Décisions de la CRTESPF

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Date : 20250610

Dossiers : 566-02-47107, 47129, 47160 et 47163

 

Référence : 2025 CRTESPF 72

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Achille Lefort, Paul Reddy, Karine Cousineau et Trina Stapleton

fonctionnaires s’estimant lésés

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Gendarmerie royale du Canada)

 

employeur

Répertorié

Lefort c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés : Eux-mêmes

Pour l’employeur : Aude Manzagol, analyste

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposé
s le 16 mai et les 7 et 14 juin 2024.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Objection préliminaire de l’employeur à la compétence de la Commission

[1] La présente décision porte sur l’objection préliminaire de l’employeur aux griefs individuels déposés par Paul Reddy, Achille Lefort, Trina Stapleton et Karine Cousineau, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), en vertu de la convention collective du groupe Économique et services de sciences sociales (EC) qui est entrée en vigueur le 31 juillet 2019 (la « convention collective »).

[2] Lorsqu’ils ont déposé leurs griefs, chaque fonctionnaire occupait un poste de gestionnaire des ressources humaines de la fonction publique classifié au groupe et au niveau PE-04 à la Section des ressources humaines de la fonction publique de la Gendarmerie royale du Canada (GRC ou l’« employeur »). Bien qu’ils aient déposés des griefs aux termes de la convention collective, ils ne sont pas représentés par l’agent négociateur parce que, en tant que gestionnaires, ils sont exclus de la représentation.

[3] Dans leurs griefs, les fonctionnaires affirment que l’employeur a abusé de son pouvoir en n’exerçant pas son pouvoir discrétionnaire de reclassifier leurs postes, ce qui a entraîné une violation continue de leurs conditions d’emploi, en violation de l’article 1 de la convention collective. Ils soutiennent que ces actions constituaient une rétrogradation.

[4] Dans leurs arguments présentés à la Commission, les fonctionnaires ont inclus des présentations détaillées des griefs à l’employeur qui, entre autres, soutenaient que la description de travail générique PE-04 n’était pas appropriée dans leurs cas, que l’employeur n’avait pas tenu compte de tous les renseignements pertinents dans sa décision de classification et qu’il n’avait pas effectué d’analyse comparative externe. Tout au long du processus d’examen générique des PE, ils sont demeurés classifiés au groupe et au niveau PE-04, tant avant qu’après l’exercice de reclassification.

[5] À plusieurs endroits, les fonctionnaires plaident en faveur de la création d’une [traduction] « couche additionnelle » au groupe et au niveau PE-05. Bien que leurs arguments reconnaissent que l’article 1 de la convention collective ne crée aucun droit, ils font référence à une violation alléguée de l’article 6, qui est l’article sur les droits de la direction, en soulignant ce qu’ils croient être un abus de pouvoir au cours du processus de classification.

[6] L’employeur soutient que les griefs n’auraient pas pu être renvoyés à l’arbitrage parce qu’ils ont trait à la classification. Aucun d’entre eux ne mentionne une rétrogradation pour rendement insatisfaisant lié à la discipline ou à l’inconduite au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; la « LGFP »). De plus, il soutient que la question de la rétrogradation n’a pas été soulevée à tous les niveaux de la procédure de règlement des griefs.

[7] Bien que les parties ne l’aient pas soulevée dans leurs arguments, le contexte juridique de la présente affaire constitue une requête préliminaire en rejet. À ce titre, les fonctionnaires devaient établir une preuve à première vue que leurs griefs relevaient de la compétence de la Commission. Ce seuil est bas, mais il doit tout de même être atteint pour aller de l’avant. Dans le présent cas, je conclus que même selon cette norme limitée, les fonctionnaires n’ont pas établi une cause de rétrogradation à première vue en vertu de la LGFP.

[8] Pour les motifs suivants, l’objection de l’employeur à la compétence de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») est accueillie. Je conclus que le caractère essentiel des griefs porte sur l’abus de pouvoir et l’équité dans la classification de leur description de poste, une question qui ne relève pas de la compétence de la Commission. Les fonctionnaires ne se sont pas acquittés de leur fardeau d’établir une preuve à première vue de rétrogradation, et je conclus donc que la Commission n’a pas compétence pour statuer sur ces griefs.

II. Contexte

[9] Au départ, les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), qui traite de l’interprétation ou de l’application d’une disposition d’une convention collective.

[10] Le greffe de la Commission a correctement informé les fonctionnaires que les griefs ne pouvaient pas être traités parce qu’ils ne bénéficiaient pas du soutien d’un agent négociateur, comme l’exige la Loi.

[11] Les fonctionnaires ont ensuite renvoyé leurs griefs à l’arbitrage en vertu de l’article 209(1)c)(i) de la Loi et ont soutenu que le refus de l’employeur de reconnaître et de classifier leurs fonctions au groupe et au niveau PE-05 avant la tenue de l’examen générique des PE constituait une rétrogradation.

III. Résumé de l’argumentation

A. L’employeur soutient que les griefs portent sur des questions de classification

[12] L’employeur soutient que les griefs n’auraient pas pu être renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 209(1)c)(i) de la Loi parce qu’ils ne se rapportent pas à une rétrogradation en vertu de l’article 12(1)d) de la LGFP et ne visent pas un rendement insatisfaisant ou toute autre raison qui n’implique pas un manquement à la discipline ou une inconduite en vertu de l’article 12(1)e) de la LGFP. Il s’agit plutôt de questions de classification.

[13] L’employeur a le droit exclusif de classifier les postes et les employés au sein de la fonction publique; voir l’article 11.1(b) de la LGFP. Par conséquent, la Commission n’a pas compétence sur ces griefs.

[14] De plus, l’employeur répond que cet argument n’a jamais été présenté au cours du processus interne de règlement des griefs du ministère. Un employé ne peut présenter un grief individuel à l’arbitrage que s’il a été présenté à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs. Si un fonctionnaire introduit une nouvelle question après avoir terminé le processus de règlement des griefs, comme c’est le cas en l’espèce, l’interprétation de Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), affirme que le fonctionnaire n’a pas présenté correctement le nouveau grief à quelque palier que ce soit. Par conséquent, le fait de ne pas avoir abordé la question pendant la procédure de règlement des griefs empêche toute décision en vertu de l’article 209(1) de la Loi.

[15] En ce qui concerne le bien-fondé des griefs, dans sa réponse au dernier palier, l’employeur a déclaré que les fonctions de travail, les examens de validation des emplois et la mise en œuvre des descriptions génériques PE pour la GRC ont tous été effectués conformément aux politiques pertinentes du Secrétariat du Conseil du Trésor concernant la classification et la gestion du personnel, qui stipulent que les examens de validation des emplois sont requis lorsqu’une reclassification proposée a lieu et qu’une meilleure compréhension de l’emploi est requise. Une diligence raisonnable a été exercée, et rien n’indique qu’il y a eu abus de pouvoir de la part de la Section de l’organisation et de la classification de la GRC ou au nom de sa haute direction.

[16] Enfin, l’employeur a demandé que les renvois à l’arbitrage soient rejetés sans audience.

B. Les fonctionnaires soutiennent avoir été rétrogradés

[17] Les fonctionnaires ont présenté de longs arguments dans lesquels ils expriment leur profond sentiment d’être traités de façon inéquitable et de ne pas bénéficier du respect professionnel qu’ils devraient avoir. Ils allèguent que la cartographie de leurs descriptions de travail au groupe et au niveau PE-04 était préétablie, malgré le fait que leur gestionnaire reconnaissait qu’ils exécutaient des tâches PE-05. Cela équivalait à une rétrogradation parce que cela les empêchait de bénéficier de la protection salariale au groupe et au niveau PE-05. Ils soutiennent que cela correspond à la définition générale de « rétrogradation » en vertu de la LGFP.

[18] De plus, les fonctionnaires ont soulevé un argument fondé sur la préclusion, à la suite de promesses alléguées selon lesquelles ils seraient reclassifiés au niveau PE-05.

[19] Ils conviennent que le pouvoir en matière de classification est conféré par la loi à l’employeur et qu’il est expressément exclu de la compétence de la Commission. Toutefois, ils prétendent que la véritable nature de leurs griefs est centrée sur la perte de protection salariale en raison du refus de l’employeur de reconnaître qu’en fait, ils ont effectué le travail d’un gestionnaire des ressources humaines de niveau PE-05 avant que leurs postes ne soient classifiés PE-04. S’ils avaient été reclassifiés à un poste de gestionnaire des ressources humaines PE-05, comme leur gestionnaire actuel l’avait reconnu à l’époque, ils auraient bénéficié d’une protection salariale au niveau PE-05 lorsque leurs postes ont été par la suite mis en correspondance avec la classification générique des PE-04.

[20] Ils prétendent que, tout au long du processus de règlement des griefs, ils ont constamment soutenu que le choix de la direction de ne pas examiner les postes individuellement avant l’examen des descriptions génériques des PE a entraîné le refus de la protection salariale en vertu de la Directive sur les conditions d’emploi. Ils prétendent que la situation s’est produite parce que la section de la classification de l’employeur a insisté pour que les postes de gestionnaire des ressources humaines PE dans l’Est soient classifiés PE-04, même si la direction a confirmé qu’ils exécutaient des tâches de niveau PE-05.

[21] En résumé, ils demandent les mesures correctives suivantes :

- L’employeur ne devrait pas reclassifier le poste numéro 00003332 en une description de travail générique PE-04, car cela ne convient pas à ce rôle.

- Il devrait corriger les incohérences entre le poste numéro 00003332 et d’autres postes PE chez l’employeur qui exécutent des tâches similaires et qui ont des responsabilités similaires.

- Les fonctionnaires cherchent à être indemnisés intégralement, ce qui comprend la restitution ou la correction de tout impact négatif résultant des actions de l’employeur.

 

[22] Les fonctionnaires ont soumis plusieurs cas à l’appui de leur position. Après les avoir examinés dans le contexte des présents griefs, la seule affaire pertinente est Cameron c. Administrateur général (Bureau du directeur des poursuites pénales), 2015 CRTEFP 98. Tout en reconnaissant que la compétence de la Commission découle de la Loi, les fonctionnaires réclament une interprétation de ses dispositions qui assure un accès significatif à la justice. Ils demandent donc que l’objection préliminaire de l’employeur soit rejetée et que leurs griefs soient entendus sur le fond.

IV. Analyse

A. L’examen générique des PE la perte de la protection salariale ne constitue pas une rétrogradation

[23] Comme il l’a indiqué, l’employeur considère que les griefs portent sur des questions de classification qui ne relèvent pas de la compétence de la Commission. Les fonctionnaires ne sont pas d’accord et soutiennent que leurs griefs ont trait à une rétrogradation résultant du refus de l’employeur de les reclassifier au niveau PE-05 avant que l’examen générique des PE n’ait été effectué.

[24] Les parties ne contestent pas que les pouvoirs de la Commission sont définis par la Loi. Pour déterminer si les griefs se rapportent à une rétrogradation en vertu de l’article 209(1)c)(i) de la Loi, je dois déterminer leur caractère essentiel en les examinant ainsi que les arguments des fonctionnaires (aussi appelé le critère du « caractère véritable »).

[25] Cette approche a été suivie de façon constante dans Swan c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 73; Chamberlain c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 115, au paragraphe 98; Dansou c. Agence du revenu du Canada, 2020 CRTESPF 100; Toth c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2024 CRTESPF 108; et Elsayed c. Agence du revenu du Canada, 2024 CRTESPF 130.

[26] Après avoir examiné les griefs et les arguments des fonctionnaires, je conclus que le caractère essentiel des griefs porte incontestablement sur des questions de classification, qui sont des droits exclusifs de la direction et qui sont donc expressément exclues de la compétence de la Commission; voir l’article 7 de la Loi. Bien qu’ils invoquent une perte de protection salariale, cela ne répond pas à elle seule à la définition de « rétrogradation » en vertu de la LGFP.

[27] Essentiellement, les griefs et tous les arguments connexes y compris les présentations de griefs et les arguments écrits affirment que les postes des fonctionnaires devraient être classifiés au groupe et au niveau PE-05 plutôt qu’à la description de travail générique PE-04. Les preuves sur lesquelles ils s’appuient portent sur des questions comme le placement opérationnel des postes, l’utilisation d’examens individuels au cours du processus de classification, l’application de descriptions de poste génériques et l’approche de mise en œuvre. Ces éléments sont, à mon avis, révélateurs d’un grief de classification. Par conséquent, je conclus que les griefs sont, en substance, des questions de classification sur lesquelles je n’ai pas compétence.

[28] À titre de mesures correctives, ils demandent que l’employeur maintienne la classification spécifique du poste 00003332 plutôt que de reclassifier leurs emplois en utilisant une description de travail générique PE-04, et que l’employeur corrige les incohérences entre ce poste et des postes PE similaires au sein de l’employeur en ce qui a trait à leurs fonctions et responsabilités. Les griefs ne font aucune mention de la rétrogradation ou de la perte de la protection salariale. La perte de protection salariale n’a été mentionnée qu’à la deuxième tentative des fonctionnaires de renvoyer leurs griefs à l’arbitrage.

[29] Les fonctionnaires peuvent prétendre que leurs griefs ne portent pas sur la classification, mais ils le font sans équivoque. Les mesures correctives qu’ils demandent exposent clairement leur demande de ne pas reclassifier leurs postes au niveau PE-04. Ils font référence à des incohérences entre la description de travail générique des PE-04 et le travail qu’ils ont effectué. Ces questions concernent l’exactitude de leurs descriptions de poste et leur classification correspondante. Malheureusement, les circonstances qu’ils décrivent ne constituent pas une rétrogradation en vertu de l’article 209(1)c)(i) de la Loi.

[30] Bien que les arguments des fonctionnaires aient fait allusion à des conséquences salariales importantes découlant du processus de classification, l’allégation d’une violation des dispositions de la convention collective sur la protection salariale n’est devenue explicite qu’à un stade ultérieur. Quoi qu’il en soit, la perte de protection salariale constitue une question d’interprétation de la convention collective et ne constitue pas, dans le présent cas, une preuve de rétrogradation. En fait, la question de la protection salariale est un effet corrélatif des arguments des fonctionnaires concernant la classification et ne représente pas, à mon avis, l’essence de leurs griefs.

[31] Dans Hare c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2019 CRTESPF 59, j’ai déterminé que la fonctionnaire s’estimant lésée avait été rétrogradée de façon déraisonnable en vertu de l’article 209(1)c)(i) de la Loi à la suite de son transfert d’un poste LA-2A à un poste EC-07 parce que l’employeur n’a pas pris de mesures d’adaptation à son égard au cours d’un processus de préqualification. Dans cette affaire, j’ai déterminé que je devais examiner dans leur contexte les circonstances dans lesquelles la rétrogradation alléguée s’est produite.

[32] L’article 209(1)c)(i) de la Loi définit une rétrogradation comme une mesure prise par l’employeur en vertu de l’article 12(1)d) de la LGFP pour rendement insatisfaisant ou en vertu de l’article 12(1)e) de cette loi pour toute autre raison qui ne se rapporte pas à un manquement à la discipline ou à une inconduite. Dans le présent cas, les fonctionnaires prétendent que leur rétrogradation n’était pas liée à la discipline, à une inconduite ou à un rendement insatisfaisant. Ils prétendent qu’elles ont été faites pour d’autres raisons sans rapport.

[33] L’article 12 de la LGFP prévoit ce qui suit en ce qui concerne la rétrogradation :

Pouvoirs des administrateurs généraux de l’administration publique centrale

Powers of deputy heads in core public administration

12 (1) Sous réserve des alinéas 11.1(1)f) et g), chaque administrateur général peut, à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable :

12 (1) Subject to paragraphs 11.1(1)(f) and (g), every deputy head in the core public administration may, with respect to the portion for which he or she is deputy head,

[...]

...

d) prévoir le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur de toute personne employée dans la fonction publique dans les cas où il est d’avis que son rendement est insuffisant;

d) provide for the termination of employment, or the demotion to a position at a lower maximum rate of pay, of persons employed in the public service whose performance, in the opinion of the deputy head, is unsatisfactory;

 

e) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur d’une personne employée dans la fonction publique;

e) provide for the termination of employment, or the demotion to a position at a lower maximum rate of pay, of persons employed in the public service for reasons other than breaches of discipline or
misconduct ….

[...]

...

 

[34] Il est bien établi qu’une enquête visant à déterminer s’il y a eu rétrogradation est un exercice factuel qui consiste à examiner les circonstances particulières d’un grief afin de déterminer si les faits en cause répondent au sens législatif du terme « rétrogradation », tel qu’il est décrit aux article 12(1)d) et e) de la LGFP.

[35] Dans Hare, j’ai suivi le même raisonnement que dans Peters c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2007 CRTFP 7, au paragraphe 264, comme suit :

[264] [...] Un arbitre doit interpréter le fait que l’alinéa 92(1)b) renvoie à l’alinéa 11(2)g) de la LGFP comme une indication contraignante que l’intention du Parlement était que le concept de la rétrogradation soit lié, aux fins d’établissement de la compétence d’un arbitre, à l’exercice du pouvoir en vertu de l’alinéa 11(2)g) de la LGFP. Dans la mesure où la jurisprudence interprétant l’exercice du pouvoir accordé en vertu de l’alinéa11(2)g) de la LGFP a défini ce que constitue une rétrogradation, un arbitre doit appliquer la loi en conséquence.

 

[36] Bien que la décision Peters ait été prise en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35) et de la LGFP applicable à ce moment, l’article 209 de la Loi et l’article 12 de la LGFP, qui traitent de la rétrogradation, sont demeurés essentiellement les mêmes. Voir le paragraphe 107 de Hare.

[37] Dans Peters, au paragraphe 265, une rétrogradation est définie comme suit :

[265] Comme l’a confirmé l’arbitre dans l’affaire Browne, citée plus haut par l’employeur, une rétrogradation au sens de la LRTFP et de la LGFP à laquelle elle renvoie survient lorsqu’à la fois la classification et la rémunération d’un employé changent. Un employé est rétrogradé lorsqu’il est muté ou affecté à « ... un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur .... ». Par conséquent, pour qu’il y ait rétrogradation, il doit y avoir eu une nomination antérieure à un niveau de classification supérieur, où le titulaire a droit à une rémunération de niveau plus élevé.

 

[38] La jurisprudence tant du secteur privé que de la Commission est cohérente quant à la définition de « rétrogradation », qui comprend une perte de salaire, une perte d’occasion, un transfert vers un travail moins intéressant et le risque de perdre des compétences spécialisées. Voir Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports), 2010 CRTFP 70, au paragraphe 226 (confirmée sur ce point dans 2011 CF 1218, aux paragraphes 34 et 35); Prince Foods Inc. v. U.F.C.W., Local 175 (2004), 131 L.A.C. (4th) 418; et Good Humour-Breyers v. U.F.C.W. (2004), 126 L.A.C. (4th) 423.

[39] Dans Hare, il y a eu une importante perte de salaire, des responsabilités réduites et il n’y a pas eu d’utilisation des compétences et de l’expérience que la fonctionnaire s’estimant lésée avait acquises avec succès dans le cadre du programme d’avancement professionnel (voir les paragraphes 208 et 211). De plus, la rétrogradation dans ce cas était due au fait qu’elle ne répondait pas aux critères d’admissibilité d’un bassin de candidats préqualifiés parce que l’employeur ne lui avait pas fourni une mesure d’adaptation raisonnable.

[40] L’article 209(1)c)(i) de la Loi prévoit qu’un employé peut renvoyer à l’arbitrage un grief relatif à une rétrogradation en vertu de l’article 12(1)e) de la LGFP pour toute autre raison qui ne se rapporte pas à un manquement à la discipline ou à une inconduite. L’article 12(3) de la LGFP prévoit qu’une rétrogradation ne peut être motivée que par des motifs valables.

[41] Dans Hare, l’employeur a convenu qu’il n’y avait pas eu de mesure disciplinaire ou d’inconduite et qu’il n’y avait pas eu de mauvais rendement. Il s’est fondé sur cet argument comme principal argument à l’encontre de la compétence de la Commission. Dans cette affaire, la preuve a établi que la rétrogradation avait été déclenchée par le fait que la fonctionnaire s’estimant lésée avait obtenu son diplôme du programme d’avancement professionnel et qu’elle n’avait pas réussi à se qualifier pour le bassin de candidats préqualifiés. J’ai déterminé que ce motif n’était pas lié à un manquement à la discipline ou à une inconduite. Sur cette base, j’ai déterminé que la Commission avait compétence et que la fonctionnaire s’estimant lésée avait été rétrogradée au sens des articles 209(1)c)(i) de la Loi et 12(1)e) de la LGFP. J’ai conclu que son échec à se qualifier pour le bassin de candidats préqualifiés était discriminatoire parce que l’employeur n’avait pas pris de mesures d’adaptation à son égard; par conséquent, la rétrogradation n’a pas été faite pour une raison légitime.

[42] Les circonstances décrites dans les griefs dont je suis saisi ne constituent pas une rétrogradation. Les griefs ne mentionnent aucune allégation de faits qui, s’ils étaient prouvés, justifieraient que j’exerce ma compétence en vertu de l’article 209(1)c)(i) de la Loi pour entendre ces griefs comme ayant trait à une rétrogradation pour un motif non disciplinaire.

[43] Les fonctionnaires peuvent prétendre que leurs griefs ne portent pas sur la classification, mais ils le font sans équivoque. Les mesures correctives qu’ils demandent exposent clairement leur demande de ne pas reclassifier leurs postes au niveau PE-04. Ils font référence à des incohérences entre la description de travail générique PE-04 et le travail qu’ils ont effectué. Ces questions concernent l’exactitude de leurs descriptions de poste et leur classification correspondante. Malheureusement, les circonstances qu’ils décrivent ne constituent pas une rétrogradation, mais plutôt un défaut d’obtenir une promotion méritée.

[44] Dans leurs arguments, les fonctionnaires ont exhorté la Commission à étendre sa compétence à l’égard des décisions de gestion prises en vertu de l’article 6 pour englober les questions de classification. Cependant, je n’ai pas ce pouvoir. La Commission est un tribunal prévu par la loi et sa compétence en matière de classification a été expressément exclue. Par conséquent, je dois conclure que je n’ai pas compétence dans le présent cas. Le même raisonnement s’applique aux arguments des fonctionnaires selon lesquels la Commission devrait assumer sa compétence en fonction de l’accès à la justice ou de la préclusion. Même en ce qui concerne le seuil peu élevé requis à cette étape préliminaire, je conclus que les fonctionnaires n’ont pas satisfait à leur fardeau d’établir une preuve à première vue de rétrogradation. Par conséquent, la Commission n’a pas compétence pour aller plus loin.

[45] Il est évident que les fonctionnaires ne sont pas satisfaits des changements apportés par l’employeur à leurs fonctions, de leur description de travail ou de l’absence d’une telle description, du niveau de leur poste et du processus de classification de l’employeur. Il se peut fort bien qu’ils aient des préoccupations légitimes, mais je ne peux pas les entendre parce qu’elles ne font pas partie des sujets visés par l’article 209(1)c)(i) de la Loi. Par conséquent, je n’ai pas compétence et je dois accueillir l’objection de l’employeur.

[46] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[47] L’objection de l’employeur en ce qui concerne la compétence est accueillie.

[48] Les griefs sont rejetés.

Le 10 juin 2025.

Traduction de la CRTESPF

Chantal Homier-Nehmé,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 

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