Date: 20250703
Référence: 2025 CRTESPF 82
relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et |
|
entre
Ridwan iskander Abdulaziz
fonctionnaire s’estimant lésé
et
CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de l’Emploi et du Développement social)
Abdulaziz c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social)
Devant : Patricia H. Harewood, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Emilie Taman, avocate
Pour le défendeur : Richard Fader, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
(Traduction de la CRTESPF)
(TRADUCTION DE LA CRTESPF) |
I. Aperçu
[1] Les événements concernant le présent grief se sont produits dans le contexte d’une pandémie que beaucoup préféreraient oublier.
[2] Le 22 novembre 2019, le Conseil du Trésor a embauché Ridwan Iskander Abdulaziz, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), en tant qu’agent des passeports à Emploi et Développement social Canada (le « défendeur »). Son poste temporaire était classifié au groupe et au niveau PM‑01. En mars 2020, il occupait un poste de durée indéterminée.
[3] Au moment des fermetures à l’échelle mondiale en mars 2020 en raison de la pandémie de COVID‑19 (la « pandémie »), le travail a été réorganisé. M. Abdulaziz a été réaffecté au centre d’appels nouvellement créé pour la prestation d’assurance‑emploi d’urgence (PAEU). Il était là pour fournir des renseignements sur la PAEU, qui était une prestation offerte à des millions de Canadiens et de Canadiennes ayant perdu leur emploi ou ayant subi de graves difficultés financières en raison de réductions importantes de leurs revenus d’emploi.
[4] Le 30 juin 2021, l’autorisation de sécurité du fonctionnaire, la cote de fiabilité, a été révoquée (la « révocation ») parce qu’il a demandé la PAEU, à laquelle il n’avait pas droit. Le fonctionnaire a renvoyé deux griefs à l’arbitrage, l’un contre la révocation et le licenciement, et l’autre qui comportait des allégations de discrimination concernant l’entrevue de sélection. Le grief pour discrimination – 566‑02‑44107 – a été retiré à l’audience.
[5] Dans la lettre de révocation, l’employeur a fait remarquer que le comportement du fonctionnaire était contraire à ce qui était attendu de lui et que cela remettait sérieusement en question sa fiabilité. Le dirigeant principal de la sécurité a conclu que le fonctionnaire n’était pas apte à obtenir la cote de fiabilité. Au moyen d’une lettre, il a été licencié en vertu de l’article 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F‑11; LGFP) le même jour.
[6] Le fonctionnaire a soutenu que les incohérences dans sa demande et les déclarations électroniques du prestataire (DEP) n’étaient que des erreurs de bonne foi qui peuvent être expliquées par sa négligence. L’employeur a fait valoir qu’il était malhonnête et qu’il avait soumis à maintes reprises des DEP pour obtenir des prestations auxquelles il n’avait pas droit.
[7] La question que je dois trancher est celle de savoir si la révocation était motivée conformément à l’article 12(3) de la LGFP. Si la révocation était motivée, mon analyse s’arrête là, et le licenciement est confirmé. Si je conclus autrement, alors je dois suivre le raisonnement de la Cour d’appel fédérale (CAF) dans Canada (Procureur général) c. Heyser, 2017 CAF 113, et le fonctionnaire doit être réintégré dans son poste. Le fardeau de la preuve incombe à l’employeur; ce dernier doit établir que, selon la prépondérance des probabilités, le licenciement pour motif non disciplinaire du fonctionnaire était motivé, en ce sens qu’il découlait d’une révocation raisonnable et légitime de la cote de fiabilité du fonctionnaire.
[8] En fin de compte, la présente affaire porte sur la crédibilité du fonctionnaire, notamment son explication de la raison pour laquelle il a fourni, à maintes reprises, de faux renseignements dans huit DEP. Il a affirmé qu’il s’agissait simplement d’une erreur de bonne foi. Il croyait que toutes les réponses aux questions dans la demande et les DEP concernaient le poste qu’il avait perdu chez Enterprise Rent‑A‑Car (« Enterprise ») en raison de la pandémie. J’expliquerai plus tard la raison pour laquelle je suis d’avis que son explication n’est pas crédible.
[9] Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’employeur s’est acquitté du fardeau qui lui incombait, selon la prépondérance des probabilités, soit d’établir que la révocation était motivée. Après une enquête sur l’affaire, il était raisonnable et légitime pour l’employeur de conclure que le fonctionnaire n’était plus digne de confiance, et de révoquer sa cote de fiabilité.
[10] La première partie de ma décision résumera les éléments de preuve. Ensuite, dans la deuxième partie, je résumerai les arguments des parties. Dans la troisième partie, je vais examiner le critère applicable dans les cas de révocation et expliquer la raison pour laquelle j’ai conclu que la révocation était motivée.
II. Contexte
[11] Les faits dans la présente affaire sont assez simples. Bon nombre des faits pertinents ne sont pas contestés.
[12] L’employeur a cité à témoigner trois témoins : Stéphane Lavigne, l’enquêteur principal qui a mené l’enquête administrative interne et l’entrevue concernant le motif; Jean‑Marc Béliveau, le directeur adjoint de l’intégrité à la date de l’enquête; et Luc Tremblay, le directeur et dirigeant principal de la sécurité du Programme de l’intégrité, qui a pris sa retraite depuis. M. Tremblay a pris la décision définitive de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire.
[13] Le fonctionnaire a témoigné en son propre nom.
[14] Dans l’ensemble, le fonctionnaire se souvenait très peu de sa demande de PAEU, surtout en ce qui concerne les réponses inexactes qu’il a fournies dans son formulaire de demande et les huit DEP qu’il a soumis. À certains moments, il est devenu émotif pendant son témoignage, surtout lorsqu’il a parlé de sa situation financière précaire pendant la pandémie et de l’incidence que la perte de son emploi a eue sur lui et sa famille.
A. Le récit du fonctionnaire
[15] À la date de l’audience, le fonctionnaire avait 29 ans. Il fait partie d’une grande famille et a cinq frères et deux sœurs. Ses parents sont arrivés au Canada en tant que réfugiés en 1992. Il est né peu après, soit le 13 décembre 1995.
[16] Il a grandi dans des logements communautaires dans ce qu’il a décrit comme un quartier très difficile à Ottawa, en Ontario. Ses parents ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour s’assurer que lui et ses frères et sœurs ne participaient pas à certaines des activités du quartier (drogues, gangs, activités criminelles générales), et ils ont réussi.
[17] Ses parents ont tenté de l’inscrire à la meilleure école. Son école primaire n’était pas la meilleure, mais il est allé dans une meilleure école secondaire à l’extérieur de leur quartier.
[18] Il a assez bien réussi. Il a fait beaucoup de travail, et en raison de ce travail, il est allé à l’Université Carleton et a étudié la biologie, puis il est passé aux sciences politiques après un an. Il se voyait davantage dans le secteur public que dans les sciences. Il souhaitait devenir analyste des politiques environnementales.
[19] En 2018, il a terminé son baccalauréat. À partir de ce moment‑là, il a commencé à postuler des emplois dans la fonction publique fédérale. Il se voyait vraiment avoir une carrière dans la fonction publique. Toutefois, il était difficile d’en trouver un. Il y avait de nombreuses questions de présélection, et les processus étaient assez longs.
[20] Il avait des factures à payer et avait besoin d’un emploi. Par conséquent, au lieu de ne rien faire, il a trouvé un emploi auprès d’Enterprise. Il a commencé à travailler auprès d’Enterprise en avril 2019 en tant qu’employé à temps plein avec des heures variables. Il a travaillé de 7 h à 18 h, du lundi au vendredi, avec les fins de semaine de congé. Il travaillait de 45 à 60 heures par semaine pendant qu’il postulait des emplois dans la fonction publique fédérale.
[21] Son intention était de trouver un emploi dans la fonction publique, puis de démissionner d’Enterprise, mais la vie en a décidé autrement. Lorsqu’il a finalement trouvé un emploi dans la fonction publique, il est resté à temps partiel à Enterprise parce qu’il avait besoin d’argent. Il y est resté jusqu’à ce qu’il soit mis en disponibilité en raison d’une pénurie de travail.
[22] Le fonctionnaire a témoigné que, avant d’obtenir le poste d’agent des passeports, il a éprouvé des difficultés financières en raison d’un courtier hypothécaire qui a menti à son frère et à lui. Ils ont tenté d’acheter une maison et ont été informés que le prêteur avait retiré son prêt le jour où ils devaient déménager. Ils ont acheté la maison à Barrhaven, en banlieue d’Ottawa, et ont obtenu une hypothèque dont le taux d’intérêt était de 14 %.
B. L’embauche du fonctionnaire en tant qu’agent des passeports
[23] En fin de compte, le 23 novembre 2019, le fonctionnaire a trouvé le poste d’agent des passeports auprès de l’employeur. Il a témoigné qu’il avait suivi une formation en classe jusqu’à la fin de l’année, soit décembre 2019. Ensuite, il devait appliquer ce qu’il avait appris en ne commettant aucune erreur au cours d’une période de 10 jours consécutifs sur une période de 30 jours.
[24] Les fonctions d’un agent des passeports consistent notamment à recevoir les demandes, à les numériser, à s’assurer que les gens corrigent leurs photos de passeport pour qu’il n’y ait pas d’angles ou de sourires, et suivre des lignes directrices semblables. Ensuite, la demande de passeport est présentée aux fins d’examen. Il a travaillé en personne jusqu’à ce que le bureau soit exploité en ligne, en raison de la pandémie.
[25] Lorsque la pandémie est survenue en mars 2020, les agents des passeports ont été envoyés chez eux. Ils étaient en congé (le code de congé 699 a été utilisé pendant la pandémie) pendant environ trois semaines parce qu’ils n’avaient rien à faire. Il a dit qu’ils avaient été informés que l’employeur pourrait avoir besoin de leur aide pour un nouveau centre d’appels pour la PAEU qu’il créait. Ensuite, ils ont été informés qu’un certain nombre d’entre eux avaient été sélectionnés pour travailler dans le nouveau centre d’appels, qui devait fournir des renseignements aux Canadiens et aux Canadiennes qui demandaient des prestations d’aide d’urgence. À l’audience, il a affirmé qu’il ne savait pas si l’employeur sélectionnait les fonctionnaires au hasard, mais il avait été choisi.
[26] Selon son souvenir, la formation relative au centre d’appels était brève. Il se souvenait s’être senti comme si cela n’était pas suffisant. Elle comprenait une formation sur la façon de répondre aux appels, de configurer les formulaires sur la plateforme et de configurer les écouteurs. Il y avait aussi un document d’une ou de deux pages sur la Prestation canadienne d’urgence (PCU), mais c’était tout.
[27] Il ne se souvenait pas d’avoir suivi une formation de 3,5 heures sur la PCU ni d’avoir suivi une formation sur les scénarios concernant les clients de la PCU.
[28] Il a commencé à travailler au centre d’appels pour la PAEU à domicile le 6 avril 2020. Son rôle était de répondre aux questions sur la PAEU. Il s’agissait d’un centre d’appels général au sujet des prestations d’aide d’urgence; il n’était pas spécialisé. Il a reçu de nombreuses questions, comme à quelle fréquence un employé devait soumettre un rapport et s’il devait passer par l’intermédiaire de l’Agence du revenu du Canada (ARC) ou de l’employeur. Certaines portaient sur les relevés d’emploi. Certaines étaient plus précises et portaient sur des choses à l’égard desquelles les agents n’avaient suivi aucune formation.
[29] Le fonctionnaire a indiqué que les agents avaient reçu un numéro sans frais « 1‑800 » qu’ils pouvaient appeler pour des réponses spécifiques sur l’admissibilité ou des questions semblables.
C. Mise en place de la PCU et de la PAEU pendant la pandémie
[30] Au Canada, des millions de travailleuses et de travailleurs ont été touchés par les fermetures causées par la pandémie. Certaines personnes ont perdu leur emploi. D’autres personnes ont vu leurs revenus considérablement réduits. Les petites entreprises en ont également subi les conséquences néfastes.
[31] L’employeur a déposé en preuve un certain nombre de communiqués de presse, y compris une communication qui a été publiée sur Internet du 25 mars au 15 avril 2020, au sujet de la PCU. Aucun des renseignements dans les publications n’a été contesté, y compris une publication mise à jour le 15 avril qui indiquait que les règles d’admissibilité à la PCU changeaient pour donner accès à la prestation à plus de Canadiens et de Canadiennes, et qui incluait la possibilité pour les personnes de gagner jusqu’à 1 000 $ par mois tout en touchant la PCU.
[32] En réponse aux difficultés auxquelles la population et les entreprises canadiennes étaient confrontées en raison des conséquences directes des fermetures attribuables à la pandémie, le gouvernement fédéral a instauré un certain nombre de mesures « […] pour protéger la population et l’économie canadienne contre les répercussions de la pandémie mondiale de COVID‑19 […] », y compris la PCU et la PAEU.
[33] Des renseignements sur la PCU et les critères d’admissibilité étaient disponibles sur le site Web de l’employeur. Les Canadiens et les Canadiennes pouvaient présenter leur demande pour la PCU à compter du 6 avril 2020. Ils pouvaient également appeler un numéro sans frais s’ils avaient besoin des renseignements supplémentaires sur l’admissibilité.
[34] La PCU était une prestation imposable qui versait un montant de 2 000 $ par mois pendant une période maximale de quatre mois aux travailleurs qui avaient perdu leurs revenus en raison de la pandémie. Elle visait les travailleurs qui avaient perdu leur emploi ou qui tombaient malades, qui étaient mis en quarantaine ou qui prenaient soin d’une personne atteinte de la COVID‑19, ainsi que les parents qui devaient rester à la maison pour s’occuper d’enfants malades ou en raison de la fermeture des écoles et des garderies. Elle s’appliquait aux salariés, aux travailleurs autonomes et aux travailleurs contractuels qui n’étaient pas par ailleurs admissibles à la PAEU. Cette prestation était la prestation imposable offerte aux personnes ayant un revenu assurable tandis que la PCU était destinée aux personnes dont le revenu n’était pas assurable, comme les travailleurs autonomes. Les critères d’admissibilité à la PAEU étaient différents de ceux pour la PCU, mais les deux prestations avaient été communiquées au public sous le nom de Prestation canadienne d’urgence.
[35] Les travailleurs qui étaient toujours employés, mais qui ne recevaient aucun revenu en raison des perturbations causées par la pandémie pouvaient également être admissibles à recevoir la PCU. De plus, en raison de l’incapacité du système de la PAEU à traiter la quantité élevée de demandes reçues, des mises à jour ont été effectuées le 15 avril 2020 de sorte que la PAEU était également offerte aux personnes qui ne gagnaient pas un revenu supérieur à 1 000 $ sur une période de quatre semaines.
D. Le fonctionnaire a présenté une demande de PAEU
[36] Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait présenté une demande de PAEU le même jour où il a commencé à travailler au centre d’appels pour la PAEU le 6 avril 2020.
[37] Il s’est souvenu d’avoir lu quelque chose sur Internet dans lequel le premier ministre a dit qu’une personne qui a perdu son emploi en raison de la pandémie pouvait présenter une demande de PCU. Au début, il ne croyait pas être visé par cette prestation. Toutefois, lorsque son directeur d’Enterprise l’a appelé pour l’informer qu’il était mis en disponibilité en raison de la pandémie, il lui a demandé ce qu’il devait faire. Le gestionnaire lui a dit qu’il pouvait présenter une demande de PCU, et donc il l’a fait.
[38] Il a présenté une demande en ligne à l’aide de son ordinateur personnel. En contre‑interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré qu’il était probablement en pause lorsqu’il a présenté la demande puisque les employés du centre d’appels avaient droit à deux pauses de 15 minutes, et qu’il fallait moins de temps que cela pour présenter une demande. Il ne se souvenait pas s’il avait été pressé.
[39] Il a dit qu’il était entièrement sûr qu’il avait droit aux prestations parce qu’il avait perdu son emploi auprès d’Enterprise. En contre‑interrogatoire, il a admis qu’il n’avait pas appelé le numéro sans frais pour vérifier s’il était admissible. Il ne croyait pas avoir besoin d’appeler parce qu’il était tellement sûr qu’il était admissible. Il estimait que s’il perdait un emploi en raison de la pandémie, il avait le droit de présenter une demande.
[40] Le fonctionnaire a présenté une demande en ligne, en utilisant son nom et des renseignements bancaires exacts. Il a reconnu qu’il avait saisi des renseignements inexacts sur le premier formulaire de demande. À la question de savoir s’il retournerait travailler auprès de cet employeur, il a répondu qu’il le ferait, même s’il aurait dû dire le contraire. Il a reconnu que cela n’était pas exact. À la question de savoir pourquoi il avait répondu de cette façon, il a dit qu’il ne le savait pas.
[41] Le fonctionnaire a témoigné qu’il a répondu aux questions en croyant qu’elles portaient sur la perte de son emploi auprès d’Enterprise. En contre‑interrogatoire, il a été interrogé au sujet de cette réponse puisqu’il a indiqué son numéro de téléphone de Passeport Canada dans la demande et a cité son nombre d’heures travaillées par semaine comme étant 37 et son salaire hebdomadaire comme étant 650,00 $. Il a répondu qu’il ne savait pas pourquoi il avait saisi ces renseignements inexacts sur ses heures de travail. Il a toujours estimé que la demande pour la PAEU concernait la perte de son emploi auprès d’Enterprise. En contre‑interrogatoire, il a également reconnu que le fait d’indiquer qu’il gagnait 650 $ par semaine dans sa première demande n’était pas tout à fait exact.
[42] En réponse à la question de savoir s’il avait eu, au cours des 52 dernières semaines, une autre période de travail avec le même employeur ou un autre, il a coché [traduction] « NON ». Cela était également inexact, car lorsqu’il a présenté sa demande, il travaillait à temps plein au centre d’appels pour la PAEU et gagnait un salaire brut de 1 975 $ toutes les deux semaines. Il a dit qu’il avait probablement été simplement négligent lorsqu’il y a répondu.
[43] Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait saisi des renseignements inexacts dans les sept DEP subséquentes qu’il a soumises du 6 avril au 20 juillet 2020.
[44] Dans la première DEP, qu’il a déposé le 6 avril pour la période allant du 22 mars au 4 avril 2020, en réponse à la question concernant le nombre d’employeurs pour lesquels il a travaillé, il a répondu « un ». À la question de savoir pourquoi il n’avait pas inclus son emploi auprès du gouvernement fédéral, il a répondu qu’il ne pouvait pas s’en souvenir. Il songeait à son emploi auprès d’Enterprise.
[45] En contre‑interrogatoire, le fonctionnaire a reconnu que, dans sa deuxième DEP, il n’avait pas indiqué qu’il gagnait de l’argent. Il a déclaré que sa réponse était fondée sur ses revenus d’Enterprise. Il a également admis qu’il n’avait indiqué aucun revenu, et le nombre d’employeurs avait été laissé vide, même s’il avait un emploi à temps plein auprès de l’employeur. Il a admis que cela n’était pas exact.
[46] En contre‑interrogatoire, il n’a pas pu expliquer la divergence entre le registre des gains d’Enterprise, qui indiquait qu’il avait gagné 2 852,00 $ à la date de sa délivrance le 15 avril 2020, et le T4 de sa rémunération d’Enterprise, qui a inscrit son revenu d’emploi à la case 58 du T4 du 10 mai au 4 juillet 2020 comme étant de 2 141,65 $. En réinterrogatoire, lorsqu’on lui a demandé de confirmer s’il s’agissait d’une indemnité de départ, il a dit qu’à une date inconnue, son gestionnaire d’Enterprise l’avait informé que quelque chose lui serait envoyé, mais qu’il [traduction] « ne pouvait pas s’en souvenir ».
[47] Il a admis qu’il n’avait pas demandé l’avis d’un spécialiste en assurance‑emploi concernant son admissibilité parce qu’il était tellement sûr qu’il était admissible. Toutefois, il a témoigné qu’à une date non précisée, il a reçu un appel d’un client au sujet de l’admissibilité. Le fonctionnaire n’avait aucun document datant de la même époque que l’appel. Le client se trouvait essentiellement dans la même situation que lui, en ce qu’il avait deux emplois et qu’il en avait perdu l’un d’eux. Le fonctionnaire a appelé la ligne d’aide sans frais pour vérifier si le client avait droit aux prestations. Un spécialiste en assurance‑emploi a confirmé que la personne n’était pas admissible.
[48] Une fois qu’il a constaté que le client n’était pas admissible, il a compris qu’il n’était pas admissible non plus. Il a cessé de présenter des demandes de prestations. Sa dernière a été présentée à la fin du mois de juillet 2020.
[49] Il n’a pas communiqué avec son superviseur immédiat et n’a pris aucune mesure pour rembourser les montants qu’il avait reçus. Il a témoigné qu’il avait entendu dire que de nombreuses personnes recevaient des lettres de remboursement. Quand il a découvert qu’il n’était pas admissible, il croyait que le gouvernement fédéral finirait par le savoir, et il rembourserait les montants tout simplement. Il a attendu sa lettre pour rembourser les prestations.
[50] Il a affirmé que, lorsqu’il a cessé de demander la PAEU, son frère et sa sœur ont communiqué avec la famille et des amis et ont demandé à emprunter de l’argent. Certains ont été assez généreux pour donner un peu, pour les aider à joindre les deux bouts jusqu’à ce qu’ils puissent gérer la situation concernant le courtier hypothécaire.
[51] Le fonctionnaire n’a pas été surpris d’apprendre qu’il faisait l’objet d’une enquête pour avoir demandé la PAEU, mais c’était tout de même effrayant. Il n’a pas signalé avoir reçu les prestations à son employeur parce qu’il attendait la lettre, afin de pouvoir les rembourser.
[52] Il a dit qu’il avait entendu dire que beaucoup d’autres personnes avaient reçu des lettres, et qu’il savait qu’il en recevrait une et qu’il établirait un plan de remboursement. Il a dit qu’aucun véritable système n’était en place pour qu’il puisse les rembourser, et donc il a attendu la lettre, pour obtenir la confirmation.
[53] Il a dit que pendant l’entrevue au téléphone, lorsque l’enquêteur a souligné plusieurs incohérences dans sa demande, il était confus. Une fois que l’enquêteur lui a posé les questions, c’est devenu beaucoup plus clair.
[54] Quelques semaines plus tard, il a appris que sa cote de fiabilité avait été révoquée et qu’il avait été licencié. Sa première réaction fut que les membres de sa famille et lui perdraient la maison et n’auraient aucun endroit où vivre. Il s’inquiétait pour sa famille et sa carrière. Il a dit qu’il avait l’impression qu’on lui coupait l’herbe sous le pied.
E. Après le licenciement
[55] Après le licenciement du fonctionnaire, il lui a fallu un certain temps pour se remettre sur pied.
[56] Il ne pouvait rien trouver au début parce que la pandémie faisait encore rage. Il a utilisé des sites Web, tels que LinkedIn, Indeed et CareerBeacon, pour trouver un emploi, n’importe quel emploi. Il a même communiqué avec la direction d’Enterprise pour savoir s’il pouvait revenir. La femme du propriétaire avait une entreprise qui pourrait embaucher, mais en fin de compte, elle a décidé qu’elle n’avait pas le budget pour procéder à l’embauche.
[57] Il lui a fallu de 8 à 10 mois pour trouver un emploi. Il a travaillé auprès de Donwin Marketing Inc. de janvier 2022 à août 2023. Il a ensuite travaillé à temps partiel dans un magasin de vapotage à Barrhaven, tout en faisant sa maîtrise. Il est retourné à l’école parce qu’il estimait que son diplôme de premier cycle ne suffisait plus. De nombreuses entreprises recherchaient plus de titres de compétences pour travailler dans le secteur de l’environnement.
[58] Deux semaines avant l’audience, il a soumis son principal mémoire de recherche dans le cadre de sa maîtrise en sciences, qui portait sur la durabilité environnementale. Il a récemment été informé officieusement qu’il avait réussi.
[59] Au moment de l’audience, il occupait un poste temporaire à temps plein en tant qu’agent de projets spéciaux en foresterie pour le gouvernement de Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Le programme aide à protéger Terre‑Neuve contre les feux de forêt.
[60] Il a dit que sa dette envers le gouvernement fédéral avait été entièrement remboursée à la date de sa dernière déclaration de revenus.
[61] Il a indiqué qu’il avait appris de cette expérience qu’il devait être plus attentif et essayer de ne pas être négligent et rapide lorsqu’il remplit des demandes.
F. L’enquête sur les versements de la PAEU que le fonctionnaire a touchés
[62] En janvier 2021, M. Lavigne était un enquêteur principal avec l’Unité de l’intégrité interne de l’employeur. Il a été nommé pour enquêter sur l’allégation selon laquelle le fonctionnaire avait reçu la PAEU, même s’il n’y avait pas droit.
[63] M. Lavigne s’est joint à la fonction publique en 2019. Avant cela, il a passé 26 ans dans les unités d’enquêtes spéciales à différents niveaux auprès de la Sûreté du Québec. Lorsqu’il s’est joint au gouvernement fédéral, il a été nommé enquêteur principal auprès de l’Unité de l’employeur. Il est devenu gestionnaire en octobre 2021.
[64] Il n’avait aucune connaissance du fonctionnaire avant d’enquêter sur le cas. Au départ, il a été nommé pour effectuer la recherche des faits avant de recevoir le mandat relatif à l’enquête administrative. Une fois le mandat reçu, il a été nommé enquêteur principal à l’égard du dossier du fonctionnaire.
[65] M. Lavigne a expliqué que la première entrevue faisait partie de l’enquête administrative et qu’elle a été communiquée à la haute direction, au sous‑ministre adjoint et à la section des Relations de travail de l’employeur. La deuxième entrevue qu’il a menée était une révision pour motif valable et elle a été communiquée au groupe de sécurité du personnel pour l’évaluation de la cote de fiabilité du fonctionnaire. Cette équipe l’a ensuite examinée et devait formuler une recommandation au dirigeant principal de la sécurité pour maintenir, suspendre ou révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire. La direction et la section des relations de travail n’ont pas vu ces renseignements. M. Lavigne n’a pas participé à cette décision. M. Lavigne a fait référence à son rapport d’enquête administrative tout au long de son témoignage.
[66] Il a confirmé que l’enquête administrative a été lancée pour examiner s’il existait suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que le fonctionnaire a contrevenu au Code de conduite d’EDSC (le « Code ») lorsqu’il a touché la PAEU alors qu’il ne satisfaisait pas aux critères d’admissibilité.
[67] M. Lavigne a indiqué qu’une équipe d’analystes avait d’abord examiné tous les cas, afin de confirmer ou d’invalider les renseignements dans les systèmes électroniques de l’employeur qui indiquaient que certains employés avaient reçu un salaire alors qu’ils n’avaient subi aucune réduction de paie en raison de la pandémie. Après que les analystes ont terminé leur travail initial, il a interrogé les employés.
[68] Les demandeurs pouvaient présenter une demande de PAEU après que deux semaines se soient écoulées sans emploi. La PAEU était versée du dimanche au samedi. Les prestataires de la PAEU devaient présenter une carte électronique de prestataire toutes les deux semaines.
[69] M. Lavigne a conclu que le fonctionnaire n’était pas admissible à la PAEU parce que, pendant la période au cours de laquelle il a présenté sa demande, il a travaillé pour l’employeur et a reçu son plein salaire, sans réductions en raison de la pandémie.
[70] M. Lavigne a dit que le fonctionnaire avait rempli huit DEP pour obtenir la PAEU d’avril à juillet 2020. Lorsque les demandeurs ont présenté la première demande, s’ils étaient admissibles, ils ont automatiquement reçu la somme de 2 000 $ et devaient fournir la DEP toutes les deux semaines pour continuer à la recevoir. Ils étaient payés pour les deux semaines précédentes, tout comme l’assurance‑emploi.
[71] En contre‑interrogatoire, M. Lavigne a reconnu qu’il n’est pas un expert en matière de critères d’admissibilité à l’assurance‑emploi; le fonctionnaire ne l’est pas non plus.
[72] Avant d’interroger le fonctionnaire, M. Lavigne s’est rendu chez le fournisseur de service pour demander si un remboursement avait été fait ou si des ententes de remboursement avaient été conclues. Aucun remboursement n’avait été fait ni aucune entente de remboursement n’avait été conclue.
[73] Après que M. Lavigne a examiné la demande du fonctionnaire et les DEP et l’a interrogé, il a conclu que le fonctionnaire était malhonnête.
[74] La première demande comportait une question quant à savoir si le demandeur avait eu un autre emploi au cours des 52 dernières semaines, avec le même employeur ou un employeur différent. Si la réponse était « Oui », le demandeur n’était pas admissible. Le fonctionnaire a répondu qu’il n’avait eu aucun autre emploi.
[75] Lorsqu’il a interrogé le fonctionnaire, M. Lavigne a remarqué qu’il se trouvait dans une situation financière fragile. Il avait des prêts à rembourser et des problèmes relatifs à son hypothèque. M. Lavigne estimait que le fonctionnaire avait besoin des deux revenus pour rembourser sa dette.
[76] Chaque fois que le fonctionnaire était confronté à des questions plus délicates, il répondait toujours qu’il avait commis une erreur de bonne foi et qu’il ne savait pas. Il a évité de répondre dans certaines circonstances. Selon l’entrevue et les renseignements fournis dans les DEP, M. Lavigne était convaincu que le fonctionnaire n’était pas tout à fait honnête.
[77] M. Lavigne a dit que, dans la deuxième DEP du fonctionnaire, il a dit qu’il n’avait aucun employeur, ce qui était inexact. Il a dit qu’il était prêt et disponible pour travailler, ce qu’il a dit constamment, mais ce n’était pas exact parce qu’il n’était pas disponible pour travailler pendant la journée.
[78] En contre‑interrogatoire, M. Lavigne a admis que si l’emploi du fonctionnaire auprès d’Enterprise avait été sa seule source de revenus, il aurait été admissible à la PAEU lorsqu’il a perdu cet emploi.
[79] À l’exception de la première demande, M. Lavigne a affirmé que le fonctionnaire a constamment déclaré qu’il ne tirait aucun revenu, ce qu’il a continué à faire jusqu’à sa dernière DEP le 20 juillet (voir la p. 339).
[80] M. Lavigne a affirmé qu’après avoir terminé le rapport d’enquête administrative, celui‑ci a été remis à un agent principal de l’intégrité, qui a enquêté sur le cas du fonctionnaire en tant que membre ordinaire du public ayant demandé des prestations, et non en tant qu’employé. En contre‑interrogatoire, M. Lavigne a précisé qu’après le rapport de l’agent principal de l’intégrité, le Programme des opérations de l’intégrité a décidé de récupérer immédiatement 1 000 $ de la somme forfaitaire de 2 000 $ versée à l’origine.
[81] Le fonctionnaire a reçu une copie du rapport d’enquête administrative et avait le droit de présenter une réfutation à celui‑ci. Le 8 avril 2021, il a envoyé un courriel à un directeur au Centre de traitement des passeports comportant des questions concernant sa suspension. Il a reçu une réponse le 19 avril 2021.
[82] M. Lavigne a considéré la réponse du fonctionnaire du 8 avril comme étant sa réfutation officielle. Cela n’a pas changé le résultat de son enquête, à savoir que le fonctionnaire était malhonnête.
[83] Une fois que M. Lavigne avait remis son rapport d’enquête administrative, il est demeuré prêt à répondre aux questions. Il a donné une séance d’information verbale au dirigeant principal de la sécurité et on ne lui a pas demandé de fournir d’autres renseignements.
[84] Il ne faisait pas partie de l’équipe qui a procédé à la révocation.
[85] En contre‑interrogatoire, M. Lavigne a reconnu qu’il était conscient que lorsqu’ils ont examiné l’admissibilité à la PAEU, l’employeur, l’ARC et le vérificateur général ont reconnu que certaines personnes qui l’ont reçu ont commis des erreurs de bonne foi.
[86] Il a reconnu que le cas du fonctionnaire n’a jamais été renvoyé aux organismes d’application de la loi. Il a dit que la haute direction de l’employeur avait décidé que de tels dossiers ne seraient pas renvoyés aux organismes d’application de la loi. Il ne connaissait aucune situation où un tel cas avait été renvoyé ou accepté par les organismes d’application de la loi.
[87] En contre‑interrogatoire, M. Lavigne a également indiqué que, lorsque l’entrevue a eu lieu en janvier 2021, le fonctionnaire a reconnu qu’il n’avait pas tout l’argent nécessaire pour rembourser immédiatement la PAEU.
G. L’examen de la cote de fiabilité du fonctionnaire
[88] Au moment de l’audience, M. Béliveau était le chef d’équipe au Comité externe d’examen des griefs militaires, et son poste était classifié au groupe et au niveau AS‑07. Il avait travaillé dans la fonction publique pendant 39 ans, incluant son service militaire.
[89] M. Béliveau était le directeur adjoint de l’Unité de l’intégrité interne lorsque la révocation a été effectuée. La cote de fiabilité est requise pour les postes de la fonction publique qui ont un accès non supervisé à l’information et à la technologie de l’information (TI).
[90] Son rôle était de s’assurer que les dossiers avançaient et que les documents étaient préparés et examinés pour le dirigeant principal de la sécurité lorsque le directeur n’était pas présent. Il a dirigé l’opération et a prodigué des conseils sur les cas concernant la PCU et la PAEU.
[91] M. Béliveau n’a pas mené d’enquêtes, mais il a tenu des audiences dans des cas qui pouvaient avoir une incidence sur la cote de fiabilité d’un employé. Il a dit que la norme était de se référer au Code au cours d’une enquête administrative.
[92] Il a également fait référence à la Norme sur le filtrage de sécurité du Conseil du Trésor, qui décrit les conditions d’octroi, d’examen ou de révocation d’une autorisation de sécurité, y compris la cote de fiabilité.
[93] M. Béliveau a renvoyé à la Politique sur la sécurité du gouvernement du Conseil du Trésor, qui décrit les responsabilités des secteurs dans les huit domaines de la sécurité, dont l’un est la vérification de sécurité du personnel.
[94] Après que le rapport d’enquête administrative a été examiné, le groupe de sécurité du personnel publiait également un rapport. L’employé devait également répondre aux questions d’un questionnaire de sécurité lors de la deuxième entrevue concernant le motif. Il a dit que le groupe de sécurité du personnel examinait également l’aspect financier et qu’une évaluation était effectuée pour déterminer si la personne représentait un risque pour l’employeur.
[95] Ensuite, l’unité de M. Béliveau préparait un rapport visant à évaluer si l’employé avait maintenu la confiance requise pour conserver sa cote de fiabilité. Au départ, cela était fait par lettre à son arrivée à EDSC. Dans la présente affaire, le rapport a d’abord été préparé en français à l’intention du dirigeant principal de la sécurité, et le processus a changé par la suite.
[96] Il n’avait aucune connaissance du fonctionnaire avant de traiter le dossier de ce dernier.
[97] L’employeur prend au sérieux la protection des renseignements qu’il détient. Il possède de précieuses bases de données de renseignements personnels sur les Canadiens et les Canadiennes, de la naissance au décès. Lorsqu’il a traité le dossier du fonctionnaire, de nouvelles mesures étaient en place pour protéger ces renseignements personnels, car c’était peu de temps après une importante atteinte à la vie privée dans une institution financière réputée, le rapport du Commissaire à la protection de la vie privée sur les atteintes à la vie privée et l’accent mis sur la protection de la vie privée des Canadiens et des Canadiennes. Il a dit que l’une des raisons pour lesquelles le Programme de l’intégrité interne a été créé était de répondre à ces préoccupations.
[98] M. Béliveau n’a pas jugé crédible l’explication du fonctionnaire quant à la raison pour laquelle il croyait qu’il avait droit à la PAEU en fonction des critères, notamment les renseignements que le fonctionnaire a fournis et les questions auxquelles il a répondu au cours de l’entrevue. M. Béliveau a dit que, selon tous les critères, il estimait que le fonctionnaire n’avait pas été honnête quant à la raison pour laquelle il croyait avoir droit à la PAEU.
[99] M. Béliveau a indiqué que, compte tenu du ratio de la dette par rapport au revenu du fonctionnaire, ses réponses aux questions et son admission selon laquelle il avait des pressions pour s’acquitter de ses obligations hypothécaires, l’employeur a conclu qu’il avait demandé la PAEU pour des raisons personnelles, afin de répondre à ses pressions financières.
[100] M. Béliveau a dit qu’il était important de savoir que le fonctionnaire n’avait pas droit à la PAEU, mais qu’il avait donné la priorité à ses intérêts. En contre‑interrogatoire, M. Béliveau a reconnu qu’une personne qui était admissible aurait pu présenter une demande et également subir une pression financière.
[101] L’Unité de l’intégrité devait se demander si l’employeur pouvait faire confiance au fonctionnaire et lui donner un accès non supervisé aux renseignements et elle était d’avis qu’il n’était pas digne de confiance. M. Béliveau a affirmé que le dirigeant principal de la sécurité a pris la décision définitive de procéder à la révocation.
[102] En contre‑interrogatoire, il a été suggéré à M. Béliveau que les réponses du fonctionnaire dans ses DEP ne correspondaient pas à celles d’une personne qui tente de dissimuler des revenus, puisqu’il a déclaré des revenus dans sa première demande et a déclaré qu’il avait gagné des revenus dans son deuxième rapport.
[103] M. Béliveau a reconnu qu’il ne pouvait pas se prononcer sur l’état d’esprit du fonctionnaire. Cependant, le véritable déclencheur était le fait que, en réponse à une question posée au sujet d’autres employeurs et revenus, le fonctionnaire a indiqué un montant qui n’avait pas de sens et a ensuite déclaré à maintes reprises dans d’autres DEP qu’il n’avait aucun autre revenu avec un autre employeur, même s’il travaillait à temps plein pour l’employeur.
[104] M. Béliveau a expliqué que l’Unité n’a pas tenté d’établir qu’il y avait eu fraude, mais que l’enquête visait à évaluer la véracité de l’affirmation du fonctionnaire concernant les raisons pour lesquelles il croyait avoir droit à la PAEU. Elle souhaitait savoir si son récit correspondait à ce qu’elle pouvait constater. Elle n’a pas tenté d’établir un motif. Elle souhaitait savoir s’il avait fait preuve d’honnêteté dans ses réponses aux questions dans les DEP relatives à la PAEU.
[105] En contre‑interrogatoire, M. Béliveau a reconnu qu’il avait examiné un grand nombre de dossiers de la même nature que celle du fonctionnaire. Certains ont donné lieu à la révocation de la cote de fiabilité des employés, mais d’autres non, parce que l’Unité a déterminé que le récit était crédible. Certains employés avaient mal interprété la demande et certains avaient présenté une demande, puis avaient ensuite constaté qu’ils n’avaient pas indiqué qu’ils étaient travailleurs autonomes dans leur réponse.
[106] M. Béliveau a examiné environ 250 cas. La cote de fiabilité de tous les employés n’a pas été révoquée. Toutefois, dans le cas du fonctionnaire, l’Unité a estimé que son récit n’était pas crédible. Un nombre important de personnes ont subi une pression financière pendant la pandémie. Selon la conclusion de l’employeur, le fonctionnaire avait demandé la PAEU même s’il savait qu’il n’y était pas admissible. Il l’a fait pour gérer une circonstance personnelle.
H. La décision de révocation
[107] M. Tremblay était le directeur général du Programme de l’intégrité interne et le dirigeant principal de la sécurité qui a procédé à la révocation. Son poste était classifié au groupe et au niveau EX‑03. Il a pris sa retraite depuis. Au moment pertinent, il avait le pouvoir délégué de décider si les autorisations de sécurité étaient révoquées ou suspendues.
[108] Au cours de sa carrière dans la fonction publique, il a travaillé dans le domaine de la sécurité et de la TI pour cinq ministères différents : Statistique Canada, l’ARC, Services partagés Canada, Patrimoine canadien, et enfin, l’employeur.
[109] Le 19 mars 2021, il a envoyé une lettre au fonctionnaire pour l’informer que sa cote de sécurité avait été suspendue.
[110] Le dossier du fonctionnaire concernait la gestion des risques. L’employeur détient la plus grande collection de données au Canada composée de renseignements personnels de la naissance au décès. De nombreux acteurs malveillants s’intéressent aux données, qui font constamment l’objet d’attaques. Il est très important de protéger ces renseignements. M. Tremblay a dit que, lorsqu’une personne peut représenter un risque pour les données, l’employeur souhaite que cette personne soit retirée du lieu de travail.
[111] M. Tremblay a décrit le processus auquel il a participé lorsque des renseignements défavorables sont trouvés au sujet d’un employé. Une fois l’enquête administrative interne achevée, un rapport d’enquête administrative est produit et acheminé à deux endroits, soit à la section des Relations de travail et à l’employeur, afin de déterminer si une mesure disciplinaire sera imposée.
[112] Lorsque la cote de fiabilité de l’employé est examinée, une équipe lit le rapport d’enquête administrative et décide si la cote de fiabilité doit être évaluée. Dans la présente affaire, la cote de fiabilité du fonctionnaire a été suspendue. À l’aide de tous les renseignements en la possession de l’Unité, celle‑ci devait procéder à l’évaluation et recommander si sa cote de fiabilité devait être révoquée.
[113] L’évaluation a permis de formuler un certain nombre de constatations et de recommandations pour révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire. M. Tremblay a dit que le processus n’est pas simple et qu’il ne se déroule pas en un clin d’œil. De nombreuses réunions sont tenues. Une fois les rapports produits, une équipe se réunit et prend une décision.
[114] M. Tremblay a décrit le processus comme étant rigoureux, car il y a de graves conséquences sur la vie des employés. Il a dit que son travail consistait à évaluer le risque.
[115] Selon lui, la sécurité, c’est noir ou c’est blanc. Il ne peut pas y avoir de nuance concernant la cote de sécurité.
[116] En fin de compte, il a conclu qu’il existait un risque en raison du manque de fiabilité et d’honnêteté de la part du fonctionnaire. M. Tremblay a dit que le fonctionnaire a demandé la PAEU et qu’il avait fait de fausses déclarations à maintes reprises et qu’il a ensuite essentiellement allégué que tout ça était une erreur. Cela a fait en sorte que le fonctionnaire a répondu incorrectement à des questions bien éprouvées à huit reprises.
[117] M. Tremblay a reconnu que la demande de la PCU comportait une certaine incertitude, mais que les questions pour les prestations de la PAEU étaient tirées du programme d’assurance‑emploi et étaient très claires. Il a fait remarquer que les questions de l’assurance‑emploi sont examinées dans des groupes de discussion et qu’elles sont solides. Elles sont mises à l’essai pendant plusieurs années et auprès de nombreux utilisateurs. Il a dit qu’une question avait été posée à maintes reprises au fonctionnaire, soit celle de savoir s’il avait travaillé dans son emploi ou dans un autre emploi au cours des 12 derniers mois, et que le fonctionnaire a répondu « Non ». M. Tremblay a dit qu’il était clair que le fonctionnaire avait menti sur le questionnaire.
[118] M. Tremblay a affirmé que l’autre facteur était financier et concernait le crédit du fonctionnaire. Le fonctionnaire a vu la prestation comme un moyen de gagner 8 000 $ et de payer sa dette.
[119] M. Tremblay a fait remarquer que l’employeur comprenait l’énorme incidence de la perte d’un emploi et de tout revenu pendant une certaine période, mais que son travail consistait à protéger l’employeur. M. Tremblay a constaté un risque à l’égard d’une personne qui saisit la première cagnotte sur laquelle elle peut mettre la main.
[120] M. Tremblay a dit que si une organisation criminelle avait approché le fonctionnaire et lui avait offert de l’argent, rien n’indiquait qu’il ne l’aurait pas accepté. Lorsqu’il a été interrogé en contre‑interrogatoire quant au fait que cette affirmation semblait être une exagération grossière, M. Tremblay a répondu qu’il ne voyait pas cela comme un grand bond, puisque le fonctionnaire savait comment trouver toutes les réponses aux questions sur la PAEU.
[121] Le 30 juin 2021, M. Tremblay a écrit au fonctionnaire pour l’informer de la révocation. Puisqu’un poste de la fonction publique ne peut être occupé sans cette cote, il a également été licencié.
[122] En contre‑interrogatoire, M. Tremblay a reconnu qu’il n’avait pas vu la question quant à savoir si le fonctionnaire avait eu un emploi au cours des 52 dernières semaines dans les DEP. En réinterrogatoire, il a indiqué que le fonctionnaire a toujours répondu qu’il n’avait aucun employeur et qu’il était disponible pour travailler, même s’il travaillait à temps plein auprès du gouvernement fédéral.
[123] En contre‑interrogatoire, M. Tremblay a admis que le cœur de la question consiste à déterminer s’il y avait un motif raisonnable de croire que le fonctionnaire représentait un risque pour la sécurité. Il a dit que le contexte de la pandémie avait été pris en considération dans l’équation. Toutefois, il a indiqué que le fonctionnaire était vulnérable sur le plan financier même avant la pandémie parce que son frère et lui avaient acheté une maison. Même avec un deuxième revenu d’emploi, le fonctionnaire éprouvait une pression financière considérable.
[124] M. Tremblay a indiqué qu’un grand nombre d’employés ont demandé des prestations et ont commis des erreurs; ils ont présenté une ou deux demandes et ont découvert qu’ils n’étaient pas admissibles. Ils ont communiqué avec la ligne d’aide et ont découvert s’ils étaient admissibles. Ils ont conclu des ententes pour rembourser les sommes qu’ils devaient. Il a constaté que le fonctionnaire avait présenté plusieurs demandes de PAEU. Le fonctionnaire n’a jamais remis en question son admissibilité, même s’il travaillait au centre d’appels pour la PAEU.
[125] En contre‑interrogatoire, M. Tremblay a reconnu qu’il ne s’agit pas d’un cas où le fonctionnaire exploite l’accès à une base de données et prend des renseignements; il ne s’agit pas non plus d’un cas de fraude déterminée.
III. Résumé de l’argumentation
A. Pour l’employeur
[126] L’employeur a soutenu que la présente affaire concerne la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire et le licenciement qui a suivi. Il ne s’agit pas d’une affaire de mesures disciplinaires. Elle doit être examinée uniquement dans l’optique de la sécurité dans l’avenir.
[127] Par conséquent, conformément à une trilogie de décisions de la Cour d’appel fédérale (Heyser, Bergey c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 30, et Canada (Procureur général) c. Féthière, 2017 CAF 66) (la « trilogie de la CAF »), l’employeur devait établir seulement que la révocation était appropriée et légitime et qu’elle était conforme à ses politiques pertinentes. Dans l’affirmative, le licenciement était justifié. Aucune proposition n’a été faite selon laquelle la décision était contraire à la convention collective.
[128] Le fonctionnaire a demandé la PAEU, de manière inappropriée, sur une période de plusieurs mois et a fourni des renseignements inexacts à maintes reprises.
[129] Il est important de se rappeler le contexte de la pandémie. Au Canada, environ 5,5 millions de personnes ont perdu leur emploi ou ont connu une réduction de leurs heures de travail. Dans ce contexte, le fonctionnaire a présenté de faux renseignements pour obtenir la PAEU, à laquelle il n’avait pas droit. Il a présenté une demande même s’il était un fonctionnaire à temps plein.
[130] La révocation a eu lieu parce que le fonctionnaire n’était pas jugé comme étant digne de confiance.
[131] L’employeur a le pouvoir d’adopter des politiques. Le législateur est allé plus loin dans la LGFP, aux articles 7, 11 et 11.1. L’employeur peut faire quoi que ce soit dans les limites prévues par la loi et dans une convention collective.
[132] La Norme sur le filtrage de sécurité prévoit la définition d’une « cote de fiabilité ». Il s’agit de la norme minimale de filtrage de sécurité pour les postes dont les titulaires doivent avoir un accès non surveillé à des renseignements, à des biens, et à des installations protégés du gouvernement du Canada ou à ses systèmes de technologie de l’information. Le filtrage de sécurité aux fins de la cote de fiabilité évalue l’honnêteté d’un particulier et la question de savoir si l’on peut lui faire confiance pour protéger les intérêts de l’employeur.
[133] L’annexe D de la Norme sur le filtrage de sécurité explique la façon de déterminer la fiabilité d’une personne. Peut‑on faire confiance à la personne pour protéger les renseignements, les biens et les installations, et peut‑on compter sur elle pour ne pas abuser de la confiance qui pourrait lui être accordée et pour exécuter les tâches qui lui sont confiées d’une manière qui reflète positivement sur le gouvernement du Canada et qui ne pose aucun risque à sa sécurité?
[134] La Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») doit examiner la présente affaire dans une optique de sécurité en se fondant sur les politiques de l’employeur et non au moyen d’une analyse disciplinaire (voir Tobin c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 254; et Richmond c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2024 CRTESPF 167).
[135] L’examen administratif peut se dérouler en parallèle aux mesures disciplinaires (voir Bergey). La question consiste à savoir si la révocation était motivée. L’employeur n’avait pas à établir que la révocation n’était pas motivée. Cependant, la Commission doit déterminer quelle version des événements correspond le mieux à la prépondérance des probabilités lorsqu’elle est examinée dans le contexte de tous les faits, tout en appliquant le bon sens (voir Faryna v. Chorny, 1951 CanLII 252 (BC CA)).
[136] L’employeur a soutenu qu’à la fois Varn c. Canada (Procureur général), 2017 CF 1132, et Murphy c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2019 CRTESPF 64, au paragraphe 97, établissent que la suspension et la révocation de la cote de fiabilité d’un employé doivent être motivées. La décision doit être raisonnable.
[137] La défense du fonctionnaire ne s’harmonisait pas avec la prépondérance des probabilités. Il n’a pas simplement rempli les formulaires de façon négligente; il a agi de manière trompeuse. Il a choisi la bonne prestation et, dans huit cartes de DEP, il a déclaré qu’il était prêt et disposé à travailler, même s’il travaillait à Passeport Canada. Il a déclaré qu’il retournerait au travail, même s’il a témoigné qu’il n’était pas retourné chez Enterprise.
[138] La somme de 650,00 $ avait simplement été inventée. Il a fourni un numéro pour le bureau des passeports. Il a modifié sa procédure lorsque sa première DEP a été refusé.
[139] Presque toutes ses DEP étaient identiques. Il a laissé le nombre d’employeurs vide, même s’il avait un emploi à temps plein. Il a continué à remplir les rapports de la même manière et n’a jamais déclaré ses DEP à son superviseur ni communiqué avec lui à ce sujet.
[140] L’employeur a soutenu que, selon le nombre d’erreurs et leur nature, M. Tremblay avait conclu que la PAEU avait été obtenue grâce à de faux renseignements. Il existait un motif pour la révocation.
[141] L’employeur a demandé que la Commission prenne connaissance d’office de la case 58 de la déclaration T4 que le fonctionnaire a soumise. Quatre nouvelles cases sur le formulaire correspondaient toutes aux périodes de la PCU et l’ARC exigeait la déclaration de ces montants. Enterprise en a soumis une pour la période du 10 mai au 4 juillet et a indiqué le revenu d’emploi du fonctionnaire comme étant 5 021,39 $.
[142] Cela a aggravé les DEP du fonctionnaire parce que, pendant la période où il a demandé la PAEU et a déclaré qu’il n’avait aucun employeur et aucun revenu, il avait deux employeurs et deux sources de revenus.
[143] L’obtention de prestations de manière inappropriée constitue l’une des infractions les plus graves et concerne directement la question de la fiabilité. L’employeur a cité un certain nombre d’affaires disciplinaires pour illustrer à quel point les arbitres et les tribunaux ont pris au sérieux la fraude et le vol (voir Kamloops (City of) v. Canadian Union of Public Employees, Local 900, 2014 CanLII 12296 (BC LA); Ottawa (City) v. Ottawa‑Carleton Public Employees Union, Local 503, 2014 CanLII 22561 (ON LA); et Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO‑SACC‑CSN) c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 212).
[144] L’employeur a demandé que le grief soit rejeté. Si un salaire rétroactif est accordé, il devrait être assujetti à une décision d’atténuation fondée sur les documents que le fonctionnaire a présentés.
B. Pour le fonctionnaire
[145] Le fonctionnaire a soutenu qu’il est un jeune homme ayant une carrière prometteuse. Il a travaillé fort pour sortir d’un quartier difficile et poursuivre son rêve de travailler dans la fonction publique. Pendant qu’il était encore employé dans la fonction publique, il était jeune et inexpérimenté, et il a commis une erreur. Il a reconnu pleinement et sans réserve que certaines des réponses qu’il avait fournies dans les DEP n’étaient pas exactes.
[146] Le fonctionnaire a fait valoir que conformément à la Politique sur la sécurité du gouvernement et à la disposition sur la cote de fiabilité, l’employeur devait démontrer qu’il avait une intention frauduleuse ou qu’un abus de confiance avait eu lieu. Si un tel abus avait eu lieu, il était raisonnable de s’attendre à ce que l’employeur le signale à la police, mais il ne l’a pas fait. Il n’existait aucune intention frauduleuse et aucun risque pour la sécurité à l’avenir. Si la Commission n’accepte pas que le fonctionnaire ait agi en sachant très bien qu’il n’était pas admissible à la PAEU, l’analyse s’arrête là.
[147] Le fonctionnaire a soutenu que l’employeur avait grandement exagéré le risque et qu’il ne s’était pas acquitté du fardeau d’établir que la révocation était fondée sur des motifs valables et légitimes.
[148] Le fonctionnaire a convenu qu’une grande partie de l’analyse de la Commission doit dépendre de sa conviction qu’il a commis une erreur de bonne foi.
[149] La thèse de l’employeur était incompatible avec la réalité des premiers jours de la pandémie, ce qui est un fait contextuel important. Elle mine son allégation selon laquelle il existait un risque pour la sécurité.
[150] La Commission a compétence en vertu de l’article 209(1)c) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTSPF). Elle doit déterminer si la décision de révocation pour motif non disciplinaire était motivée en vertu de l’article 12(3) de la LGFP.
[151] La présente affaire ne comporte aucune considération d’une analyse de la décision raisonnable. Il s’agissait d’une audience de novo, et non d’une demande de contrôle judiciaire.
[152] Certaines décisions de révocation sont examinées directement dans le cadre d’un contrôle judiciaire, et la Commission en tranche d’autres dans le contexte d’un grief. Dans Varn, le contexte était un contrôle judiciaire, et la décision, portant sur une norme de la décision raisonnable, était que la décision de révocation faisait partie des issues possibles acceptables.
[153] La décision Murphy comportait une certaine nuance, car l’arbitre de grief a reconnu le champ d’application de la norme du CT selon lequel il faut se demander s’il y avait des motifs de croire que la personne pouvait représenter une menace pour la sécurité, à l’avenir.
[154] Le fonctionnaire a fait remarquer qu’il ne contestait pas la norme visant à établir la fiabilité d’une personne en soi, mais plutôt la façon dont elle était appliquée.
[155] Il ne s’agit pas d’une affaire disciplinaire, mais bon nombre de décisions citées par l’employeur étaient des affaires disciplinaires et sont donc moins pertinentes.
[156] Les affaires de nature disciplinaire pour conduite en dehors des heures de travail sont également d’une utilité limitée puisque la seule question à trancher dans la présente affaire est une question concernant la sécurité. La question consiste à savoir dans quelle mesure le comportement du fonctionnaire, dans le cadre d’une révision pour motif valable, constituait un indicateur précis de ce qui pourrait se passer à l’avenir, en ce qui concerne la question de savoir s’il est digne de confiance.
[157] Le fonctionnaire a fait valoir qu’il travaillait pour l’employeur depuis trois mois seulement lorsqu’on lui a demandé de passer du travail dans les passeports à celui du centre d’appels pour la PAEU. Il a témoigné que sa formation était limitée, et l’employeur n’a présenté aucun élément de preuve quant à l’étendue de la formation. Il n’a suivi aucune formation sur les prestataires qui, comme lui, avaient deux revenus et en ont perdu un en raison des restrictions liées à la pandémie.
[158] Le fonctionnaire a reconnu qu’il avait des contraintes financières. Il considérait que la demande de la PAEU constituait un moyen légitime d’atténuer son stress financier.
[159] Il a reconnu pleinement et sans réserve que certaines des réponses qu’il avait fournies dans les DEP n’étaient pas exactes. Si le fonctionnaire avait compris l’admissibilité et tenté de falsifier les DEP, il aurait été illogique de déclarer un revenu dans la première déclaration, car cela aurait fait en sorte qu’il dépassait le seuil de 1 000 $ pendant une période de quatre semaines.
[160] Le fonctionnaire a soutenu qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve qu’il a modifié son rapport pour déclarer un revenu de 0 $ lorsque sa première DEP a été rejetée.
[161] Le fonctionnaire a soutenu que ses réponses correspondaient davantage à celles d’une personne qui ne prêtait pas attention aux réponses qu’il fournissait.
[162] Le fonctionnaire n’a pas fait preuve de diligence dans sa recherche d’information sur son admissibilité et, au pire, a fait preuve de négligence dans sa conduite en ligne. Il ne s’agissait pas d’une fraude ni d’un abus de confiance. Rien dans les éléments de preuve n’indique qu’il serait une proie facile pour des organisations criminelles.
[163] Le fonctionnaire a soutenu qu’il n’était aucunement tenu de signaler à l’employeur qu’il avait reçu la PAEU. Il n’a pas pris de mesures immédiates pour rembourser ce qu’il avait reçu parce qu’il avait compris qu’il recevrait une lettre de remboursement. Cet élément de preuve est compatible avec sa compréhension selon laquelle l’ARC aurait su qu’il gagnait un revenu d’emploi auprès de l’employeur. Il a utilisé le même compte bancaire pour la PAEU et son revenu d’emploi. Dès qu’il a constaté qu’il n’était pas admissible à la PAEU, il a cessé de présenter des DEP, et l’affaire a été traitée en temps utile, comme cela a été le cas pour les millions de Canadiennes et de Canadiens qui ont été jugés inadmissibles.
[164] Le fonctionnaire a soutenu qu’aucun élément de preuve n’indique qu’il est retourné travailler pour Enterprise après mars 2020. Il a déclaré que la case 58 du T4 pouvait indiquer le montant de son indemnité de départ. Il ne savait pas de quoi il s’agissait. Le fait de proposer qu’il s’agissait d’un élément supplémentaire de tromperie était spéculatif, et l’employeur ne l’a pas établi.
[165] Le fonctionnaire a commis une grosse erreur négligente. Il n’avait aucune intention frauduleuse et ne représentait aucun risque pour la sécurité à l’avenir.
[166] Rien dans les éléments de preuve n’indique qu’il a accordé la priorité à son intérêt financier plutôt qu’à ses obligations. Toute personne qui a présenté une demande pour la PCU subissait des pressions financières.
[167] Il est important que la Commission ne fonde pas son analyse sur un niveau de sécurité que le fonctionnaire n’était pas tenu de détenir. La politique de tolérance zéro de l’employeur laisse entendre qu’aucune analyse n’a été effectuée et qu’il n’existait aucun motif raisonnable de croire qu’il représenterait un risque pour la sécurité à l’avenir. Il s’agissait d’une approche brutale qui ne tenait pas pleinement compte des circonstances, y compris les circonstances atténuantes.
[168] L’employeur n’a pas effectué une analyse suffisamment rigoureuse. Les éléments de preuve n’ont pas établi de motif raisonnable selon lequel le fonctionnaire ne serait pas un atout pour l’employeur.
[169] Dans Heyser c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2015 CRTEFP 70, la fonctionnaire s’estimant lésée avait falsifié un certificat médical pour conclure une entente de télétravail. L’ancienne Commission a déterminé que la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas motivée.
[170] Dans Starkey c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2020 CRTESPF 8, la Commission a déterminé que la révocation n’était pas motivée, même si le fonctionnaire s’estimant lésé était membre d’un groupe de motards hors la loi.
[171] Dans Féthière c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2016 CRTEFP 16, la GRC avait révoqué la cote de fiabilité d’un employé qui était en possession de marijuana et en a consommé lors d’un événement relié au travail. Il a été confirmé que la révocation ne traitait pas des véritables préoccupations en matière de sécurité.
C. La réfutation de l’employeur
[172] L’employeur a soutenu que si les DEP répétées du fonctionnaire étaient une erreur, elles constituaient une erreur importante. Son déni continu soulève la question de la crédibilité.
[173] L’employeur a affirmé que le fait que le fonctionnaire ait pris 13 minutes pour remplir la demande va à l’encontre de l’idée selon laquelle il s’agissait d’une erreur. Selon une grande partie de son témoignage, il ne s’en souvenait pas.
[174] Il n’est pas juste de dire que rien dans les éléments de preuve n’indique que la première DEP a été refusée. Elle a été refusée.
[175] Si le T4 indiquant 5 000 $ était inexact, ce n’est pas un document qui compte, mais l’examen de l’ensemble des éléments. Cela a été très préjudiciable dans le cas du fonctionnaire.
[176] Les arguments du fonctionnaire concernant son intégrité et sa religion constituaient des preuves de moralité intéressées. En ce qui concerne la décision de l’employeur de ne pas le signaler aux organismes d’application de la loi, cela ne fait pas partie de la norme.
[177] Il est vrai que le fonctionnaire a répondu « Non » seulement une fois à la question de savoir s’il avait travaillé au cours des 52 dernières semaines sur la première demande. Mais dans chaque DEP subséquente, il a indiqué qu’il n’avait aucun employeur et aucun revenu. C’est la même chose.
IV. Motifs
[178] La cote de fiabilité est une exigence pour la plupart des emplois de la fonction publique et pour tous les emplois qui nécessitent un accès non supervisé à l’information du gouvernement. Le poste d’agent des passeports du fonctionnaire l’exigeait. Lorsque sa cote a été révoquée, il a perdu son emploi. Ainsi, la principale question que la Commission doit trancher est la suivante : la révocation était‑elle motivée?
[179] La trilogie de la CAF a modifié l’analyse en vertu de l’article 209(1)c)(i) de la LRTSPF de sorte qu’il n’est plus nécessaire de procéder à un examen pour déterminer si la décision était de nature disciplinaire afin que la Commission puisse confirmer si elle a compétence.
A. Évaluation de la crédibilité du fonctionnaire
[180] Toutefois, comme je l’ai dit dans l’aperçu, la présente affaire concerne la crédibilité du fonctionnaire. Si je crois ses allégations selon lesquelles il a simplement été négligent lorsqu’il a rempli la première demande et ses DEP, alors la révocation n’était pas motivée, car la raison de celle‑ci ne serait pas justifiée. Par conséquent, je vais commencer par une analyse de sa crédibilité.
[181] Le critère pour déterminer la crédibilité est la décision Faryna souvent citée et qui est constamment invoquée par la Commission. Afin de déterminer la crédibilité, la question consiste à savoir si le récit du témoin est intrinsèquement cohérent et s’il se tient comme étant le plus probable. Le critère est énoncé comme soumettant [traduction] « […] la véracité du récit d’un témoin en pareil cas [à] la mesure dans laquelle le témoignage s’harmonise avec la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et avisée reconnaîtrait facilement comme raisonnable […] ».
[182] En d’autres termes, le récit est‑il conforme à ce qui s’est probablement produit, et est‑il raisonnable, selon une personne avisée? J’ai appliqué le critère, et j’ai conclu que la version des événements du fonctionnaire n’est ni raisonnable ni crédible. Même si son comportement au cours de l’audience semblait sincère, surtout lorsqu’il a témoigné de son profond sens des responsabilités envers sa famille et de sa volonté de tourner la page après avoir été licencié, je ne peux pas ignorer les incohérences prépondérantes dans ses éléments de preuve.
B. L’explication du fonctionnaire n’était pas crédible
[183] Le fonctionnaire a reconnu que ses réponses dans sa première demande et les sept DEP subséquentes étaient inexactes. Dans ces DEP, il a indiqué que son revenu était de 0 $, même s’il gagnait toutes les deux semaines un salaire brut de près de 2 000 $. Il a également omis de répondre aux questions concernant le nombre de ses employeurs, ce qui laissait entendre qu’il n’en avait aucun, même s’il avait un emploi à temps plein auprès du gouvernement fédéral.
[184] La liste suivante décrit les renseignements inexacts que le fonctionnaire a soumis du 6 avril au 20 juillet alors qu’il travaillait en tant qu’agent de la PAEU, et que le fonctionnaire a admis être des inexactitudes :
Dans la DEP 1 :
· Dans la section portant sur les autres employeurs, à la question : [traduction] « Au cours des 52 dernières semaines, avez‑vous eu d’autres périodes de travail, soit avec le même employeur, soit avec d’autres employeurs? », le fonctionnaire a répondu de manière inexacte : « Non ».
· À la question [traduction] « Retournerez‑vous travailler auprès de cet employeur? », il a répondu de manière inexacte, « Oui ».
· À la question concernant le nombre d’employeurs, il a répondu de manière inexacte 1.
· À la question concernant les heures travaillées, il a indiqué de manière inexacte 37 heures.
· À la question [traduction] « Y a‑t‑il d’autres montants que vous ne nous avez pas précédemment mentionnés, que vous avez reçus ou que vous recevrez pour la période visée par la présente déclaration? », il a répondu de manière inexacte « Non ».
Résumé des principales inexactitudes :
· Dans la DEP 1 – des revenus inexacts de 650 $ déclarés chaque semaine, et un employeur.
Dans les DEP 1 à 8, il a répondu de manière inexacte « Oui » à la question suivante : [traduction] « Étiez‑vous prêt, disposé et capable de travailler chaque jour, du lundi au vendredi, pendant chaque semaine visée par la présente déclaration? »
· Dans les DEP 2 à 8 – il a déclaré de manière inexacte qu’il n’avait aucun revenu et aucun employeur.
· Dans les DEP 3, 4, 6, 7 et 8, il a répondu de manière inexacte « Non » à la question suivante : [traduction] « Y a‑t‑il des montants que vous ne nous avez pas précédemment mentionnés, que vous avez reçus ou que vous recevrez pour la période visée par la présente déclaration? »
[185] Le fonctionnaire a laissé entendre qu’il ne tentait pas de cacher quoi que ce soit puisqu’il a inscrit le numéro sans frais de son bureau de passeport dans la première demande. Pourquoi l’aurait‑il fait s’il tentait de recevoir frauduleusement des prestations?
[186] Cependant, à la suite de la première DEP, le fonctionnaire n’a pas reçu la PAEU. Mais dans ses DEP ultérieures, lorsqu’il a déclaré qu’il n’avait aucun revenu et laissé le nombre d’employeurs vide, il a réussi à toucher la PAEU. Même si je ne peux pas spéculer sur la motivation exacte du fonctionnaire pour ce changement soudain, je conclus que cela dépassait la simple coïncidence ou négligence.
[187] En fin de compte, je conclus que l’explication du fonctionnaire selon laquelle ses inexactitudes répétées n’étaient que des erreurs négligentes n’est pas crédible. Je reconnais qu’il subissait un stress et une pression financière considérables, comme beaucoup de gens pendant la pandémie. Toutefois, le stress et la pression financière ne l’exonèrent pas de sa supercherie.
[188] Je vais maintenant expliquer les trois principales raisons pour lesquelles j’estime que l’allégation du fonctionnaire selon laquelle il avait simplement commis une erreur négligente n’est pas crédible.
[189] En premier lieu, je trouve difficile de croire qu’un fonctionnaire du gouvernement fédéral qui avait suivi un processus rigoureux pour obtenir un emploi qu’il désirait depuis si longtemps ferait preuve d’une négligence aussi constante en répondant de manière inexacte à des questions sur une demande de prestations d’urgence. Le fonctionnaire a suivi une formation rigoureuse pour devenir agent des passeports, qui comprenait une période de stage de 30 jours au cours de laquelle il ne lui était pas permis de commettre des erreurs dans ses fonctions de traitement des demandes de passeport. En d’autres termes, il savait qu’il était important d’être méticuleux lorsqu’il a rempli des demandes du gouvernement fédéral. De plus, il travaillait précisément au centre d’appels pour la PAEU qui administrait les prestations de la PAEU, et il était donc encore plus conscient de l’importance de fournir des renseignements exacts.
[190] En conséquence, l’allégation selon laquelle il a été simplement négligent lorsqu’il a rempli toutes ses DEP ne semble pas crédible.
[191] Même s’il s’agissait d’une demande en ligne, et que les déclarations étaient remplies toutes les deux semaines, et qu’elles pouvaient être remplies rapidement, il s’agissait tout de même de demandes officielles pour obtenir la PAEU. Chaque fois qu’il remplissait une DEP, il signait la déclaration de confirmation selon laquelle les réponses fournies étaient vraies autant qu’il sache.
[192] Le fonctionnaire savait que la prestation était une bouée de sauvetage pour bon nombre de Canadiens et de Canadiennes qui avaient perdu leur emploi ou qui avaient été temporairement mis en disponibilité pendant la pandémie. Il connaissait la situation. Il disposait de plus de renseignements que la personne moyenne sur le processus de demande de la PCU et de la PAEU et ses critères. Il travaillait au centre d’appels pour la PAEU pour répondre aux appels des Canadiens et des Canadiennes en détresse. Il n’a jamais cessé de travailler pendant qu’il recevait la PAEU. Il aurait dû savoir que la PAEU n’était pas offerte aux personnes qui avaient conservé un emploi gouvernemental à temps plein et qui avaient un revenu bien supérieur à 1 000 $.
[193] Même s’il a allégué que les critères pour la PAEU étaient confus, les communiqués de presse indiquaient que la PCU était destinée aux personnes qui avaient perdu leur emploi ou gagnaient moins de 1 000 $ par mois. De plus, à partir du 15 avril 2020 ou peu après, en tant qu’employé travaillant au centre d’appels, il aurait dû savoir que la PAEU n’était pas destinée aux personnes qui gagnaient plus de 1 000 $ par mois.
[194] En deuxième lieu, selon les éléments de preuve non contestés de l’employeur, le fonctionnaire avait suivi une certaine formation sur la PCU et la PAEU. Même s’il ne pouvait pas s’en souvenir ni savoir s’il a pris connaissance des scénarios, je conclus qu’il y a des éléments de preuve suffisants pour établir qu’il a suivi une formation suffisante pour savoir quand demander de l’aide. Je conclus que les affirmations du fonctionnaire selon lesquelles il n’y avait aucune preuve sur l’étendue de sa formation sont exagérées. Il existe des preuves documentaires selon lesquelles la formation portait sur sept scénarios et une fiche d’information sur la PCU.
[195] Selon les éléments de preuve, le fonctionnaire a participé à une formation de 3,5 heures, incluant des scénarios qui soulignaient qu’un demandeur devait avoir perdu son emploi en raison de la pandémie pour être admissible. Par exemple, selon l’un des scénarios de la formation, les heures d’un client avaient été réduites en raison de la COVID-19. Le client travaillait encore, mais ne gagnait pas assez pour payer les dépenses courantes. Le client souhaitait demander la PCU. Selon la réponse fournie, le client devait avoir cessé de travailler en raison de la COVID‑19. La réponse indiquait également que les employeurs des clients qui travaillent encore peuvent être admissibles à d’autres mesures de soutien.
[196] Par conséquent, je ne trouve pas crédible qu’il ait cru être admissible à des prestations pendant la période de mars à juillet 2020. Je n’accepte tout simplement pas son explication selon laquelle il n’a pas communiqué avec un spécialiste de l’assurance‑emploi aux fins de vérification parce qu’il estimait qu’il était admissible, surtout puisqu’il a admis qu’il n’était pas un spécialiste du processus de la PCU, qu’il estimait que la formation n’était pas suffisante, et qu’il avait facilement accès au numéro sans frais.
[197] En troisième lieu, la crédibilité du fonctionnaire a été davantage remise en question à l’audience lorsqu’il a déposé en preuve son T4 d’Enterprise. Dans les cases 57 et 58, il a été déclaré qu’il avait gagné un revenu total de 5 021,39 $ du 15 mars au 4 juillet 2020. Il n’a pas pu confirmer s’il s’agissait d’une indemnité de départ ou de quelque chose d’autre. Je trouve cela curieux puisqu’il aurait facilement pu obtenir ces renseignements s’il avait communiqué avec Enterprise ou l’ARC.
[198] Peu importe qu’il s’agisse d’une indemnité de départ ou de tout autre type de revenu provenant d’Enterprise, cela établit que, même lorsque le fonctionnaire a déclaré dans ses DEP, pendant cette période du 15 mars au 4 juillet, qu’il n’avait plus aucun revenu d’Enterprise, il a en fait reçu un revenu total de 5 021,39 $ d’Enterprise du 15 mars au 4 juillet, tout en touchant la PAEU, et pendant qu’il continuait à recevoir toutes les deux semaines son salaire de 1 975 $ de l’employeur. Je n’accepte pas son argument selon lequel le fait qu’il ait reçu un revenu d’Enterprise pendant cette période ne devrait pas être pris en compte. À tout le moins, ce fait concerne sa crédibilité. Il s’agit d’un autre élément de preuve démontrant que sa version des événements n’est tout simplement pas crédible.
[199] Par conséquent, dans l’ensemble, j’estime que le récit du fonctionnaire selon lequel il s’agissait d’[traduction] « une grosse erreur négligente » n’est pas crédible. Il est incontesté qu’il subissait une contrainte financière considérable lorsqu’il a demandé la PAEU parce que son frère et lui étaient pris avec une hypothèque à un taux d’intérêt exorbitant.
[200] Il ne pouvait pas se permettre de perdre son emploi auprès d’Enterprise. Il devait remplacer le revenu immédiatement, ou sa famille aurait été sans abri. Par conséquent, je conclus qu’une personne avisée conclurait que le fonctionnaire a présenté des DEP inexactes parce qu’il avait besoin de revenus pour loger sa famille. Dans sa réponse au rapport d’enquête, il a affirmé qu’il avait commis une erreur de bonne foi lorsqu’il a demandé la PAEU [traduction] « […], mais cela [les] a sauvé[s] de l’expulsion et d’être sans‑abri ».
[201] Je conclus qu’il est plus probable que lorsque le fonctionnaire a constaté qu’il recevrait la PAEU, il a simplement continué à soumettre des demandes inexactes, peut‑être jusqu’à ce qu’il constate qu’il risquait d’être pris en flagrant délit.
[202] Puis, plutôt que de se présenter à son employeur pour lui avouer qu’il avait [traduction] « commis une erreur de bonne foi », il a fait mine de rien et a simplement attendu que l’ARC lui envoie une lettre. Peut‑être qu’il s’est dit qu’étant donné que d’autres avaient présenté des demandes de prestations par erreur et les avaient ensuite simplement remboursées, personne ne l’accuserait d’avoir intentionnellement fait de fausses déclarations. Rien dans les éléments de preuve n’indique de manière définitive la raison pour laquelle il n’a pas été tout à fait honnête. Cependant, je conclus que, selon la prépondérance de la preuve, ses DEP inexactes ne constituaient pas une erreur de bonne foi, mais plutôt une erreur malhonnête.
C. La révocation était motivée
[203] Comme je suis d’avis que l’explication du fonctionnaire n’est pas crédible, je conclus qu’il a été malhonnête à plusieurs reprises lorsqu’il a rempli les ECR de manière incorrecte.
[204] Je dois maintenant me demander si l’employeur a établi, selon la prépondérance des probabilités, que la révocation était motivée. La malhonnêteté répétée constitue‑t‑elle un motif valable et légitime pour révoquer la cote de fiabilité d’un employé?
[205] Je n’ai pas besoin de reproduire la loi de manière exhaustive puisque, dans la trilogie de la CAF, la Cour a clairement indiqué que, lors d’un licenciement pour motif non disciplinaire, je dois déterminer s’il reposait sur des motifs légitimes et valables. Je conclus par l’affirmative dans la présente affaire.
[206] La plupart des décisions citées par l’employeur concernaient des griefs qui contestaient un licenciement pour des motifs disciplinaires. Elles ne fournissent aucune indication dans le contexte d’une autorisation de sécurité où le décideur doit déterminer si la révocation de la cote de fiabilité d’une personne était motivée.
[207] Même si j’ai lu la jurisprudence que les parties ont présentée, je ne citerai que les décisions que je considère comme pertinentes. Il ne fait aucun doute qu’il ne s’agit pas d’une affaire de nature disciplinaire. Par conséquent, le critère applicable est celui que la Cour a énoncé dans la trilogie de la CAF. Je dois décider si le licenciement était motivé par des faits connexes et les politiques pertinentes du Conseil du Trésor. Cela nécessite de savoir si la révocation était fondée sur des motifs légitimes et valables (voir la décision de la CAF dans Heyser, au par. 76). Je conclus par l’affirmative.
[208] Les politiques applicables sont la Norme sur le filtrage de sécurité et la Politique sur la sécurité du gouvernement. Le Code de conduite d’EDSC est également pertinent en ce qui concerne les comportements et les valeurs acceptables des fonctionnaires.
[209] Je prends aussi note des commentaires de la CAF dans Varn, au paragraphe 47, selon lesquels l’appréciation du risque est prospective et prévisionnelle et une affaire de jugement et de nuances. Cependant, je souligne que Varn concernait une demande de contrôle judiciaire de la décision d’un agent de sécurité ministériel qui avait refusé d’accorder une cote de fiabilité à une personne. Par conséquent, la norme appliquée dans cette affaire était celle de la décision raisonnable, et non la norme du motif valable que je dois appliquer.
[210] L’employeur a soutenu que la révocation a eu lieu en raison du manque d’honnêteté et de fiabilité du fonctionnaire. Même s’il n’y a absolument aucun élément de preuve de l’allégation de M. Tremblay selon laquelle le fonctionnaire représentait un risque d’être soudoyé par une organisation criminelle, je conclus que l’employeur avait des motifs de révocation parce que le fonctionnaire a été malhonnête à maintes reprises.
[211] Dans la lettre de révocation, datée du 30 juin 2021, M. Tremblay a déclaré ce qui suit :
[Traduction]
[…]
Vous avez obtenu des paiements de la prestation d’assurance‑emploi d’urgence (PAEU) auxquels vous n’étiez pas admissible en fournissant sciemment de faux renseignements sur plusieurs demandes. Au cours des périodes pour lesquelles vous avez demandé à recevoir cette prestation, vous étiez un agent des passeports auprès d’EDSC réaffecté au centre d’appels pour la PAEU et vous avez suivi une formation pour aider les Canadiens et les Canadiennes à demander cette prestation. Vous avez présenté une demande en ligne. Dans vos premières demandes, vous n’avez pas déclaré votre revenu total provenant de votre emploi auprès d’EDSC. Dans les demandes ultérieures, vous avez indiqué « non » à la question de savoir si vous aviez un autre emploi avec le même employeur ou un autre employeur au cours des 52 dernières semaines, sachant à ce moment‑là que vous étiez employé par EDSC et que vous receviez votre plein salaire. Pour cette raison, nous sommes d’avis que votre explication selon laquelle vous avez commis une erreur de bonne foi n’est pas crédible.
Au cours de l’enquête, vous avez reconnu avoir éprouvé des difficultés financières nécessitant que vous ayez deux emplois et que vous demandiez cette prestation pour vous acquitter de vos engagements financiers. Votre demande de prestations auxquelles vous saviez que vous ne vous étiez pas admissible afin d’alléger des pressions financières personnelles, accordant ainsi la priorité à votre intérêt personnel plutôt qu’à vos obligations, est un comportement contraire à ce qui est attendu et jette un doute sérieux sur votre fiabilité.
Par conséquent, nous avons déterminé que nous ne pouvons plus vous faire confiance pour protéger les renseignements et les biens, ni pour ne pas abuser du niveau de confiance qui vous a été accordé et pour exécuter les tâches qui vous sont assignées d’une manière qui fera honneur à EDSC et ne représentera pas un risque pour la sécurité du gouvernement du Canada. Par conséquent, nous concluons que vous n’êtes pas apte à détenir une cote de fiabilité.
Vous avez le droit de déposer un grief conformément aux dispositions de votre convention collective.
[…]
[212] Dans la Norme sur le filtrage de sécurité, la « cote de fiabilité » est définie comme la norme minimale pour les postes dont les titulaires doivent avoir un accès non surveillé à des informations, à des biens, et à des installations du gouvernement du Canada ou à ses systèmes de technologie de l’information. Ce niveau de filtrage de sécurité évalue l’honnêteté d’une personne et la question de savoir si l’on peut lui faire confiance pour protéger les intérêts de l’employeur.
[213] Selon cette norme, le filtrage de sécurité « […] établi[t] et maint[ient] un lien de confiance au sein du gouvernement, entre le gouvernement et les Canadiens, et entre le Canada et des pays étrangers » (voir l’article 3.1 de la Norme sur le filtrage de sécurité).
[214] L’une des valeurs fondamentales de la fonction publique est l’intégrité. Elle est décrite en détail dans le Code de conduite d’EDSC. L’intégrité consiste à servir l’intérêt public en agissant d’une manière qui « puisse résister à l’examen public le plus approfondi ». L’un des comportements attendus, selon cette valeur, consiste à ne jamais utiliser un rôle officiel pour obtenir de façon inappropriée un avantage pour soi‑même ou autrui. Il inclurait également le comportement d’un employé qui n’accorde jamais la priorité à ses intérêts personnels, dans l’exercice de son travail, plutôt qu’à ceux de l’employeur ou agissant d’une manière qui ne sert pas l’intérêt public.
[215] Dans la présente affaire, après que l’employeur a interrogé le fonctionnaire et a produit un rapport final, l’enquêteur a conclu que le fonctionnaire n’a pas été honnête lorsqu’il a demandé la PAEU. M. Lavigne a conclu que le fonctionnaire a été malhonnête à maintes reprises lorsqu’il a omis des renseignements de ses DEP qui l’auraient rendu inadmissible à la PAEU, tandis qu’il demeurait un employé à temps plein touchant un salaire de 1 975,00 $ toutes les deux semaines.
[216] Le dirigeant principal de la sécurité a décidé de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire parce qu’il a conclu que le fonctionnaire avait accordé la priorité à ses intérêts personnels plutôt qu’à ceux de l’employeur lorsqu’il a demandé des prestations auxquelles il savait qu’il n’avait pas droit. Dans la lettre de révocation, M. Tremblay a indiqué que le fonctionnaire avait admis avoir demandé la PAEU pour s’acquitter de ses obligations financières. Par conséquent, il a décidé qu’on ne pouvait plus compter sur le fonctionnaire pour protéger les renseignements et les biens parce qu’il n’était pas jugé digne de confiance. En résumé, l’employeur a conclu qu’il avait abusé de sa confiance lorsqu’il a touché des prestations auxquelles il n’avait pas droit. Je conclus que cette décision a été prise dans un but valable et légitime pour les deux raisons principales suivantes :
1) On ne pouvait pas faire confiance au fonctionnaire pour ne pas abuser de la confiance de l’employeur à l’avenir, car il a été conclu qu’il a obtenu des prestations du gouvernement fédéral auxquelles il n’avait pas droit en tant qu’employé à temps plein de l’employeur.
2) On ne pouvait pas compter sur lui pour protéger les renseignements et les biens de l’employeur parce qu’il avait accordé la priorité à ses intérêts personnels plutôt qu’à ceux de l’employeur.
1. Le fonctionnaire a obtenu des prestations auxquelles il n’avait pas droit
[217] Le fonctionnaire a obtenu une somme de 8 000 $ du 4 avril au 20 juillet à laquelle il n’avait pas droit. Il l’a fait en présentant à maintes reprises des DEP inexactes ou trompeuses.
[218] Dans la présente affaire, le fonctionnaire n’a pas commis une erreur une ou deux fois, puis l’a corrigée. Les éléments de preuve indiquaient plutôt qu’il semblait avoir modifié les renseignements qu’il avait présentés dans ses DEP, afin de s’assurer qu’il recevrait la prestation.
[219] Même s’il peut être tentant de croire que le fonctionnaire ignorait complètement ce qu’il faisait, il existe des éléments de preuve non contestés selon lesquels il a suivi une formation. Cela aurait dû au moins le pousser à poser des questions ou à cesser immédiatement de présenter des demandes, s’il était confus ou incertain. Il n’en a rien fait. Il a plutôt continué de demander et de recevoir la prestation.
[220] De plus, les arguments selon lesquels le fonctionnaire était stressé et que la pandémie était une période difficile n’aident pas sa cause. Ils constituent une distraction inutile parce qu’ils n’expliquent pas sa tendance aux incohérences.
[221] De plus, le fonctionnaire n’avait aucun problème de rendement. En effet, il faisait partie d’un groupe sélectionné pour travailler au centre d’appels pour la PAEU lorsque son travail lié aux passeports a été temporairement réorganisé en raison des fermetures attribuables à la pandémie. Même si l’employeur a fait remarquer qu’il avait considéré la pandémie comme un facteur avant de prendre une décision relative à la révocation, il n’y a tout simplement aucun élément de preuve indiquant que l’incidence de la pandémie l’avait amené d’une manière quelconque à faire preuve de négligence.
[222] La tendance du fonctionnaire à présenter de manière répétée et intentionnelle de fausses DEP a mené l’employeur à conclure qu’il n’est pas digne de confiance et, par conséquent, qu’il n’est pas apte à détenir une cote de fiabilité à l’avenir.
2. Le fonctionnaire n’a jamais pris l’initiative d’avouer ce qu’il avait fait
[223] Comment l’employeur pourrait‑il croire que le fonctionnaire puisse être franc à l’avenir quand il a manqué l’occasion de prendre l’initiative d’avouer ce qui s’était passé?
[224] Selon les éléments de preuve non contestés, le fonctionnaire n’a jamais été franc en avouant ce qu’il avait fait. Tout au long du processus d’enquête, il a toujours maintenu qu’il avait commis une erreur et qu’il ne connaissait pas les critères d’admissibilité à la PCU et à la PAEU, même s’il avait travaillé au centre d’appels pour la PAEU pendant quatre mois.
[225] Même si j’ai conclu que le fonctionnaire n’était pas crédible, et même si j’ai tort, et qu’il a commis une erreur de bonne foi, il n’a jamais pris l’initiative de l’admettre et d’offrir de rembourser les montants qu’il a touchés entre juillet 2020 et janvier 2021, avant le début de l’enquête. Cela est particulièrement troublant, étant donné qu’il était un représentant du centre d’appels pour la PAEU qui travaillait précisément pour le ministère qui administre les versements de la PAEU qu’il a touchés.
[226] Le fonctionnaire n’a jamais ressenti l’obligation de se manifester et d’être honnête et franc au sujet de l’obtention de la prestation, même lorsqu’il a reconnu qu’il n’y avait pas droit. Je ne suis pas d’avis que cela équivaut à le soumettre à une norme de contrôle plus élevée que ce qui est requis d’une personne qui détient une cote de fiabilité. La norme minimale exige la fiabilité, et cela constituait un élément de preuve supplémentaire de sa tendance à la supercherie.
[227] La fiabilité est fondamentale pour maintenir la confiance du public dans les institutions et les programmes du gouvernement, ce qui a été souligné dans le document [traduction] « Évaluation de la cote de fiabilité », qui a été examiné avant que le dirigeant principal de la sécurité ne prenne la décision de révoquer l’autorisation de sécurité du fonctionnaire. Le fait d’être un fonctionnaire exige d’agir de manière à pouvoir résister à l’examen public le plus approfondi. Je conclus que le fonctionnaire n’a pas été digne de confiance.
[228] Il a aggravé sa situation en ne se manifestant pas immédiatement pour avouer son « erreur ». Les fonctionnaires ne sont pas parfaits. Ils commettent des erreurs, mais lorsqu’ils le font, ils devraient prendre l’initiative de les avouer. Le fait que le fonctionnaire ne l’ait pas fait laisse croire qu’il ne ressentait même pas le besoin d’être honnête et franc avec son employeur au sujet de ce qu’il considérait comme une erreur de bonne foi.
[229] Compte tenu des renseignements provenant de l’enquête selon lesquels le fonctionnaire a maintes fois présenté de faux renseignements et n’a pas été franc à ce sujet une fois qu’il aurait découvert ce qu’il avait fait, je conclus qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour permettre à l’employeur de conclure qu’il ne pouvait pas lui faire confiance pour protéger les intérêts du gouvernement fédéral, y compris ses renseignements et biens dans le présent ou à l’avenir.
[230] La présente situation est semblable à la conclusion de l’arbitre de grief dans Murphy, dans laquelle l’employeur a révoqué la cote de fiabilité d’un fonctionnaire s’estimant lésé après avoir découvert que pendant 20 ans, même avec une autorisation de sécurité de niveau très secret, il avait omis de divulguer qu’il avait été arrêté et emprisonné au Maroc pour possession de haschisch.
[231] Elle est également semblable à la décision Therrien c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2019 CRTESPF 82, dans laquelle l’arbitre de grief a conclu que le manque d’honnêteté de la fonctionnaire s’estimant lésée constituait un motif légitime de révoquer sa cote de fiabilité. L’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait été malhonnête lorsqu’elle a secrètement divulgué des renseignements protégés aux médias, ce qui constituait un motif légitime et valable de révocation.
[232] Enfin, je conclus que l’allégation du fonctionnaire selon laquelle l’employeur n’a pas effectué une analyse rigoureuse du risque qu’il représentait pour la sécurité n’est pas fondée. Il l’a interrogé deux fois, a préparé un rapport d’enquête administrative et lui a donné l’occasion d’y répondre. Lorsqu’il a rendu une décision, il s’est appuyé sur des renseignements tirés du rapport et des recommandations fournies. J’accepte ses éléments de preuve selon lesquels de telles décisions ne sont pas prises à la légère. De plus, j’ai du mal à imaginer une circonstance dans laquelle la cote de fiabilité d’un employé serait maintenue après que l’employeur a conclu qu’il avait été malhonnête.
D. La jurisprudence citée par le fonctionnaire peut être distinguée
[233] Le fonctionnaire n’a fourni aucune jurisprudence dans laquelle la Commission a conclu qu’un fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas crédible en ce qui concerne les circonstances relatives à une révision pour motif valable, mais a quand même annulé la décision de l’employeur de révoquer sa cote de fiabilité.
[234] Dans Féthière, la crédibilité du fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas en question. En fait, l’arbitre de grief a formulé des commentaires quant à la fiabilité du fonctionnaire s’estimant lésé lorsqu’il a admis qu’il avait fumé un joint en dehors des heures de travail. Cependant, l’arbitre de grief a conclu que rien dans les éléments de preuve n’indiquait que, selon l’employeur, le fait de fumer de la marijuana lors d’une fête l’aurait rendu vulnérable à être victime de chantage de la part d’une organisation criminelle. Par conséquent, l’arbitre de grief a décidé que la révocation de l’employeur de son autorisation de sécurité n’était pas motivée, et l’a réintégré dans son poste. La CAF a conclu que cette décision était raisonnable.
[235] La présente affaire diffère également considérablement de celle de Jassar c. Agence du revenu du Canada, 2019 CRTESPF 54, dans laquelle la Commission a conclu qu’il y avait des éléments de preuve selon lesquels la décision de la défenderesse de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire s’estimant lésé constituait un subterfuge ou un camouflage. Encore une fois, dans Jassar, l’ancien tribunal a conclu que l’employeur s’était appuyé sur des renseignements faux et inexacts pour révoquer l’autorisation de sécurité du plaignant. La Commission a été particulièrement ferme quant à l’attitude cavalière avec laquelle la défenderesse avait traité le plaignant tout au long des processus disciplinaire et d’enquête.
[236] Il n’en était pas ainsi dans la présente affaire. En fait, mis à part l’affirmation selon laquelle l’employeur n’était pas rigoureux dans son analyse du risque pour la sécurité que représente le fonctionnaire, il a admis qu’il avait rempli à maintes reprises des DEP à l’aide de renseignements inexacts et qu’il avait inclus des revenus inexacts tant dans la première demande que dans les sept DEP subséquentes.
[237] De plus, il convient d’établir une distinction avec la décision Bergey. Dans celle‑ci, la CAF a déterminé que l’employeur avait décidé de révoquer la cote de fiabilité de Mme Bergey pour des raisons disciplinaires, et non parce que l’employeur avait conclu qu’elle n’était plus loyale, fiable ou digne de confiance.
[238] Cela contraste avec la situation du fonctionnaire, dans laquelle la décision de révocation de l’employeur était fondée sur sa décision selon laquelle il n’avait pas été honnête lorsqu’il a fourni à maintes reprises des renseignements inexacts pour obtenir la PAEU.
[239] De plus, je conclus que les faits de la présente affaire diffèrent de ceux dans la décision de l’ancienne Commission dans Heyser, dans laquelle l’arbitre de grief a conclu que la révocation par l’employeur de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas motivée, et en appel, la CAF a jugé que la décision de l’arbitre de grief était raisonnable. Même si l’employée avait falsifié un certificat médical, l’employeur lui a permis de retourner au travail pendant six mois, avec un accès complet aux renseignements du gouvernement fédéral dont elle avait besoin pour effectuer son travail. Par conséquent, la CAF a conclu que la décision de l’arbitre de grief selon laquelle il existait une insuffisance de preuve selon laquelle elle représentait un risque pour la sécurité des biens ou des renseignements du gouvernement fédéral était raisonnable.
[240] Dans la présente affaire, la cote de fiabilité du fonctionnaire a été suspendue peu après la tenue de l’entrevue pour motif valable. De plus, il n’a pas allégué que les actes de l’employeur consistant à suspendre immédiatement sa cote de sécurité démontraient qu’il ne croyait pas vraiment qu’il représentait un risque pour la sécurité.
[241] Je dois conclure en faisant remarquer que la présente décision ne sera pas facile à accepter pour le fonctionnaire, surtout mes conclusions concernant la crédibilité. Il est incontesté que le fonctionnaire a transformé sa vie. Il a rebondi remarquablement d’une période difficile de sa vie. Le fait que j’ai préféré la version des événements de l’employeur ne change rien au fait qu’il est une personne intelligente et motivée ayant toute sa carrière devant lui, et je lui souhaite bonne chance dans le prochain chapitre de sa vie professionnelle.
[242] Pour tous les motifs susmentionnés, je conclus que la décision de révocation de l’employeur était motivée.
[243] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
V. Ordonnance
[244] Le grief est rejeté.
Le 3 juillet 2025.
Traduction de la CRTESPF
Patricia H. Harewood,
une formation de la Commission
des relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral