Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté une plainte alléguant que l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) avait manqué à son devoir de représentation équitable. La plainte portait sur la décision de l’AFPC de ne pas transmettre le grief du plaignant, qui découlait de sa suspension pour non-respect des politiques du milieu de travail liées à la COVID-19, au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. La Commission a conclu que la plainte avait été présentée bien au-delà du délai de 90 jours. Le plaignant était au courant de l’action ou des circonstances qui ont donné lieu à la plainte le 19 avril 2024, lorsque l’AFPC l’a informé de sa décision de ne pas transmettre le grief au troisième palier. Lorsqu’il a présenté la plainte le 13 mai 2025, plus d’un an plus tard, le délai était considérablement dépassé. La Commission a affirmé que le délai ne peut pas être réinitialisé au moyen d’une communication continue avec l’agent négociateur. La Commission a pris note de sa décision dans Beaulieu c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 100, dans laquelle elle a indiqué que, dans des circonstances exceptionnelles ou inusitées, elle peut accorder une mesure corrective à un plaignant qui n’a pas respecté le délai de 90 jours. Toutefois, aucune circonstance exceptionnelle n’a été soumise à la Commission dans le présent cas. Le fait que le plaignant ne connaissait pas bien les procédures judiciaires n’a pas non plus été accepté comme justification du retard.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20251003

Dossier: 561-02-52333

 

Référence: 2025 CRTESPF 130

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Wylder Carson-Austin

plaignant

 

et

 

Alliance de la fonction publique du Canada

 

défenderesse

Répertorié

Carson-Austin c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Joanne Archibald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour la défenderesse : Daniel Tucker-Simmons

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 13
mai et les 13 et 26 juin 2025.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 13 mai 2025, Wylder Carson-Austin (le « plaignant ») a présenté une plainte en vertu de l’article 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») contre l’agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC » ou la « défenderesse »), alléguant un manquement au devoir de représentation équitable. À l’époque pertinente, le plaignant était membre de l’Union canadienne des employés des transports (UCET), un élément de l’AFPC.

[2] La plainte portait sur le défaut de l’AFPC de transmettre un grief au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. En résumé, elle a allégué [traduction] « […] des occasions répétées de communication manquée, d’engagements non respectés et de manque de soutien, ce qui constitue une violation de la convention collective et du devoir de représentation équitable du syndicat ».

[3] L’article 190(1)g) de la Loi exige que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») examine une plainte selon laquelle une organisation syndicale comme l’AFPC a commis une pratique déloyale de travail et mène une enquête à ce sujet.

[4] La nature du devoir de représentation équitable est énoncée à l’article 187 de la Loi, qui se lit comme suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

187 No employee organization that is certified as the bargaining agent for a bargaining unit, and none of its officers and representatives, shall act in a manner that is arbitrary or discriminatory or that is in bad faith in the representation of any employee in the bargaining unit.

 

[5] La défenderesse a répondu à la plainte pour demander à la Commission de la rejeter au motif qu’elle avait été présentée hors délai, car elle n’avait pas été présentée dans le délai imparti.

[6] L’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) permet à la Commission de trancher « […] toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience ». Dans les circonstances du présent cas, je suis convaincue que je peux trancher la plainte en me fondant sur les arguments écrits des parties.

[7] Pour les motifs qui suivent, j’ai déterminé que la plainte est hors délai. Par conséquent, la Commission n’a pas le pouvoir de poursuivre, et le dossier sera fermé.

II. Résumé des événements

[8] Le 14 février 2022, le plaignant a déposé un grief concernant sa suspension du travail en raison de son non-respect des politiques du milieu de travail liées à la COVID-19. Le grief a été entendu et rejeté aux premier et deuxième paliers.

[9] Le 21 avril 2022, le plaignant a fourni un document de transmission à l’UCET pour permettre au grief de passer au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. Le 2 mai 2022, un vice-président régional de l’UCET l’a informé qu’il serait envoyé [traduction] « en haut de la chaîne de l’UCET ».

[10] Les courriels montrent que le plaignant a demandé des éclaircissements ou des mises à jour du statut à l’UCET à plusieurs dates, de mai 2022 à avril 2024.

[11] Le 19 avril 2024, l’UCET a informé le plaignant que l’évaluation juridique de l’AFPC avait conclu que le grief avait peu de chance d’être accueilli. Par conséquent, l’AFPC n’a pas appuyé la transmission du grief au troisième palier, et elle n’a pas poursuivi.

[12] Le 30 avril 2024, le plaignant a répondu à l’UCET, pour exprimer sa surprise, et le 6 mai 2024, elle a répondu, pour réitérer que le grief n’avait pas été transmis au troisième palier.

[13] Le 29 mai 2024, le plaignant a communiqué avec l’UCET pour demander des éclaircissements, compte tenu de sa perception des assurances antérieures selon lesquelles le grief serait transmis.

[14] Le 16 août 2024, le plaignant a écrit au président national de l’UCET, déclarant, en partie :

[Traduction]

[…]

[…] Bien que je comprenne qu’un employé n’a pas automatiquement le droit de faire avancer son grief et que le syndicat dispose d’un pouvoir discrétionnaire important pour décider s’il y a lieu de donner suite, je crois que le syndicat a l’obligation de tenir ses membres informés du processus, de répondre aux questions en temps opportun et de traiter de bonne foi.

[…]

 

III. Analyse

[15] La présente décision porte uniquement sur la question de savoir si la plainte a été présentée dans le délai prescrit par la loi et, par conséquent, si la Commission a le pouvoir de l’entendre.

[16] L’article 190(2) de la Loi prévoit ce qui suit :

190(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

190(2) Subject to subsections (3) and (4), a complaint under subsection (1) must be made to the Board not later than 90 days after the date on which the complainant knew, or in the Board’s opinion ought to have known, of the action or circumstances giving rise to the complaint.

 

[17] Les renseignements fournis dans les arguments des parties indiquent clairement que, au plus tard le 19 avril 2024, le plaignant savait que le grief n’avait pas été transmis au troisième palier. L’UCET l’a informé de cette décision dans un courriel, et je suis convaincue que c’est l’événement qui sous-tend la plainte. Le 19 avril 2024, le plaignant était au courant de cette décision ou aurait dû l’être.

[18] Dans Esam c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicat des employées et employés nationaux), 2014 CRTFP 90, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a examiné l’application du délai prévu à l’article 190(2) et a statué ce qui suit :

[…]

[32] Le paragraphe 190(2) de la LRTFP exige qu’une plainte prévue à l’article 190 doit être présentée dans les 90 jours qui suivent la date à laquelle la plaignante a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances donnant lieu à la plainte. Le délai est obligatoire et, tel que cela a été indiqué constamment dans la jurisprudence de la CRTFP, aucune disposition de la LRTFP ne donne à une formation de la CRTFP le pouvoir discrétionnaire de le proroger. Dans Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78, la Commission a indiqué ce qui suit au paragraphe 55 :

Le libellé de cette disposition revêt manifestement un caractère obligatoire en raison des mots « […] doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours […] ». Aucune autre disposition de la nouvelle LRTFP n’habilite la Commission à proroger le délai prescrit par le paragraphe 190(2). Par conséquent, le paragraphe 190(2) de la nouvelle LRTFP fixe une limite de temps, limitant ainsi le pouvoir de la Commission d’examiner et d’instruire toute plainte voulant qu’une organisation syndicale s’est livrée à une pratique déloyale de travail, au sens de l’article 185 (lequel est mentionné à l’alinéa 190(1)g) de la nouvelle LRTFP), et cela vaut pour les actions ou circonstances dont le plaignant avait connaissance ou, de l’avis de la Commission, aurait dû avoir connaissance, dans les 90 jours précédant la date de la plainte.

[33] Dans England c. Taylor et al., 2011 CRTFP 129, la Commission a indiqué que la seule latitude donnée à la Commission dans l’interprétation du paragraphe 190(2) de la LRTFP est de déterminer le moment où la plaignante a eu – ou aurait dû avoir – connaissance des circonstances ayant donné lieu à la plainte. Dans Boshra c. Association canadienne des employés, 2011 CAF 98, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’afin de pouvoir appliquer le paragraphe 190(2) aux faits d’un cas en particulier, la Commission doit déterminer la nature fondamentale de la plainte et décider la date à laquelle le plaignant a eu – ou aurait dû avoir – connaissance des circonstances y ayant donné lieu.

[…]

 

[19] La Commission a appliqué de façon uniforme Esam afin de déterminer le respect des délais des plaintes fondées sur l’article 190, concluant qu’en règle générale, elle n’a pas le pouvoir de traiter une plainte présentée en dehors du délai de 90 jours.

[20] Je suis convaincue que, le 19 avril 2024, l’UCET a expressément informé le plaignant de la décision de ne pas transmettre le grief au troisième palier. Il était alors au courant de l’action ou des circonstances qui ont donné lieu à cette plainte. De toute évidence, lorsqu’il a présenté la plainte le 13 mai 2025, plus d’un an plus tard, le délai était considérablement dépassé.

[21] Le plaignant a déclaré qu’il s’était efforcé de traiter l’affaire de sa plainte à l’interne avec l’UCET jusqu’en mars 2025. Il a exprimé l’avis que le délai de 90 jours n’avait pas commencé avant ce temps. Toutefois, la présente Commission a toujours soutenu que le fait de continuer à communiquer avec l’agent négociateur sur la même question après la décision ou la mesure initiale ne remet pas à zéro ou ne redémarre pas la période de 90 jours. Voir Vaxvick c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 14, au par. 37.

[22] Je note également la décision de la Commission dans Beaulieu c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 100, au par. 41, qui énonce ce qui suit :

[41] Je définirais comme suit le critère à appliquer lorsqu’il est question de libérer un plaignant des conséquences du non-respect du délai de 90 jours prévu à l’article 190 de la Loi : la Commission peut envisager de libérer une partie des conséquences du non-respect du délai de 90 jours pour déposer une plainte s’il existe un motif valable pour le retard qui n’aurait pu être ni prévu ni contrôlé. Comme il a été indiqué, ce pouvoir implicite ne doit être exercé que dans des circonstances exceptionnelles ou inusitées.

 

[23] Toutefois, les arguments qui m’ont été soumis ne révèlent aucune circonstance qui suggère une exception à la règle générale énoncée dans Esam. De plus, dans Beaulieu v. Public Service Alliance of Canada, 2025 FCA 59, la Cour d’appel fédérale a statué au par. 29, que [traduction] « […] de nombreux plaideurs non représentés ne connaissent pas bien les processus de la Commission et des tribunaux, mais une méconnaissance d’une voie de recours juridique disponible n’est pas une circonstance exceptionnelle ou inusitée justifiant une prorogation de délai ».

[24] Le plaignant était toujours tenu de présenter sa plainte dans les 90 jours suivant le moment où il avait ou aurait dû avoir connaissance de la décision de ne pas transmettre son grief au troisième palier, ce qu’il n’a pas fait. Comme la plainte n’a pas été présentée dans le délai de 90 jours, elle est hors délai. Par conséquent, la Commission n’a pas le pouvoir d’examiner son bien-fondé.

[25] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[26] La plainte a été présentée hors délai et est rejetée.

Le 3 octobre 2025.

Traduction de la CRTESPF

Joanne Archibald,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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