Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant était à l’emploi d’Élections Canada. Un incident s’est produit, après quoi il a été renvoyé chez lui. On lui a dit qu’il ne ferait pas l’objet de mesures disciplinaires pour l’événement, mais l’employeur a exigé un certificat médical confirmant son aptitude au travail. Il lui a également remis une « lettre d’attentes » qui se terminait en précisant que s’il ne répondait pas aux attentes énoncées dans la lettre, il ferait l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller « jusqu’au licenciement ». Le plaignant a soutenu qu’il avait été victime de harcèlement et que les gestes posés par l’employeur équivalaient à une suspension disciplinaire. Son agent négociateur a refusé de déposer un grief en son nom, sous prétexte que le grief serait hors délai. Le plaignant a déposé une plainte concernant le devoir de représentation équitable contre son agent négociateur. La Commission a conclu que, en ce qui concerne le refus de l’agent négociateur de déposer un grief, le plaignant n’avait pas réussi à démontrer une cause défendable selon laquelle l’agent négociateur avait agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Toutefois, elle a conclu que l’agent négociateur n’avait pas pris les mesures d’adaptation appropriées à l’égard des déficiences du plaignant et qu’il n’avait pas cherché à savoir s’il avait besoin de mesures d’adaptation. La Commission a rejeté la requête de l’agent négociateur de rejeter la plainte.

Requête rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20251017

Dossier: 561-02-51726

 

Référence: 2025 CRTESPF 139

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Christian Moore

plaignant

 

et

 

Institut professionnel de la fonction publique du Canada

 

défendeur

Répertorié

Moore c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Christopher Rootham, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour le défendeur : Colleen Bauman, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 29
avril, le 23 mai, le 18 juillet et les 15 et 26 septembre 2025.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Aperçu

[1] Il s’agit ici d’une plainte fondée sur le devoir de représentation équitable. Christian Moore (le « plaignant ») a déposé la présente plainte contre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), alléguant qu’il avait manqué à son devoir de représentation équitable à son égard. L’IPFPC a demandé à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») de rejeter la présente plainte parce qu’elle ne présente pas de cause défendable.

[2] J’ai conclu que le plaignant avait présenté une cause défendable. Bien que le plaignant n’ait pas présenté de cause défendable au sujet de la décision de l’IPFPC de ne pas donner suite à son grief proposé, il a présenté une cause défendable selon laquelle l’IPFPC a manqué au devoir de représentation équitable dans la façon dont il a traité ses questions liées au travail. Mes raisons suivent.

II. Cadre de la cause défendable

[3] Le cadre de la cause défendable est bien établi à la Commission, et les parties ne contestent pas la nature de ce cadre.

[4] Dans le cadre d’une évaluation de la cause défendable, la Commission traite les faits allégués par le plaignant comme étant vrais et détermine ensuite si le plaignant a présenté une cause défendable selon laquelle l’agent négociateur a manqué à son devoir de représentation équitable. Autrement dit, « […] les allégations factuelles du plaignant doivent suggérer que les décisions, les actions ou les omissions du défendeur pourraient être considérées comme arbitraires ou discriminatoires ou découlant de mauvaise foi […] » (tiré de Gonzague c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2024 CRTESPF 38, au par. 61).

III. Contexte de la plainte

[5] Pour décrire brièvement le contexte de la présente plainte, le plaignant était employé par Élections Canada, d’abord à titre d’employé contractuel, puis à titre d’employé à compter du 4 juin 2018. Un incident s’est produit le 28 juin 2018, et le plaignant a été renvoyé chez lui. Le 5 juillet 2018, l’employeur a dit au plaignant qu’il ne ferait pas l’objet de mesures disciplinaires pour cet incident, mais qu’il devait fournir un certificat médical confirmant son aptitude au travail. En même temps, l’employeur a remis au plaignant une [traduction] « lettre d’attentes », qui se terminait par une déclaration indiquant que s’il ne répondait pas à ces attentes, il ferait l’objet de mesures disciplinaires [traduction] « pouvant aller jusqu’au licenciement ». Le plaignant a signé la lettre d’attentes, obtenu un certificat médical et est retourné au travail après avoir été absent en congé payé pendant environ 30 jours.

[6] Le plaignant soutient qu’il a été victime de harcèlement en juin 2018 et que les mesures prises par l’employeur équivalaient à une suspension disciplinaire.

[7] Le plaignant a quitté le travail pour un congé de maladie en juin 2022. Il est resté en congé de maladie et est en voie de prendre sa retraite pour des raisons médicales de la fonction publique fédérale.

A. Relation du plaignant avec l’IPFPC

[8] Le plaignant traite avec l’IPFPC de façon intermittente depuis environ six ans. Il a d’abord communiqué avec un délégué syndical de l’IPFPC en avril 2019. Le plaignant affirme qu’il a fourni certains renseignements à son délégué syndical à ce moment-là, mais qu’il n’a pas eu de nouvelles de lui par la suite. Le plaignant a communiqué avec un agent des relations de travail de l’IPFPC en novembre 2022 au sujet de plusieurs questions. Peu après, il a soulevé la question du harcèlement dont il avait été victime en 2018. Il y a eu d’autres retards et intervalles. Finalement, le 25 septembre 2024, le plaignant a déposé un avis d’incident concernant le harcèlement allégué en 2018. Selon les parties, cet avis d’incident fait toujours l’objet d’une enquête.

[9] Le motif de la présente plainte est que le plaignant veut déposer un grief pour contester ce qu’il qualifie de suspension disciplinaire datant de 2018 et dénoncer le harcèlement dont il dit avoir été victime. L’IPFPC a finalement décidé qu’il n’appuierait pas ce grief. L’IPFPC a fourni ses motifs au plaignant, concluant essentiellement que tout grief déposé serait hors délai et ne lui apporterait aucun avantage pratique.

B. L’IPFPC s’est acquitté de son devoir de représentation équitable, même s’il n’a pas donné suite au grief

[10] Dans ses arguments, l’IPFPC s’est concentré sur sa décision de ne pas représenter le plaignant et de ne pas déposer un grief en son nom. L’IPFPC soutient que le devoir de représentation équitable exige qu’il examine les circonstances d’un grief, qu’il en examine le bien-fondé et qu’il prenne une décision motivée quant à l’opportunité de poursuivre l’affaire (tel qu’énoncé dans Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28, au par. 23).

[11] Je conviens que l’IPFPC s’est clairement acquitté de cette obligation. Il a fourni les motifs de sa décision de ne pas donner suite au grief du plaignant, et ces motifs montrent qu’il s’est penché sur le bien-fondé de son grief. Il n’appartient pas à la Commission de siéger en appel de la décision de l’IPFPC. Toutefois, je note que si je devais examiner le bien-fondé de la décision de l’IPFPC, je serais d’accord avec celle-ci. Je partage sa préoccupation quant au fait que le grief n’apporterait aucun avantage pratique au plaignant et que tout grief serait présenté plusieurs années en retard (il aurait été déjà plusieurs mois en retard lorsque le plaignant a communiqué pour la première fois avec l’IPFPC à ce sujet).

C. On peut soutenir que l’IPFPC ne s’est pas acquitté de son devoir de représentation équitable dans la façon dont il a assuré sa représentation

[12] Toutefois, le devoir de représentation équitable ne se limite pas à la décision de l’agent négociateur de poursuivre ou non une cause. Le devoir de représentation équitable interdit à un agent négociateur d’agir de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Cette interdiction comprend le processus qu’il suit et la façon dont il assure la représentation.

[13] En plus d’être mécontent de la décision de l’IPFPC de ne pas déposer de grief, le plaignant conteste également la façon dont l’IPFPC a traité son cas. Il allègue que l’IPFPC a tardé à lui répondre à plusieurs reprises et a laissé son cas languir. Il allègue également que l’IPFPC n’a pas pris de mesures d’adaptation appropriées pour tenir compte de ses déficiences ou n’a pas cherché à savoir s’il avait besoin de mesures d’adaptation. Par exemple, il allègue que lorsqu’il a reçu sa lettre d’« options » de l’employeur, qui lui demandait s’il retournerait au travail, prendrait sa retraite pour des raisons médicales ou serait licencié, il avait besoin de plus de temps pour l’évaluer en raison de son état de santé. Toutefois, lorsqu’il a soulevé cette question auprès de l’IPFPC, celui-ci n’a pas reconnu qu’il demandait des mesures d’adaptation et n’a pas examiné adéquatement cette question.

[14] La Commission a examiné cet élément du devoir de représentation équitable dans Bristman c. Association professionnelle des agents du service extérieur, 2024 CRTESPF 39. Dans cette affaire, la Commission a conclu qu’un plaignant avait présenté une cause défendable en raison de la façon dont son agent négociateur avait traité son cas. La Commission a déclaré ce qui suit au paragraphe 61 :

[61] Contrairement à ce qu’affirme l’APASE, l’essence de la plainte n’est pas que le plaignant soit en désaccord avec sa stratégie ou sa décision sur la meilleure façon de l’aider à résoudre ses problèmes de paye. La plainte concerne la manière dont les défendeurs ont traité la demande d’aide du plaignant […]

 

[15] Contrairement à la situation dans Bristman, le plaignant conteste la décision de ne pas déposer de grief – c’est là l’essentiel de sa plainte. Cependant, il conteste également la façon dont l’IPFPC a traité ses demandes d’aide. Il a présenté des faits qui, s’ils sont prouvés, peuvent démontrer que l’IPFPC a traité sa situation de façon arbitraire ou discriminatoire.

[16] Enfin, l’IPFPC soutient qu’une grande partie de la plainte est hors délai, parce qu’elle porte sur des événements qui se sont produits plus de 90 jours avant que le plaignant ne présente sa plainte. La Commission a récemment déclaré ce qui suit dans Babb c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2025 CRTESPF 10, au paragraphe 37 :

[37] Afin que les allégations du plaignant soient considérées comme opportunes, l’article 190(2) de la Loi établit clairement que seuls les faits survenus dans les 90 jours précédant la présentation de la plainte peuvent en faire partie. Cependant, la Commission peut tenir compte des faits qui ont précédé ces 90 jours dans son analyse du contexte de la plainte […]

 

[17] Bon nombre des événements décrits par le plaignant se sont produits plus de 90 jours avant la présentation de la plainte. Toutefois, certaines des lacunes liées au processus relevées par le plaignant se sont produites dans ce délai de 90 jours. Par exemple, l’IPFPC a traité ses demandes relatives à la lettre d’options le 25 novembre 2024 ou après cette date, soit dans les 90 jours précédant la présentation de la plainte le 15 février 2025.

[18] Par conséquent, j’ai décidé que la plainte devrait être entendue parce qu’elle révèle une cause défendable.

D. Portée limitée d’une décision au sujet d’une cause défendable

[19] Je tiens à avertir les parties que la présente décision porte sur la norme de cause défendable. Il y a une grande différence entre une cause défendable et un cas prouvé. L’IPFPC peut avoir la preuve qu’il a représenté le plaignant d’une manière responsable, diligente et en tenant dûment compte de ses déficiences. Par exemple, les parties ont mentionné l’aide que l’IPFPC a fournie au plaignant au sujet de son assurance-invalidité, de sa retraite pour raisons médicales et de ses éventuelles demandes d’indemnisation des accidents du travail. La Commission peut décider d’évaluer la représentation de l’IPFPC en tenant compte de l’ensemble des services qu’il a fourni au lieu de se concentrer uniquement sur le grief qu’il a décidé de ne pas appuyer. De plus, bon nombre des motifs de la présente plainte concernent des événements qui se sont produits plus de 90 jours avant le 15 février 2025; lorsque la Commission rendra sa décision au sujet de cette plainte, elle pourrait conclure que ces événements ne sont pas pertinents à la plainte.

[20] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’Ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[21] La requête en rejet est rejetée.

[22] La plainte sera mise au calendrier pour être entendue.

Le 17 octobre 2025.

Traduction de la CRTESPF

Christopher Rootham,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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