement était de mauvaise foi ou qu’il s’agissait d’un subterfuge ou d’un camouflage, ce qui équivaut à une mesure disciplinaire déguisée. Par conséquent, la Commission n’avait pas compétence pour entendre le grief.

Objection à la compétence accueillie.
Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20250617

Dossier: 566‑09‑49980

 

Référence: 2025 CRTESPF 76

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

Mohammad Hossein Salimi

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

Conseil national de recherches du Canada

 

employeur

Répertorié

Salimi c. Conseil national de recherches du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : David Orfald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Bonnie Pollard, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Brenden Carruthers et Sasha Willms, avocats

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés
le 1er novembre et les 2 et 14 décembre 2024.
(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] La présente décision porte sur une requête présentée par le Conseil national de recherches du Canada (l’« employeur ») en vue de rejeter un grief renvoyé à l’arbitrage par Mohammad Hossein Salimi, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), au motif que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») n’a pas compétence pour l’entendre.

[2] Le 19 septembre 2023, l’employeur a licencié le fonctionnaire en tant que boursier de recherches postdoctorales (agent de recherches) dans son Centre de recherche en thérapeutique en santé humaine. Dans sa lettre de licenciement, il l’a informé qu’il était renvoyé en cours de stage.

[3] Après avoir suivi la procédure interne de règlement des griefs, le 6 juin 2024, le fonctionnaire a renvoyé le grief à l’arbitrage devant la Commission en vertu de l’article 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). L’employeur s’est ensuite opposé à la compétence de la Commission au motif que son licenciement ne constituait pas une mesure disciplinaire, mais un renvoi en cours de stage.

[4] À la suite d’un premier échange entre les parties, la Commission a invité les parties à présenter des arguments écrits sur la question de savoir si elle avait la compétence pour entendre le présent grief.

[5] Pour les raisons qui suivent, j’ai décidé que la Commission n’a pas compétence pour trancher le présent grief, et je le rejette.

II. Les principes juridiques qui s’appliquent à la présente requête

[6] Les principes juridiques qui s’appliquent aux griefs concernant le renvoi en cours de stage devant la Commission ont été énoncés de manière succincte et claire par celle‑ci dans Holowaty c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2022 CRTESPF 44, aux paragraphes 6 à 15.

[7] Pour être clair, l’analyse de la Commission dans Holowaty a été appliquée à un renvoi en cours de stage qui a eu lieu dans l’administration publique centrale. De tels renvois en cours de stage sont effectués conformément à l’article 62 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP). En vertu de l’article 211 de la Loi, un licenciement effectué en vertu de la LEFP ne peut faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage.

[8] La décision de la Commission dans Holowaty a établi les principes à utiliser pour déterminer si un renvoi en cours de stage a été correctement effectué en vertu de la LEFP, et par conséquent ne peut pas faire l’objet d’un arbitrage, ou s’il a été fait de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi, auquel cas il ne serait pas considéré comme un licenciement en vertu de la LEFP et pourrait donc faire l’objet d’un arbitrage; voir Holowaty, au par. 9.

[9] Dans le présent cas, le renvoi en cours de stage du fonctionnaire n’a pas été effectué en vertu de l’article 62 de la LEFP. Le Conseil national de recherches ne fait pas partie de l’administration publique centrale; il est un organisme distinct et un organisme qui n’est pas assujetti à la LEFP. Par conséquent, l’article 211 de la Loi n’exclut pas la compétence de la Commission.

[10] Par conséquent, l’analyse du présent grief doit suivre une voie légèrement différente de celle établie dans Holowaty. La question qui doit être tranchée est celle de savoir si le présent grief concerne une mesure disciplinaire, car il a été renvoyé à la Commission en vertu de l’article 209(1)b) de la Loi. L’article 209(1) énonce quels griefs peuvent être renvoyés à l’arbitrage et se lit comme suit :

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire qui n’est pas un membre, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

209 (1) An employee who is not a member as defined in subsection 2(1) of the Royal Canadian Mounted Police Act may refer to adjudication an individual grievance that has been presented up to and including the final level in the grievance process and that has not been dealt with to the employee’s satisfaction if the grievance is related to

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

(b) a disciplinary action resulting in termination, demotion, suspension or financial penalty;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(c) in the case of an employee in the core public administration,

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(i) demotion or termination under paragraph 12(1)(d) of the Financial Administration Act for unsatisfactory performance or under paragraph 12(1)(e) of that Act for any other reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct, or

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui‑ci était nécessaire;

(ii) deployment under the Public Service Employment Act without the employee’s consent where consent is required; or

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

(d) in the case of an employee of a separate agency designated under subsection (3), demotion or termination for any reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct.

[Je mets en évidence]

 

 

[11] L’employeur a soutenu que le licenciement du fonctionnaire ne constituait pas une mesure disciplinaire et que le grief déposé contre lui ne pouvait pas être renvoyé à la Commission en vertu de l’article 209(1)b) de la Loi. Il a également fait remarquer qu’il n’avait pas la capacité de renvoyer le grief à la Commission en vertu de l’article 209(1)d) parce que même si l’employeur est un organisme distinct, il n’est pas désigné en vertu de l’article 209(3).

[12] Étant donné que le grief a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 209(1)(b) de la Loi, les parties ont convenu que la question que la Commission doit trancher consiste à savoir si le licenciement constituait un renvoi en cours de stage valide ou s’il découlait d’une mesure disciplinaire déguisée; voir Ebada c. Agence du revenu du Canada, 2021 CRTESPF 94, aux paragraphes 151 et 152.

[13] Malgré cette question quelque peu différente, une grande partie du processus d’analyse que la Commission a utilisé dans Holowaty s’applique dans le présent cas. S’appuyant en partie sur Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, et Canada (Procureur général) c. Alexis, 2021 CAF 216, la Commission a déclaré ce qui suit dans Holowaty, aux paragraphes 11 à 14 :

[11] Le renvoi en cours de stage se caractérise par les quatre éléments suivants :

· l’employé était en période de stage;

· la période de stage de l’employé était encore en vigueur au moment du licenciement;

· un avis ou une indemnité a été fourni;

· le licenciement est attribuable aux préoccupations liées à l’emploi quant au caractère adéquat de l’employé.

[12] Les motifs du licenciement liés à l’emploi sont habituellement énoncés dans la lettre de licenciement de l’employé en stage (voir Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529, aux paragraphes 12 et 46, et Tello, au par. 111). Lorsque les quatre éléments décrits au dernier paragraphe sont présents, il y a présomption que le licenciement était en fait un renvoi en cours de stage et, par conséquent, la Commission n’a pas compétence pour trancher l’affaire.

[13] Pour que la Commission ait compétence pour entendre une affaire de renvoi en cours de stage dans de telles circonstances, l’employé doit présenter des allégations factuelles qui, si elles sont prouvées, établiraient que le licenciement était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi (y compris un subterfuge ou un camouflage, selon Alexis, au par. 9, et Tello, aux paragraphes 109 et 111). Si le fonctionnaire présente des allégations qui, si elles sont prouvées, montreraient que les prétendues raisons liées à l’emploi n’étaient pas celles qui sous‑tendent le licenciement, le fonctionnaire devra prouver l’existence d’une cause défendable. La Commission peut avoir compétence sur la question et examiner les allégations du fonctionnaire.

[14] Comme le fait remarquer la Cour au paragraphe 10 de la décision Alexis, cette approche est semblable à celle appliquée par les arbitres du travail dans le secteur privé. Dans le secteur public fédéral et dans le secteur privé, les employeurs disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour évaluer l’aptitude des employés en stage, et il y a peu de marge de manœuvre pour examiner leurs décisions.

 

[14] Cette approche est conforme à d’autres cas cités par l’employeur; voir Tello, au par. 111; Dargis c. Agence du revenu du Canada, 2022 CRTESPF 20, au par. 225; Rukavina c. Conseil du Trésor (ministère de la Diversification de l’économie de l’Ouest), 2023 CRTESPF 4, au par. 57.

[15] Elle est également conforme à l’approche adoptée dans les nombreux cas cités par le fonctionnaire; par exemple, voir Jacmain c. Procureur général (Canada), [1978] 2 RCS 15, à la page 37; Monette c. Agence Parcs Canada, 2010 CRTFP 89, aux paragraphes 37 à 41; Dyson c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2015 CRTEFP 58, aux paragraphes 126 et 138; Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 109, aux paragraphes 76 et 79; Ebada, au par. 158; Alexis.

[16] En d’autres termes, lorsque l’article 211 de la Loi peut interdire le renvoi à l’arbitrage, selon la jurisprudence, la Commission doit appliquer une analyse en deux étapes pour déterminer si elle a compétence sur un grief concernant un renvoi en cours de stage. La première étape consiste à déterminer si l’employeur a satisfait aux quatre conditions énoncées dans Holowaty, au par. 11. À l’étape deux, il incombe donc au fonctionnaire s’estimant lésé d’établir que le licenciement était arbitraire, discriminatoire ou effectué de mauvaise foi, ce qui inclut un subterfuge ou un camouflage. Si le fonctionnaire s’estimant lésé réussit à le faire, la Commission peut avoir compétence et examiner ses allégations.

[17] En ce qui concerne la question devant moi, le fonctionnaire doit démontrer que son renvoi en cours de stage constituait en fait une mesure disciplinaire; voir Hamel c. Agence Parcs Canada, 2022 CRTESPF 61, au par. 144. Dans le présent cas, le fonctionnaire doit établir que son licenciement a été effectué de mauvaise foi, ce qui inclut un subterfuge ou un camouflage, équivalant à une mesure disciplinaire déguisée. S’il ne l’établit pas, la Commission n’a pas compétence pour entendre son grief en vertu de l’article 209 et doit le rejeter.

[18] Pour être clair, je n’ai pas trouvé dans la jurisprudence une définition claire de « subterfuge » ou « camouflage » qui s’applique à cette situation. Les termes sont définis de plusieurs façons dans les dictionnaires standard. Par exemple, dans le Merriam‑Webster Collegiate Dictionary, onzième édition, 2003, figure la définition suivante de « sham » (subterfuge) : [traduction] « un truc qui trompe » ou [traduction] « une imitation ou une contrefaçon prétendant être authentique » et la définition suivante de « camouflage » : [traduction] « dissimulation au moyen d’un déguisement ». Dans le Canadian Oxford Dictionary, deuxième édition, (2004), figure la définition suivante de « sham » (subterfuge) [traduction] « une personne ou une chose qui prétend être ce qu’elle n’est pas » et de « camouflage » [traduction] « une précaution ou un expédient trompeur ou évasif ». Pris ensemble, j’estime qu’un subterfuge devrait être compris comme quelque chose qui n’est pas ce qu’il prétend être et qu’un camouflage est une mesure conçue pour tromper ou dissimuler sa véritable nature.

[19] Cela dit, dans le présent cas, je suis d’avis que l’approche appropriée n’est pas l’analyse de la cause défendable décrite dans Holowaty, au par. 13, mais l’approche adoptée par la Commission dans Rukavina, aux paragraphes 58 à 64.

[20] Dans Rukavina, la Commission a également été confrontée à une objection à la compétence concernant un grief portant sur le renvoi en cours de stage. Elle a invité les parties à présenter des arguments sur la question de savoir si la fonctionnaire s’estimant lésée avait établi une cause défendable permettant à la Commission d’assumer la compétence. Les parties ont fourni des résumés des témoignages des témoins de la fonctionnaire s’estimant lésée et des témoins proposés de l’employeur, complétés par des documents, comme des courriels et des arguments.

[21] Dans Rukavina, la Commission a jugé approprié d’exercer ses pouvoirs en vertu de l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; la « Loi sur la Commission ») pour trancher le grief sans tenir d’audience. Elle a également exercé ses pouvoirs en vertu de l’article 20e) de la Loi sur la Commission d’« […] accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice […] ». Ces dispositions ont permis à la Commission « […] d’accepter et d’évaluer des éléments de preuve tels que des courriels, des textes, des déclarations écrites des parties et des témoins (sous serment ou non) […] »; voir le paragraphe 64. Elle a ensuite dit ce qui suit au paragraphe 66 :

[66] Cette nouvelle formulation de l’analyse tient compte du fait qu’un grand nombre de griefs et de plaintes dont la Commission est saisie ne portent pas sur des litiges relatifs à des faits concrets. La plupart portent plutôt sur les conclusions à tirer de ces faits ou sur les conséquences juridiques de ces faits. Ils reposent également sur un dossier établi par les parties et constitué de correspondance, de courriels, de textes et de messages publiés sur les médias sociaux de l’époque pertinente. Ce dossier contient ce que les parties ont dit ou fait avant le litige ou au moment où il est survenu. Ces preuves peuvent ne pas avoir été produites sous serment, mais il n’y a guère de raison, dans la plupart des cas, de douter de leur authenticité. Il est rare que la crédibilité des éléments contenus dans un tel dossier soit mise en cause. En effet, le dossier constitue souvent l’essentiel des preuves documentaires présentées à la Commission lors d’une audience complète et, dans un tel cas, la Commission a clairement compétence pour se prononcer sur les conclusions et les conséquences tirées, sans qu’il soit nécessaire de tenir une audience complète.

 

[22] Dans le présent cas, après que les premiers arguments ont été présentés sur l’objection à la compétence de l’employeur, j’ai informé les parties que j’envisageais de rendre une décision fondée sur les arguments qui avaient été présentés jusqu’à présent, ainsi que sur tout argument supplémentaire qu’elles souhaitaient présenter. Je leur ai dit que ces arguments pouvaient être complétés par des résumés des témoignages et tout document qu’elles souhaitaient invoquer. J’ai indiqué qu’une fois les arguments reçus, je pourrais décider de rendre une décision en fonction de ceux‑ci, de demander des précisions supplémentaires ou d’ordonner que l’affaire soit mise au calendrier pour une audience.

[23] Je suis convaincu que je suis en mesure de rendre une décision sur la requête en rejet en fonction des arguments des parties et sans audience en vertu de l’article 22 de la Loi sur la Commission.

III. Analyse

[24] Selon les faits et les documents présentés par les parties, j’ai pu conclure ce qui suit :

· le fonctionnaire a été embauché par l’employeur en tant qu’agent de recherches postdoctorales, et il a commencé à travailler le 12 septembre 2022;

 

· lorsqu’il a été embauché, il a été informé qu’il était assujetti à une période de stage de deux ans;

 

· la lettre de licenciement était datée du 19 septembre 2023 et prenait effet ce jour‑là;

 

· la lettre indiquait que son licenciement constituait un renvoi en cours de stage en raison d’un rendement insatisfaisant et de son incapacité à satisfaire aux exigences du poste, malgré l’encadrement et le soutien, et malgré les possibilités qui lui avaient été offertes de faire les rajustements nécessaires;

 

· il a obtenu une rémunération de quatre semaines tenant lieu d’avis.

 

[25] Ces faits satisfont aux quatre éléments nécessaires énoncés dans Holowaty, aux paragraphes 11 et 12, pour conclure que le licenciement constituait en fait un renvoi en cours de stage. Le fonctionnaire était en période de stage, la période était toujours en vigueur au moment du licenciement, un avis ou une indemnité a été fourni, et des raisons liées à l’emploi ont été fournies dans la lettre de licenciement.

[26] En suivant Holowaty, Rukavina, Hamel et Ebada, il incombe maintenant au fonctionnaire d’établir que le licenciement a été effectué de mauvaise foi, ce qui inclut le concept que le licenciement constituait un subterfuge ou un camouflage, et équivaut à une mesure disciplinaire déguisée.

[27] Le fonctionnaire n’a pas été en mesure de le faire dans le présent cas.

[28] Aux fins de certitude, le fonctionnaire avait une interprétation beaucoup plus positive de son travail que son employeur. Il a présenté son curriculum vitæ, démontrant qu’il est venu au CNR avec un doctorat en génie biomédical de la York University, à Toronto, en Ontario, appuyé par une maîtrise en génie et un baccalauréat en sciences d’universités en Iran et avec plus d’une douzaine de références à son nom dans des journaux du domaine de l’imagerie photothermique. Dans son résumé des témoignages, il a déclaré qu’après quatre mois d’emploi auprès du CNR, il a été reconnu publiquement pour son travail sur la [traduction] « Modélisation PK basée sur l’image » lors d’une réunion de section.

[29] Le fonctionnaire a également affirmé qu’il avait été en mesure de régler des problèmes techniques au moyen d’un système de caméra infrarouge à ondes courtes utilisé pour mener des expériences avec des souris. Il a soutenu qu’il avait été invité à présenter les résultats de son travail lors de la conférence « Photonics North » de juin 2023 à Montréal, au Québec, au nom du CNR. Sa présentation s’intitulait : [traduction] « Modèle théorique permettant de déterminer les concentrations de fluorophores dans les tissus biologiques à partir d’images de fluorescence infrarouge à ondes courtes ». Le fonctionnaire a également déclaré dans son résumé des témoignages qu’il participait à des efforts collaboratifs avec des chercheurs de plusieurs universités dans les domaines des biophotons et des études pharmacologiques.

[30] Ces affirmations sont hors sujet. Les éléments de preuve liés à la compétence du fonctionnaire dans certains domaines ne constituent pas des éléments de preuve que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge, un camouflage ou avait été effectué de mauvaise foi.

[31] Selon le principal argument du fonctionnaire, l’employeur n’a pas fourni des éléments de preuve étayant un motif lié à l’emploi pour son licenciement et il n’a pas suivi un encadrement suffisant ni une formation corrective. Dans son résumé des témoignages, il a dit qu’il n’avait été informé que son rendement était insuffisant que le 12 septembre 2023, et que son renvoi en cours de stage avait été effectué seulement cinq jours ouvrables plus tard, soit le 19 septembre 2023. Il a soutenu que cela démontrait une mauvaise foi et que le licenciement ne découlait pas d’une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à sa capacité d’exercer les fonctions de son poste.

[32] L’employeur a fourni des résumés des témoignages de Binbing (Erica) Ling, de Maria Moreno et de Susan Twine.

[33] Dans l’ensemble, l’affirmation de Mme Ling indiquait qu’elle travaillait en étroite collaboration avec le fonctionnaire dans un environnement de laboratoire, en guidant son travail quotidien et qu’elle lui faisait régulièrement part de ses préoccupations concernant son rendement au travail. Elle a déclaré qu’il n’avait pas réussi à respecter les normes de rendement d’un boursier de recherches postdoctorales. Selon son affirmation, les données expérimentales du fonctionnaire ne pouvaient souvent pas être utilisées, en raison de leur mauvaise qualité et de leur incohérence. Elle a également déclaré qu’il avait fait preuve d’un comportement non coopératif et qu’il n’était pas disposé à recevoir des commentaires constructifs.

[34] Le résumé des témoignages de Mme Moreno comportait beaucoup des mêmes points. Elle a déclaré qu’à compter de mai 2023, elle avait eu plusieurs réunions avec le fonctionnaire et l’avait averti qu’il était en période de stage et que si son rendement ne s’améliorait pas, il pourrait être renvoyé en cours de stage. Elle a affirmé qu’il y avait des problèmes d’absentéisme. Mmes Ling et Moreno ont également fourni des résumés des témoignages étayés par des courriels et d’autres preuves littéraires concernant plusieurs problèmes particuliers liés au rendement du fonctionnaire, auxquels je reviendrai bientôt.

[35] Mme Twine était la directrice générale qui a signé la lettre de licenciement du fonctionnaire. Dans son résumé des témoignages, elle explique que la décision de mettre fin à son emploi a été prise pour des raisons de renvoi en cours de stage en raison d’un rendement insatisfaisant.

[36] Dans son résumé des témoignages de réponse, le fonctionnaire a contesté l’ampleur de l’encadrement et de la formation qui lui ont été fournis. Il a également contesté certains des propos dans les résumés des témoignages de Mme Ling et de Mme Moreno et a fourni des preuves documentaires littéraires pour étayer ses arguments.

[37] J’explorerai en détail six questions particulières qui sont survenues des arguments des parties et j’expliquerai la raison pour laquelle je suis d’avis qu’aucune d’entre elles, examinées individuellement ou dans leur ensemble, ne permet d’établir que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge, un camouflage ou avait été effectué de mauvaise foi.

A. Le résumé de janvier 2023

[38] Dans ses arguments, le fonctionnaire a fait référence à un résumé d’un document qu’il avait rédigé seulement quatre mois après son embauche et l’a défendu comme un travail de haute qualité et ayant une incidence. Le résumé a été déposé pour le document qu’il devait présenter à la conférence Photonics North de juin 2023. Dans le résumé des témoignages de Mme Ling, elle a dit que le résumé comportait un certain nombre de lacunes qui ont fait en sorte qu’elle et Mme Moreno devaient le retirer et le réviser, et que ces lacunes faisaient partie de l’évaluation de l’employeur selon laquelle le rendement du fonctionnaire ne satisfaisait pas aux attentes. Dans sa réponse, il a reconnu que des modifications avaient été apportées conformément au rôle de son superviseur et que Mme Moreno avait loué son travail comme ayant été bien fait.

[39] Le fonctionnaire a fourni la version avec suivis et la version définitive du résumé. Le courriel d’accompagnement de la version définitive comportait une déclaration selon laquelle le travail avait été bien fait. En même temps, de nombreuses modifications ont été apportées à l’ébauche du résumé.

[40] Il n’appartient pas à la Commission d’évaluer l’importance des modifications rédactionnelles apportées au résumé. La question que la Commission doit trancher est celle de savoir si cet incident aide à démontrer que le renvoi en cours de stage a été effectué de mauvaise foi ou qu’il constituait un subterfuge ou un camouflage. La réponse est négative. L’employeur avait le droit d’évaluer le fonctionnaire relativement à l’exercice de ses fonctions. Son évaluation relevait clairement de la catégorie d’une préoccupation liée à l’emploi.

B. La question relative à la santé et à la sécurité

[41] Le fonctionnaire a soutenu qu’en mai 2023, il avait communiqué avec son équipe de santé et sécurité pour lui faire part de préoccupations concernant son poste de travail et sa chaise et qu’il avait fallu des mois pour les régler.

[42] Toutefois, il n’a fait réellement valoir à aucun moment que sa plainte concernant son poste de travail avait été un facteur dans son licenciement. Il n’y a aucune affirmation de la part du fonctionnaire ni aucun document présenté par les parties qui laisse entendre qu’il en était ainsi.

[43] Par conséquent, la mention de cette question par le fonctionnaire n’a aucune pertinence à la question que je dois trancher.

C. La supervision d’un étudiant d’été

[44] Le fonctionnaire a fait remarquer que Mme Ling l’avait nommé comme chef de projet pour un programme d’étudiants d’été et qu’il avait participé au processus d’entrevue et de sélection et à la supervision d’un étudiant et au suivi des progrès du programme.

[45] Le résumé des témoignages de Mme Moreno indiquait qu’en juillet 2023, le fonctionnaire avait été informé de problèmes concernant son style de communication avec l’étudiant d’été qu’il devait superviser. Elle a déclaré qu’on lui avait demandé d’améliorer sa communication avec l’étudiant, mais qu’en fin de compte, l’étudiant avait demandé à ne plus travailler avec le fonctionnaire et, par conséquent, il a été déchargé de son rôle de superviseur. L’employeur a cité cet incident comme un exemple de ses préoccupations concernant son rendement au travail.

[46] Dans son résumé des témoignages de réponse, le fonctionnaire a affirmé qu’il trouvait les tâches de l’étudiant d’été ambiguës et qu’il avait signalé ce problème à Mme Ling, indiquant qu’il s’agissait de la source de la mauvaise communication. Il a joint sa correspondance par courriel avec Mme Ling et Mme Moreno portant sur le problème.

[47] Les préoccupations de l’employeur concernant le rendement du fonctionnaire lorsqu’il a supervisé l’étudiant d’été relèvent clairement de la catégorie d’une préoccupation liée à l’emploi. Cet incident n’a pas aidé le fonctionnaire à établir que son licenciement avait été effectué de mauvaise foi ou qu’il constituait un subterfuge ou un camouflage.

D. Absences du lieu de travail

[48] Le résumé des témoignages de Mme Moreno indiquait que le fonctionnaire était fréquemment absent du lieu de travail et choisissait de télétravailler pendant des périodes ou des journées entières sans l’informer ou en informer son superviseur. Elle a affirmé qu’elle avait soulevé le problème de l’absentéisme avec lui en juillet 2023 et de nouveau par courriel le 5 septembre 2023, lorsqu’elle l’a informé qu’il n’avait pas droit au télétravail. L’employeur a également présenté des arguments concernant le contenu d’un courriel, qui indiquent qu’après qu’il a été informé qu’il n’avait pas droit au télétravail, il a présenté une demande directement au coordonnateur du télétravail de l’employeur, sans d’abord discuter des modalités avec son superviseur, même s’il a attesté sur le formulaire qu’il avait discuté des détails avec Mme Ling. Au moyen d’un courriel daté du 15 septembre 2023, Mme Moreno l’a informé que ces actions étaient trompeuses et préoccupantes.

[49] Le fonctionnaire a déclaré que l’exigence de travailler en personne n’avait pas été clairement communiquée et qu’elle n’était pas bien appliquée. Dans son résumé des témoignages de réponse, il a dit qu’il avait été informé qu’il n’était pas autorisé à faire du télétravail et que le 5 septembre 2023, il n’avait pas tenté de travailler à domicile. Il n’a pas répondu à l’allégation selon laquelle son formulaire de télétravail rempli était trompeur.

[50] Je ferai remarquer que la question concernant la présumée absence du fonctionnaire au travail ou des demandes de télétravail n’a pas été mentionnée dans la lettre de licenciement du 19 septembre 2023. Par conséquent, il ne semble pas que l’employeur se soit fortement appuyé sur cette question dans sa décision de le renvoyer en cours de stage. Quoi qu’il en soit, ses arguments sur cette question ne l’ont pas aidé à démontrer que son renvoi en cours de stage avait été effectué de mauvaise foi ou qu’il constituait un subterfuge ou un camouflage.

E. La conception d’un instrument de pointe

[51] Le fonctionnaire a fait valoir qu’il [traduction] « […] a pris l’initiative de proposer et de concevoir un instrument de pointe, visant à soutenir les études pharmacologiques de pointe » et qu’il a travaillé pour obtenir une collaboration extérieure avec un professeur de la York University, afin d’élaborer la portée du projet et de présenter une proposition en vue de son financement.

[52] Dans son résumé des témoignages, Mme Ling a déclaré que la proposition du fonctionnaire n’avait pas été présentée parce que la méthode n’était pas correctement élaborée ou conçue; elle n’était pas non plus réalisable. Dans son résumé des témoignages de réponse, il a contesté cet argument et a allégué que Mme Moreno l’avait félicité pour avoir fait un excellent travail pour essayer d’établir un lien entre les deux équipes et d’avoir produit un projet potentiel.

[53] Aucune des parties n’a invoqué cet incident de manière significative dans ses arguments. La preuve documentaire démontre clairement que le projet n’a pas été réalisé et que Mme Moreno a félicité le fonctionnaire pour son travail visant à établir un lien entre les deux équipes. Néanmoins, l’incident ne permet pas d’établir que le renvoi en cours de stage a été effectué de mauvaise foi.

F. Questions soulevées au cours des trois dernières semaines de l’emploi du fonctionnaire

[54] Je conclurai par un examen de plusieurs questions qui ont été soulevées au cours des trois dernières semaines de l’emploi du fonctionnaire et qui étaient liées à la fois aux problèmes de communication entre lui et Mme Ling et à la feuille de calcul remplie pour analyser les données tirées d’une expérience que le fonctionnaire menait (l’« ensemble de données »).

[55] Étant donné que les courriels fournis par les parties traitent de ces deux questions, je vais décrire les événements chronologiquement avant d’analyser leur importance.

[56] Le 28 août 2023, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Ling exprimant des préoccupations concernant la façon dont ils avaient communiqué. Il a demandé qu’ils travaillent en équipe, qu’ils ne [traduction] « se submergent pas de questions » et qu’ils remplacent leurs réunions hebdomadaires par des réunions aux deux semaines.

[57] Dans une réponse le même jour, Mme Ling a expliqué que les présentations récentes effectuées par le fonctionnaire n’étaient pas claires et que les ensembles de données à l’appui de son travail étaient déroutants. Elle a demandé de tenir une réunion le lendemain. Il a répondu plus tard ce jour‑là, réfutant point par point son courriel et il a refusé la réunion.

[58] Un échange supplémentaire de courriels a eu lieu le 30 août 2023, au cours duquel le fonctionnaire et Mme Ling ont discuté de leur style de communication et des problèmes techniques concernant l’ensemble de données.

[59] Le 1er septembre 2023, le fonctionnaire a écrit à Mme Moreno et a dit que ses difficultés de communication avec Mme Ling lui causaient du stress et touchaient sa santé mentale.

[60] Le 6 septembre 2023, Mme Moreno a envoyé un courriel au fonctionnaire pour mettre par écrit plusieurs attentes qu’elle lui avait communiquées lors d’une réunion qui avait été tenue ce jour‑là. Les attentes comprenaient d’être présent sur place au bureau pendant ses heures de travail, d’assister à toutes les réunions pour lesquelles sa présence était requise, de respecter les instructions de son superviseur concernant son travail et d’effectuer toutes ses communications de manière professionnelle, courtoise et respectueuse. Elle l’a averti de ce qui suit : [traduction] « [l]e non‑respect de ces directives pourrait entraîner des mesures administratives et/ou disciplinaires et avoir une incidence sur votre emploi au sein du Conseil en étant renvoyé en cours de stage ».

[61] Le 7 septembre 2023, Mme Moreno a demandé que le fonctionnaire fournisse son analyse de l’ensemble de données. Dans une autre communication ce jour‑là, il a dit qu’il enverrait l’ensemble de données la semaine suivante. Mme Moreno a réitéré qu’il aurait dû déjà être envoyé. Il a dit qu’il l’enverrait la semaine suivante, et Mme Moreno lui a ordonné de l’envoyer le lendemain. Le 8 septembre 2023, il s’est conformé en envoyant l’ensemble de données.

[62] Le 12 septembre 2023, Mme Ling a fourni au fonctionnaire un examen de l’ensemble de données, énonçant un total de sept préoccupations particulières et elle a demandé des corrections. Elle l’a informé de ce qui suit : [traduction] « […] [votre] travail n’est pas au niveau attendu pour un chercheur postdoctoral et je continuerai à vous aider pour vous améliorer ». Elle lui a également averti qu’en tant que stagiaire, une omission de s’améliorer pourrait toucher son emploi auprès du CNR.

[63] Un courriel final dans cet échange a été fourni par le fonctionnaire. Daté du 15 septembre 2023, de Mme Ling à lui, il se compose des sept points de Mme Ling du 12 septembre, de la réponse du fonctionnaire à ces commentaires (en rouge), et de la réponse de Mme Ling aux commentaires du fonctionnaire (en bleu). Le courriel se compose de trois pages de dialogue sur des aspects extrêmement particuliers des processus scientifiques, des techniques et de l’analyse de l’ensemble de données, ainsi que de la capacité du fonctionnaire à les communiquer.

[64] Dans un courriel du 18 septembre 2023, Mme Ling a communiqué avec Mme Moreno et deux autres personnes comme suit :

[Traduction]

[…]

Veuillez voir ci‑dessous la réponse de Moe. Comme vous pouvez le constater dans le fichier Excel, peu a été fait dans le document et les renseignements critiques que nous avons demandés n’ont pas été fournis. À ce stade, je ne sais plus quoi faire. Veuillez indiquer les prochaines étapes.

[…]

 

[65] Le renvoi en cours de stage a eu lieu le lendemain, soit le 19 septembre 2023.

[66] Je reconnais que les résumés des témoignages et les documents sous forme de courriels ne sont pas les mêmes que les déclarations sous serment ou les témoignages sous serment. Cependant, je n’ai reçu aucune raison de douter de l’authenticité des courriels ni du contenu des résumés des témoignages du fonctionnaire, de Mme Ling et de Mme Moreno, qui sont cohérents avec les courriels. J’accepte le résumé des événements dans la présente section comme indiquant de manière exacte ce qui s’est passé au cours des trois dernières semaines d’emploi du fonctionnaire.

[67] Les arguments du fonctionnaire concernant cette période ne permettent pas d’établir que son licenciement n’a pas été effectué pour des raisons liées à l’emploi. L’échange de courriels qui a eu lieu entre le 28 août et le 15 septembre 2023, est imprégné de renseignements démontrant que l’employeur avait des préoccupations légitimes liées à l’emploi concernant son rendement. L’échange de courriels a exposé des problèmes, tels que la façon dont il communiquait avec son superviseur, s’il assistait aux réunions lorsqu’on le lui demandait, s’il respectait les dates limites qui lui avaient été imposées et s’il comprenait des aspects scientifiques très particuliers de l’ensemble de données dont il était chargé. Il a été informé qu’une omission de régler ces problèmes pourrait entraîner un renvoi en cours de stage. Il a tout de même débattu et remis en question ce que ses superviseurs disaient, et il a ouvertement exprimé son désaccord à l’égard de leurs directives. Comme je l’ai déjà mentionné, au cours de cette même période, il a cherché à demander une entente de télétravail et a déclaré faussement que sa demande était appuyée par son superviseur.

[68] Il est évident qu’entre le 15 et le 18 septembre, Mmes Ling et Moreno ont conclu que le fonctionnaire devait être renvoyé en cours de stage, ce qui a donné lieu à la lettre de licenciement signée par leur directrice générale le 19 septembre 2023.

[69] Je reconnais l’argument présenté par le fonctionnaire selon lequel seule une courte période s’était écoulée entre les avertissements écrits selon lesquels il pourrait être licencié (l’avertissement de Mme Moreno du 6 septembre 2023 et l’avertissement de Mme Ling du 12 septembre 2023) et sa date de licenciement, soit le 19 septembre 2023. Il n’a pas eu beaucoup de temps pendant cette période pour démontrer qu’il apprenait des avertissements.

[70] Comme l’a fait valoir le fonctionnaire, dans Alexis, au par. 9 (et dans le cas ci‑dessous, Alexis c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2020 CRTESPF 9, au par. 229, qui est le cas mentionné dans le reste du présent paragraphe), la courte période entre la lettre exigeant une amélioration du rendement et le licenciement était un facteur qui a mené à la conclusion dans Alexis que le renvoi en cours de stage avait été effectué de mauvaise foi. Cela dit, dans Alexis, la fonctionnaire s’estimant lésée avait été licenciée après seulement cinq mois de travail au cours d’une période de stage d’un an, et la conclusion de mauvaise foi avait été atteinte en tenant compte d’un grand nombre d’éléments non présents dans le présent cas. De plus, la conclusion dans Alexis n’était pas que le licenciement équivalait à une mesure disciplinaire déguisée, mais qu’il s’agissait d’un licenciement pour rendement insatisfaisant en vertu de l’article 209(1)c)(i) de la Loi. Le grief dans Alexis avait également été renvoyé en vertu de cette disposition de la Loi, qui ne concerne que les employés de l’administration publique centrale. Le présent fonctionnaire n’est pas un tel employé.

[71] Je fais également remarquer que l’argument du fonctionnaire selon lequel la mauvaise foi devrait être constatée lorsque la bonne foi est absente, en citant Dyson, aux paragraphes 126 et 138; et Dhaliwal, au par. 79. Il a soutenu que la décision de l’employeur de le licencier ne satisfaisait pas aux exigences du [traduction] « Manuel des ressources humaines », au paragraphe 5.7, [traduction] « Licenciement », en particulier le paragraphe 5.7.13.4. Entre autres, selon la norme établie dans cette politique, l’employé se voit offrir [traduction] « […] une possibilité raisonnable de satisfaire aux normes de rendement acceptables » (voir le paragraphe 5.7.10.9). Le délai serré entre les avertissements écrits et le licenciement semble, à première vue, ne pas respecter cette norme.

[72] Cependant, malgré la courte période entre les avis écrits du 5 et du 12 septembre et la lettre de licenciement du 19 septembre 2023, je conclus que le fonctionnaire n’a pas démontré d’efforts pour améliorer son rendement. Les éléments de preuve ont démontré que pendant cette période, il a continué à remettre en question les directives qui lui étaient données, a résisté à respecter les dates limites fixées pour présenter l’ensemble de données et a remis en question les directives qui lui étaient fournies par ses superviseurs. Son rendement par rapport aux directives qu’il avait reçues s’était détérioré et ne s’était pas amélioré.

IV. Conclusion

[73] Aucune des questions ni aucun des incidents examinés plus tôt dans la présente décision, pris individuellement ou dans leur ensemble, ne démontre que le renvoi en cours de stage a été effectué de mauvaise foi. La décision ne constituait pas un subterfuge; le licenciement était exactement ce qu’il prétendait être, un renvoi en cours de stage, fondé sur l’évaluation par l’employeur du travail du fonctionnaire. Le licenciement ne constituait pas un camouflage, déguisé en tant que renvoi en cours de stage. Le licenciement n’a pas été effectué pour des motifs disciplinaires. Il existe un lien clair entre les raisons du licenciement et les événements qui sont survenus avant celui‑ci. Le licenciement était ce que l’employeur a indiqué qu’il était : soit un renvoi en cours de stage.

[74] J’invoque de nouveau Rukavina, qui reconnaît que la mauvaise foi doit être établie et qu’il n’est pas facile de s’acquitter de ce fardeau; voir le paragraphe 57. Comme l’a déclaré la Commission : il ne « […] suffit pas […] de démontrer que l’employeur a commis des erreurs dans son évaluation du rendement ou qu’il n’a pas donné la chance au fonctionnaire s’estimant lésé d’améliorer son rendement ou de répondre aux allégations de lacunes dans ce rendement ». Pour établir la mauvaise foi, le fonctionnaire s’estimant lésé doit démontrer qu’il n’existait aucun motif légitime lié à l’emploi pour le licenciement; voir les paragraphes 73 et 74. Le fonctionnaire dans le présent cas n’a pas satisfait à cette exigence.

[75] Je ferai remarquer que lorsque l’employeur a contesté l’arbitrage de griefs de la Commission, il a également déclaré que le renvoi par le fonctionnaire en vertu de l’article 209(1)b) de la Loi constituait une violation du principe énoncé dans Burchill c. Le procureur général du Canada, 1980 CanLII 4207 (CAF), qui énonce qu’un fonctionnaire s’estimant lésé ne peut pas renvoyer à l’arbitrage un grief nouveau ou différent que celui qu’il a présenté à l’employeur. Comme les parties n’ont pas abordé cet argument en profondeur dans leurs arguments, et comme j’ai déjà accueilli l’objection de l’employeur pour les raisons exposées plus tôt dans la présente décision, j’ai décidé de ne pas traiter cet aspect de l’objection de l’employeur dans les présents motifs de décision.

[76] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[77] L’objection de l’employeur à la compétence de la Commission est accueillie.

[78] Le grief est rejeté.

Le 17 juin 2025.

Traduction de la CRTESPF

David Orfald,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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