Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») a déposé un grief en décembre 2023 après avoir reçu des informations dans le cadre d’une demande d’accès à l’information. Dans son grief, il demandait le remboursement de ses congés pris en juin 2019 et des dommages moraux pour le préjudice subi. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage en mars 2024. Le fonctionnaire a renvoyé plusieurs autres griefs à l’arbitrage, cependant, la présente décision ne traite que du grief contestant les congés non autorisés. L’employeur a soulevé une objection préliminaire contestant la compétence de la Commission d’entendre le grief en vertu de l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2). L’employeur a constaté que le grief a été déposé quatre ans après les délais prescrits par la convention collective. Sur la base des arguments écrits supplémentaires, le fonctionnaire soutient qu’il a découvert des faits nouveaux en novembre 2023 à la suite de plusieurs demandes d’accès à l’information, et qu’il a par la suite présenté son grief en décembre 2023, donc à l’intérieur du délai de 25 jours qui est prévu dans la convention collective. Le fonctionnaire n’a soumis aucune demande de prorogation du délai en vertu de l’article 61b) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005-79). La Commission a accueilli l’objection, car elle a déterminé que le grief est hors délai; elle n’a donc pas la compétence afin de l’entendre. La Commission a conclu que le fonctionnaire a eu connaissance du refus de ses congés en 2019 et que, par conséquent, il était conscient de l’action qui a donné lieu au présent grief en 2019, malgré les nouveaux faits.

Objection accueillie.
Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20250821

Dossier: 566-02-49423

Référence: 2025 CRTESPF 97

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

RAPHAËL AGBOTON

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Statistique Canada)

 

employeur

 

Répertorié

Agboton c. Conseil du Trésor (Statistique Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Patricia H. Harewood, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Lui-même

Pour l’employeur : Brigitte Labelle, analyste

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés le 30 août et le 4 octobre 2024, et les 17 et 20 janvier 2025.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Raphaël Agboton, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé un grief le 13 décembre 2023 suite à des informations qu’il a reçues au sujet d’une demande d’accès à l’information. Dans son grief, il demande le remboursement de ses congés pris les 20, 21 et 24 juin 2019 et des dommages moraux pour le préjudice subi.

[2] Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 26 mars 2024.

[3] Par la suite, le fonctionnaire a renvoyé plusieurs autres griefs à l’arbitrage, y compris des griefs visant des suspensions et son licenciement. Pourtant, la présente décision ne traite que du grief figurant au dossier 566-02-49423, qui conteste les congés non autorisés.

[4] À la suite de la réception de la lettre de la Commission le 28 mars 2024 au sujet du renvoi du grief à l’arbitrage, l’employeur a soulevé une objection le 29 avril 2024, contestant la compétence de la Commission d’entendre le grief en vertu de l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »).

[5] L’employeur a constaté que le grief a été déposé quatre ans après les délais prescrits à l’article 33.12 de la convention collective du groupe Systèmes d’ordinateurs conclue entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, qui a expiré le 21 décembre 2021.

[6] Suite aux directives de la Commission, les parties ont eu l’opportunité de présenter des arguments supplémentaires visant l’objection préliminaire.

[7] Pour les motifs qui suivent, j’accueille l’objection préliminaire de l’employeur. Le grief est hors délai. La Commission n’a aucune compétence afin de l’entendre.

II. Arguments écrits de l’employeur

[8] L’employeur a soulevé une objection à la compétence de la Commission d’entendre les trois griefs. Pourtant, la présente décision ne traite que du grief susmentionné. Les deux autres griefs ont été traités par la Commission dans une lettre de décision.

[9] Dans ses arguments supplémentaires, l’employeur fait remarquer qu’à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs, l’objection a été soulevée.

[10] Le grief a été déposé le 13 décembre 2023. Le fonctionnaire demande des mesures correctives visant des congés de maladie pris les 20 et 21 juin 2019 et le congé annuel pris le 24 juin 2019, soit plus de quatre ans avant le dépôt du grief.

[11] De plus, l’employeur fait remarquer que la question des congés non autorisés a déjà été traitée dans un autre grief que le fonctionnaire n’a pas renvoyé à l’arbitrage et considère que le mérite du présent grief a déjà été examiné.

III. Arguments écrits du fonctionnaire

[12] Le fonctionnaire a soumis quatre courriels avec des pièces jointes, qui comprennent plusieurs réponses de l’employeur aux griefs dont je ne suis pas saisie, quatre demandes soumises en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P-21), des documents qui comprennent des descriptions d’évènements, des descriptions des faits et des documents visant les mesures correctives.

[13] En ce qui concerne le grief dont je suis saisie, le fonctionnaire soutient que le grief n’est pas hors délai.

[14] Il fait remarquer que, par l’intermédiaire de sa deuxième demande d’accès à l’information présentée en février 2021, il a découvert de nouveaux faits visant l’ingérence d’une directrice et d’un conseiller en ressources humaines dans le traitement de ses demandes de congés en 2019.

[15] Le fonctionnaire prétend que le grief porte sur des faits dont il n’avait pas connaissance auparavant. Il soutient donc que puisque de nouveaux faits ont été découverts, le cas doit être réexaminé, conformément à la pratique qui a cours dans le milieu judiciaire.

[16] Il fait remarquer que son grief a été déposé à la suite de la réception de « faits irréfutables et accablants » et il cite plusieurs documents. Aucun des documents cités visant de nouveaux faits n’a été fourni.

[17] Par la suite, il renvoie à plusieurs événements survenus après le dépôt de son grief et après la conversion de ses congés en congés non autorisés sans solde en juillet 2019.

[18] Le fonctionnaire soutient que son grief s’étend à toutes les « mesures répressives » prises contre lui et il renvoie à des suspensions et à son licenciement, qui ont eu lieu après le dépôt du grief.

IV. La réplique de l’employeur

[19] L’employeur maintient que le grief est hors délai.

[20] L’employeur soutient que le fonctionnaire a présenté sa demande d’accès à l’information plus d’un an et demi après la décision de ne pas autoriser ses congés en juin 2019.

[21] Quoique le fonctionnaire n’a présenté aucune demande pour une prorogation du délai, l’employeur a appliqué les critères Schenkman (Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1).

[22] L’employeur fait remarquer que le fonctionnaire n’a pas fourni des raisons claires, logiques et convaincantes pour justifier un retard de quatre ans. Il renvoie à Grouchy c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2009 CRTFP 92, au paragraphe 46.

[23] De surcroît, l’employeur soutient que la question a déjà fait l’objet d’un grief qui n’a pas été renvoyé à l’arbitrage.

[24] La durée du retard est de quatre ans, ce qui est considérable.

[25] L’employeur soutient qu’il ne serait inapproprié d’accorder une prorogation du délai après un tel délai, que le fonctionnaire s’estimant lésé justifie comme étant la période nécessaire afin de prendre connaissance des documents reçus à la suite de ses demandes d’accès à l’information.

[26] Il serait contre les objectifs de la Loi d’accorder une prorogation en minimisant la responsabilité du fonctionnaire de déposer son grief dans les délais, conformément à la convention collective. Cela porterait atteinte à l’employeur quant à ses attentes de finalité dans des situations de relations de travail.

[27] De plus, le fonctionnaire n’a pas fait preuve de diligence raisonnable, car il a soulevé des préoccupations au sujet de la position de l’employeur qu’après avoir pris connaissance des documents reçus à la suite de ses demandes d’accès aux renseignements personnels, soumises également au-delà du délai prévu par la convention collective.

V. Motifs

[28] Le fonctionnaire a renvoyé un grief en vertu de l’article 209(1) de la Loi afin de réclamer des congés en juin 2019 qui lui ont été refusés en juillet 2019.

[29] Le fonctionnaire n’est pas représenté par son agent négociateur. Il soutient que le refus de ses demandes de congés constitue un acte répréhensible.

[30] De plus, il soutient qu’il a découvert des faits nouveaux le 29 novembre 2023 suite à plusieurs demandes d’accès à l’information, et qu’il a par la suite présenté son grief le 13 décembre 2023. Ainsi, il soutient qu’il est à l’intérieur du délai de 25 jours qui est prévu dans la convention collective.

[31] Le fonctionnaire n’a soumis aucune demande de prorogation du délai en vertu de l’article 61b) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005-79; le « Règlement »), permettant à la Commission de proroger un délai par souci d’équité à la demande d’une partie.

[32] Ainsi, la présente analyse se limite à déterminer si le grief a été présenté hors délai.

[33] En effet, le fonctionnaire demande que la Commission commence à compter le délai à partir du moment qu’il soutient qu’il a découvert les faits nouveaux, soit le 29 novembre 2023.

[34] Je ne peux pas accepter les arguments du fonctionnaire selon lesquels le présent grief a été présenté à l’intérieur du délai prescrit.

[35] L’article 33.12 de la convention collective précise que le fonctionnaire doit présenter le grief dans un délai de 25 jours. Voici la disposition applicable :

33.12 L’auteur du grief peut présenter un grief au premier palier de la procédure de la manière prescrite au paragraphe 33.06, au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle l’auteur du grief est informé ou devient conscient de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief […]

33.12 A grievor may present a grievance to the first step of the procedure in the manner prescribed in clause 33.06, not later than the twenty-fifth (25th) day after the date on which the grievor is notified or on which the grievor first becomes aware of the action or circumstances giving rise to the grievance ….

[Je mets en évidence]

 

 

[36] Il n’y a aucune disposition dans la convention collective qui traite des délais en cas d’une découverte de faits nouveaux.

[37] De plus, il ne s’agit pas d’une demande de réexamen d’une décision ou d’une ordonnance de la Commission, tel que prévu à l’article 43(1) de la Partie I de la Loi.

[38] Le présent grief vise les congés qui ont été refusés par l’employeur en 2019 et pour lesquels le fonctionnaire s’estimant lésé demande un remboursement.

[39] Le fonctionnaire ne nie pas le fait qu’il était au courant en 2019 que les congés visés par le grief lui ont été refusés.

[40] Puisque le fonctionnaire a eu connaissance du refus de ses congés en 2019, la Commission conclut qu’il était conscient de l’action qui a donné lieu au présent grief en 2019, malgré les nouveaux faits qu’il soutient avoir reçus le 29 novembre 2023.

[41] Ainsi, le grief a été clairement présenté plus de quatre ans hors délai.

[42] Par conséquent, la Commission n’a aucune compétence en vertu de l’article 209 de la Loi pour traiter le grief.

[43] De plus, même si le fonctionnaire avait soumis une demande de prorogation du délai en vertu de l’article 61b) du Règlement en faisant valoir des faits nouveaux qu’il n’aurait pas pu découvrir auparavant, ma décision serait la même.

[44] J’aurais appliqué les facteurs Schenkman et j’aurais accepté l’argument de l’employeur à l’effet que le fonctionnaire n’a présenté aucune raison claire, logique ni convaincante pour expliquer le délai de quatre ans afin de présenter son grief.

[45] En fait, la demande d’accès à l’information, qui d’après le fonctionnaire a donné lieu à des « faits nouveaux », a été présentée plus d’un an après le refus des congés. Le fonctionnaire n’explique pas la raison pour ce délai.

[46] Il s’agit plutôt d’une demande du fonctionnaire d’ignorer le délai prévu à l’article 33.12 de la convention collective.

[47] La Commission ne peut pas ignorer le délai de rigueur de 25 jours prévu dans la convention collective pour la présentation de son grief. Ainsi, la Commission n’a aucune compétence pour entendre le présent grief.

[48] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[49] L’objection préliminaire de l’employeur est accueillie.

[50] Le grief est rejeté.

Le 21 août 2025.

Patricia H. Harewood,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 

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