Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief après que l’employeur eut refusé d’inclure son emploi pour une période déterminée dans le calcul de sa date d’augmentation d’échelon de rémunération une fois qu’elle est devenue une employée nommée pour une période indéterminée. Le 1er octobre 2018, la fonctionnaire s’estimant lésée a été nommée à un poste AU-01 pour une période de six mois. Toutefois, le 25 février 2019, soit avant l’expiration de la période de validité de la nomination, elle a été nommée pour une période indéterminée à un poste SP-05 et simultanément à un poste intérimaire AU-01. Le 26 août 2019, elle a été nommée à un poste d’attache AU-01, et l’employeur a fixé sa date d’augmentation d’échelon de rémunération au 25 février 2020, soit un an après sa nomination pour une période indéterminée. L’agent négociateur a soutenu qu’en vertu de l’annexe A (notes sur la rémunération 1 et 2) de la convention collective, tous les employés classifiés au groupe AU, qu’ils soient nommés pour une période déterminée ou indéterminée, avaient droit à une augmentation d’échelon de rémunération toutes les 52 semaines à compter de la date anniversaire de leur nomination. Pour sa part, l’employeur a soutenu que seuls les services rendus à titre indéterminé étaient admissibles; par conséquent, la période déterminée durant laquelle la fonctionnaire s’estimant lésée a été employée au groupe et au niveau AU-01 ne pouvait pas être pris en compte dans le calcul de la date de son augmentation d’échelon de rémunération. La Commission a conclu que l’employeur était tenu de tenir compte du service pour une période déterminée de la fonctionnaire s’estimant lésée lorsqu’il a fixé la date de son augmentation d’échelon de rémunération. Elle a conclu que les notes sur la rémunération 1 et 2 s’appliquaient clairement à tous les employés nommés à un poste AU, sans distinction entre le statut de durée déterminée et le statut de durée indéterminée. Elle a déterminé que la note sur la rémunération 3 ne s’appliquait qu’aux employés nommés pour une période indéterminée dans des rôles intérimaires et qu’elle n’était donc pas pertinente à la nomination initiale pour une période déterminée de la fonctionnaire s’estimant lésée. La Commission a conclu que l’employeur avait enfreint la convention collective en omettant de reconnaître le service de la fonctionnaire s’estimant lésée pour une période déterminée aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération et qu’elle était devenue admissible à une augmentation d’échelon de rémunération le 1er octobre 2019, soit le premier anniversaire de sa nomination pour une période déterminée. Par conséquent, elle a ordonné à l’employeur de calculer les augmentations d’échelon de rémunération de la fonctionnaire s’estimant lésée en fonction de sa première nomination, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2018, et de lui verser tout montant dû.

Grief accueilli.

Contenu de la décision

Date: 20251003

Dossier: 566-34-43268

 

Référence: 2025 CRTESPF 132

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Julie Niebergal

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

AGENCE DU REVENU DU Canada

 

employeur

Répertorié

Niebergal c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Goretti Fukamusenge, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Chris Finding, agent des relations de travail, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Calvin Hancock, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 4 et 24
juillet et les 21 et 31 août 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] Julie Niebergal, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») a déposé un grief contestant une décision que son employeur, l’Agence du revenu du Canada (ARC ou l’« employeur »), a prise de ne pas inclure son emploi pour une période déterminée aux fins de l’augmentation de l’échelon de rémunération.

[2] À l’époque pertinente, la fonctionnaire était membre du groupe AFS (Vérification, finances et sciences - ARC) sous la classification Vérification (AU). Elle était représentée par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur »). Ses conditions d’emploi étaient régies par deux conventions collectives successives, l’une signée le 29 mars 2018, avec une date d’expiration du 21 décembre 2018, et l’autre signée le 23 août 2019, avec une date d’expiration du 21 décembre 2022. Puisque les dispositions contestées dans les deux conventions collectives sont semblables, je les appellerai simplement la « convention collective ».

[3] Les critères d’augmentation d’échelon de rémunération sont énoncés à l’annexe A de la convention collective sous les « notes sur la rémunération » 1, 2 et 3. Lorsqu’il a appliqué l’annexe A à la situation de la fonctionnaire, l’employeur a décidé que son emploi pour une période déterminée ne comptait pas en vue d’une augmentation d’échelon de rémunération. La question est de savoir si l’employeur a enfreint la convention collective. Je conclus qu’il l’a fait.

[4] Selon les notes sur la rémunération 1 et 2, la date d’augmentation d’échelon de rémunération d’un employé AFS-AU est la date anniversaire de sa nomination, peu importe si la nomination était à un poste à durée déterminée ou indéterminée ou une promotion. De plus, j’ai déterminé que la note sur la rémunération 3, qui porte sur la période d’augmentation d’échelon de rémunération pour les affectations intérimaires, n’est pas pertinente à l’emploi pour une période déterminée initial de la fonctionnaire.

[5] À titre de référence rapide, j’ai reproduit les notes sur la rémunération 1, 2 et 3, comme suit :

[…]

** ANNEXE « A »

** APPENDIX "A"

** AU – NOTES SUR LA RÉMUNÉRATION

** AU PAY NOTES

1. La période d’augmentation d’échelon de rémunération des employés à temps plein et à temps partiel aux niveaux AU-1 à AU-6 est de cinquante-deux (52) semaines.

1. The pay increment period for full-time and part-time employees at the AU levels 1 to 6 is fifty-two (52) weeks.

2. La date d’augmentation d’échelon de rémunération d’un employé qui, à la suite d’une promotion ou d’une rétrogradation ou à son entrée dans la fonction publique, est nommé à un poste de la classification AU au moment de la signature de la présente convention collective, ou après cette date, correspond à la date d’anniversaire de ladite nomination. La date d’anniversaire pour un employé qui a été nommé à un poste de la classification AU, avant la date de la signature de la présente convention collective, demeure inchangée.

2. The pay increment date for an employee, appointed on or after date of signing of this Agreement, to a position in the AU classification upon promotion, demotion or from outside the public service, shall be the anniversary date of such appointment. The anniversary date for an employee who was appointed to a position in the AU classification prior to the signing date of this Agreement remains unchanged.

[…]

Service cumulatif aux fins de l’augmentation de salaire dans le cas des affectations intérimaires

Cumulative service for pay increment purposes in acting situations

3. (a) Un employé nommé pour une période indéterminée qui doit remplir les fonctions d’un groupe et d’un niveau professionnels plus élevés recevra une augmentation de traitement au groupe et au niveau professionnels plus élevés après avoir accumulé cinquante-deux (52) semaines de service cumulatif au même groupe et au même niveau professionnels à l’ARC.

3. (a) An indeterminate employee who is required to act at a higher occupational group and level shall receive an increment at the higher group and level after having reached fifty-two (52) weeks of cumulative service at the same occupational group and level at the CRA.

(b) Afin de déterminer le moment où un employé nommé pour une période indéterminée sera admissible au prochain échelon de salaire du poste intérimaire, « cumulatif » s’entend de toutes les périodes intérimaires à l’ARC, au même groupe et au même niveau professionnels.

(b) For the purpose of defining when an indeterminate employee will be entitled to go to the next salary increment of the acting position, “cumulative” means all periods of acting with the CRA at the same occupational group and level.

[…]

[Je mets en évidence]

 

 

II. Procédure d’audience : arguments écrits avec consentement

[6] En vertu de l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), et avec l’accord des parties, le présent grief a été tranché uniquement sur la base des arguments écrits. La Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a le pouvoir de trancher toute question dont elle est saisie sans tenir d’audience.

III. Contexte

[7] Les faits dans la présente affaire ne sont pas contestés. Les parties ont conjointement présenté un exposé conjoint des faits, dont les parties pertinentes sont résumées ci-dessous.

[8] Le 1er octobre 2018, la fonctionnaire a reçu une nomination d’une durée déterminée de six mois à l’ARC à titre de vérificatrice de l’impôt sur le revenu, classifiée au groupe et au niveau AU-01. Le mandat devait prendre fin le 29 mars 2019. Cependant, le 25 février 2019, soit environ un mois avant, elle a été nommée à un poste de vérificatrice de l’impôt sur le revenu SP-05 pour une période indéterminée. En même temps, elle a été nommée à un poste intérimaire de vérificatrice de l’impôt sur le revenu AU-01.

[9] Le 26 août 2019, la fonctionnaire a été nommée à un poste de vérificatrice de l’impôt sur le revenu AU-01 pour une période indéterminée.

[10] Les parties conviennent que pour calculer le taux de rémunération de la fonctionnaire, sa nomination pour une période indéterminée au poste SP-05 était une « mutation par nomination » parce que son taux maximal était inférieur à celui du poste AU-01 pour une période déterminée. Ils conviennent également que la nomination intérimaire AU-01 était une promotion parce que son taux de rémunération maximal dépassait celui du poste SP-05 d’un montant égal à au moins l’échelon de rémunération le plus bas pour le poste intérimaire AU-01.

[11] Les parties reconnaissent que les taux de rémunération de la fonctionnaire pour ses rôles pour une période indéterminée (SP-05) et intérimaires ont été calculés correctement, conformément à la Directive sur les conditions d’emploi (DCE) du Conseil du Trésor et à la convention collective.

[12] Lorsqu’il a calculé les périodes d’augmentation d’échelon de rémunération de la fonctionnaire, l’employeur a décidé qu’elle en recevrait une le 25 février 2020 soit son anniversaire d’un an – après le 25 février 2019, date à laquelle elle a été nommée aux postes SP-05 pour une période indéterminée et AU-01 par intérim.

IV. Résumé des arguments pertinents

A. Pour la fonctionnaire

[13] L’agent négociateur soutient que la fonctionnaire a commencé à travailler pour l’employeur à titre de AU-01 pour une période déterminée de six mois. Environ 4,5 mois plus tard, elle a été nommée aux postes SP-05 pour une période indéterminée et AU-01 par intérim. Environ 11 mois après son entrée en fonction, elle a été nommée au poste AU-01 pour une période indéterminée.

[14] Selon l’agent négociateur, le désaccord fondamental entre les parties est que la fonctionnaire croit qu’elle avait droit à une augmentation d’échelon de rémunération après avoir travaillé de façon continue pendant 52 semaines à titre de AU-01, tandis que l’employeur affirme que son emploi d’une durée déterminée AU-01 ne comptait pas dans le calcul de son augmentation d’échelon de rémunération.

[15] L’agent négociateur explique que les notes sur la rémunération fournissent une feuille de route sur la façon dont les augmentations d’échelon sont administrées en vertu de la convention collective. La note sur la rémunération 1 établit la période d’augmentation d’échelon de rémunération et les catégories d’employés qui ont droit à des augmentations d’échelon de rémunération. La note sur la rémunération 2 fixe la date anniversaire à laquelle une augmentation d’échelon de rémunération devient payable. La note sur la rémunération 3 établit les conditions dans lesquelles un employé nommé pour une période indéterminée qui occupe un poste par intérim à un groupe et à un niveau professionnels supérieurs a droit à sa prochaine augmentation d’échelon de rémunération.

[16] L’agent négociateur soutient que la fonctionnaire n’était pas une employée intérimaire le 1er octobre 2019 et que, par conséquent, la note sur la rémunération 3 ne s’appliquait pas à elle à cette date, c’est-à-dire au moment où elle a eu droit à une augmentation d’échelon de rémunération.

[17] L’agent négociateur soutient que l’interprétation des dispositions relatives aux notes sur la rémunération par l’employeur aurait pour effet d’exclure tous les employés, y compris les employés nommés pour une période indéterminée, qui n’occupaient pas de postes intérimaires, de l’augmentation d’échelon de rémunération après 52 semaines de travail.

[18] L’agent négociateur soutient que le libellé des notes sur la rémunération 1 et 2 continue de s’appliquer aux employés à temps plein et à temps partiel qui ne sont pas des employés nommés pour une période indéterminée occupant des postes intérimaires. Il s’ensuit que les employés nommés pour une période indéterminée ou pour une période déterminée à temps plein qui n’occupent pas des postes par intérim ont droit aux augmentations d’échelon de rémunération énoncées dans ces notes sur la rémunération.

[19] L’employeur tente de donner un sens aux notes sur la rémunération des AU qui n’existe pas. Il interprète les notes sur la rémunération 2 et 3 comme limitant le droit énoncé dans la note sur la rémunération 1 plutôt que comme l’élargissant.

[20] La note sur la rémunération 2 établit que la date anniversaire du calcul des augmentations d’échelon de rémunération n’est pas influencée par le fait qu’elle survient avant ou après la signature de la convention collective. La note sur la rémunération 3 établit que le temps passé à occuper un poste par intérim à un groupe ou à un niveau supérieur compte pour les augmentations d’échelon de rémunération. Les notes sur la rémunération 2 et 3 ne sont pas des dispositions limitatives; lorsqu’elles sont lues clairement, elles élargissent les dispositions qui étendent l’applicabilité de la note sur la rémunération 1.

B. Pour l’employeur

[21] La question dont la Commission est saisie est celle de savoir si la fonctionnaire avait droit à son augmentation d’échelon de rémunération le 1er octobre 2019 (c.-à-d. le premier anniversaire de son emploi et de son poste AU-01 pour une période déterminée) plutôt que le 24 février 2020 (c.-à-d. 52 semaines à compter du début de sa nomination intérimaire AU-01 après sa nomination à son poste au groupe et au niveau SP-05 pour une période indéterminée).

[22] Selon l’employeur, la réponse est clairement « non ». Il a correctement calculé l’augmentation d’échelon de rémunération de la fonctionnaire conformément à la convention collective, aux notes sur la rémunération des AU et la DCE.

[23] L’employeur explique que la position de l’agent négociateur est fondée sur l’affirmation selon laquelle la fonctionnaire aurait dû recevoir une augmentation d’échelon de rémunération supplémentaire à l’anniversaire d’un an de son emploi. Toutefois, l’employeur soutient qu’elle avait déjà reçu deux augmentations d’échelon de rémunération au cours de la première année suivant sa promotion et qu’elle n’avait donc pas droit à une autre augmentation à ce moment-là.

[24] L’employeur soutient que la position de l’agent négociateur est incompatible avec le libellé clair et le régime général de la convention collective et qu’elle obligerait la Commission à ignorer certaines dispositions des notes sur la rémunération des AU. La position de l’agent négociateur entraînerait également l’ajout d’un avantage pécuniaire à la convention collective que les parties n’ont pas négocié. L’agent négociateur demande à la Commission de modifier la convention collective, ce qui contreviendrait à l’article 229 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTSPF).

[25] Les parties conviennent que les taux de rémunération de la fonctionnaire pour la période indéterminée (SP-05), pour la période intérimaire et pour la période indéterminée (AU-01) ont été calculés correctement conformément au DCE et à la convention collective.

[26] Conformément à la convention collective et à la DCE, l’employeur a déterminé que la fonctionnaire recevrait son augmentation d’échelon de rémunération le 24 février 2020 (c.-à-d. 52 semaines à compter du début de son poste intérimaire AU-01, après qu’elle a été nommée au poste SP-05 pour une période indéterminée).

[27] L’employeur attire mon attention sur la jurisprudence de la Commission et soutient que la Commission a reconnu à maintes reprises que lorsque le libellé d’une convention collective est clair, il doit être appliqué, même si le résultat peut sembler injuste. À l’appui de cet argument, l’employeur cite Forbes c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 110, au paragraphe 44.

[28] Il incombe à l’agent négociateur de prouver que, selon la prépondérance des probabilités, l’employeur a contrevenu à la convention collective. De plus, lorsque l’agent négociateur fait valoir un droit à un avantage pécuniaire, il lui incombe de démontrer que la convention collective contient un libellé précis qui oblige l’employeur à verser l’avantage en question.

[29] L’agent négociateur ne s’est pas acquitté de son fardeau. Par conséquent, le grief devrait être rejeté.

[30] L’agent négociateur soutient que la fonctionnaire, qui a travaillé à temps plein comme AU-01 à compter de la date de sa nomination au poste le 1er octobre 2018 pour une période de 52 semaines, avait droit à une augmentation d’échelon de rémunération à la date anniversaire de sa nomination, soit le 1er octobre 2019.

[31] Le fondement de cet argument semble être le texte de la note sur la rémunération 1, qui prévoit que « [l]a période d’augmentation d’échelon de rémunération des employés à temps plein et à temps partiel aux niveaux AU-1 à AU-6 est de cinquante-deux (52) semaines ». L’agent négociateur soutient que, selon une interprétation stricte de cette disposition, la fonctionnaire aurait dû recevoir sa prochaine augmentation d’échelon de rémunération à l’anniversaire d’un an de sa nomination initiale. Cette interprétation exigerait que la Commission ignore sa situation d’emploi, ainsi que l’incidence des notes sur la rémunération 2 et 3.

[32] La note sur la rémunération exige et ordonne à l’employeur de considérer « le service cumulatif aux fins de l’augmentation de salaire dans le cas d’affectations intérimaires [le passage en évidence l’est dans l’original] ». La note sur la rémunération 3a) prévoit qu’« [u]n employé nommé pour une période indéterminée qui doit remplir les fonctions d’un groupe et d’un niveau professionnels plus élevés recevra une augmentation de traitement au groupe et au niveau professionnels plus élevés après avoir accumulé cinquante-deux (52) semaines de service cumulatif […] », et la note sur la rémunération 3b) définit le terme « cumulatif » comme « […] toutes les périodes intérimaires à l’ARC, au même groupe et au même niveau professionnels ».

[33] À compter du 25 février 2019, la fonctionnaire a été nommée au poste SP-05 pour une période indéterminée et devait occuper le poste AU-01 à titre intérimaire (c.-à-d. à un groupe et à un niveau plus élevés que son poste d’attache SP-05). La nomination intérimaire était une promotion aux fins du calcul de son taux de rémunération. Par conséquent, pendant la période intérimaire et par l’entremise de l’application de la DCE, son taux de rémunération était au niveau d’augmentation d’échelon AU-01 3.39, soit deux niveaux d’augmentation d’échelon de rémunération plus élevés que son taux de rémunération initial en tant que fonctionnaire AU-01 nommée pour une période déterminée moins d’un an plus tôt.

[34] Si la fonctionnaire avait continué d’occuper le poste AU-01 à titre intérimaire sans interruption, elle aurait reçu sa prochaine augmentation d’échelon de rémunération (au niveau 4 de l’augmentation AU-01) le 24 février 2020, en appliquant les notes de rémunération 2 et 3 (c.-à-d. 52 semaines à compter du début de sa nomination intérimaire au poste AU-01, après sa nomination au poste SP-05 pour une période indéterminée).

[35] Cependant, la fonctionnaire a obtenu une promotion le 26 août 2019, passant de son poste d’attache antérieur pour une période indéterminée SP-05 à un poste AU-01 pour une durée indéterminée. À la suite de la promotion et de sa nomination intérimaire antérieure au niveau AU-01, son taux de rémunération a été confirmé au niveau 3.41 de l’augmentation d’échelon AU-01 par l’entremise de l’application de la DCE. Il s’agissait de deux niveaux d’augmentation d’échelon de rémunération plus élevés que son taux de rémunération initial à titre d’AU-01 à durée déterminée moins d’un an auparavant.

[36] En d’autres termes, puisque la fonctionnaire a été nommée pour une période indéterminée au poste AU-01 sans interruption de service depuis sa nomination intérimaire, elle avait le droit de conserver le même salaire et la même période d’augmentation d’échelon de rémunération auxquels elle avait droit pendant la nomination intérimaire AU-01.

[37] Compte tenu de la situation d’emploi unique de la fonctionnaire et en appliquant de façon cohérente les dispositions relatives aux notes sur la rémunération des AU et de la DCE, l’employeur a déterminé qu’elle recevrait sa prochaine augmentation d’échelon de rémunération (au niveau 4 de l’augmentation AU-01) le 24 février 2020, soit 52 semaines à compter du début de son poste intérimaire AU-01.

[38] Citant Forbes, au paragraphe 67, l’employeur m’exhorte à faire preuve de prudence et à ne pas ajouter à la convention collective des avantages pour lesquels les parties n’ont pas négocié. Il souligne que le législateur a adopté une telle restriction à l’article 229 de la LRTSPF qui interdit aux arbitres de grief de rendre des décisions qui modifieraient les conditions d’une convention collective.

V. Motifs

1. La question

[39] La question en litige dans le présent grief est celle de savoir si l’employeur était tenu de tenir compte du service pour une période déterminée de la fonctionnaire lorsqu’il a fixé la date de son augmentation d’échelon de rémunération. Une telle considération s’imposait.

[40] Le 1er octobre 2018, la fonctionnaire a été nommée à un poste de six mois à titre de vérificatrice de l’impôt sur le revenu, classifié au groupe et au niveau AU-01. Le mandat devait prendre fin le 29 mars 2019. Cependant, le 25 février 2019, la fonctionnaire a été nommée à un poste SP-05 pour une période indéterminée et, en même temps, à un poste intérimaire AU-01. Quelques mois plus tard, soit le 26 août 2019, elle a été nommée au poste AU-01 de façon permanente.

[41] Le 26 novembre 2019, la fonctionnaire a déposé un grief à la suite du refus de l’employeur de lui accorder une augmentation d’échelon de rémunération après sa promotion au poste de durée indéterminée AU-01 en août 2019. Elle a allégué qu’elle n’avait pas été rémunérée correctement depuis octobre 2019, citant la note sur la rémunération 3, qui traite du service cumulatif dans les postes intérimaires. La fonctionnaire a également soutenu que l’employeur avait mal appliqué les dispositions relatives à la rémunération applicables aux employés nommés pour une période déterminée. Pour plus de clarté, un extrait pertinent du grief est reproduit ci-dessous.

[Traduction]

[…]

« Je n’ai pas reçu le bon salaire depuis le 1er octobre 2019. L’article 44 et les notes sur la rémunération de la convention collective de l’IPFPC-AFS n’ont pas été appliqués correctement par le CSCR. De plus, il est clair que le CSCR ne suit pas le communiqué électronique sur la rémunération 2017-03 pour refléter le service cumulatif qui figure maintenant dans la CC depuis juin 2012. Plus précisément, les notes 3(a) et (b) de l’annexe A pour les AU dans la CC me donne droit à une augmentation d’échelon après 52 semaines de service cumulatif. Il est également évident que l’ARC n’applique pas correctement la DCE en ce qui concerne les durées déterminées/les intérims/les permanences. »

À titre de mesure corrective, la fonctionnaire a demandé ce qui suit :

« que je sois indemnisée intégralement à tous égards et, en particulier, que :

(1) Je reçoive une rémunération de 67 076 $ (niveau 4 de l’échelle de rémunération AU-01 révisée à 68 966 $ conformément au nouveau contrat signé le 23 août 2019) à compter du 1er octobre 2019 (ou plus tôt selon la période réelle de 52 semaines), tel que précisé dans la CC et les notes sur la rémunération.

(2) La date de mon augmentation d’échelon AU-01 soit corrigée au 1er octobre 2019 (ou 52 semaines à compter du 1er octobre 2018, chaque année) et aux années suivantes,

(3) Toute autre mesure corrective […]

 

[42] Les réponses de l’employeur se concentrent uniquement sur le poste initial pour une période déterminée de la fonctionnaire, affirmant que le temps passé dans ce rôle ne compte pas pour le service cumulatif en tant qu’AU-01 intérimaire pour une période indéterminée, parce que la fonctionnaire n’occupait pas le poste par intérim à ce niveau pendant la période déterminée. L’employeur soutient que les notes sur la rémunération 3(a) et (b) exigent qu’il ne tienne compte que du temps d’intérim à un groupe et à un niveau supérieurs lorsqu’il détermine l’admissibilité aux augmentations d’échelon de rémunération. Par exemple, les réponses de l’employeur au grief au troisième et au dernier palier comprennent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Le temps que vous avez passé en tant que titulaire AU-01 pour une période déterminée ne comptait pas dans votre service cumulatif à titre d’AU-01 intérimaire pour une période indéterminée parce que vous n’occupiez pas auparavant un poste au niveau AU-01; il s’agissait plutôt de votre niveau d’attache avant votre nomination pour une période indéterminée le 25 février 2019.

[…]

[…] AU Note sur la rémunération 3. a. à l’article 44 – Administration de la paye, de la convention collective de l’IPFPC. Le libellé de la convention collective de l’IPFPC (Note sur la rémunération 3.a.) précise que seul le temps passé à titre d’employé nommé pour une période indéterminée qui doit remplir les fonctions d’un groupe et d’un niveau professionnels supérieurs recevra une augmentation d’échelon au groupe et au niveau supérieurs après avoir atteint cinquante-deux (52) semaines de service cumulatif au même groupe et niveau professionnels à l’ARC. Votre service avant le 25 février 2019 était à titre d’AU-1 pour un période déterminée, ce qui ne compte pas comme service cumulatif pour les 52 semaines accumulées requises, car vous n’étiez ni intérimaire ni employée nommée pour une période indéterminée.

[Je mets en évidence]

 

[43] Les augmentations d’échelon de rémunération pour l’unité de négociation AU sont régies par les notes sur la rémunération 1, 2 et 3. Les notes sur la rémunération 1 et 2, lues ensemble, prévoient que ces augmentations d’échelon de rémunération doivent être versées aux membres de l’unité de négociation 52 semaines après leur nomination à un poste de l’unité.

2. Principes généraux d’interprétation d’une convention collective

[44] La loi dans ce domaine est bien établie. Il existe de nombreux cas et doctrines qui ont articulé les principes généraux d’interprétation. Ces principes exigent que les termes d’une convention collective soient lus dans leur intégralité, dans leur sens grammatical et ordinaire, et en harmonie avec l’économie de la convention, son objet et l’intention des parties (voir, par exemple, Cruceru c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2021 CRTESPF 30, au par. 84; Duhamel c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2022 CRTESPF 87, aux par. 58 à 62; et Canada (Procureur général) c. Delios, 2014 CF 1042, au par. 48).

[45] De plus, l’interprétation ne doit pas conduire à la modification de la convention collective. Cette restriction est codifiée à l’article 229 de la LRTSPF et constitue un principe bien établi dans la jurisprudence de la Commission (voir, par exemple, Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, au par. 50).

[46] Bien que les parties s’entendent sur les principes sous-jacents, elles n’interprètent pas les notes sur la rémunération 1, 2 et 3 de la même façon quant à leur application à la situation de la fonctionnaire. Citant Brown and Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e édition, à la page 4.21, l’agent négociateur soutient que les notes sur la rémunération des AU sont sans ambiguïté et doivent donc être interprétées selon les termes de l’entente. De même, en faisant référence à Cruceru, l’employeur soutient que le libellé de la convention collective est clair et non ambigu, qu’il doit être appliqué même si le résultat peut sembler injuste. Étant donné que chaque partie applique les dispositions pertinentes différemment, la question centrale devient celle de l’interprétation de leur accord mutuel.

[47] Après avoir examiné les principes d’interprétation susmentionnés, je conclus que les arguments de la fonctionnaire sont fondés. Les notes sur la rémunération 1 et 2 sont les dispositions les plus pertinentes à la situation de la fonctionnaire.

[48] Dans le présent cas, une interprétation textuelle des notes sur la rémunération 1, 2 et 3 mène à la conclusion que la note sur la rémunération 3 ne s’applique pas aux circonstances de la fonctionnaire. Celle-ci a obtenu un poste d’une durée déterminée de six mois le 1er octobre 2018. Le 25 février 2019, elle a été nommée à un poste SP-05 pour une période indéterminée et, en même temps, à un poste intérimaire AU-01. Bien que cela l’ait rendue admissible à la note sur la rémunération 3, elle ne s’appliquait pas, car elle n’a pas occupé le poste intérimaire pendant les 52 semaines requises. Sa date d’augmentation d’échelon SP-05 aurait été fixée au 25 février 2020, et la note sur la rémunération 3 ne s’appliquerait que si elle avait terminé 52 semaines dans le rôle intérimaire. Toutefois, elle a par la suite été promue à un poste AU-01 pour une période indéterminée avant d’atteindre la date d’augmentation d’échelon de rémunération du poste SP-05.

[49] La note sur la rémunération 3 prévoit que les employés nommés pour une période indéterminée qui occupent un poste de niveau supérieur ont droit à une augmentation d’échelon après 52 semaines de service cumulatif dans ce rôle. L’employeur a déterminé à juste titre que cette disposition ne s’appliquait pas à la fonctionnaire, puisqu’elle n’avait pas terminé 52 semaines d’intérim à titre d’employée nommée pour une période indéterminée. En fait, elle n’avait pas encore atteint un an d’emploi lorsqu’elle est devenue une employée nommée pour une période indéterminée et a cessé d’occuper le poste par intérim. Toutefois, cela ne l’empêche pas de recevoir une augmentation d’échelon de rémunération en vertu de l’annexe A de la convention collective. Elle se qualifie plutôt en vertu des notes sur la rémunération 1 et 2, en fonction de son expérience accumulée et non de son statut d’intérimaire.

[50] Les notes sur la rémunération, telles qu’elles sont décrites dans la convention collective, régissent des scénarios de paye précis. Deux facteurs clés déterminent les augmentations d’échelon de rémunération : la note sur la rémunération 1 décrit le moment où les augmentations d’échelon se produisent, tandis que la note sur la rémunération 2 explique comment calculer leur échéancier. Plus précisément, la date d’augmentation d’échelon de rémunération est fondée sur l’anniversaire de la nomination de l’employé. La note sur la rémunération 1 prévoit que « [l]a période d’augmentation d’échelon de rémunération des employés à temps plein et à temps partiel aux niveaux AU-1 à AU-6 est de cinquante-deux (52) semaines ». Selon la note sur la rémunération 2, la date d’augmentation d’échelon de rémunération d’un employé nommé à un poste de la classification AU est la date anniversaire de la nomination. Un point clé est que la note sur la rémunération 2 fait référence à une nomination « […] à un poste de la classification AU […] [je mets en évidence] », sans préciser s’il s’agit d’un poste à durée déterminée, d’un poste occasionnel ou d’un poste à durée indéterminée. La note sur la rémunération 2 précise qu’une telle nomination pourrait être une promotion, une rétrogradation ou une nomination provenant de l’extérieur de la fonction publique.

[51] L’employeur soutient que le service de la fonctionnaire dans son poste pour une période déterminée ne compte pas comme service cumulatif pour les 52 semaines accumulées requises. La lecture de la convention collective par l’employeur signifierait que le service qu’un employé accompli dans un poste pour une période déterminée ne compterait pas pour les augmentations d’échelon de rémunération. Cela irait à l’encontre des dispositions claires des notes sur la rémunération 1 et 2, qui établissent une période d’augmentation d’échelon de rémunération de 52 semaines pour toutes les nominations AU et définissent la date d’augmentation d’échelon de rémunération comme l’anniversaire de la nomination.

[52] Si les parties avaient eu l’intention de limiter les augmentations d’échelon de rémunération aux employés nommés pour une période indéterminée, elles l’auraient clairement indiqué dans la convention collective. Compte tenu de leur longue expérience de négociation et du recours par l’employeur à des employés nommés pour une période déterminée, l’absence d’une telle restriction indique que les employés nommés pour une période déterminée sont admissibles à des augmentations d’échelon de rémunération.

[53] De plus, l’exclusion des employés nommés pour une période déterminée compromettrait l’objectif des augmentations d’échelon de rémunération, car ils acquièrent de l’expérience et apportent une valeur ajoutée au même rythme que les employés nommés pour une période indéterminée. Cela est corroboré par le libellé de la note sur la rémunération 3, qui s’applique explicitement uniquement aux employés nommés pour une période indéterminée. Si une limite semblable avait été prévue pour la note sur la rémunération 1, elle aurait été incluse.

[54] Lorsqu’elles sont lues conjointement, les notes sur la rémunération 1 et 2 s’appliquent clairement à la situation de la fonctionnaire. Bien que la note sur la rémunération 1 établisse la durée de la période après laquelle une augmentation d’échelon de rémunération est accordée, plus précisément 52 semaines, la note sur la rémunération 2 introduit deux conditions supplémentaires. Premièrement, l’employé doit être nommé à un poste au sein de la classification AU; deuxièmement, l’augmentation d’échelon de rémunération prend effet à l’anniversaire de sa nomination. La fonctionnaire satisfait à toutes les conditions énoncées dans les notes sur la rémunération 1 et 2.

[55] Le sens clair et ordinaire des notes sur la rémunération 1 et 2 sous-entend que les parties avaient l’intention que l’augmentation d’échelon de rémunération ait lieu 52 semaines après une nomination à un poste au sein de la classification AU, ce qui correspond à la date anniversaire de cette nomination. Dans le cas de la fonctionnaire, la date initiale d’augmentation d’échelon de rémunération est le 1er octobre 2019.

[56] Cette interprétation est conforme à celle adoptée dans Anderson c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2023 CRTESPF 75, dans laquelle les fonctionnaires étaient des agents des services frontaliers saisonniers. Ils ont fait valoir qu’ils avaient droit à une augmentation d’échelon de rémunération automatique à l’occasion de l’anniversaire de leur nomination. L’employeur a soutenu qu’ils ne pouvaient pas y avoir droit en même temps que leurs collègues travaillant toute l’année. Parmi les questions examinées figurait celle de savoir à quel moment les fonctionnaires sont devenaient admissibles à leur première augmentation d’échelon de rémunération. La Commission a conclu qu’ils avaient droit à des augmentations d’échelon à la date anniversaire de leur nomination respective (voir les paragraphes 118 et 134).

[57] Une interprétation similaire a également été utilisée dans Béland Falardeau c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2024 CRTESPF 67, aux paragraphes 42 et 63. Dans ce cas, les parties ont modifié leur convention collective afin d’y inclure une disposition prévoyant que toutes les périodes d’emploi, quelle que soit leur durée, seraient prises en considération pour une augmentation d’échelon de rémunération. La question était de déterminer la date d’entrée en vigueur de l’augmentation d’échelon de rémunération pour un emploi à durée déterminée qui a commencé avant la modification. La Commission a conclu que ce sont les dates de nomination des fonctionnaires à leurs postes pour une période déterminée.

[58] L’employeur affirme qu’en acceptant l’interprétation proposée par l’agent négociateur des notes sur la rémunération, la Commission devrait ignorer les faits particuliers de la situation d’emploi de la fonctionnaire et ne pas tenir compte des dispositions énoncées dans les notes sur la rémunération 2 et 3. Selon lui, la lecture que la fonctionnaire a faite de la note sur la rémunération 1, à savoir qu’une augmentation d’échelon de rémunération était due à l’anniversaire de sa première nomination, est erronée. Il soutient que l’interprétation de la fonctionnaire ne tient pas compte de sa situation d’emploi et de la pertinence des notes sur la rémunération 2 et 3.

[59] Je ne trouve pas cet argument convaincant.

[60] Premièrement, comme il a été mentionné précédemment, les notes sur la rémunération 1 et 2 sont pertinentes à la situation de la fonctionnaire. Le refus de l’employeur de lui accorder l’augmentation d’échelon de rémunération initiale parce qu’elle était une employée nommée pour une période déterminée et qu’elle n’occupait pas par intérim un poste à un groupe et à un niveau supérieurs constitue une application incorrecte de l’annexe A. Cette interprétation sous-entend à tort que le service d’emploi à durée déterminée ne compte pas dans la progression de l’augmentation de salaire. Il est courant que les fonctionnaires fédéraux passent d’un poste à durée déterminée à un poste à durée indéterminée, et cette réalité s’étend aux employés de l’ARC. L’interprétation de l’employeur nierait injustement la reconnaissance de leur service comme employés nommés pour une période déterminée aux fins d’augmentations d’échelon de rémunération. De toute évidence, cette interprétation n’est pas celle que les parties ont envisagée lorsqu’elles ont négocié l’annexe A.

[61] Deuxièmement, l’employeur soutient que l’interprétation de la convention collective ne tient pas compte de la situation [traduction] « particulière » de la fonctionnaire. Cet argument est dénué de fondement. La fonctionnaire a connu une période de transition rapide à travers plusieurs rôles au début de son emploi auprès de l’employeur. Au cours de son premier mandat de six mois à titre d’agente AU-01, elle a été nommée au poste SP-05 pour une période indéterminée et, parallèlement, on lui a offert l’affectation intérimaire à un groupe et un niveau supérieur (AU-01). Elle a continué d’occuper ce poste jusqu’à ce qu’elle soit nommée au poste AU-01 pour une période indéterminée quelques mois plus tard. Toutefois, ces circonstances ne devraient pas constituer des motifs pour s’écarter des principes de l’interprétation en langage clair. Comme la Cour suprême du Canada l’a souligné dans Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, au paragraphe 57, si le contexte d’un contrat est pertinent pour son interprétation, il ne saurait l’emporter sur le sens clair et ordinaire du langage contractuel.

[62] La signification claire et évidente des notes sur la rémunération 1 et 2 est que « [l]a date d’augmentation d’échelon de rémunération d’un employé […] nommé à un poste de la classification AU […] [je mets en évidence] » est « la date d’anniversaire [je mets en évidence] » de la nomination. Les parties ont négocié ces mots et les ont mis en place. Ils expriment leur consentement et leurs intentions et appuient l’interprétation de la fonctionnaire. L’analyse contextuelle ne devrait pas l’emporter sur les termes d’un contrat, [traduction] « sinon, il ne sert à rien de noter les choses » (Glaswegian Enterprises Inc. v. BC Tel Mobility Cellular Inc., 1997 CanLII 4085 (BC CA), au par. 19).

[63] L’employeur soutient en outre que la position de l’agent négociateur modifierait la convention collective en ajoutant un avantage pécuniaire qui n’a pas été négocié par les parties. Je ne trouve aucun fondement à cet argument.

[64] Il est bien établi que, en interprétant une convention collective, on ne peut pas ajouter des avantages que les parties n’ont pas négociés sans que le libellé de la convention collective ne soit clair et sans ambiguïté. En même temps, je reconnais que priver les employés d’un droit prévu dans une convention collective exige également un libellé explicite à cet effet. Dans la convention collective en cause, il n’y a pas de disposition expresse indiquant que les employés nommés pour une période déterminée n’ont pas droit à des augmentations d’échelon de rémunération. Je conclus que l’interprétation de l’agent négociateur concorde avec une lecture simple de la convention collective et qu’elle ne tente pas d’introduire un nouvel avantage à partir de ce qui a été négocié.

[65] De plus, je suis guidée par les observations de la Commission dans Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, particulièrement au paragraphe 28. La Commission a pris note de la présomption générale selon laquelle les parties à une convention collective ont l’intention de créer des conditions qui sont facilement applicables dans la pratique quotidienne. À mon avis, l’application la plus simple des notes sur la rémunération 1, 2 et 3 consiste à permettre des augmentations d’échelon de rémunération pour tous les employés nommés à des postes de la classification AU.

[66] Il est difficile de comprendre pourquoi l’employeur utilise le 25 février 2019 – la date à laquelle la fonctionnaire a été nommée au poste d’attache SP-05 – comme point de départ pour ses augmentations d’échelon de rémunération. À la même date, elle occupait un poste intérimaire AU-01, poste qu’elle a occupé jusqu’à sa nomination pour une période indéterminée AU-01. Bien qu’elle ait occupé le poste d’attache SP-05 sur papier, elle ne l’a pratiquement jamais occupé. Dans l’ensemble, l’interprétation de l’employeur de la période d’augmentation d’échelon de rémunération ne concorde pas avec les antécédents professionnels et la progression de la fonctionnaire.

VI. Conclusion

[67] L’intention des parties est claire dans la structure de l’annexe A de la convention collective. Une fois qu’ils ont établi les notes sur la rémunération 1 et 2, qui accordent des augmentations d’échelon de rémunération à tous les employés occupant des postes au sein de la classification AU, peu importe leur statut d’emploi (pour une période indéterminée ou déterminée), ils ont élaboré la note sur la rémunération 3 comme disposition particulière régissant les augmentations d’échelon de rémunération pour les employés nommés pour une période indéterminée occupant des postes intérimaires.

[68] La note sur la rémunération 3, qui régit les nominations intérimaires, n’a pas eu d’incidence sur le droit de la fonctionnaire à une augmentation d’échelon de rémunération à la suite de sa nomination initiale pour une période déterminée.

[69] La fonctionnaire est devenue admissible à une augmentation d’échelon de rémunération le 1er octobre 2019, après avoir terminé 52 semaines d’emploi à compter de sa nomination à titre d’employée pour une période déterminée le 1er octobre 2018, peu importe l’avantage ou le désavantage potentiel pour l’une ou l’autre des parties.

[70] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII. Ordonnance

[71] Le grief est accueilli.

[72] Je déclare que l’employeur a enfreint la convention collective.

[73] J’ordonne à l’employeur de calculer les augmentations d’échelon de rémunération de la fonctionnaire en fonction de sa première nomination, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2018, et de lui verser tout montant dû dans les 120 jours suivant la présente décision.

[74] La Commission demeure saisie pendant 150 jours à compter de la date de la présente décision en ce qui concerne toute préoccupation découlant de son application.

Le 3 octobre 2025.

Traduction de la CRTESPF

Goretti Fukamusenge,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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