Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés, qui étaient des agents correctionnels classifiés au groupe et au niveau CX-1, ont reçu l’ordre de faire des heures supplémentaires involontaires dans leur établissement correctionnel. Ils ont déposé des griefs alléguant que l’ordonnance de l’employeur contrevenait à la convention collective. Ils se sont appuyés sur la décision de la Commission dans Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 22, qui traitait d’un grief de principe contre la pratique de l’employeur consistant à ordonner des heures supplémentaires obligatoires en l’absence d‘exigences opérationnelles telles que les parties les ont définies et comprises. La Commission a accueilli le grief en partie et a reconnu que le fait d’ordonner de façon chronique des heures supplémentaires involontaires contrevenait à la convention collective dans ce cas. La position des fonctionnaires s’estimant lésés dans le présent cas était fondée sur ces conclusions, plus précisément sur le fait qu’aucun des jours en cause dans les griefs n’a été caractérisé par une urgence, l’obligation pour l’un ou l’autre d’accomplir un devoir ou une tâche de sécurité, ou une pénurie de personnel à court terme ou imprévue. La Commission n’était pas d’accord, étant donné que la convention collective ne mentionnait aucune de ces situations. Accepter l’argument des fonctionnaires s’estimant lésés aurait équivalu à demander à la Commission de modifier la convention collective. La Commission a noté que lorsque l’agent négociateur et l’employeur ont voulu être précis en ce qui concerne les dispositions de la convention collective, ils l’ont été. Ils n’ont pas fait de distinction entre le bénévolat pour les heures supplémentaires et le fait d’avoir reçu l’ordre de travailler involontairement. La Commission n’était pas non plus d’accord avec d’autres conclusions de 2021 CRTESPF 22, c’est-à-dire qu’il fallait donner un sens aux mots « tout effort raisonnable » à la clause 21.10 de la convention collective dans ce cas, ce qui laissait entendre que l’employeur devait envisager des solutions de rechange à l’ordonnance d’heures supplémentaires. Dans le présent cas, la Commission a estimé que la formation attribuait à ces mots un sens qu’ils n’avaient pas. La clause 21.10 prévoit que les heures supplémentaires doivent être attribuées d’une manière équitable, de sorte que les agents correctionnels ont des chances égales de travailler, s’ils le souhaitent. La disposition ne porte pas sur la question de savoir si l’employeur devrait utiliser les heures supplémentaires, mais plutôt sur la façon dont elles doivent être attribuées après que cette décision a été prise. La Commission était convaincue que l’ordonnance sur les heures supplémentaires respectait bien les paramètres de la LGFP et les droits de la direction de l’employeur, tels qu’ils sont reconnus dans la convention collective. L’ordonnance sur les heures supplémentaires ne constituait pas une violation de la convention collective. La Commission a accueilli la demande de l’employeur visant à obtenir une ordonnance de mise sous scellés pour certaines pièces qui contenaient des renseignements sur les systèmes de sécurité et les niveaux de dotation de l’établissement, en fonction de la sécurité de l’établissement.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Date: 20251016

Dossiers: 566-02-43458, 43462, 43463, 43471,

43485, 43489, 43490, 43526 et 44402

 

Référence: 2025 CRTESPF 137

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

AARON MYRSKY ET AUTRES

fonctionnaires s’estimant lésés

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

employeur

Répertorié

Myrsky c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés : Corinne Blanchette, Syndicat des agents correctionnels du Canada - Union of Canadian Correctional Officers - CSN (UCCO-SACC-CSN)

Pour l’employeur : Emily Rahn, avocate

 

Affaire entendue à Abbotsford (Colombie-Britannique),

du 27 au 31 octobre, le 27 novembre et le 2 décembre 2023,

et du 29 au 31 juillet 2024.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage et questions relatives à la procédure

[1] Les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »; Aaron Myrsky, Ryan Ginnish, Ken Balas, Jeffrey Smith, Cory Guliker, Levi Epp, Iqjot Brar, Dakota Cross et Allan D. Griffin) étaient tous employés, au moment du dépôt de leur grief, par le Conseil du trésor (CT ou l’« employeur ») et travaillaient pour le Service correctionnel du Canada (SCC) en tant qu’agents correctionnels (CX) du groupe et niveau CX-1 à l’Établissement de Kent (« Kent » ou l’« Établissement ») du SCC à Agassiz, en Colombie-Britannique.

[2] Tous les griefs portaient sur une violation alléguée de la convention collective conclue entre l’employeur et le Syndicat des agents correctionnels du Canada - Union of Canadian Correctional Officers - CSN (UCCO-SACC-CSN ou le « syndicat ») qui avait été signée le 5 janvier 2021 et a expiré le 31 mai 2022 (la « convention collective »). La violation alléguée dans tous les griefs consistait en l’exigence imposée par l’employeur à chaque fonctionnaire de faire des heures supplémentaires même s’il ne s’était pas porté volontaire (« heures supplémentaires obligatoires »).

[3] Les griefs étaient tous formulés exactement de la même façon à l’exception de la date suivant le mot anglais « On » (« Le » en français) au premier paragraphe. Dans le cas des griefs des MM. Balas, Ginnish et Smith (« groupe 1 »), cette date était le 13 mars 2021 (« 13 mars »); dans le cas du grief de M. Guliker, cette date était le 9 mai 2021 (« 9 mai »); dans le cas de tous les autres griefs (« groupe 2 »), cette date était le 8 mai 2021 (« 8 mai »). Par exemple, le grief de M. Myrsky était formulé de la façon suivante :

[Traduction]

[…]

DÉTAILS DU GRIEF […]

Le 2021-05-08, j’ai reçu l’ordre de rester pour faire des heures supplémentaires obligatoires, en violation de la convention collective et sans égard aux autres solutions pour pallier les pénuries de personnel. Il y a eu des tentatives pour remédier à la situation avant qu’elle ne devienne problématique, mais l’employeur a décidé de poursuivre sa violation de la convention collective.

MESURES CORRECTIVES DEMANDÉES […]

Je demande que l’employeur soit condamné à payer tous les dommages-intérêts réels, moraux et exemplaires, et ce, rétroactivement et avec intérêt, car il a choisi de violer activement la convention collective après avoir été avisé de la violation et des autres solutions raisonnables et recommandées qui s’offraient à lui;

Je demande à obtenir, sous la forme d’un autre congé payé, un nombre d’heures égal au quart travaillé pour compenser mon temps de repos et ma perte de temps personnel;

Je demande des excuses par écrit du directeur de l’Établissement pour le changement de politique et de pratique à Kent et le maintien de la décision de violer la convention collective.

[…]

 

[4] Tous les griefs faisaient partie à l’origine d’un plus grand groupe de 69 griefs qui m’ont été renvoyés pour arbitrage par la présidente de la Commission au début de l’année 2022, dont l’arbitrage devait avoir lieu du 29 au 31 mars 2022; ils ont tous été déposés dans la région du Pacifique du SCC et se rapportent à Kent et à l’Établissement Mountain (« Mountain », également situé à Agassiz). J’ai reporté l’audience des 69 griefs originaux après la présentation par les parties d’une demande conjointe visant à ce qu’une conférence de règlement ait plutôt lieu à ces dates. La conférence de règlement a eu lieu, mais les questions n’ont toutefois pas été réglées. L’affaire a été réinscrite au rôle et l’audience devait avoir lieu du 24 au 28 octobre 2022.

[5] À l’approche de l’audience, il a été établi que les premiers griefs qui seraient entendus au cours de la semaine seraient 8 des 69 griefs originaux, soit les premiers griefs renvoyés à la Commission pour arbitrage. Au début de l’audience, les parties ont informé la Commission du fait qu’elles étaient en train de négocier un règlement, et la Commission a accepté de reporter l’audience jour après jour pour que les négociations puissent se poursuivre. Les parties ont réussi à régler les 8 premiers griefs, et le nombre total de griefs est passé de 69 à 61. Des 61 griefs restants, tous sauf 3 se rapportaient à Kent.

[6] Mon examen des 61 griefs restants a fait la lumière, dans une certaine mesure, sur une tendance : un nombre important de griefs concernait des heures supplémentaires obligatoires qui auraient été effectuées le même jour ou les mêmes jours de suite. Par conséquent, j’ai placé un peu plus de la moitié de ces 61 griefs en groupes selon les tendances qui se sont dessinées et j’ai demandé que l’audience des griefs se déroule par groupe, dans l’ordre chronologique des dates auxquelles les heures supplémentaires obligatoires avaient été effectuées. Au final, 8 groupes représentant 37 des 61 griefs s’échelonnaient sur la période allant du 13 mars (groupe 1) au 10 juillet. Les 24 griefs restants ont été qualifiés de cas particuliers qui ne s’inscrivaient pas dans la tendance observée.

[7] Mon examen a également permis d’établir qu’il était probable que certains des éléments de preuve relatifs à l’ensemble des griefs soient identiques. Ainsi, plutôt que de demander aux parties de citer de nouveau les témoins de chaque groupe pour qu’ils présentent encore une fois leur témoignage, il a été établi que l’audience se déroulerait de telle sorte que les parties fournissent, au début de la présentation de leur preuve relative au premier groupe, tous les éléments de preuve généraux sur lesquels elles s’appuieraient pour les 61 griefs restants et qu’elles n’aient par la suite qu’à présenter les éléments de preuve relatifs aux particularités de chaque grief individuel ou groupe de griefs.

[8] Les affaires en question devaient être instruites du 30 octobre au 2 novembre, du 27 novembre au 1er décembre, et du 11 au 15 décembre 2023. L’audience s’est déroulée du 30 octobre au 2 novembre, puis du 27 novembre au 1er décembre, mais les jours d’audience prévus au cours de la semaine du 11 décembre ont dû être reportés parce que l’un des principaux participants était tombé malade. Les prochaines dates d’audience étaient prévues du 29 juillet au 1er août 2024.

[9] Au cours des semaines qui se sont écoulées entre le 1er décembre 2023 et la date d’audience prévue le 29 juillet 2024, j’ai décelé une autre tendance en examinant la preuve quant aux heures supplémentaires obligatoires et à la nature répétitive du type d’élément de preuve présenté par les parties pour chaque grief individuel. Je décrirai davantage cette tendance dans mon résumé de la preuve. Par conséquent, j’ai informé les parties que, une fois la preuve relative au groupe 2 et à M. Guliker présentée, pendant les jours d’audience prévus du 29 juillet au 1er août 2024, j’entendrais les observations des parties concernant l’ensemble des neuf griefs.

[10] Dans la présente décision, j’entends par la « Commission » la formation actuelle de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral ainsi que ses prédécesseurs : la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (de 2014 à 2017); la Commission des relations de travail dans la fonction publique (de 2005 à 2014); et la Commission des relations de travail dans la Fonction publique.

II. Résumé de la preuve

A. Contexte factuel de l’ensemble des griefs

[11] Kent est un établissement à sécurité maximale pour hommes situé sur une réserve fédérale dans la région du Pacifique du SCC, tout près d’Agassiz, à environ 100 km à l’est de Vancouver, dans la vallée du Fraser. Il s’agit du seul établissement à sécurité maximale pour hommes dans la région du Pacifique et il occupe le même terrain que Mountain, un établissement à sécurité moyenne pour hommes. Au moment du dépôt des griefs, il accueillait environ 334 détenus.

[12] Au moment de l’audience, c’est Bradley Raven qui était le directeur adjoint, Opérations (DAO), à Kent, poste qu’il occupait depuis avril 2022. Il avait auparavant travaillé à l’Établissement de Mission, un établissement à sécurité moyenne pour hommes de la région du Pacifique du SCC. Au cours de sa carrière au SCC, il a occupé des postes de CX-2 et de gestionnaire correctionnel (GC). Le poste de GC est classifié au groupe et niveau CX-4 et il s’agit d’un poste de gestion. Selon la description fournie par M. Raven, les fonctions du DAO sont très variées et touchent notamment aux finances, à la dotation et à l’élaboration de politiques aux fins du fonctionnement de l’Établissement. Tous les CX relèvent indirectement de lui, de même que 17 GC et un adjoint administratif.

[13] Au moment de l’audience, Henry Shea était sous-directeur (SD) de l’Établissement William Head (« William Head »), un établissement à sécurité minimale pour hommes situé sur l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique, dans la région du Pacifique du SCC. Il a commencé sa carrière en 2006 en tant que CX-1 et a gravi les échelons en occupant les postes d’agent de renseignements de sécurité (CX-2), de GC, de DAO et de directeur adjoint, Services de gestion (DASG). En 2017, il était DASG à Kent. Après six mois, il avait été affecté au poste de DAO. Il a continué à occuper le poste de DAO à Kent jusqu’en novembre 2021, date à laquelle il a été affecté au poste de SD à William Head.

[14] Au moment de l’audience, Mitchell Hammond était GC par intérim à Kent, et ce, depuis juillet 2022; son poste d’attache depuis 2016 est le poste de CX-2. Il a commencé à travailler pour le SCC en décembre 2011 en tant que CX-1 et a joint les rangs du syndicat en 2013. En 2018, il était vice-président du syndicat à Kent et coordinateur des griefs du syndicat, fonctions qu’il exerçait toujours au moment où les griefs du groupe 1 ont été déposés.

[15] Au moment de l’audience, Helinant (Eli) Raymond était CX-1 à Kent et, depuis 2019, il occupait la fonction de président de la section locale du syndicat. Il a commencé à travailler pour le SCC en 2008 et a passé toute sa carrière à Kent.

[16] Les détenus vivent dans un environnement sécurisé, clos et hautement réglementé. Kent, comme tous les autres établissements du SCC, est ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par année (en tout temps). Les CX assurent les services de sécurité dans les établissements. Les CX sont affectés à plusieurs endroits différents à l’intérieur ou autour de chaque établissement. Un portrait clair de la situation en matière de dotation à Kent aux moments pertinents pour les griefs a été dressé à l’intention de la Commission. Pour les motifs énoncés plus loin dans la présente décision, les détails à cet égard ne sont pas pertinents. En plus des services de sécurité fournis par les CX, il y a d’autres services (par exemple en matière d’alimentation, de santé, d’éducation et d’administration) qui sont nécessaires au bon fonctionnement de l’Établissement, mais qui n’ont pas à être fournis en tout temps. Ces services sont offerts en grande partie au cours des journées de travail de 7,5 ou de 8 heures (semaine de travail de 37,5 heures à 40 heures) d’une semaine normale de cinq jours (du lundi au vendredi). La prestation de ces services a une incidence sur les niveaux de dotation des CX et les endroits où ils sont affectés.

[17] Compte tenu du fonctionnement des établissements et du fait qu’un certain niveau de sécurité est toujours nécessaire, les CX travaillent selon des horaires variables rotatifs ou irréguliers suivant l’« entente sur les postes à horaire variable » (EPHV). Le processus relatif à l’EPHV est décrit à l’annexe K de la convention collective. Une fois que l’employeur et le syndicat se sont mis d’accord sur l’EPHV, l’horaire des CX est établi au moyen d’un programme informatique, soit le Système des horaires de travail et du déploiement, communément appelé « SHD ».

[18] Sans s’attarder aux détails de l’établissement des horaires, il convient de souligner que les établissements doivent veiller à ce que divers postes liés à la sécurité soient occupés par des CX. La question de savoir qui occupera ces postes de sécurité dépend de plusieurs facteurs. Le SHD permet d’établir les horaires, mais il permet aussi d’effectuer un suivi et une gestion des congés.

[19] Les CX, qu’ils soient CX-1 ou CX-2, relèvent directement d’un GC, qui représente le premier échelon de la structure de gestion de l’établissement. Les GC relèvent du DAO, qui relève du directeur ou, en son absence, du SD. Il y a trois différents types de postes de GC à Kent : le GC du SHD, le GC, Opérations et le GC du bureau.

[20] La Directive du commissaire 004 (DC-004) énonce les Normes nationales de déploiement des agents correctionnels (les « normes de déploiement »). Ce document a pour but d’établir des normes nationales pour le déploiement efficace de CX à tous les nouveaux de sécurité et dans tous les types d’établissement. Il vise à créer des niveaux de sûreté et de sécurité uniformes tout en permettant une interaction et des interventions efficaces et dynamiques avec les détenus.

[21] Les normes de déploiement définissent les postes de sécurité d’un Établissement, ainsi que les employés qui doivent les occuper (CX-1 ou CX-2) et les moments auxquels ils doivent être occupés (quarts). En somme, à tout moment de la journée, si l’Établissement fonctionne normalement, un nombre X de CX doit occuper un nombre Y de postes de sécurité; le nombre de CX qui occupe ces postes peut fluctuer en fonction du poste, de la journée, du moment de la journée ou de la situation à l’Établissement à un moment donné, voire de tous ces facteurs.

[22] Par exemple, les détenus vivent dans ce qu’on appelle une unité résidentielle. Il y a plusieurs unités résidentielles autonomes à Kent, qui comportent des cellules. Un nombre X de CX-1 et un nombre Y de CX-2 peuvent être requis dans chaque unité résidentielle à différentes périodes de la journée. Pendant certaines heures, les détenus ne sont peut-être pas nécessairement enfermés dans leurs cellules individuelles, et il peut y avoir du mouvement dans la rangée. Cependant, pendant la nuit, le nombre de CX qui doivent travailler est normalement moindre, car les détenus sont enfermés dans leurs cellules et devraient dormir.

[23] Le terme [traduction] « poste » a souvent été utilisé par les témoins et dans les documents déposés en preuve. Par exemple, dans chaque unité résidentielle de détenus, il y a des postes de travail qui doivent être occupés par des CX, qui sont désignés par un nom ou un nom et un numéro, et qui correspondent à certaines tâches liées à un certain emplacement. Lorsque le terme « poste » est utilisé en ce sens, j’utiliserai le terme [traduction] « poste (emplacement) ».

[24] Il est devenu évident, à mesure qu’avançait l’audience, que le terme « poste » avait une autre signification que celle d’emplacement physique au sein de l’établissement, désigné par poste (emplacement). Le terme est également utilisé, dans le contexte de l’établissement des horaires, pour décrire une série de tâches ou d’affectations différentes à différents emplacements lorsqu’il est question du travail d’un CX-1 au cours d’un quart de travail. Ainsi, au cours d’un quart de travail, un CX-1 est souvent affecté à plusieurs postes (emplacements), bien qu’il ne les occupe pas tous en même temps.

[25] C’est le cas, par exemple, d’un CX-1 qui fait un quart de travail de 12 heures. Au cours de ce quart de travail de 12 heures, le CX-1 peut être affecté à trois postes (emplacements) différents et passer d’un poste (emplacement) à l’autre environ toutes les quatre heures. Sur l’horaire de travail quotidien qui indique l’emplacement auquel chaque CX est affecté au cours de son quart de travail, son affectation est désignée par un code alphanumérique, par exemple « 010A ». Si ce poste doit être occupé par un CX-1, celui-ci est affecté à ce poste à l’emplacement X pour (environ) le premier tiers de son quart de travail, puis passe à l’emplacement Y pour le tiers suivant, et termine le reste de son quart de travail à l’emplacement Z. Sur les documents relatifs à l’établissement de l’horaire, comme les appels nominaux et les listes des quarts de travail, ces désignations alphanumériques correspondent à un « poste ». En ce sens, ils sont souvent appelés « postes (quarts) », et j’utiliserai ce terme pour les différencier de l’emplacement physique (ou du poste (emplacement)) que j’ai déjà défini.

[26] C’est le GC, SHD, qui établit les horaires des CX. Il ressort de la preuve que les CX reçoivent leurs horaires au moins un an à l’avance. À Kent, les CX travaillent en trois équipes : l’équipe de matinée, l’équipe de jour et l’équipe de soirée. La longueur des quarts de travail varie également entre 8, 12 et 16 heures.

[27] À Kent, huit GC occupent par alternance le poste de GC du bureau. C’est un poste qui est occupé en tout temps. Le GC du bureau est responsable du déploiement quotidien des CX et de la gestion de tout poste de CX vacant au cours de la journée. C’est également le responsable de l’Établissement lorsque le directeur et le SD ne sont pas sur place et, à ce titre, il est chargé de la sûreté et de la sécurité de l’Établissement dans son ensemble.

[28] Le paragraphe 6 des normes de déploiement prévoit que « [l]es pratiques des établissements seront conformes aux politiques d’ajustement opérationnel énoncées dans les Normes » et que « [c]haque établissement doit disposer d’un Plan des ajustements opérationnels documenté, qui sera examiné tous les ans ou plus tôt, si des changements sont requis ».

[29] Le « Plan des ajustements opérationnels » d’un Établissement indique les activités de sécurité pouvant faire l’objet d’un « ajustement opérationnel » en conformité avec les normes de déploiement. Un « ajustement opérationnel » signifie simplement que le responsable de l’Établissement peut décider de ne pas affecter un CX à un poste particulier pendant un quart de travail ou une partie de ce quart.

[30] Les quarts de travail des CX ne correspondent pas nécessairement aux quarts de travail associés aux postes et ne sont pas de la même durée. Le GC du bureau, pendant son quart de travail, est responsable de l’affectation des CX pour la journée.

[31] L’équipe de matinée commence à travailler à 18 h le soir et finit de travailler à 6 h 45 (dans le cas des CX-1) ou à 6 h 30 (dans le cas des CX-2) le lendemain matin. En réalité, le quart de matinée désigne plutôt le quart de nuit. Les CX-2 sont affectés à un poste (emplacement) pendant le quart de matinée, tandis que chaque CX-1 à l’horaire pourrait devoir alterner entre trois postes (emplacements).

[32] Il y a quatre catégories différentes de quarts de jour : deux pour les CX-1 et deux pour les CX-2. Il y a un quart de travail de 12 heures et un quart de travail de 8 heures pour chaque groupe, mais le quart de travail de 12 heures des CX-1 s’échelonne sur une période de 12 heures et 45 minutes, tandis que celui des CX-2 s’échelonne sur une période de 12 heures et 30 minutes. La principale différence entre ces quarts de travail est que les CX-2 qui font partie de l’équipe de jour semblent être affectés à un seul poste (emplacement) tandis que chaque CX-1 peut alterner entre trois postes (emplacements) au cours d’un même quart de travail. Dans le cas des quarts de travail de huit heures, les CX-2 semblent être affectés à un seul poste (emplacement) tandis que chaque CX-1 est affecté à deux postes (emplacements) qu’il occupe pendant environ quatre heures chacun.

[33] Il y a deux catégories de quarts de soirée : une pour les CX-1 et une pour les CX-2. Les deux sont des quarts de travail de huit heures qui commencent à 14 h 30 et qui se terminent à 22 h 30. Les CX-2 sont affectés à un poste (emplacement) chacun, tandis que les CX-1, encore une fois, peuvent être affectés à deux postes (emplacements) différents qu’ils occupent pendant environ quatre heures chacun.

[34] Les horaires des CX sont censés tenir compte du fait que tous les CX à l’horaire ne travailleront pas tous les jours auxquels ils sont à l’horaire (il y a plus de CX à l’horaire que le nombre nécessaire pour qu’un effectif complet soit en poste). C’est pour parer à toute éventualité. Malgré tous les efforts déployés pour qu’un nombre suffisant de CX soit à l’horaire pour chaque quart de travail, il n’est pas rare qu’un nombre de CX inférieur au nombre à l’horaire soit au travail, y compris les CX supplémentaires. Dans ce cas, le GC du bureau doit prendre des mesures pour remédier au fait qu’il n’y a pas assez de CX pour occuper tous les postes (emplacements). Les options qui s’offrent à lui sont les suivantes :

· Offrir des heures supplémentaires à un CX qui n’est pas à l’horaire;

 

· Effectuer un ajustement opérationnel de certains postes (emplacements) pendant le quart de travail;

 

· Combiner les offres d’heures supplémentaires et les ajustements opérationnels.

 

[35] En plus des raisons habituelles pour lesquelles un CX peut s’absenter malgré le fait qu’il devait travailler (par exemple vacances, maladie et obligation familiale), la période visée par les griefs instruits à l’audience correspond à mars et à mai 2021, soit à un moment auquel la pandémie de COVID-19 battait encore son plein. Pendant la pandémie, si un employé avait été en contact avec une personne qui était atteinte de la COVID-19 ou soupçonnée de l’être, cet employé devait prendre congé ou s’isoler. Par conséquent, des CX par ailleurs en bonne santé qui devaient travailler ou qui pouvaient potentiellement travailler ne pouvaient pas le faire en raison de l’obligation d’isolement.

[36] Tous les griefs visés par la présente décision concernent des quarts de travail effectués au cours de la fin de semaine, après 16 h le vendredi et avant 8 h le lundi.

[37] L’horaire de chaque fonctionnaire a été déposé en preuve. Tous les fonctionnaires travaillaient selon un horaire « six-quatre/six-cinq » (6-4/6-5). Il s’agit d’une combinaison de quarts de travail au titre d’une EPHV selon laquelle un CX a six jours de travail d’affilée suivis de quatre jours de repos, puis six jours de travail suivis de cinq jours de repos, d’où le 6-4/6-5. La durée réelle des quarts de travail pendant les jours de travail peut aller de 7,25 heures à 16 heures.

[38] Au moment de l’audience, Kevin Côté occupait le poste de GC du bureau à Kent, et ce, depuis mars 2021.

[39] Au moment de l’audience, David Mardell avait occupé le poste de GC à Kent à partir de 2018 environ, puis, à partir de 2020, le poste de GC du bureau.

[40] Une copie du plan des ajustements opérationnels de Kent a été produite en preuve. Il incombe au GC du bureau en poste de déterminer si des ajustements opérationnels peuvent être effectués au sein de l’Établissement pour favoriser l’efficience, et en toute sécurité.

[41] M. Raymond a créé un document d’après la norme de déploiement de Kent pour l’établissement des horaires et le plan des ajustements opérationnels. Ce document est structuré de façon à différencier les quarts de travail ainsi que les postes (quarts) et les postes (emplacements), et à les répartir entre les CX-1 et les CX-2. Il repose sur un code de couleurs; chaque poste (emplacement) porte l’une de trois couleurs (rouge, jaune ou vert) en fonction du niveau d’ajustement opérationnel potentiel :

· Rouge : poste qui ne pourrait faire l’objet d’un ajustement opérationnel qu’en cas d’urgence;

 

· Jaune : poste qui ne pourrait faire l’objet d’un ajustement opérationnel qu’à la suite d’une modification des activités quotidiennes;

 

· Vert : poste qui pourrait faire l’objet d’un ajustement opérationnel sans modification des activités quotidiennes;

 

[42] On entend par « modification des activités quotidiennes » une modification des activités quotidiennes des détenus de l’Établissement.

B. Convention collective

[43] Les articles de la convention collective qui sont pertinents pour les griefs faisant l’objet de la présente décision sont les suivants :

[…]

**Article 2: interprétation et définitions

**Article 2: interpretation and definitions

2.01 Aux fins de l’application de la présente convention :

2.01 For the purpose of this agreement:

[…]

n. « heures supplémentaires »

n. “overtime”

(overtime) désigne :

means (heures supplémentaires):

i. dans le cas d’un-e employé-e à temps plein, les heures de travail qu’il est autorisé à effectuer en sus de son horaire normal de travail;

i. in the case of a full-time employee, authorized work in excess of the employee’s scheduled hours of work;

ou

or

ii. dans le cas d’un-e employé-e à temps partiel, les heures de travail qu’il est autorisé à effectuer en sus de la durée normale journalière ou hebdomadaire de travail d’un-e employé-e à temps plein prévue dans la présente convention collective, mais ne comprend pas les heures effectuées un jour férié;

ii. in the case of a part-time employee, authorized work in excess of the normal daily or weekly hours of work of a full-time employee specified by this collective agreement but does not include time worked on a holiday;

[…]

p. « quart »

p. “shift”

désigne les heures de travail continues normalement prévues à l’horaire de l’employé-e, ne désigne pas le poste auquel l’employé-e est affecté (shift);

means the employee’s regularly scheduled continuous hours of work, not the post to which the employee is assigned (quart);

q. « horaire de quarts »

q. “shift schedule”

désigne la répartition des quarts pendant une période donnée (shift schedule);

means the arrangement of shifts over a given period of time (horaire de quarts);

r. « cycle de quarts »

r. “shift cycle”

désigne les heures de travail continues normalement prévues à l’horaire entre deux (2) périodes d’au moins deux (2) jours de repos consécutifs (shift cycle);

means the regularly scheduled shifts between two (2) periods of at least two (2) consecutive days of rest (cycle de quarts) ….

[…]

Article 6 : responsabilités de la direction

Article 6: managerial responsibilities

6.01 Sauf dans les limites indiquées, la présente convention ne restreint aucunement l’autorité des personnes chargées d’exercer des fonctions de direction dans la fonction publique.

6.01 Except to the extent provided herein, this agreement in no way restricts the authority of those charged with managerial responsibilities in the public service.

[…]

**Article 21 : durée du travail et heures supplémentaires

**Article 21: hours of work and overtime

[…]

Travail par quarts

Shift work

21.02 Lorsque le quart d’un-e employé-e est établi suivant un horaire irrégulier ou par roulement :

21.02 When a shift is scheduled for an employee on a rotating or irregular basis:

a. il doit être établi de façon à ce que l’employé-e :

a. it shall be scheduled so that an employee:

i. travaille une moyenne de quarante (40) heures par semaine pendant la durée de l’horaire de quarts,

i. over the length of the shift schedule, works an average of forty (40) hours per week,

et

and,

ii. travaille huit virgule cinq (8,5) heures par jour.

ii. on a daily basis, works eight decimal five (8.5) hours per day.

b. l’employeur prendra toutes les mesures raisonnables possibles :

b. every reasonable effort shall be made by the Employer:

i. pour ne pas fixer le début du quart de travail dans les huit (8) heures qui suivent la fin du quart de travail précédent de l’employé-e,

i. not to schedule the commencement of an employee’s shift within eight (8) hours of the completion of the employee’s previous shift,

ii. pour veiller à ce qu’un-e employé-e affecté à un cycle de quarts réguliers ne doive pas changer de quart plus d’une fois au cours de ce cycle de quarts sans son consentement, sauf en situation d’urgence survenant dans un pénitencier. Un changement de quart suivi du retour au quart d’origine ne constitue qu’un seul changement,

ii. to ensure an employee assigned to a regular shift cycle shall not be required to change his or her shift more than once during that shift cycle without his or her consent except as otherwise required by a penitentiary emergency. A change of shift followed by a return to the original shift is considered as one change;

et

and,

iii. pour éviter toute variation excessive de la durée du travail.

iii. to avoid excessive fluctuations in hours of work;

c. sauf en situation d’urgence survenant dans un pénitencier, l’horaire de travail doit être fixé de telle façon que chaque quart puisse se terminer au plus tard neuf virgule cinq (9,5) heures après qu’il a commencé,

c. they shall, except as otherwise required by a penitentiary emergency, be scheduled so that each shift ends not later than nine decimal five (9.5) hours after its commencement,

d. l’horaire de travail doit être fixé de telle façon que l’employé-e ne soit pas normalement tenu de travailler plus de huit (8) jours civils consécutifs. Des exceptions peuvent être permises, à la demande de l’employé-e et avec l’approbation de l’employeur, ou après consultation entre l’employeur et le syndicat,

d. they shall be scheduled so that an employee will not be regularly scheduled to work more than eight (8) consecutive calendar days. Exceptions may be scheduled at the request of an employee and with the approval of the Employer, or after consultation between the Employer and the Union.

e. l’horaire de quarts est d’un maximum de cinquante-deux (52) semaines.

e. the shift schedule shall be a maximum of fifty-two (52) weeks,

f. l’employé-e doit bénéficier d’au moins deux (2) jours de repos consécutifs à la fois.

f. an employee shall obtain at least two (2) consecutive days of rest at any one time,

g. une période de vingt-quatre (24) heures ou moins entre deux (2) quarts et à l’intérieur d’un cycle de quarts n’est pas considérée comme un (1) jour de repos.

g. a period of twenty-four (24) hours or less between shifts and within a shift cycle shall not be considered a day of rest.

21.03

21.03

a. Les horaires de quarts doivent être affichés au moins vingt-huit (28) jours civils avant la date du début du nouvel horaire afin de permettre à un-e employé-e d’obtenir un avis raisonnable pour connaître le quart qui lui est affecté. Le quart, comme il est indiqué dans l’horaire, doit correspondre au quart normalement prévu à l’horaire de l’employé-e.

a. Shift schedules shall be posted at least twenty-eight (28) calendar days in advance of the staring date of the new schedule in order to provide an employee with reasonable notice as to the shift he or she will be working. The shift as indicated in this schedule shall be the employee’s regularly scheduled shift.

b. L’employeur convient qu’avant que soit modifié l’horaire de quarts de travail d’un-e employé-e, la modification doit faire l’objet d’une entente conformément à l’annexe « K ».

b. The Employer agrees that, before an employee’s shift schedule is changed, the change shall be agreed upon in accordance with Appendix “K.”

c. Dans les cinq (5) jours qui suivent la demande de modification présentée par l’une ou l’autre partie, le syndicat communique par écrit à l’employeur le nom du représentant autorisé à agir en son nom.

c. Within five (5) days of request for modification served by either party, the Union shall notify the Employer in writing of the authorized representative to act on behalf of the Union.

d. Un-e employé-e dont le quart normalement prévu est modifié, tel que prévu au sous-alinéa 21.02 b) (ii), sans un avis préalable de quatre-vingt-seize (96) heures est compensé à tarif et trois-quarts (1 3/4) pour le premier (1er) quart de travail complet travaillé dans le cadre du nouvel horaire. Les quarts ultérieurs dans le cadre du nouvel horaire doivent être rémunérés à tarif normal.

d. An employee whose regularly scheduled shift is changed, pursuant to subparagraph 21.02(b)(ii), without ninety-six (96) hours prior notice shall be compensated at the rate of time and three quarters (1 ¾) for the first (1st) full shift worked on the new schedule. Subsequent shifts worked on the new schedule shall be paid for at straight time.

[…]

21.06 Après une consultation significative avec le représentant local approprié du syndicat, l’employeur prévoira une rotation du personnel équitable au moyen de quarts de travail et d’attribution des tâches. Les besoins spéciaux des employé-e-s et les exigences opérationnelles du service doivent être envisagés dans le processus de prise de décisions.

21.06 After meaningful consultation with the appropriate local Union representative, the Employer will arrange equitable rotation of employees through shifts and post/work assignments. The special needs of employees and the operational requirements of the service shall be considered in the decision-making process.

[…]

21.10 Répartition des heures supplémentaires

21.10 Assignment of overtime work

L’employeur fait tout effort raisonnable pour :

The Employer shall make every reasonable effort:

a. répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés facilement disponibles,

a. to allocate overtime work on an equitable basis among readily available qualified employees,

b. attribuer du travail en temps supplémentaire aux employé-e-s faisant partie du même groupe et niveau par rapport au poste à combler, par exemple, agent correctionnel 1 (CX-1) à agent correctionnel 1 (CX-1), agent correctionnel 2 (CX-2) à agent correctionnel 2 (CX-2), agent de formation du personnel (CX-3) à agent de formation du personnel (CX-3).

Cependant, il est possible pour une section locale de convenir par entente écrite avec le directeur de l’établissement d’une méthode différente en ce qui a trait à l’attribution du temps supplémentaire

b. to allocate overtime work to employees at the same group and level as the position to be filled, that is, Correctional Officer 1 (CX-1) to Correctional Officer 1 (CX-1), Correctional Officer 2 (CX-2) to Correctional Officer 2 (CX-2), Correctional Staff Training Officer (CX-3) to Correctional Staff Training Officer (CX-3);

However, it is possible for a local Union to agree in writing with the institutional warden on another method to allocate overtime

et

and

c. donner aux employé-e-s, qui sont obligés de travailler des heures supplémentaires, un préavis suffisant de cette obligation.

c. to give employees who are required to work overtime adequate advance notice of this requirement.

21.11 Le syndicat a le droit de consulter le commissaire ou son représentant chaque fois qu’il est allégué que les employé-e-s sont tenus de faire un nombre d’heures supplémentaires qui n’est pas raisonnable.

21.11 The Union is entitled to consult the Commissioner or the commissioner’s representative whenever it is alleged that employees are required to work unreasonable amounts of overtime.

21.12 Rémunération du travail supplémentaire

21.12 Overtime compensation

L’employé-e a droit à une rémunération à tarif et trois-quarts (1 3/4) sous réserve du paragraphe 21.13 pour chaque heure supplémentaire de travail supplémentaire exécutée par lui.

An employee is entitled to time and three quarters (1 ¾) compensation subject to clause 21.13 for each hour of overtime worked by the employee.

Pour plus de précision, toute référence à la rémunération du travail supplémentaire ailleurs dans la présente convention collective est à tarif et trois-quarts (1 3/4).

For greater certainty, any reference to compensation for each hour of overtime worked elsewhere in this collective agreement is at time and three quarters (1 ¾).

[…]

21.16 Situation d’urgence

21.16 Emergency situation

Dans le cas d’une situation d’urgence, tel que déterminé par l’employeur, un-e employé-e qui travaille un quart de travail normalement prévu à son horaire et qui est tenu de travailler en continu durant toute la période entre la fin dudit quart et le début du prochain quart de travail normalement prévu à son horaire a droit à une rémunération à tarif et trois-quarts (1 3/4) pour toutes les heures de travail effectuées en continu après la fin dudit premier quart normalement prévu à son horaire.

In the case of an emergency, as determined by the Employer, an employee who works a regularly scheduled shift and is required to work continuously during the entire period between the end of the said regularly scheduled shift and the start of the next regularly scheduled shift is entitled to time and three quarter (1 ¾) compensation for all hours worked continuously worked after the end of the said regularly scheduled shift.

[…]

**Article 34 : horaire de travail modifié

**Article 34: modified hours of work

[…]

L’employeur et le syndicat conviennent que les conditions suivantes s’appliquent aux employé-e-s dont l’horaire de travail est établi conformément aux dispositions du paragraphe 21.02. La convention est modifiée par les présentes dispositions dans la mesure indiquée.

The Employer and the Union agree that the following conditions shall apply to employees for whom hours of work are scheduled, in accordance with clause 21.02. The agreement is modified by these provisions to the extent provided herein.

1. Conditions générales

1. General terms

Les heures de travail figurant à l’horaire d’une journée quelconque peuvent être supérieures ou inférieures à l’horaire de travail de la journée normale de travail qu’indique la présente convention; les heures du début et de la fin du travail, des pauses-repas et des pauses-repos sont fixées par entente entre le syndicat et l’employeur au niveau local et approuvées conformément à l’annexe « K ». Les heures de travail journalières sont consécutives.

The scheduled hours of work of any day as set forth in a work schedule, may exceed or be less than the regular workday hours specified by this agreement; starting and finishing times of shifts, meal breaks and rest breaks shall be established by agreement between the Employer and the Union at the local level, and approved according to Appendix “K.” The daily hours of work are consecutive.

Dans le cas des employé-e-s travaillant par quarts, ces horaires doivent prévoir que leur semaine normale de travail correspond, en moyenne, au nombre d’heures hebdomadaires de travail prévues dans la présente convention pendant toute la durée de l’horaire.

For shift workers, such schedules shall provide that an employee’s normal workweek shall average the weekly hours per week specified in this agreement over the life of the schedule.

Lorsqu’un-e employé-e modifie son horaire modifié ou qu’il ne travaille plus selon un tel horaire, tous les rajustements voulus sont faits.

Whenever an employee changes his or her modified hours or no longer works modified hours, all appropriate adjustments are made.

[…]

Heures supplémentaires

Overtime

Des heures supplémentaires sont payées pour tout travail exécuté par l’employé-e en sus des heures de travail prévues à son horaire un jour de travail normal ou les jours de repos sont payés au tarif prévu à l’article 21 de la convention collective.

Overtime shall be compensated for all work performed on regular working days or on days of rest at the rate set in Article 21 of the collective agreement.

[…]

Annexe « K »

Appendix “K”

Lettre d’entente entre le Conseil du Trésor et Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (UCCO-SACC-CSN) concernant l’établissement efficace des horaires pour le service correctionnel du Canada

Letter of Understanding Between the Treasury Board and the Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO-SACC-CSN) with Respect to the Effective Scheduling for the Correctional Service of Canada (CSC)

[…]

Règles pour l’établissement efficace des horaires

Rules for effective scheduling

Les règles suivantes ont été établies pour offrir des solutions durables à tous les intervenants et permettre l’établissement d’horaires qui tiennent compte des besoins opérationnels de l’organisation et de la qualité de vie des employé-e-s qui travaillent en milieu correctionnel.

The following rules have been established to maintain sustainable solutions for all stakeholders and to ensure effective scheduling that will address the business need of the organization and the quality of life for employees working in a correctional environment.

A) Horaires de quarts de huit virgule cinq (8,5) heures (paragraphe 21.02)

(A) Eight decimal five (8.5) hour shift schedules (Article 21.02)

Établir des horaires de quarts de travail permettant d’affecter des employé-e-s selon les heures de travail prévues dans la convention collective.

Ensure shift schedules deploy employees for the correct hours of work in accordance with the collective agreement.

Établir des horaires de quarts de travail qui répondent aux besoins opérationnels de l’établissement. Les besoins opérationnels actuels nécessitent des activités correctionnelles de huit (8), seize (16) et vingt-quatre (24) heures et les horaires de quarts de travail doivent être établis en conséquence.

Built shift schedules to reflect the operational need of the institution. The current business need is eight (8), sixteen (16) and twenty-four (24) hour security activity coverage and shift schedules shall be developed based on the identified business need.

Affecter les employé-e-s aux besoins opérationnels connus, c’est-à-dire, pour les horaires de quarts de travail de huit virgule cinq (8,5) heures, il devrait y avoir uniquement des quarts de travail de huit virgule cinq (8,5) heures pour les activités correctionnelles de huit (8) heures.

Deploy employees to the identified business need. For eight decimal five (8.5) hour shift schedules there shall only be eight decimal five (8.5) hour shifts for eight (8) hour correctional activities.

Pour maximiser l’utilisation des postes de remplacement, il ne devrait pas y avoir de chevauchement dans les horaires de quarts de travail. Il devrait y avoir une répartition équitable des postes de remplacement pour chaque jour de la semaine, c’est-à-dire des postes de remplacement de huit virgule cinq (8,5) heures pour des activités correctionnelles de huit (8) heures.

To maximize substitute relief positions there shall not be any overlap in the shift schedules. There shall be an equitable distribution of substitute relief positions for each day of the week, that is eight decimal five (8.5) hour substitute relief positions for eight (8) hour correctional activities.

Le processus d’affectation des employé-e-s à des horaires de quarts de travail de huit virgule cinq (8,5) heures doit être établi d’un commun accord au niveau du comité local patronal/syndical. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur un système de classement des priorités, les responsables de l’établissement devront désigner, parmi tous les employé-e-s intéressés par le poste qui satisfont aux exigences établies, celui qui a accumulé le plus grand nombre d’années de service à titre d’agent correctionnel.

The process to determine how employees are assigned to an eight decimal five (8.5) hour shift schedule is determined by mutual agreement at the local Labour Management Committee level. In cases where mutual agreement cannot be reached on a priority rating system, the institution shall assign among all the employees who have expressed interest and meet the requirements of the position, the employee with the most years of service as a correctional officer.

B) Horaire de quarts de travail modifié (article 34)

(B) Modified shift schedules (Article 34)

Établir des horaires de quarts de travail permettant d’affecter des employé-e-s selon les heures de travail prévues dans la convention collective.

Ensure shift schedules deploy employees for the correct hours of work in accordance with the collective agreement.

Établir des horaires de quarts de travail qui permettent de répondre aux besoins opérationnels de l’établissement. Les besoins opérationnels actuels nécessitent des activités correctionnelles de huit (8), seize (16) et vingt-quatre (24) heures et les horaires de quarts de travail doivent être établis en conséquence.

Build shift schedules to reflect the operational need of the institution. The current business need is eight (8), sixteen (16) and twenty-four (24) hour correctional activity coverage and shift schedules shall be developed based on the identified business need.

Affecter les employé-e-s aux besoins opérationnels connus, c’est-à-dire, pour les horaires de de quarts de travail de douze virgule cinq (12,5) heures, la majorité des quarts doivent compter douze virgule cinq (12,5) heures pour les activités correctionnelles de douze (12) heures.

Deploy employees to the identified business need, that is, for twelve decimal seven five (12.5) hour shift schedules the majority of shifts shall be twelve decimal seven five (12.5) hour shifts for twelve (12) hour correctional activities.

Pour maximiser l’utilisation des postes de remplacement, il ne devrait pas y avoir de chevauchement dans les horaires de quarts de travail. Il devrait y avoir une répartition équitable des postes de remplacement pour chaque jour de la semaine, c’est-à-dire des postes de remplacement de douze virgule cinq (12,5) heures pour des activités correctionnelles de douze (12) heures.

To maximize substitute relief positions there shall not be any overlap in the shift schedules. There shall be an equitable distribution of substitute relief positions for each day of the week, that is twelve decimal seven five (12.75) hour substitute relief positions twelve (12) hour correctional activities.

[…]

Les employé-e-s qui ont un horaire de quarts de travail modifié comportant un quart de travail de seize (16) heures devraient normalement être affectés à un seul quart de travail de seize (16) heures par cycle.

Employees working a modified shift schedule that contains a sixteen (16) hour shift shall normally be scheduled to only one sixteen (16) hour shift in a shift cycle.

Le processus d’affectation des employé-e-s à un horaire de quarts de travail modifié doit être établi d’un commun accord au niveau du comité local patronal/syndical. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur un système de classement des priorités, les responsables de l’établissement devront désigner, parmi tous les employé-e-s intéressés par le poste qui satisfont aux exigences établies, celui qui a accumulé le plus grand nombre d’années de service à titre d’agent correctionnel.

The process to determine how employees are assigned to a modified shift schedule is determined by mutual agreement at the local Labour Management Committee level. In cases where mutual agreement cannot be reached on a priority rating system, the institution shall assign among all the employees who have expressed interest and meet the requirements of the position, the employee with the most years of service as a correctional officer.

Processus d’approbation et de modification des horaires

Process for approving schedule and schedule changes

Les horaires de quarts de travail devront être examinés et approuvés par le comité national chargé de surveiller les horaires de quarts de travail avant d’être mis en application dans un établissement. Le comité national vérifiera si les principes susmentionnés ont été respectés et pris en considération dans les horaires de quarts de travail. Si les horaires de quarts de travail ne respectent pas les principes, leur mise en application ne sera pas approuvée et ils seront renvoyés à l’échelon local pour que des modifications y soient apportées.

Prior to any shift schedules being approved for implementation at any institution, they shall be reviewed and certified by the national committee identified for the purpose of overseeing the shift schedules. The national committee will confirm that the above principles have been adhered to and reflected in the shift schedules. If the shift schedules do not reflect the principles then the schedule submitted shall not be certified for implementation and shall be referred back to the local for further changes/amendments.

Après avoir été approuvé et mis en application, un horaire de quarts de travail pourra uniquement être modifié d’un commun accord des parties patronale et syndicale locales et après avoir été examiné et approuvé par le comité national. Toutefois, lorsque le niveau de sécurité de l’établissement change ou qu’un changement organisationnel est apporté (par exemple, nombre de postes approuvés, heures d’ouverture des postes, classification ou type de postes aux fins du déploiement), l’horaire de quarts de travail sera soumis à nouveau au comité national, qui déterminera s’il est conforme aux principes qui précèdent. Le comité national examinera chaque année les horaires de quarts de travail en vigueur dans un établissement afin de veiller à ce qu’ils soient toujours conformes aux principes qui précèdent.

Once a shift schedule has been approved and implemented, it shall only be altered by the mutual consent of the local Union and management and after the subsequent review and certification by the national committee. However, in cases where a change in the security level of the institution or organizational change (for example, number of approved posts, hours of operations for posts, classification or type of posts for deployment purposes), the shift schedule shall be re-submitted to the national committee to review the compliance with the above principles. The national committee shall on an annual basis, review shift schedules in effect in an institution to ensure continued compliance with the above principles.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[44] L’annexe K est la section de la convention collective qui sert de fondement à l’EPHV convenue par l’employeur et le syndicat. Autrement dit, l’EPHV prévoit que les CX sont payés au taux normal pour chaque heure de travail prévue dans le cours normal de leurs horaires 6-4/6-5. Ainsi, ils sont payés au taux normal pour chaque heure de travail effectuée au cours de leurs quarts de travail prévus à l’horaire, qu’ils fassent un quart de travail de 8 heures, de 12 heures ou de 16 heures. Cependant, s’ils sont censés travailler huit heures et qu’ils travaillent plutôt dix heures, les deux dernières heures sont payées au taux des heures supplémentaires. Il en va de même pour les quarts de travail de 12 heures et de 16 heures. Par conséquent, s’ils sont censés travailler 12 heures et qu’ils en travaillent 14, ils sont payés 12 heures au taux normal et 2 heures au taux des heures supplémentaires.

C. Entente globale

[45] Il est bien établi que, depuis plus de dix ans, il existe une entente écrite entre le syndicat et le SCC (et non le CT en tant qu’employeur), soit l’« Entente globale ». La version déposée en preuve a été signée le 5 janvier 2021 (l’« Entente globale de 2021 »). Il ne s’agit pas d’une convention collective ni d’une partie intégrante de la convention collective; la Commission ne peut donc pas veiller à son application.

[46] La partie II de l’Entente globale de 2021 est intitulée « Conditions de travail », et les dispositions II-J et II-K sont respectivement intitulées « Temps supplémentaire » et « Temps supplémentaire pour les nouvelles recrues ». Elles sont ainsi rédigées :

II-J-TEMPS SUPPLÉMENTAIRE

(RÉFÉRENCE ARTICLE 21.10)

Aux fins de la clause 21.10 a), les opportunités d’heures supplémentaires de plus de trois (3) heures seront normalement attribuées à l’employé-e disponible et qualifié-e qui a effectué ou qui s’est vu offrir le moins d’heures supplémentaires au cours de l’année fiscale. Lorsqu’un-e autre employé-e est embauché-e pour effectuer ces heures supplémentaires, le gestionnaire responsable devra enregistrer la justification de sa décision au moment de l’attribution des heures supplémentaires.

Le SCC rendra disponible un rapport quotidien qui inclura le quantum des heures supplémentaires effectuées ou offertes, le cumulatif des heures travaillées et offertes et le moment de la journée où ces heures supplémentaires ont été effectuées, et ce, pour chaque employé-e. Si un-e employé-e autre que la personne avec le moins d’heures est embauché-e, la raison qui a mené à cette décision devra également être incluse dans le rapport quotidien.

Les parties réviseront mensuellement ces activités d’embauche. Lorsqu’une problématique est soulevée et que les parties déterminent que cette problématique est fondée, l’employé-e se verra accorder la priorité pour la prochaine opportunité de faire des heures supplémentaires pour laquelle il ou elle est qualifié-e et disponible.

II-K-TEMPS SUPPLÉMENTAIRE POUR LES NOUVELLES RECRUES

Une recrue CX qui commence à travailler à un site au cours de l’année financière aura la moyenne actuelle des heures supplémentaires offertes aux CX-01, à ce site, ou aux sites pour femmes et aux pavillons de ressourcement pour les recrues CX-02, attribuée à leurs heures supplémentaires cumulatives dans le SHD. De telles situations doivent être signalées dans le rapport sur les heures supplémentaires afin de s’assurer que ces changements sont pris en compte lors de l’examen de la répartition équitable des heures supplémentaires.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

D. Décision sur le grief de principe, 2021 CRTESPF 22

[47] Le 30 août 2018, le syndicat a déposé un grief de principe (le « grief de principe ») à l’encontre de l’employeur au nom des CX de Kent, qui a été renvoyé à la Commission le 22 octobre 2018. Le grief de principe déposé dans le dossier no 569-02-39393 était rédigé ainsi :

[Traduction]

[…]

DÉTAILS DU GRIEF […]

Je dépose un grief contre la décision du SCC et de la direction de Kent d’imposer des heures supplémentaires obligatoires en l’absence d’exigences opérationnelles (urgences) suivant la définition convenue par les parties et leur compréhension de celle-ci. Cette décision contrevient à la convention collective.

MESURES CORRECTIVES DEMANDÉES […]

Je demande une déclaration selon laquelle l’employeur a contrevenu à la convention collective.

Je demande que l’employeur cesse d’imposer des heures supplémentaires obligatoires en l’absence d’exigences opérationnelles (urgences).

Je demande que les employés qui ont été ou qui seront touchés par les nouvelles mesures de l’employeur soient indemnisés intégralement.

Je demande également que tous les autres droits prévus par la convention collective, ainsi que tous les dommages-intérêts réels, moraux ou exemplaires soient appliqués rétroactivement et avec intérêt, sans qu’il soit porté atteinte aux autres droits acquis.

[…]

 

[48] Le grief de principe a été instruit par une autre formation de la Commission, et la décision Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 22 (« 2021 CRTESPF 22 ») a été rendue le 4 mars 2021.

[49] La position des fonctionnaires lors de l’audience est essentiellement exposée aux paragraphes 170 et 210 de la décision 2021 CRTESPF 22, qui sont formulés de la manière suivante :

[170] […] De toute évidence, la convention [collective] permet d’ordonner des heures supplémentaires sur une base non volontaire dans des situations d’urgence ou pour assurer l’accomplissement de fonctions de sécurité, comme l’obtention d’éléments de preuve. Elles peuvent également être utilisées légitimement pour remédier aux pénuries de personnel à court terme ou imprévues lorsque d’autres solutions de rechange pour doter les postes obligatoires n’existent pas, ce qui a été en fait mentionné dans la réplique de l’employeur à ce grief de principe.

[…]

[210] Le grief est accueilli en partie. La Commission déclare que l’imposition soutenue et chronique d’heures supplémentaires sur une base non volontaire constitue une violation de la convention collective.

 

[50] Les paragraphes suivants, qui résument la preuve présentée dans l’affaire 2021 CRTESPF 22, sont pertinents pour comprendre la position des fonctionnaires et les éléments de preuve qu’ils ont présentés au sujet de ces griefs :

[…]

[9] À l’audience, les parties ont présenté deux théories très différentes concernant l’affaire. Le syndicat a fait valoir qu’en vertu de la convention collective, toutes les heures supplémentaires se font sur une base volontaire et que l’employeur n’a pas le pouvoir de les ordonner. L’employeur a soutenu que la convention collective ne mentionne pas les heures supplémentaires sur une base volontaire et que, par conséquent, la direction a le droit de les ordonner de la façon qu’elle juge appropriée.

[10] Pour les raisons qui suivent, je considère qu’aucune des deux positions n’est appuyée par le libellé de la convention collective. Par conséquent, j’examinerai l’argument subsidiaire du syndicat, à savoir que la façon dont les heures supplémentaires sur une base non volontaire ont été ordonnées à Kent est incompatible avec la convention collective et qu’il s’agit d’un exercice déraisonnable des droits de la direction.

[11] Il s’agit d’une analyse assez compliquée, mais je conclus que le recours soutenu et chronique aux heures supplémentaires sur une base non volontaire pour remédier à ce qui est en fait une pénurie de personnel n’est pas conforme à la convention collective.

[…]

[17] […] Les témoins cités par les parties ont exposé leurs deux théories très différentes concernant l’affaire. Les témoins du syndicat ont témoigné de la situation locale à Kent et de la façon dont les quarts vacants ont été pourvus avant et après le changement de politique à l’été 2018. Ces témoignages indiquent la position de base du syndicat selon laquelle la pratique d’ordonner des heures supplémentaires sur une base non volontaire à Kent n’est pas justifiée, n’est pas nécessaire sur le plan opérationnel et n’est pas conforme à la convention collective ou à la politique nationale. L’employeur n’a pas cité les gestionnaires locaux à témoigner; ses témoins se sont plutôt concentrés sur les politiques nationales que devaient suivre les gestionnaires locaux. Cette façon de faire illustrait sa position de base selon laquelle le fait d’ordonner des heures supplémentaires est autorisé par la convention collective et la politique nationale et que les décisions de la direction locale de Kent ne peuvent être abordées au moyen du présent grief de principe.

[18] Par conséquent, très peu d’éléments de preuve sont en fait contestés.

[…]

B. Opérations correctionnelles et horaires de quarts

[…]

[21] Les témoins du syndicat et ceux de l’employeur ont tous témoigné de l’importance du processus énoncé à l’annexe K et de son lien avec la mutation des CX et les exigences du SCC. L’annexe K exige que la direction et le syndicat s’entendent au niveau local sur la façon dont les employés doivent être affectés à un horaire de quarts. Une fois qu’un horaire local est établi, l’annexe K exige qu’un comité national l’examine, pour vérifier s’il satisfait aux principes énoncés dans l’annexe. L’annexe stipule également qu’« [a]près avoir été approuvé et mis en application, un horaire de quarts de travail pourra uniquement être modifié d’un commun accord des parties patronale et syndicale locales et après avoir été examiné et approuvé par le comité national ».

[22] M. Raymond a déclaré que selon l’horaire de quarts de travail de Kent, les CX travaillent six jours de suite, prennent quelques jours de repos, puis travaillent de nouveau six jours de suite pour ensuite prendre d’autres jours de repos. L’horaire commence normalement par des quarts de deux ou trois jours débutant à partir de 6 h 30, suivis d’un quart de 16 heures, puis de deux ou trois quarts de nuit. Le comité mixte s’efforce de trouver des modèles de quart qui fonctionnent à la fois pour ce qui est du total des heures moyennes de travail et des autres dispositions de la convention collective. Par exemple, l’annexe K prévoit que les agents ne doivent pas être affectés à plus d’un quart de travail de 16 heures par période de six jours.

[23] M. Raymond a également témoigné que l’horaire doit respecter la règle de la convention collective (à la clause 21.02 b)) de ne pas fixer le début du prochain quart de travail d’un employé dans les huit heures qui suivent la fin de son quart de travail précédent. Toutefois, dans l’établissement des horaires, on tente souvent de prévoir plus de huit heures. Par exemple, selon M. Raymond, [traduction] « vous n’auriez pas une heure de fin à 22 h 30 suivie d’une heure de début à 6 h 30 le lendemain ».

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[51] Dans ses motifs de la décision 2021 CRTESPF 22, la Commission a regroupé les arguments des parties en six rubriques (sous forme de questions); deux de ces questions sont pertinentes dans le cas présent. Il s’agit des questions suivantes :

· La convention collective empêche-t-elle l’employeur d’imposer des heures supplémentaires sur une base non volontaire?

 

· L’imposition d’heures supplémentaires à Kent est-elle contraire à la convention collective?

 

[52] Les paragraphes suivants des motifs de la décision 2021 CRTESPF 22, qui répondent à la question « La convention collective empêche-t-elle l’employeur d’imposer des heures supplémentaires sur une base non volontaire? », sont pertinents dans le cadre de mon évaluation des griefs dans la présente affaire :

[…]

[98] Je vais maintenant aborder le premier argument du syndicat, soit que la convention collective empêche l’employeur d’ordonner aux employés de faire des heures supplémentaires.

[99] Les parties de la convention collective les plus pertinentes à cet égard sont les clauses 21.10 et 21.11, qui sont rédigées comme suit :

[…]

[102] L’employeur a soutenu que la clause 21.10 ne stipule pas que toutes les heures supplémentaires doivent être faites sur une base volontaire. Il a fait remarquer le libellé de la clause 21.10c), qui indique que les employés sont « obligés de travailler des heures supplémentaires ». De plus, l’article 21.11 énonce un processus pour traiter les situations où les employés « […] sont tenus de faire un nombre d’heures supplémentaires qui n’est pas raisonnable ». L’utilisation des mots « obligés » et « tenus » dans les deux clauses indique que les heures supplémentaires peuvent être faites sur une base non volontaire.

[103] Par ailleurs, selon l’employeur, la convention collective ne dit rien sur la façon d’imposer des heures supplémentaires. Par conséquent, la direction conserve le droit d’établir des règles en ce qui concerne l’imposition des heures supplémentaires, ce qu’elle a fait au moyen de sa politique nationale, de ses descriptions de travail, de son matériel d’orientation et, en l’espèce, de la directive de la directrice émise en juillet 2018.

[104] La clause 21.10 n’indique pas explicitement que toutes les heures supplémentaires doivent être faites sur une base volontaire. Elle n’indique pas non plus explicitement que l’employeur peut imposer des heures supplémentaires obligatoires, bien que je trouve que l’utilisation de l’expression « obligés de travailler des heures supplémentaires » signifie que des heures supplémentaires peuvent être imposées. J’en tiendrai compte tout en faisant référence à la jurisprudence citée par les parties.

[…]

[110] La convention collective dans Canada Post Corporation v. Canadian Union of Postal Workers, 2012 CanLII 51069 (CA LA) (« Canada Post »), contenait un libellé précis qui permettait à la Société canadienne des postes d’imposer des heures supplémentaires […]

[111] Dans Canadian Paperworkers Union Local 101 v. Quebec and Ontario Paper Company, Thorold Division, 1992 CarswellOnt 1167 24 LAC (4th) 163 (« Canadian Paperworkers Union ») […] la convention collective contenait un libellé sur les heures supplémentaires obligatoires […]

[112] La difficulté de s’en remettre trop étroitement à Canada Post et à Canadian Paperworkers Union réside dans le fait que les décisions des arbitres de différends dépendaient de façon importante du libellé précis des conventions collectives très distinctes […]

[113] Les parties ne m’ont présenté qu’une seule décision de la Commission portant sur la question des heures supplémentaires sur une base non volontaire. Baldasaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 54, concernait les mêmes parties et le même libellé à la clause 21.10 que ceux en cause en l’espèce, bien que le libellé provienne d’une convention collective antérieure. Baldasaro a été entendue à titre de cas type pour environ 500 griefs individuels concernant l’accès aux offres d’heures supplémentaires […]

[114] Dans Baldasaro, au paragraphe 55, la Commission a conclu que « [s]i les parties avaient voulu établir une distinction entre la répartition des heures supplémentaires facultatives et obligatoires, elles auraient prévu cela par écrit dans la convention collective […] ».

[…]

[116] La conclusion de la Commission dans Baldasaro indique que les deux types d’heures supplémentaires sont visés par la clause 21.10.

[…]

[118] En conclusion, je ne trouve aucun motif me permettant de conclure que la clause 21.10 empêche l’employeur d’imposer des heures supplémentaires sur une base non volontaire.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[53] Les paragraphes suivants des motifs de la décision 2021 CRTESPF 22, exposés en réponse à la question « L’imposition d’heures supplémentaires à Kent est-elle contraire à la convention collective? », sont pertinents dans le cadre de mon évaluation des griefs dans la présente affaire :

[…]

[119] Qu’en est-il alors de l’argument subsidiaire du syndicat selon lequel la façon d’imposer des heures supplémentaires à Kent est incompatible avec la convention collective ou constitue un exercice déraisonnable des droits de la direction, même si la convention collective permet d’imposer des heures supplémentaires sur une base non volontaire?

[120] Il s’agit d’une question beaucoup plus complexe. L’examiner signifie non seulement examiner la clause 21.10, mais également le libellé de la convention collective dans son ensemble, en particulier les dispositions relatives aux heures de travail et aux horaires de quarts.

[…]

[132] En tant que grief de principe, l’analyse doit se fonder sur la convention collective. La question qui doit être examinée est celle de savoir si l’utilisation soutenue et chronique des heures supplémentaires sur une base non volontaire par l’employeur est conforme à la convention collective ou s’il s’agit d’un exercice déraisonnable des droits de la direction.

[133] Je commencerai par revenir à la clause 21.10. Bien que j’aie conclu qu’elle n’empêche pas l’employeur d’imposer des heures supplémentaires sur une base non volontaire, je note également qu’elle indique que l’employeur « […] fait tout effort raisonnable pour […] répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés facilement disponibles […] ». Il faut donner un sens aux mots « facilement disponibles ». Bien que, selon mon analyse, ils ne donnent pas le droit de refuser une demande particulière, ils exigent que les employés soient « facilement disponibles ». Selon les arguments du syndicat, le nombre d’heures supplémentaires sur une base non volontaire effectuées est à l’origine de graves problèmes pour les employés […]

[134] Il faut aussi donner un sens aux mots « sur une base équitable » mentionnés à la clause 21.10. Les données des fiches de suivi présentées indiquent que des heures supplémentaires ont été imposées à certains CX plusieurs fois, alors que la majorité d’entre eux ne s’en sont pas vu imposer ou ne s’en sont vu imposer qu’une seule fois. Les témoins du syndicat ont affirmé que certains gestionnaires correctionnels font un effort pour éviter d’en imposer, tandis que d’autres ne le font pas. L’équité exige la transparence et l’impartialité.

[135] Il faut également donner un sens aux mots « tout effort raisonnable » mentionnés à la clause 21.10. Ils fournissent un fondement permettant à la Commission d’examiner la question de savoir si la direction envisage correctement des solutions de rechange à l’imposition d’heures supplémentaires, c’est-à-dire si la nouvelle politique de Kent est en fait raisonnable.

[…]

 

[54] Une copie du bulletin no 2013-06 du SCC, intitulé « Directive nationale - Politique sur la gestion des heures supplémentaires effectuées par les agents de correction » et daté du 5 novembre 2013 (la « politique sur les heures supplémentaires »), a été déposée en preuve. La section 1 de la politique sur les heures supplémentaires est intitulée « Heures supplémentaires sur une base volontaire (offertes) », et la section 2, « Heures supplémentaires imposées ». Les paragraphes 9 et 10 de la section 2 sont reproduits ci-dessous :

9 Heures supplémentaires imposées aux employés du quart de travail en cours

Lorsque toutes les procédures pour l’attribution des heures supplémentaires sur une base volontaire ont été épuisées, les gestionnaires peuvent imposer des heures supplémentaires aux employés du quart en cours.

Le choix des employés qui devront travailler dans de telles circonstances se fait en fonction des besoins opérationnels et à la discrétion du gestionnaire sur place.

Certains employés peuvent se voir imposer un quart de temps supplémentaire contiguë [sic] à leur quart de travail régulier – afin d’accomplir une tâche spécifique (c’est-à-dire l’achèvement d’un rapport d’incident, etc.).

10 Urgences/situations de crise – Plan de rappel du personnel

Si des employés additionnels doivent être rappelés au travail pendant une urgence, les employés qualifiés qui habitent le plus près de l’établissement seront les premiers à se faire imposer des heures supplémentaires.

Pendant une urgence, la gestion se réserve le droit de décider comment elle imposera les heures supplémentaires.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[55] Les parties m’ont fourni tous les documents qui ont été présentés en preuve lors de l’audience du grief de principe qui a mené à la décision 2021 CRTESPF 22.

[56] L’employeur a convoqué plusieurs témoins, qui ont témoigné sur les mesures ayant été prises depuis le dépôt du grief de principe le 30 août 2018 afin de remédier aux problèmes de dotation à Kent.

[57] Une liste des CX de Kent en vigueur jusqu’au 7 février 2022 a été produite dans le recueil de documents du syndicat concernant le groupe 2. La date d’embauche de chaque CX y est indiquée. La liste contient le nom de 300 CX, dont 12 sont des GC et 11, des CX qui occupent des postes de GC par intérim. Parmi les 277 noms restants sur la liste, 170 personnes (61,4 %) ont été embauchées depuis le 30 août 2018. D’après ces renseignements, en 3,5 ans, le SCC a embauché et affecté à Kent environ 48 ou 49 CX par an, après avoir assuré leur formation et leur avoir fourni le matériel nécessaire.

[58] Plusieurs témoins de l’employeur ont parlé des responsabilités du SCC au titre de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (L.C. 1992, ch. 20; LSCMLC) et du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (DORS/92-620; RSCMLC) en ce qui a trait aux détenus dont il assume la prise en charge et la surveillance. Il s’agit non seulement de veiller à leur santé et à leur sécurité, mais également de leur assurer des contacts humains réels.

E. Faits propres aux griefs individuels

[59] Les arguments des fonctionnaires étaient semblables. Sept des neuf fonctionnaires ont témoigné. Leur interrogatoire principal et leur contre-interrogatoire se sont généralement déroulés de la même façon. Les fonctionnaires qui ont témoigné ont tous déclaré ce qui suit en ce qui concerne les quarts de travail qu’on leur a imposé de faire en heures supplémentaires :

· Aucun d’entre eux ne s’était porté volontaire pour faire des heures supplémentaires;

 

· Aucun d’entre eux ne voulait faire d’heures supplémentaires;

 

· À leur connaissance, il n’y avait pas d’urgence au sein de l’Établissement;

 

· Il n’y avait pas de tâche inachevée qui aurait exigé qu’ils effectuent des heures supplémentaires pour la terminer;

 

· Aucun d’entre eux n’avait connaissance d’une pénurie de personnel à court terme ou imprévue faisant en sorte qu’il n’y avait pas d’autres solutions pour pourvoir les postes obligatoires;

 

· Des heures supplémentaires leur ont été imposées ce jour-là;

 

· Les heures supplémentaires qu’ils ont effectuées ce jour-là leur ont été rémunérées au taux prévu par la convention collective;

 

· Aucun d’entre eux n’était responsable de la mise en œuvre de la politique sur les heures supplémentaires au sein de l’Établissement;

 

· Aucun d’entre eux n’était responsable de la dotation ce jour-là ni des postes à pourvoir.

 

[60] Des copies des offres d’emploi présentées à chaque fonctionnaire ont été déposées en preuve. Toutes les offres, lesquelles ont été signées et approuvées par les fonctionnaires, contiennent un paragraphe rédigé (à l’exception de quelques différences de ponctuation) ainsi :

[Traduction]

[…]

Exigences opérationnelles

En acceptant la présente offre, vous acceptez les exigences opérationnelles suivantes : […]

Les employés peuvent être appelés à faire des heures supplémentaires.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[61] Dans le cas des deux fonctionnaires qui n’ont pas témoigné, aucun élément de preuve ne laisse entendre que le quart de travail effectué en heures supplémentaires n’a pas été rémunéré.

[62] Les fonctionnaires qui ont témoigné, à l’exception de l’agent Guliker, quant aux raisons pour lesquelles ils ne voulaient pas faire d’heures supplémentaires le jour où elles leur ont été imposées ont tous affirmé qu’ils devaient faire des quarts de travail de 16 heures très tôt le lendemain (un dimanche) et que le fait d’effectuer des heures supplémentaires le samedi les aurait essentiellement obligés à faire deux quarts de travail prolongés l’un après l’autre avec très peu de temps pour se reposer entre les deux. Ces fonctionnaires devaient retourner à la maison, dormir, se lever, se préparer et être présents à l’appel nominal le lendemain matin. Leur quart de travail en heures supplémentaires le samedi se serait terminé assez tard, et ils n’auraient eu que huit heures entre la fin de leurs heures supplémentaires et le début de leur quart de travail de 16 heures.

[63] L’agent Guliker, qui a déposé un grief concernant des heures supplémentaires obligatoires qu’il a dû effectuer le 9 mai 2021, ne devait pas faire de quart de travail de 16 heures le lendemain.

[64] L’horaire individuel de chaque fonctionnaire pour la période du 28 décembre 2020 au 31 décembre 2021 a été déposé en preuve. Ces horaires indiquent ce qui était prévu ainsi que les heures supplémentaires ou les congés du fonctionnaire, le cas échéant. Les deux jours au cours desquels les heures supplémentaires obligatoires ont été attribuées au groupe 1 et au groupe 2, soit le 13 mars et le 8 mai, étaient des samedis. Selon l’horaire de tous les fonctionnaires qui ont travaillé ces jours-là, un quart de travail de 8 heures était prévu au cours de la journée, suivi d’un quart de travail de 16 heures le lendemain, puis de 3 quarts de travail consécutifs de 8 heures au cours des 3 jours suivants.

[65] L’agent Guliker a effectué les heures supplémentaires obligatoires le 9 mai 2021, soit le lendemain de la date où les agents Myrsky, Epp, Brar, Cross et Griffin ont effectué les leurs. Selon son horaire, il devait faire un quart de travail de 8 heures le jour où il a effectué les heures supplémentaires obligatoires, puis des quarts de travail de 8 heures le lundi et le mardi suivants, suivis d’un quart de travail de 16 heures le mercredi et de quarts de soir de 8 heures le jeudi et le vendredi.

[66] Quant aux heures supplémentaires effectuées par les groupes 1 et 2, M. Raymond a témoigné au sujet des ajustements opérationnels qui auraient pu être apportés par le GC du bureau par rapport aux quarts effectués par les fonctionnaires. Selon l’analyse de M. Raymond, le GC du bureau en poste ces jours-là aurait pu apporter des ajustements opérationnels à un nombre suffisant de postes (emplacements) au sein de l’Établissement pour que les fonctionnaires n’aient pas à faire d’heures supplémentaires.

[67] Deux tableaux concernant respectivement le groupe 1 et le groupe 2 ont été déposés en preuve. Pour chaque date, chaque tableau indique le nom de tous les CX-1 et CX-2 qui faisaient alors partie de l’effectif de Kent. Selon les tableaux, 246 CX-1 et 87 CX-2, soit 333 CX, faisaient partie de l’effectif. Les tableaux sont également subdivisés en cinq plages potentielles d’heures supplémentaires. Cependant, trois de ces plages correspondent à des périodes au cours desquelles aucune heure supplémentaire en cause dans les présents griefs n’a été imposée.

[68] Les tableaux indiquent également le nom des CX, parmi les 333 employés, qui avaient affirmé qu’ils étaient disponibles pour l’une des deux plages potentielles d’heures supplémentaires. Il en ressort que, parmi le groupe 1 (13 mars), un seul CX avait affirmé qu’il était disponible pour effectuer des heures supplémentaires au cours de l’une des plages. Un examen des CX potentiellement disponibles parmi le groupe 2 permet de conclure que seuls trois CX avaient affirmé qu’ils étaient disponibles pour effectuer des heures supplémentaires.

[69] Le terme [traduction] « heures supplémentaires imposées » a été utilisé au cours de l’audience pour désigner les heures supplémentaires obligatoires; cependant, il ressort de la preuve que les termes « heures supplémentaires obligatoires » et « heures supplémentaires imposées » ne sont pas synonymes.

[70] Lorsque le GC du bureau évalue s’il y a assez de CX pour un quart de travail à venir, après avoir épuisé la liste des CX qui avaient affirmé qu’ils étaient disponibles pour effectuer des heures supplémentaires ou constaté qu’il n’y a pas de noms sur la liste, il prend des mesures pour trouver quelqu’un qui pourra occuper le poste. Ainsi, il peut trouver un ou des CX disposés à effectuer volontairement des heures supplémentaires. Le cas échéant, comme ce ou ces CX n’avaient pas accepté au préalable de faire des heures supplémentaires dans le SHD, ces heures supplémentaires apparaissent dans le système de l’employeur en tant [traduction] « [qu’] heures supplémentaires imposées » même si les CX ont accepté volontairement de faire des heures supplémentaires. Dans ces circonstances, même s’il est question « d’heures supplémentaires imposées » dans le système de l’employeur, les heures supplémentaires sont effectuées volontairement.

[71] Un tableau faisant partie du [traduction] « Recueil de documents du syndicat : groupe no 2 » intitulé, selon l’index, « Imposition d’heures supplémentaires 2021-2022 » (le « tableau des HS 2021-2022 ») a été déposé en preuve. Ce tableau compte huit colonnes. Il contient également une liste de 300 CX, dont le nom est indiqué dans la deuxième colonne. La première colonne indique la date d’embauche de chaque CX, et les noms sont classés par date d’embauche, par ordre décroissant en commençant par la plus récente, de sorte que les CX qui occupent les postes les plus élevés ou qui ont le plus d’ancienneté apparaissent à la fin du tableau.

[72] Il convient de souligner que M. Myrsky ne figure pas dans le tableau des HS 2021-2022 et que, bien qu’il soit indiqué que le tableau porte sur l’exercice 2021-2022, il n’y a pas de date de début et de fin. Il est évident qu’il englobe plus que l’exercice 2021-2022, car certaines des dates fournies sont postérieures au 31 mars 2022, soit le dernier jour de l’exercice 2021-2022 de l’employeur.

[73] Toujours dans le tableau des HS 2021-2022, après la colonne qui présente les noms des CX se trouve une colonne qui indique le nombre de fois que des heures supplémentaires ont été imposées à chaque CX. Cette colonne est suivie d’une colonne intitulée « Commentaires », elle-même suivie de huit autres colonnes; la première sert à inscrire la date à laquelle chaque CX a effectué ses premières heures supplémentaires imposées, et les sept colonnes suivantes servent à inscrire les dates auxquelles chaque CX a effectué des heures supplémentaires imposées pour les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième fois, le cas échéant.

[74] Les renseignements suivants sont indiqués pour les 300 CX dont le nom figure dans le tableau :

· Aux dates auxquelles les heures supplémentaires obligatoires ont été effectuées dans la présente affaire (13 mars et 8 ou 9 mai), 66 n’avaient pas été embauchés, ce qui fait passer le nombre de CX de 300 à 244;

 

· Dans la colonne « Commentaires », l’acronyme [traduction] « CLP » est inscrit à côté de 30 noms; selon mes déductions, cet acronyme signifie « congé pour une longue période ». Parmi ceux-ci, aucune heure supplémentaire imposée n’est inscrite pour 19 CX, tandis que des heures supplémentaires imposées sont inscrites pour 11 CX;

 

· Si l’on suppose que « CLP » signifie « congé pour une longue période », aucune date n’est précisée dans le tableau pour les congés pour une longue période;

 

· Dans la colonne « Commentaires », la mention « CX-4 » ou « CX-4 par intérim » est inscrite à côté de 23 CX;

 

· En ce qui a trait aux CX-4 par intérim, aucune période n’est indiquée dans le tableau;

 

· Dans la colonne « Commentaires », le symbole « *** » est inscrit à côté de 15 noms, dont 9 CX sans heures supplémentaires imposées d’inscrites et 6 avec des heures supplémentaires imposées d’inscrites;

 

· La signification de « *** » n’est pas précisée;

 

· Dans la colonne « Commentaires », le commentaire « en affectation » est inscrit à côté de deux CX, dont un sans heures supplémentaires imposées d’inscrites et un qui s’est vu imposer des heures supplémentaires une fois;

 

· En ce qui a trait aux CX en affectation, aucune période n’est indiquée;

 

· Selon la colonne « Commentaires », une CX était en congé de maternité; cependant, aucune période, aucun détail, ni aucune restriction ne sont indiqués quant aux affectations de cette CX;

 

· La preuve ne permet pas d’établir si les heures supplémentaires inscrites dans le tableau ont été faites volontairement ou étaient obligatoires.

 

[75] La date d’embauche de chaque fonctionnaire (à l’exception de M. Myrsky) est indiquée dans le tableau des HS 2021-2022. En ce qui a trait à ces dates, il convient de souligner que les agents Brar et Epp étaient relativement nouveaux au sein de l’effectif (la date de leur embauche correspond à la fin février 2021) et que l’agent Griffin avait été embauché à la fin du mois de décembre 2020.

[76] Trois autres tableaux créés par le représentant du syndicat, mais présentés par M. Raymond, ont été déposés en preuve et correspondent aux pièces G-3, G-3A et G-3B. La pièce G-3 est un document récapitulatif qui indique manifestement, sur des pages distinctes, les heures supplémentaires effectuées collectivement par chaque groupe (CX-1 ou CX-2) pour chacun des exercices suivants : 2017-2018; 2018-2019; 2019-2020; 2020-2021; et 2021-2022. Les pièces G-3A et G-3B indiquent les heures supplémentaires offertes à chaque CX et effectuées par celui-ci en 2020-2021. La pièce G-3A porte sur les CX-1, et la pièce G-3B, sur les CX-2. Étant donné que l’exercice du gouvernement du Canada va du 1er avril d’une année au 31 mars de l’année suivante, j’ai conclu que les pièces G-3A et G-3B correspondent à l’exercice de l’employeur, puisqu’il est indiqué sur celles-ci qu’elles visent l’exercice 2020-2021.

[77] Le nom des agents Brar et Epp figure sur la pièce G-3A, tandis que celui des agents Ginnish, Griffin et Guliker figure sur la pièce G-3B. Les renseignements relatifs aux agents Barr et Epp indiquent qu’ils n’ont pas effectué d’heures supplémentaires au cours de l’exercice 2020-2021. Le nom des agents Balas, Cross, Myrsky et Smith ne figure pas sur les pièces G-3A et G-3B.

[78] M. Côté était le GC du bureau responsable de l’Établissement le 13 mars. À titre de GC du bureau, il a témoigné quant aux fonctions qu’il occupait; cependant, je ne m’y attarderai pas, à moins qu’il n’y ait un lien avec la question que je dois trancher. Dans son témoignage, il a déclaré qu’il était arrivé sur place à 4 h 45 le jour des événements et que le GC responsable de l’équipe de nuit l’avait informé de la situation. Il a affirmé qu’il avait probablement examiné la liste des quarts de travail pour veiller à ce qu’elle soit remplie ainsi que celle de l’équipe d’après-midi pour voir s’il y avait des postes vacants. Enfin, il avait examiné la composition de l’équipe de nuit et établi l’équipe de jour du lendemain.

[79] Au cours de son témoignage, M. Côté a passé en revue la liste des quarts de travail du 13 mars et m’a expliqué le genre de mesures qu’il avait prises avant d’envisager des heures supplémentaires. Il a affirmé que certains CX figurant sur la liste des quarts de travail sont des remplaçants, qu’ils ne sont pas affectés à un poste (quart) particulier et qu’ils sont sur la liste des quarts de travail au cas où un employé à l’horaire serait en congé. Il a ensuite affirmé qu’il examinait la question de savoir quels postes pourraient faire l’objet d’un ajustement opérationnel. Après avoir pris ces mesures, s’il croyait avoir besoin de CX pour pourvoir des postes, il se tournait vers ceux qui avaient inscrit leur nom comme volontaires pour faire des heures supplémentaires au cours de la journée ou du quart de travail dans le SHD. Par la suite, il faisait des appels, d’abord aux CX qui travaillaient, puis à ceux qui ne travaillaient pas, mais qui, selon lui, pourraient vouloir faire des heures supplémentaires. Il a expliqué comment il s’y prenait pour faire ces appels. Il a affirmé qu’il prenait toute autre mesure possible avant d’imposer des heures supplémentaires à un CX.

[80] Dans son témoignage, M. Côté a affirmé que le 13 mars, il y avait de l’agitation dans deux unités résidentielles et que, quelques jours auparavant, il y avait eu une livraison de drogue impliquant un détenu notoire.

[81] M. Côté a confirmé qu’il avait fait des heures supplémentaires ce jour-là.

[82] M. Mardell a affirmé dans son témoignage qu’il était le GC du bureau responsable de l’Établissement le 8 mai. À titre de GC du bureau, il a expliqué les fonctions qu’il occupait; cependant, tout comme pour le témoignage de M. Côté, je ne m’attarderai pas sur ce sujet, à moins qu’il ne soit en lien avec la question que je dois trancher. Il a déclaré qu’à l’époque, ils étaient très occupés et que Kent était l’Établissement de la région du Pacifique du SCC où il y avait le plus d’incidents de sécurité. Il a également évoqué la pandémie de COVID‑19 et la recherche des contacts, ainsi que les activités des drones. Comme M. Côté, M. Mardell a décrit, dans son témoignage, ce qu’il faisait pendant la journée et comment il gérait les postes vacants de personnel CX, le cas échéant.

[83] Comme M. Côté, qui a expliqué son processus d’examen de la liste des quarts de travail du 13 mars, M. Mardell a fait de même pour le processus qu’il avait adopté le 8 mai et le genre de mesures qu’il avait prises avant d’envisager des heures supplémentaires. Il a affirmé que certains CX figurant sur la liste des quarts de travail sont des remplaçants, qu’ils ne sont pas affectés à un poste (quart) particulier et qu’ils sont sur la liste des quarts de travail au cas où un employé à l’horaire serait en congé. Il a ensuite affirmé qu’il examinait la question de savoir quels postes pourraient faire l’objet d’un ajustement opérationnel. Après avoir pris ces mesures, s’il croyait avoir besoin de CX pour pourvoir des postes, il se tournait vers ceux qui avaient inscrit leur nom comme volontaires pour faire des heures supplémentaires au cours de la journée ou du quart de travail dans le SHD. Par la suite, il faisait des appels, d’abord aux CX qui travaillaient, puis à ceux qui ne travaillaient pas, mais qui, selon lui, pourraient vouloir faire des heures supplémentaires. Il a expliqué comment il s’y prenait pour faire ces appels. Il a affirmé qu’il prenait toute autre mesure possible avant d’imposer des heures supplémentaires à un CX.

[84] Les mesures détaillées prises par MM. Côté et Mardell ont fait l’objet d’un examen pendant leur interrogatoire principal, leur contre-interrogatoire et leur réinterrogatoire.

III. Résumé des arguments

A. Pour les fonctionnaires

[85] Les fonctionnaires me renvoient aux décisions suivantes : 2021 CRTESPF 22; Bernard c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTEFP 46; Bazinet c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2011 CRTFP 111; CSSS de la Côte-de-Gaspé c. Syndicat des infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes de l’Est du Québec (CSQ), 2009-5026 (3 juillet 2009) (SOQUIJ AZ-50571687); Syndicat interprofessionnel de Lanaudière c. Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière, 2020 CanLII 19359 (QC SAT); Syndicat des infirmiers, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes de l’Est du Québec (SIIIEQ) c. CISSS de la Gaspésie, 2022 QCTA 205 (SOQUIJ AZ-51848943); Syndicat interprofessionnel du CHU de Québec c. CHU de Québec – Université Laval, 2022 CanLII 100812 (QC SAT); CHU de Québec - Université Laval c. Racine, 2023 QCCS 1834; Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes et infirmières auxiliaires de Laval (CSQ) c. Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval (CISSS de Laval), 2022 QCTA 328 (SOQUIJ AZ-51870209); Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval c. Blouin, 2024 QCCS 528; FIQ - Syndicat des professionnelles en soins des Laurentides c. Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides (29 avril 2024); Association canadienne des employés professionnels c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2016 CRTEFP 68; et Ianson c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2020 CRTESPF 60.

[86] Le libellé de la convention collective en cause dans la décision 2021 CRTESPF 22 et dans les présents griefs est le même à l’exception d’un changement mineur à la clause 21.03d. La présente affaire porte sur les articles 21 et 34 et l’annexe K.

[87] La position des fonctionnaires repose sur la décision 2021 CRTESPF 22; essentiellement, ils estiment que la Commission devrait respecter le raisonnement qui y est exposé. Ils sont d’avis que les clauses de la convention collective ayant trait aux heures supplémentaires doivent être interprétées conjointement avec le paragraphe 170 de la décision 2021 CRTESPF 22, suivant lequel « […] la convention [collective] permet d’ordonner des heures supplémentaires sur une base non volontaire dans des situations d’urgence ou pour assurer l’accomplissement de fonctions de sécurité […] Elles peuvent également être utilisées légitimement pour remédier aux pénuries de personnel à court terme ou imprévues lorsque d’autres solutions de rechange pour doter les postes obligatoires n’existent pas […] ». Les fonctionnaires soutiennent que ce n’est que dans ces circonstances que des heures supplémentaires obligatoires peuvent être imposées au titre de la convention collective et que, si elles le sont en dehors de ces circonstances, il s’agit d’une violation de la convention collective.

[88] Les fonctionnaires ont examiné les faits survenus les jours en question et ont passé en revue l’examen de M. Raymond concernant les postes qui pouvaient faire l’objet d’un ajustement opérationnel, de sorte qu’aucun des fonctionnaires n’ait à faire d’heures supplémentaires. Ils affirment qu’étant donné que les jours en question, les postes qu’ils occupaient auraient pu faire l’objet d’un ajustement opérationnel et qu’il n’y avait pas d’urgence, de fonction de sécurité à accomplir ni de pénurie de personnel à court terme ou imprévue, l’imposition d’heures supplémentaires constituait une violation de la convention collective.

[89] Les fonctionnaires affirment que des dommages-intérêts moraux représenteraient un redressement approprié par rapport à la violation commise. Ils affirment que le montant approprié pour chaque fonctionnaire serait de 300 $.

[90] De plus, les fonctionnaires affirment que la Commission peut ordonner le paiement d’une heure pour chaque heure supplémentaire travaillée. Les fonctionnaires font également valoir que, comme il était demandé dans la décision Ianson, la Commission peut accorder un congé correspondant à la durée des heures supplémentaires travaillées par chaque fonctionnaire. Les fonctionnaires affirment que la clause 30.17 de la convention collective, qui permet à l’employeur d’accorder des congés payés ou non payés pour d’autres raisons, appuie cette proposition.

[91] Les fonctionnaires n’ont pas présenté de demande de remboursement de dépenses personnelles, car rien ne prouve que des dépenses personnelles aient été engagées.

B. Pour l’employeur

[92] En plus de la Loi, l’employeur a mentionné la LSCMLC et le RSCMLC, ainsi que la jurisprudence suivante : 2021 CRTESPF 22; Baldasaro et Thiessen c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 54; Basra c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 28; Brescia c. Canada (Conseil du trésor), 2005 CAF 236; Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112; International Brotherhood of Electrical Workers, Local 2067 v. Prairie Mines & Royalty ULC, [2022] S.L.A.A. No. 25 (QL); Legere c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 65; Lemoire c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 45; Miracle Food Mart Canada v. U.F.C.W., Loc. 175 & 633, [1994] O.L.A.A. No. 137 (QL); Purchase c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 67; Shandera c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 26; et Vanegas c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 60.

[93] La plupart des éléments de preuve ne sont pas contestés. La question est donc celle de savoir s’il y a eu violation de la convention collective dans chacun des neuf cas où l’employeur a imposé des heures supplémentaires à un fonctionnaire.

[94] La thèse de l’employeur est différente de celle des fonctionnaires. L’employeur soutient que l’argument des fonctionnaires repose sur l’affirmation suivant laquelle la décision 2021 CRTESPF 22 établit un critère ou un seuil et que des heures supplémentaires obligatoires peuvent être imposées seulement en présence de certains facteurs limités, à défaut de quoi il y a violation de la convention collective. Selon cette thèse, la Commission doit examiner chacun des griefs et appliquer le critère ou le seuil établi dans cette décision et, si celui-ci n’est pas respecté, elle doit en conclure qu’il y a eu violation de la convention collective. En résumé, la thèse des fonctionnaires repose sur l’idée que la décision 2021 CRTESPF 22 est contraignante, qu’il faut s’y conformer et qu’il ne faut pas s’en écarter.

[95] Les fonctionnaires soutiennent que la décision 2021 CRTESPF 22 signifie que les heures supplémentaires ne peuvent être imposées que dans trois situations : premièrement, pour terminer une tâche inachevée; deuxièmement, en cas de pénurie de personnel imprévue; troisièmement, en cas d’urgence.

[96] L’employeur est d’avis que les éléments de preuve présentés dans la décision relative au grief de principe étaient limités et que, dans la présente affaire, les éléments de preuve sont beaucoup plus précis.

[97] L’employeur soutient que la Commission n’est pas liée par la décision 2021 CRTESPF 22 et que celle-ci se limite à la conclusion suivant laquelle l’employeur ne peut pas avoir recours de façon continue et systématique aux heures supplémentaires obligatoires pour faire ce qu’il n’est pas autorisé à faire au titre de la convention collective.

[98] L’employeur soutient que l’une des difficultés rencontrées lors de l’audience du grief de principe qui a mené à la décision 2021 CRTESPF 22 était le nombre insuffisant d’éléments de preuve; il y avait des opinions et des observations, mais il n’y avait pas d’éléments de preuve permettant de tirer des conclusions de fait. Des observations et des opinions semblables ont été présentées à la présente formation de la Commission : la différence est que, dans la présente affaire, il y a suffisamment d’éléments de preuve sur ce qui s’est réellement passé les jours en question.

[99] L’employeur a présenté des observations précises, tout comme les fonctionnaires, concernant le contexte dans lequel les heures supplémentaires ont été imposées par poste et par période. L’employeur a également répondu aux observations des fonctionnaires quant aux ajustements opérationnels qui, selon la démonstration faite par M. Raymond au cours de l’audience, auraient pu être apportés par les GC qui étaient en poste les jours en question. Cette évaluation a été effectuée par M. Raymond après coup, et non dans le contexte réel pendant les jours en question.

[100] Ce que les GC devaient évaluer et déterminer à ce moment-là, c’était le contexte réel, y compris ce qui se passait au moment de la journée, de la semaine qui a précédé la journée et des heures qui ont mené à la décision de pourvoir un poste plutôt que d’effectuer un ajustement opérationnel. Sans avoir connaissance de tout ce contexte, sur le moment, il est facile de procéder à une évaluation après coup, comme l’a fait M. Raymond.

[101] Son évaluation ne correspond pas à la réalité de la situation telle qu’elle était pendant les jours en question. La réalité correspond à l’ensemble du contexte, c’est-à-dire à tout ce qui se passait à Kent le jour où la décision d’imposer des heures supplémentaires a été prise ainsi qu’au cours des heures et des jours qui ont précédé cette décision. C’est pourquoi il est essentiel que la direction ait la capacité et le pouvoir discrétionnaire de prendre les décisions nécessaires au bon fonctionnement de l’Établissement dans le respect des normes. Pour ce faire, il faut parfois que les gestionnaires, soit les directeurs de l’Établissement, prennent la décision de pourvoir des postes et d’imposer des heures supplémentaires.

[102] Les droits en matière de gestion sont énoncés dans la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; LGFP) et sont également reconnus à l’article 6 de la convention collective. Ces droits ne sont circonscrits que par les clauses de la convention collective qui les modifient.

[103] Les griefs dans la présente affaire sont des griefs individuels, et il incombe aux fonctionnaires d’établir que l’imposition des heures supplémentaires n’était pas conforme à la convention collective ni à l’exercice par l’employeur de sa capacité à gérer l’effectif de façon à respecter ses obligations. La question à trancher dans ces griefs est celle de savoir si l’imposition des heures supplémentaires représentait une violation de la convention collective. L’employeur soutient que ce n’était pas le cas.

[104] Au moment où les heures supplémentaires obligatoires ont été imposées, la pandémie de COVID‑19 battait encore son plein : le SCC et l’Établissement avaient des protocoles de sécurité en place. Il y avait un dépistage de la COVID-19 et des unités d’isolement médical. Il y avait également des règles concernant les travailleurs qui avaient été en contact avec une personne atteinte de COVID-19 et le travail pendant la pandémie ainsi que la façon de gérer la situation à l’intérieur de l’Établissement. Aucun de ces faits n’existait au moment où le grief de principe qui a mené à la décision 2021 CRTESPF 22 a été instruit.

[105] Il ressort de la preuve que le nombre d’employés dans la région du Pacifique du SCC, particulièrement à Kent, a augmenté considérablement depuis la période visée par le grief de principe. L’effectif réduit était un facteur clé dans les motifs de la décision 2021 CRTESPF 22. L’employeur soutient que c’est sur ce facteur que repose la décision 2021 CRTESPF 22 et que, en réalité, les griefs dans la présente affaire ne sont pas de la même nature que celle du grief de principe.

[106] Au cours des jours en question, il y avait des absences, et non une pénurie de personnel.

[107] Les témoins de l’employeur ont expliqué le cadre des obligations qui incombent au SCC au sein de l’Établissement, tant les obligations générales que celles qui doivent être respectées quotidiennement. MM. Raven, Shea, Mardell et Côté ont tous évoqué le contexte des décisions qu’ils ont prises tant du point de vue des conditions au sein de l’Établissement que de leurs obligations envers les détenus au titre de la loi. MM. Mardell et Côté ont décrit leur raisonnement et le contexte de leur processus décisionnel les jours en question ainsi que les raisons pour lesquelles ils avaient imposé des heures supplémentaires aux CX.

[108] La Commission devrait évaluer l’imposition individuelle d’heures supplémentaires et l’examiner dans le contexte des décisions prises par la direction conformément à la LSCMLC et au RSCMLC. MM. Raven, Shea, Mardell et Côté ont tous parlé de la sécurité des personnes et de la gestion des risques. Il s’agit là du cadre dans lequel ils ont pris leurs décisions et des obligations dont ils ont tenu compte. Lorsqu’ils ont présenté leurs éléments de preuve, les fonctionnaires avaient l’avantage de savoir exactement ce qui s’était passé, puisqu’ils se sont prononcés après coup et même de nombreuses années plus tard. M. Raymond a effectué son évaluation à partir d’un document statique en sachant, après les événements, que rien ne s’était produit.

[109] Il est important de souligner que le GC du bureau doit s’adapter sur le coup en fonction du contexte réel et prendre des décisions à partir de renseignements limités. Bien qu’il existe des normes de déploiement nationales et un Plan des ajustements opérationnels, il revient au GC du bureau en poste de gérer la liste des quarts de travail chaque jour en se fondant sur ce qu’il sait du contexte réel ou ce qui pourrait survenir d’après les renseignements dont il dispose à ce moment-là. Cette tâche lui incombait également dans le contexte des contraintes continues relatives à la pandémie et de l’incidence de celle-ci sur les détenus et le personnel.

[110] Il ressort de la preuve que le syndicat et la direction ont eu des discussions sur la question de l’établissement des horaires, mais qu’ils n’ont pas réussi à s’entendre. Certaines options ont été proposées, mais il n’y a pas eu d’entente.

[111] Malgré le fait que la liste de quarts de travail est établie longtemps à l’avance, les employés prennent des congés annuels ainsi que d’autres types de congés, comme des congés pour obligations familiales, des congés de maladie et des congés compensatoires, qui ne peuvent pas être prévus. L’horaire est en constante évolution, et la réalité change constamment.

[112] L’une des difficultés dans chaque cas où des heures supplémentaires ont été imposées aux fonctionnaires est que ceux-ci devaient pratiquement tous quitter leur poste, puis travailler de nouveau 16 heures le lendemain. Les quarts de travail de 16 heures sont prévus à l’annexe K de la convention collective. Les fonctionnaires qui ont témoigné ont tous déploré la difficulté de faire des heures supplémentaires suivies d’un quart de travail de 16 heures; cependant, le syndicat a consenti au quart de travail de 16 heures, qui est prévu dans la convention collective. Le problème ne réside pas dans les heures supplémentaires ni dans l’emplacement où travaille le CX, mais plutôt dans le quart de travail de 16 heures.

[113] Les fonctionnaires ont tous effectué les heures supplémentaires lorsque celles-ci leur ont été imposées. Ils avaient tous autre chose à faire de leur temps s’ils ne travaillaient pas. Ils ont tous été rémunérés conformément à la convention collective pour les heures supplémentaires qu’ils ont effectuées. L’imposition et l’exécution des heures supplémentaires n’ont entraîné aucune perte financière. Aucun préjudice n’a été subi.

[114] La convention collective ne prévoit pas de dommages-intérêts moraux; il n’existe aucun fondement qui permette de les accorder. En ce sens, l’employeur invoque la décision Miracle Food Mart Canada.

[115] La Commission devrait tirer une conclusion défavorable à l’égard des fonctionnaires qui n’ont pas témoigné. À cet égard, l’employeur me renvoie à la décision Shandera.

[116] L’employeur a agi de façon raisonnable compte tenu de toutes les circonstances pertinentes et a exercé son jugement de façon raisonnable pour respecter ses obligations au titre de la loi; l’imposition des heures supplémentaires était donc raisonnable dans les circonstances.

C. Réponse des fonctionnaires

[117] Les observations formulées en réponse par les fonctionnaires portent sur l’interprétation des faits exposés dans les observations de l’employeur.

IV. Motifs

A. Demande de mise sous scellés

[118] Des documents produits par les deux parties qui contiennent des renseignements sur les systèmes de sécurité et les niveaux de dotation à Kent ont été déposés en preuve. L’employeur demande que des pièces soient mises sous scellés pour veiller à la sûreté et à la sécurité de l’Établissement. Le syndicat consent à la mise sous scellés de certaines pièces.

[119] Le critère relatif à toute limite discrétionnaire à la publicité des débats judiciaires a été reformulé dans l’arrêt Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25. Au paragraphe 38, la Cour suprême du Canada a énoncé ce critère comme suit :

[38] […] Pour obtenir gain de cause, la personne qui demande au tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à limiter la présomption de publicité doit établir que :

(1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important;

(2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque; et

(3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs.

[…]

 

[120] Les documents qui décrivent les mesures de sécurité d’un établissement à sécurité maximale, tout comme la façon dont l’employeur dote les postes au sein de l’Établissement et les circonstances dans lesquelles il peut réduire le personnel et les postes visés par ces réductions, sont essentiels au maintien de la sûreté et de la sécurité de l’Établissement, notamment à l’égard des détenus, du personnel, des visiteurs et, de façon plus générale, du public. La sûreté et la sécurité de l’Établissement représentent un intérêt public important. Si ces renseignements étaient dans le domaine public, ils pourraient être utilisés à des fins inappropriées qui pourraient entraîner des situations dangereuses ou préjudiciables et, par conséquent, poser un risque sérieux pour les personnes qui se trouvent à l’intérieur et à l’extérieur de l’Établissement.

[121] Je suis convaincu que le critère établi dans l’arrêt Sherman (Succession) est respecté, car la publication des renseignements contenus dans les documents mentionnés par l’employeur, qui concernent les mesures de sécurité et les niveaux de dotation, poserait un risque sérieux que d’autres mesures raisonnables ne permettraient pas d’écarter. De plus, les avantages de ne pas diffuser ces renseignements dans le domaine public l’emportent sur les effets préjudiciables.

[122] Par conséquent, j’ordonne la mise sous scellés des documents suivants :

1. Pièce G-1, onglet 5 : Normes nationales de déploiement des agents correctionnels;

2. Pièce G-1, onglet 6 : Normes de déploiement des agents CX, avril 2019;

3. Pièce G-1, onglet 22 : Plan de ressources humaines (RH) de l’Établissement de Kent;

4. Pièce G-1, onglet 7 : Plan des ajustements opérationnels;

5. Pièce G-4, onglet 7 : Ajustements opérationnels en cas de pénurie de personnel;

6. Pièce G-6 : Registres des appels;

7. Pièce G-8 : Appel nominal et liste des quarts de travail, 8 mai 2021;

8. Pièce G-9 : Appel nominal et liste des quarts de travail, 9 mai 2021;

9. Pièce G-10 : Appel nominal et liste des quarts de travail, 10 mai 2021;

10. Pièce G-12 : Ajustements opérationnels en cas de pénurie de personnel : guide des pratiques exemplaires, août 2022;

11. Pièce E-1, onglet 9 : Rapport sur les congés des CX-1 et CX-2, 13 mars 2021;

12. Pièce E-1, onglet 13 : Appel nominal, 13 mars 2021;

13. Pièce E-1, onglet 14 : Postes ayant fait l’objet d’un ajustement opérationnel, 13 mars 2021;

14. Pièce E-1, onglet 17 : Appel nominal, 14 mars 2021;

15. Pièce E-1, onglet 18 : Postes ayant fait l’objet d’un ajustement opérationnel, 14 mars 2021;

16. Pièce E-1, onglet 36 : Tableau de bord des RH 2017-2023;

17. Pièce E-1, onglet 39 : Normes de déploiement;

18. Pièce E-1, onglet 42 : PD004 - Établissement de Kent - Plan des ajustements opérationnels;

19. Pièce E-3, onglet 15 : Cadre de gestion intégrée du risque;

20. Pièce E-3, onglet 24 : Rapport sur les congés des CX-1 et CX-2, 8 mai 2021;

21. Pièce E-3, onglet 25 : Plan des ajustements opérationnels - Commentaires;

22. Pièce E-3, onglet 31 : Appel nominal, 8 mai 2021;

23. Pièce E-3, onglet 32 : Évaluation des menaces et des risques associés aux ajustements opérationnels;

24. Pièce E-3, onglet 38 : Rapports d’information quotidiens, 9 mai 2021 (non caviardés).

25. Pièce E-3, onglet 40 : Plan des ajustements opérationnels - Commentaires;

26. Pièce E-3, onglet 45 : Appel nominal, 9 mai 2021.

 

B. Bien-fondé des griefs

[123] Les conditions d’emploi dans la fonction publique fédérale (les « conditions ») sont issues de lois, de règlements, de politiques et de règles de l’employeur, ainsi que de conventions collectives. Bien que ces conditions soient en grande partie les mêmes pour tous les fonctionnaires de l’ensemble de la fonction publique fédérale, le ministère ou l’organisme dont relève une personne peut dicter des conditions propres à ce ministère ou à cet organisme, voire à un poste particulier.

[124] Au titre de la loi, c’est à l’employeur qu’il incombe de gérer le lieu de travail. Les articles 7(1)b), 7(1)e), 11.1(1)a), 11.1(1)c) et 11.1(1)j) de la LGFP confèrent au CT de vastes pouvoirs en matière d’organisation et de gestion de la fonction publique fédérale, et énoncent les conditions d’emploi. Ils sont formulés de la manière suivante :

7 (1) Le Conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l’égard des questions suivantes :

[…]

b) l’organisation de l’administration publique fédérale ou de tel de ses secteurs ainsi que la détermination et le contrôle des établissements qui en font partie;

[…]

e) la gestion des ressources humaines de l’administration publique fédérale, notamment la détermination des conditions d’emploi;

[…]

11.1 (1) Le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice des attributions en matière de gestion des ressources humaines que lui confère l’alinéa 7(1)e) :

a) déterminer les effectifs nécessaires à la fonction publique et assurer leur répartition et leur bonne utilisation;

[…]

c) déterminer et réglementer les traitements auxquels ont droit les personnes employées dans la fonction publique, leurs horaires et leurs congés, ainsi que les questions connexes;

[…]

j) régir toute autre question, notamment les conditions de travail non prévues de façon expresse par le présent article, dans la mesure où il l’estime nécessaire à la bonne gestion des ressources humaines de la fonction publique.

 

[125] Autrement dit, à moins que l’employeur ne négocie des conditions d’emploi avec un agent négociateur (comme UCCO-SACC-CSN) qui s’appliquent aux employés de l’unité de négociation et qui sont inscrites dans une convention collective, l’employeur peut établir ces conditions. Non seulement la LGFP confère ces pouvoirs, mais le syndicat en reconnaît expressément l’existence à la clause 6.01 de la convention collective, connue sous le nom de clause sur les « droits de la direction », dans laquelle le syndicat confirme que la « […] convention [collective] ne restreint aucunement l’autorité des personnes chargées d’exercer des fonctions de direction […] ».

[126] Comme je l’ai conclu dans la décision Pellerin‑Fowlie c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2022 CRTESPF 98, dans des griefs comme ceux‑ci, lorsqu’il est soutenu qu’il y a eu violation de la convention collective, le fardeau de la preuve incombe au fonctionnaire s’estimant lésé et à l’agent négociateur qui le soutient, ceux-ci devant établir que la violation reprochée a eu lieu, selon la prépondérance des probabilités.

[127] Il va sans dire que, pour qu’il soit établi qu’il y a eu violation de la convention collective, il doit y avoir eu violation d’une clause de la convention collective. Le droit en matière d’interprétation des conventions collectives est bien établi. Brown et Beatty le résument de la manière suivante au paragraphe 4:2100 de leur ouvrage Canadian Labour Arbitration : [traduction] « […] pour déterminer l’intention des parties, il faut principalement présumer que les parties ont voulu dire ce qu’elles ont dit et que le sens de la convention collective doit être établi à partir des clauses expresses qu’elle contient ».

[128] Au paragraphe 84 de la décision Cruceru c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2021 CRTESPF 30, la Commission a déclaré ce qui suit :

[84] Comme le soulignent des sources faisant autorité telles que Brown et Beatty, au paragraphe 4:2100, et comme le reconnaît la jurisprudence de la Commission, des canons d’interprétation tels que les suivants guident cette analyse : 1) les parties sont réputées vouloir dire ce qu’elles ont dit; 2) le sens d’une disposition de la convention collective doit être cherché dans ses dispositions expresses; 3) [le] libellé de la convention collective doit être interprété selon son sens grammatical et ordinaire; 4) le libellé doit être interprété dans son contexte intégral, en conformité avec l’économie de la convention collective; 5) lorsque les mêmes mots réapparaissent, il faut leur donner la même interprétation.

 

[129] Au paragraphe 109 de la décision Association des juristes de Justice c. Conseil du Trésor, 2016 CRTEFP 48, la Commission a déclaré ce qui suit :

109 Un certain nombre de règles d’interprétation sont à mon avis utiles pour établir l’intention des parties dans l’interprétation du libellé utilisé dans la convention collective. D’abord, il faut donner aux mots d’une convention collective leur sens ordinaire normal. Ensuite, une convention collective doit être interprétée dans son ensemble, et les modalités identiques ou semblables utilisées dans différentes parties de la convention collective doivent se voir accorder un sens identique ou semblable. Troisièmement, la règle expressio unius alterius prévoit que la mention explicite d’un élément sous-entend l’exclusion d’un autre; voir Collective Agreement Arbitration in Canada, aux pages 27 à 32.

 

[130] Dans la présente affaire, la même allégation est formulée dans les mêmes termes dans les neuf griefs : l’employeur a violé la convention collective lorsqu’il a imposé des heures supplémentaires à chaque fonctionnaire. La seule différence dans leur formulation correspond à la date à laquelle la violation aurait eu lieu.

[131] La position des fonctionnaires repose sur les conclusions tirées par la Commission dans la décision 2021 CRTESPF 22, plus particulièrement au paragraphe 170, qui est rédigé comme suit :

[170] […] De toute évidence, la convention [collective] permet d’ordonner des heures supplémentaires sur une base non volontaire dans des situations d’urgence ou pour assurer l’accomplissement de fonctions de sécurité, comme l’obtention d’éléments de preuve. Elles peuvent également être utilisées légitimement pour remédier aux pénuries de personnel à court terme ou imprévues lorsque d’autres solutions de rechange pour doter les postes obligatoires n’existent pas, ce qui a été en fait mentionné dans la réplique de l’employeur à ce grief de principe […]

 

[132] Selon les fonctionnaires et le syndicat, il n’y avait pas d’urgence, d’exigence relative à la réalisation d’une fonction ou d’une tâche de sécurité ni de pénurie de personnel à court terme ou imprévue les trois jours visés par les griefs déposés par les groupes 1 et 2 et par M. Guliker. Il s’ensuit que l’employeur aurait violé la convention collective et, par conséquent, que chaque fonctionnaire aurait droit, en plus de la rémunération au taux des heures supplémentaires qui lui a déjà été versée, à des dommages-intérêts « moraux ».

[133] Je ne suis pas d’accord.

C. Garanties réellement prévues par la convention collective

[134] J’ai examiné la convention collective en détail. Lorsque les parties ont voulu préciser des points, elles l’ont fait.

[135] La clause 2, soit la disposition contenant les définitions, fait trois pages. À la clause 2n. figure une définition du terme « heures supplémentaires ». Les parties ont manifestement réfléchi à la signification de ce terme, puisqu’elles ont établi une distinction en le définissant de deux façons : d’une part, pour les employés à temps plein et, d’autre part, pour les employés à temps partiel. Si elles avaient voulu en préciser le sens, elles auraient pu le faire, puisqu’elles ont clairement réfléchi à la signification de ce terme et déterminé qu’il était nécessaire de distinguer les employés à temps plein des employés à temps partiel. De plus, pour définir « heures supplémentaires », les parties ont utilisé le terme « autorisé » et la formulation « en sus de son horaire normal de travail », ce qui montre, une fois de plus, qu’elles ont réfléchi à la définition du terme « heures supplémentaires ».

[136] En outre, les parties ont défini en détail les termes « quart », « horaire de quarts » et « cycle de quarts ».

[137] Les autres parties de la convention collective qui concernent les heures supplémentaires et qui sont pertinentes dans le cas présent sont les clauses 21 et 34. La clause 21, qui comporte 16 sous-clauses, représente 4 pages à simple interligne de la convention collective et porte sur les heures de travail et les heures supplémentaires. Elle définit de façon extrêmement détaillée les heures de travail, les quarts et les heures supplémentaires.

[138] Plus précisément, la clause pertinente en ce qui a trait aux questions que je dois trancher est la clause 21.10. Elle prévoit que l’employeur doit faire tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employés qualifiés facilement disponibles et, ce faisant, qu’il doit attribuer le travail au groupe et niveau approprié; ainsi, si le travail à effectuer relève d’un poste CX-1, il doit être attribué à un employé occupant un poste CX-1, et ainsi de suite pour les postes CX-2 et CX-3. Il doit également donner aux employés qui sont obligés de travailler des heures supplémentaires un préavis suffisant de cette obligation.

[139] Au fil des décennies, la Commission s’est prononcée sur des griefs relatifs aux heures supplémentaires et, plus particulièrement, des griefs déposés par des CX estimant qu’ils se voyaient attribuer un nombre inéquitable d’heures supplémentaires. Il est bien connu, dans le milieu des relations de travail du secteur public fédéral ainsi qu’à la Commission, que les employés du groupe CX font régulièrement des heures supplémentaires. Il suffit de consulter plusieurs pièces déposées en preuve lors de l’audience concernant les heures supplémentaires à Kent.

[140] Dans la décision 2021 CRTESPF 22, la formation de la Commission se prononce comme suit sur la clause 21.10 de la convention collective :

· Au paragraphe 133, lorsque la Commission interprète la convention collective et tranche la question des heures supplémentaires facultatives par rapport aux heures supplémentaires obligatoires, elle affirme « [qu’i]l faut donner un sens aux mots “facilement disponibles” »;

 

· Au paragraphe 134, elle explique « [qu’i]l faut aussi donner un sens aux mots “sur une base équitable” mentionnés à la clause 21.10 », puis, en ce qui a trait aux éléments de preuve relatifs aux données de fiches de suivi, qu’ils « […] indiquent que des heures supplémentaires ont été imposées à certains CX plusieurs fois, alors que la majorité d’entre eux ne s’en sont pas vu imposer ou ne s’en sont vu imposer qu’une seule fois » et que « [l]’équité exige la transparence et l’impartialité »;

 

· Au paragraphe 135, la Commission ajoute « [qu’i]l faut également donner un sens aux mots “tout effort raisonnable” mentionnés à la clause 21.10 ».

 

[141] Après avoir fait les affirmations reproduites ci-dessus aux paragraphes 133 à 135, la formation conclut le paragraphe 135 en déclarant que ces passages (figurant à la clause 21.10 de la convention collective) « […] fournissent un fondement permettant à la Commission d’examiner la question de savoir si la direction envisage correctement des solutions de rechange à l’imposition d’heures supplémentaires […] ».

[142] Je ne souscris pas aux commentaires ni aux conclusions formulés par la formation aux paragraphes 133 à 135 de la décision 2021 CRTESPF 22, en particulier au dernier, qui laisse entendre que l’employeur doit envisager des solutions de rechange à l’imposition d’heures supplémentaires. La formation prête aux termes employés un sens qu’ils n’ont pas. Elle laisse entendre que le terme « facilement disponible », qui n’est pas défini dans la convention collective, signifie « volontaire pour travailler ». Selon le Oxford Advanced Learner’s Dictionary, le terme anglais « readily » (rendu par « facilement » dans la version française) signifie [traduction] « rapidement et sans difficulté », tandis que « available » (« disponible » en français) signifie « qu’il est possible d’obtenir ».

[143] Bien qu’il ne fasse aucun doute que, en réalité, il y a une différence entre une personne qui se porte volontaire pour faire des heures supplémentaires et celle qui se voit imposer des heures supplémentaires (obligatoires) lorsqu’elle ne veut pas en faire, si les parties avaient voulu établir une distinction entre le fait de se porter volontaire pour faire des heures supplémentaires et le fait de se voir imposer des heures supplémentaires obligatoires, elles auraient pu le faire dans la convention collective. Or, elles ne l’ont pas fait.

[144] De plus, le terme « ajustement opérationnel » ne figure nulle part dans la convention collective. Encore une fois, si les parties avaient voulu définir d’une manière ou d’une autre le terme « ajustement opérationnel » et son lien avec l’attribution des heures supplémentaires, elles auraient pu le faire dans la convention collective. Encore une fois, elles n’en ont rien fait.

[145] Le syndicat et le SCC ont conclu l’Entente globale de 2021, bien que celle-ci ne fasse pas partie de la convention collective et que la Commission ne puisse pas veiller à son application.

[146] La partie II de l’Entente globale de 2021 est intitulée « Conditions de travail », et les dispositions II-J et II-K sont respectivement intitulées « Temps supplémentaire » et « Temps supplémentaire pour les nouvelles recrues ». Il n’y a nulle part dans ces deux dispositions de distinction entre les heures supplémentaires facultatives et les heures supplémentaires obligatoires. Si le SCC et le syndicat avaient voulu, d’une manière ou d’une autre, établir une distinction entre ces deux types d’heures supplémentaires, ils auraient pu le faire dans l’Entente globale de 2021. Ils ne l’ont pas fait.

[147] En effet, si le SCC et le syndicat avaient voulu donner de plus amples détails dans l’Entente globale de 2021 sur les liens entre les ajustements opérationnels et les heures supplémentaires obligatoires ainsi que sur la façon de les utiliser, ils auraient pu le faire. Là encore, ils auraient pu inscrire ces détails dans l’Entente globale de 2021. Encore une fois, ils ne l’ont pas fait.

[148] La Commission s’est déjà prononcée sur la clause 21.10 de la convention collective, notamment dans la décision Baldasaro. En effet, dans cette décision, la Commission examine la même question qui lui a été présentée dans l’affaire 2021 CRTESPF 22 et les présents griefs, soit la question des heures supplémentaires obligatoires par rapport aux heures supplémentaires facultatives, ainsi que la question de savoir si une distinction est établie entre ces deux notions dans la convention collective.

[149] Dans cette décision, la Commission traite de l’attribution des heures supplémentaires et du sens de la clause 21.10. Non seulement cette décision portait sur des heures supplémentaires effectuées par des CX, mais elle se rapportait également à la région du Pacifique du SCC, soit la région même où se trouve Kent. La convention collective en question avait été établie par le même syndicat et le même employeur que dans le cas présent, signée en 2006, et la clause en litige était pratiquement formulée de la même façon que la clause dont il a été question précédemment. La seule différence se trouve dans la clause 21.10b. : la formulation relative aux CX-1 qui occupent des postes de CX-1 et aux CX-2 qui occupent des postes de CX-2 a été modifiée de telle sorte qu’un point-virgule suivi de l’abréviation [traduction] « c.-à-d. » est remplacé par « par exemple ».

[150] Dans la décision Baldasaro, aux paragraphes 54 à 57, sous la rubrique « D. Distinction entre les heures supplémentaires facultatives et les heures supplémentaires obligatoires » [le passage en évidence l’est dans l’original], la formation de la Commission se prononce comme suit :

[54] […] Les heures supplémentaires obligatoires peuvent également être effectuées à l’occasion d’une situation d’urgence par des agents qui ne sont pas membres d’une EPIU [équipe pénitentiaire d’intervention d’urgence]. Les fonctionnaires ont toutefois contesté cette distinction entre les heures supplémentaires obligatoires et les heures supplémentaires facultatives, faisant valoir qu’une telle distinction n’apparaissait nulle part dans la convention collective.

[55] Je suis d’accord avec les fonctionnaires sur ce point. Si les parties avaient voulu établir une distinction entre la répartition des heures supplémentaires facultatives et obligatoires, elles auraient prévu cela par écrit dans la convention collective et auraient expressément exclu les heures supplémentaires obligatoires de la répartition équitable des heures supplémentaires. Or, elles ne l’ont pas fait.

[56] Lorsque l’employeur appelle des agents qualifiés à travailler au sein d’une EPIU, il est normal qu’il ne tienne pas compte d’autres agents comptant moins d’heures supplémentaires, mais qui ne sont pas qualifiés à travailler au sein d’une EPIU. Par contre, il devrait comptabiliser ces heures à titre d’heures supplémentaires offertes à ces employés qualifiés. En ne procédant pas de cette manière, l’employeur se trouve à biaiser systématiquement la répartition équitable des heures supplémentaires. Il devrait plutôt inclure les heures supplémentaires obligatoires dans ce calcul. Cela aurait pour effet d’augmenter le nombre d’heures supplémentaires inscrites à l’égard de ces employés et les occasions d’effectuer des heures supplémentaires pour les employés qui n’effectuent pas des heures supplémentaires obligatoires. À la fin de l’exercice, le total des heures supplémentaires des employés de chacun de ces deux groupes serait alors équitable. Sinon, il est fort probable que le contraire se produise.

[57] […] Toutefois, en raison du libellé de la clause 21.10 de la convention collective et en l’absence de quelque distinction dans la convention collective entre les heures supplémentaires obligatoires et les heures supplémentaires facultatives, je conclus que l’employeur doit inclure les heures supplémentaires obligatoires aux fins de l’évaluation du caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires. Si l’employeur souhaite exclure les heures supplémentaires obligatoires de la clause 21.10a), il doit obtenir l’accord du syndicat afin de modifier cette clause en conséquence.

 

[151] La clause 21.10 est prévue à l’« Article 21 : durée du travail et heures supplémentaires » de la partie de la convention collective intitulée « Partie 3 : conditions de travail ». Les clauses 21.01 à 21.09 portent sur différentes questions, notamment les heures de travail, le travail par quarts et les horaires ainsi que l’attribution des tâches et les pauses-repas. La clause 20.10 s’intitule « Répartition des heures supplémentaires ». Elle prévoit que les heures supplémentaires doivent être attribuées sur une base équitable, de sorte que les CX se voient accorder les mêmes possibilités de faire des heures supplémentaires s’ils veulent en faire. Elle ne porte pas sur la question de savoir si l’employeur devrait avoir recours aux heures supplémentaires; elle porte sur la façon dont elles doivent être attribuées une fois cette décision prise.

[152] L’article 229 de la Loi prévoit que la Commission, lorsqu’elle interprète une convention collective, ne peut rendre de décision ayant pour effet d’exiger la modification d’une convention collective. J’ai examiné cette question dans la décision Pellerin-Fowlie, dans laquelle j’ai cité le paragraphe 67 de la décision Forbes c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 110 :

[67] La Commission devrait être extrêmement prudente pour ne pas ajouter d’avantages aux conventions que les parties à ces conventions n’ont pas négociés. Le législateur a adopté une telle restriction à l’égard de la défense créative par les parties à l’article 229 de la LRTSPF [la Loi], qui interdit aux arbitres de grief de rendre des décisions qui modifieraient les modalités d’une convention collective.

 

[153] Ce principe a été examiné en profondeur et énoncé dans le jugement Canada (Procureur général) c. Rushwan, 2023 CAF 118, portant sur le contrôle judiciaire de la décision de la Commission dans l’affaire Rushwan c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2020 CRTESPF 66. Il y était question de l’interprétation d’une convention collective et des clauses relatives à la disponibilité qu’elle contenait. La Cour d’appel fédérale, qui a annulé la décision de la Commission, s’est exprimée en ces termes aux paragraphes 26 à 31 :

[26] Le grief en l’espèce a été renvoyé à l’arbitrage en application de l’alinéa 209(1)a) de la Loi pour l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention collective. Par conséquent, la Commission devait uniquement examiner les modalités de la convention collective et leur application. Plus précisément, elle devait décider si le refus de l’employeur d’ajouter le défendeur à la liste de disponibilité des gardiens de port constituait une violation de la convention collective.

[27] La Commission a mal interprété la convention collective en omettant de prendre en compte, d’interpréter et d’appliquer la clause 30.02 dans son ensemble, qui s’applique aux employés désignés « par une lettre ou un tableau » pour remplir des fonctions de disponibilité. La Commission a fondé son raisonnement à tort sur la dernière phrase de la clause, qui énonce que, lorsqu’il désigne des employés pour des fonctions de disponibilité, l’employeur doit s’efforcer de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité.

[28] Ce faisant, la Commission a omis la première étape de l’analyse juridique, qui l’obligeait à déterminer si le défendeur avait été désigné « par une lettre ou un tableau » pour être inscrit à la liste de disponibilité des gardiens de port. Comme elle n’a pas examiné la première partie de la clause, la Commission a fait une interprétation déraisonnable de la seconde partie. Là encore, nul ne conteste le fait que le défendeur n’aurait pas pu être inscrit sur la liste de disponibilité des gardiens de port au moment de sa demande.

[29] Durant la période pour laquelle il a demandé un salaire rétroactif en raison de son exclusion prétendument injuste de la liste de disponibilité des gardiens de port, le défendeur n’était pas qualifié pour exercer des fonctions de disponibilité comme gardien de port. Par conséquent, il était impossible pour l’employeur de lui assigner des fonctions de disponibilité pour assurer une répartition équitable conformément à la clause 30.02. Suivant l’interprétation par la Commission de la clause, le pouvoir discrétionnaire de la direction de désigner des employés par une lettre ou un tableau deviendrait superflu, car l’employeur n’aurait d’autre choix que de « s’efforcer » de répartir équitablement les fonctions de disponibilité entre tous les employés, qu’ils soient qualifiés ou non.

[30] Par conséquent, la Commission a rendu une décision ayant pour effet de modifier la convention collective. Elle a imposé à l’employeur l’obligation de fournir une formation afin que le défendeur puisse exercer des fonctions qu’il n’était par ailleurs pas tenu d’effectuer dans le cadre de son poste.

[31] Nous le répétons, l’alinéa 209(1)a) de la Loi limite la compétence de la Commission à l’interprétation ou à l’application d’une disposition de la convention collective. La Loi n’autorise pas la Commission à créer de nouvelles modalités et obligations lorsqu’elle interprète ou applique une convention collective. En l’espèce, rien dans la convention collective ne peut être interprété comme imposant à l’employeur l’obligation de former des employés afin qu’ils puissent exercer des fonctions qu’ils ne sont pas tenus d’effectuer aux postes qu’ils occupent. La Commission a néanmoins introduit une telle obligation dans la convention.

 

[154] Concernant la déclaration suivante de la Commission (au paragraphe 170 de la décision 2021 CRTESPF 22), « [d]e toute évidence, la convention [collective] permet d’ordonner des heures supplémentaires sur une base non volontaire dans des situations d’urgence ou pour assurer l’accomplissement de fonctions de sécurité, comme l’obtention d’éléments de preuve. Elles peuvent également être utilisées légitimement pour remédier aux pénuries de personnel à court terme ou imprévues lorsque d’autres solutions de rechange pour doter les postes obligatoires n’existent pas […] », je ne suis pas d’accord pour dire qu’il faut interpréter cette déclaration comme énonçant les situations dans lesquelles des heures supplémentaires obligatoires peuvent être imposées. Ce n’est pas ce qui est prévu dans la convention collective.

[155] Si j’acceptais l’argument du syndicat suivant lequel c’est ce que signifie la convention collective, la Commission se retrouverait alors à modifier la convention collective de sorte qu’elle prévoie quelque chose qu’elle ne prévoit manifestement pas. Je n’accepte pas l’argument selon lequel c’est ce que la formation de la Commission a affirmé que la convention collective prévoyait, car non seulement il s’agirait d’une violation de l’article 229 de la Loi, qui établit que la décision de la Commission ne peut pas avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective, mais cette affirmation contredirait aussi ce que la Commission a déclaré par le passé (voir Forbes et Pellerin-Fowlie) et ce que la Cour d’appel fédérale a établi dans la décision Rushwan. En outre, de nouvelles conditions seraient créées.

[156] Comme je l’ai déjà mentionné dans les présents motifs, la convention collective ne précise pas si les heures supplémentaires sont facultatives ou obligatoires, et elle n’établit pas de distinction entre la façon dont les heures supplémentaires, facultatives ou obligatoires, doivent être rémunérées. La convention collective ne prévoit pas non plus que les heures supplémentaires obligatoires peuvent seulement être imposées dans des situations d’urgence, pour assurer l’accomplissement de fonctions de sécurité, comme l’obtention d’éléments de preuve, ou pour remédier aux pénuries de personnel imprévues lorsqu’il n’y a pas d’autres solutions de rechange pour doter les postes obligatoires. Cette interprétation reviendrait à imposer à l’employeur des conditions et des obligations qui n’existent pas et qui n’ont pas été négociées.

[157] Comme je l’ai mentionné, les clauses pertinentes de la convention collective s’appliquant aux griefs dans l’affaire Baldasaro, au grief de principe dans l’affaire 2021 CRTESPF 22 ainsi qu’aux griefs que j’ai entendus sont les mêmes et n’ont pas changé.

[158] Il convient de souligner, outre le fait que l’affaire Baldasaro opposait le même syndicat et le même employeur, que c’est le même représentant syndical qui a plaidé l’ensemble de l’affaire Baldasaro, de la présente affaire et de l’affaire relative à la décision de principe 2021 CRTESPF 22. Dans l’affaire Baldasaro, selon la décision, le syndicat était d’avis que, si une distinction devait être faite entre les heures supplémentaires obligatoires et les heures supplémentaires facultatives, cette distinction serait faite dans la convention collective.

[159] De plus, la décision 2021 CRTESPF 22 portait sur un grief de principe à l’égard duquel la Commission a déclaré que « l’imposition soutenue et chronique d’heures supplémentaires sur une base non volontaire constitu[ait] une violation de la convention collective ». Les griefs dans la présente affaire sont des griefs individuels selon lesquels des heures supplémentaires auraient été imposées à certaines dates à chacun des fonctionnaires en violation de la convention collective.

[160] Comme je l’ai déjà mentionné, la décision 2021 CRTESPF 22 ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective, et le fait d’interpréter cette décision de la manière dont les fonctionnaires me le demandent aurait cet effet. De plus, comme je l’ai déjà mentionné, la convention collective ne comprend aucun terme relatif aux ajustements opérationnels, qui sont pourtant pris en considération lorsqu’il s’agit d’établir s’il convient d’imposer des heures supplémentaires ou non et dans quel contexte. Le fait de me fonder sur ces considérations constituerait également une violation de l’article 229 de la Loi.

[161] Je suis convaincu que l’imposition des heures supplémentaires était tout à fait conforme aux limites précisées aux articles 7(1)b), 7(1)e), 11.1(1)a), 11.1(1)c) et 11.1(1)j) de la LGFP et aux droits de la direction qui reviennent à l’employeur au titre de la clause 6.01 de la convention collective et du paragraphe 50 de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Brescia :

[50] Je conclus que les pouvoirs étendus conférés au Conseil du Trésor et à ses délégués en vertu des alinéas 7(1)e) et 11(2)a) et d) de la LGFP et des articles 6.01 et 25.01 des conventions collectives applicables permettent à la Commission de mettre les appelants en situation d’inactivité sans paye. En particulier, le Conseil du Trésor en vertu de l’alinéa 7(1)e) a le pouvoir d’agir à l’égard de la « gestion du personnel de l’administration publique fédérale, notamment la détermination de ses conditions d’emploi » ; en vertu de l’alinéa 11(2)a), il peut assurer leur bonne utilisation; en vertu de l’alinéa 11(2)d), il peut déterminer et réglementer les traitements, les horaires et les congés, ainsi que les questions connexes. Ces derniers mots pourraient comprendre la procédure suivie pour le renvoi et le rappel des employés. De plus, en vertu de la convention collective, les responsabilités de gestion demeurent entières, sauf toute disposition contraire. Aucune garantie n’est donnée au fonctionnaire quant au nombre minimal ou maximal de ses heures de travail.

 

[162] Par conséquent, l’imposition des heures supplémentaires ne constituait pas une violation de la convention collective, et les griefs sont rejetés.

D. Divers

[163] Étant donné que j’ai conclu que l’imposition d’heures supplémentaires obligatoires ne constituait pas une violation de la convention collective, je ne me prononcerai pas sur les éléments de preuve et les arguments relatifs aux points suivants :

· Les niveaux de dotation et les mesures prises par l’employeur pour augmenter l’effectif;

 

· La question de savoir si les ajustements opérationnels particuliers effectués par les GC les jours en question étaient appropriés ou si d’autres ajustements auraient pu l’être;

 

· La question de savoir si la situation au sein de l’Établissement les jours en question était telle que des heures supplémentaires devaient être effectuées.

 

[164] Ce qui est devenu évident au cours de l’audience de la présente affaire, c’est que les fonctionnaires déploraient d’avoir eu à effectuer des heures supplémentaires les jours en question, soit le 21 mars et le 8 mai, en raison de leur horaire de travail. L’horaire de travail du samedi était un quart de travail suivi, le dimanche, d’un quart de travail de 16 heures.

[165] La difficulté semble résider dans le fait que, si un CX devait travailler de jour le samedi, puis faire des heures supplémentaires, il avait une pause de huit heures à peine, dans certaines circonstances, entre la fin de ses heures supplémentaires et le début de son quart de travail de 16 heures. Il est évident qu’il s’agit là d’une situation problématique lorsque la personne travaille déjà de longues heures et qu’elle se voit ensuite attribuer des heures supplémentaires. Cependant, il ne s’agit pas d’un problème créé par l’employeur, mais bien d’un problème créé par l’EPHV et la convention établie par le syndicat et l’employeur. Les parties se sont mises d’accord sur cet horaire, et il ressort de la preuve qu’il s’agissait clairement d’un facteur ayant contribué à la réticence des CX à vouloir faire des heures supplémentaires le samedi.

[166] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[167] Les griefs sont rejetés.

[168] J’ordonne la mise sous scellés des documents suivants :

1. Pièce G-1, onglet 5 : Normes nationales de déploiement des agents correctionnels;

2. Pièce G-1, onglet 6 : Normes de déploiement des agents CX, avril 2019;

3. Pièce G-1, onglet 22 : Plan de ressources humaines (RH) de l’Établissement de Kent;

4. Pièce G-1, onglet 7 : Plan des ajustements opérationnels;

5. Pièce G-4, onglet 7 : Ajustements opérationnels en cas de pénurie de personnel;

6. Pièce G-6 : Registres des appels;

7. Pièce G-8 : Appel nominal et liste des quarts de travail, 8 mai 2021;

8. Pièce G-9 : Appel nominal et liste des quarts de travail, 9 mai 2021;

9. Pièce G-10 : Appel nominal et liste des quarts de travail, 10 mai 2021;

10. Pièce G-12 : Ajustements opérationnels en cas de pénurie de personnel : guide des pratiques exemplaires, août 2022;

11. Pièce E-1, onglet 9 : Rapport sur les congés des CX-1 et CX-2, 13 mars 2021;

12. Pièce E-1, onglet 13 : Appel nominal, 13 mars 2021;

13. Pièce E-1, onglet 14 : Postes ayant fait l’objet d’un ajustement opérationnel, 13 mars 2021;

14. Pièce E-1, onglet 17 : Appel nominal, 14 mars 2021;

15. Pièce E-1, onglet 18 : Postes ayant fait l’objet d’un ajustement opérationnel, 14 mars 2021;

16. Pièce E-1, onglet 36 : Tableau de bord des RH 2017-2023;

17. Pièce E-1, onglet 39 : Normes de déploiement;

18. Pièce E-1, onglet 42 : PD004 - Établissement de Kent - Plan des ajustements opérationnels;

19. Pièce E-3, onglet 15 : Cadre de gestion intégrée du risque;

20. Pièce E-1, onglet 9 : Rapport sur les congés des CX-1 et CX-2, 8 mai 2021;

21. Pièce E-3, onglet 25 : Plan des ajustements opérationnels - Commentaires;

22. Pièce E-3, onglet 31 : Appel nominal, 8 mai 2021;

23. Pièce E-3, onglet 32 : Évaluation des menaces et des risques associés aux ajustements opérationnels;

24. Pièce E-3, onglet 38 : Rapports d’information quotidiens, 9 mai 2021 (non caviardés).

25. Pièce E-3, onglet 40 : Plan des ajustements opérationnels - Commentaires;

26. Pièce E-3, onglet 45 : Appel nominal, 9 mai 2021.

 

Le 16 octobre 2025.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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