Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi, alléguant que le défendeur avait manqué à son devoir de représentation équitable en prévu à l’article 187 dans la façon dont il avait géré son grief contre un renvoi injustifié en cours de stage et ses deux griefs liés à son évaluation du rendement. Le défendeur a soulevé des objections préliminaires au motif que la plainte avait été présentée en dehors du délai de 90 jours prévu par la Loi et que les faits de la plainte ne révélaient pas une cause défendable de pratique déloyale de travail à son endroit. Il a soutenu que la plainte devrait être rejetée sommairement, sans audience. La Commission a déterminé que seules les allégations faites dans les 90 jours précédant la plainte avaient été faites en temps opportun. Après avoir examiné les arguments des parties, la Commission a déterminé qu’elle n’avait reçu aucun fait allégué qui, s’il était reconnu comme vrai, pourrait démontrer que le défendeur avait agi d’une manière qui démontrait une hostilité personnelle, une vengeance politique ou une malhonnêteté envers la plaignante; qu’il l’avait traitée de façon inégale, en raison de favoritisme personnel ou d’un motif interdit par la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6); ou qu’il avait ignoré ses intérêts de façon superficielle, enfreignant ainsi le devoir de représentation équitable. La Commission a rejeté la plainte en raison de l’absence de cause défendable.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20250919

Dossier : 561-23-49002

 

Référence : 2025 CRTESPF 115

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

FABIOLA ROLAN PINHEIRO

plaignante

 

et

 

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

défendeur

Répertorié

Pinheiro c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte déposée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Brian Russell, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle-même

Pour le défendeur : Fiona Campbell, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés les 23 et 28 février et les 4 et 19 novembre 2024.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] La plaignante, Fabiola Rolan Pinheiro, était une analyste principale classifiée au groupe et au niveau RE-05. Elle a travaillé pour le Bureau du surintendant des institutions financières (l’« employeur »).

[2] Le 5 février 2024, la plaignante a déposé la présente plainte contre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le « défendeur »), alléguant qu’il avait contrevenu à l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), qui porte sur la représentation inéquitable par un agent négociateur.

[3] La plainte est longue et comprend une chronologie détaillée des événements qui ont mené à sa formulation. Je ne la reproduirai pas intégralement, mais j’en résumerai les éléments essentiels.

[4] La plaignante allègue ce qui suit :

· entre le 5 et le 8 septembre 2023, son représentant de l’agent négociateur a contribué à son licenciement et, au cours de la période du 5 septembre 2023 au 26 janvier 2024, si elle avait reçu des conseils différents ou, à tout le moins, plus transparents et plus directs, elle aurait procédé différemment et aurait obtenu de meilleurs résultats;

· entre le 5 septembre 2023 et le 26 janvier 2024, son représentant n’a pas suffisamment enquêté sur son cas ou n’a pas représenté et pris en considération ses intérêts de façon adéquate et raisonnable avant ou après son licenciement;

· entre le 5 septembre 2023 et le 26 janvier 2024, ses préoccupations ont été délibérément ignorées, des stratégies ont été modifiées arbitrairement, et son représentant n’a pas été transparent et ouvert et a été hostile dans les communications;

· entre le 6 novembre 2023 et le 26 janvier 2024, des délais arbitraires lui ont été imposés pour fournir des réponses, même si le défendeur a souvent retardé ses délais;

· le défendeur a agi d’une manière arbitraire qui est interdite par l’article 187 de la Loi ;

· elle n’est pas au courant des motivations du défendeur et elle ne peut pas vérifier si celui-ci a agi de mauvaise foi et avait l’intention de faire preuve de discrimination à son égard, mais elle a affirmé que sa conduite avait eu les conséquences négatives suivantes :

- son licenciement injuste après qu’il soit intervenu,

- le fait qu’il n’ait pas signalé le harcèlement au travail, et

- le retard pris dans la planification d’une audience et dans l’obtention d’un résultat pour ses griefs.

 

[5] La plaignante a précisé dans ses arguments écrits, datés du 26 février 2024, qu’elle croyait que le défendeur avait agi de manière discriminatoire et de mauvaise foi.

[6] À titre de mesure corrective, elle demande sa réintégration dans son poste, avec une indemnisation pour la perte de salaire.

[7] Le défendeur a soulevé des objections préliminaires au motif que la plainte avait été déposée en dehors du délai de 90 jours prévu par la Loi et qu’elle ne révélait pas une violation à première vue de la Loi. Il soutient que la plainte devrait être rejetée sommairement, sans tenir d’audience.

[8] L’article 190(1)g) de la Loi exige que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») examine toute plainte selon laquelle une organisation syndicale a commis une pratique déloyale de travail et fasse enquête à ce sujet. En vertu de l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), la Commission « peut trancher toute question dont elle est saisie sans tenir d’audience ».

[9] La Commission a informé les parties qu’elle examinerait les objections préliminaires du défendeur sur la base d’arguments écrits et les a invitées à présenter des arguments supplémentaires. Elles ont été informées qu’une fois que la Commission aurait reçu leurs arguments, elle pourrait soit fixer la date de l’audience sur la plainte, soit la rejeter, en fonction des arguments, et que le dossier serait alors fermé. Je suis convaincu que les arguments écrits des parties me fournissent suffisamment d’information pour traiter l’objection, sans tenir d’audience.

[10] Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’allégation selon laquelle le défendeur a contribué au licenciement de la plaignante est hors délai. Toutes ses autres allégations ont été présentées dans les délais. Je conclus également que la plaignante n’a pas présenté de cause défendable selon laquelle le défendeur a contrevenu à l’article 187 de la Loi, et je rejette sa plainte.

II. Résumé des faits

[11] La plaignante et le défendeur ont tous deux fourni des résumés détaillés des événements qui ont mené à la présentation de la plainte, et ceux-ci sont résumés dans la présente décision.

[12] L’emploi de la plaignante auprès de l’employeur a commencé le 3 octobre 2022. Elle a été soumise à une période probatoire d’un an, soit jusqu’au 29 septembre 2023.

[13] À la fin d’août 2023, la plaignante a communiqué avec Natasha Chartier, une agente des relations de travail du défendeur, au sujet de problèmes qu’elle percevait chez son employeur. Il s’agissait notamment de changements au niveau de la direction, de modifications des objectifs et des tâches, de harcèlement et de discrimination, d’évaluations du rendement qu’elle jugeait injustes et déraisonnables et de la possibilité qu’elle soit renvoyée en cours de stage.

[14] Entre la fin août et la fin septembre 2023, la plaignante et le défendeur ont discuté de la situation et d’une stratégie pour aller de l’avant. Ils ont convenu de mettre l’accent sur la prévention du renvoi en cours de stage en fournissant des commentaires à l’employeur sur ses évaluations de rendement de six et neuf mois. Ils ont fourni des commentaires et ont informé l’employeur que des griefs seraient déposés si les deux évaluations n’étaient pas modifiées.

[15] La plaignante a été renvoyée en cours de stage le 28 septembre 2023.

[16] Le 6 octobre 2023, avec l’aide du défendeur, la plaignante a déposé trois griefs concernant ce qui suit :

· un grief pour licenciement injustifié (le « grief de renvoi en cours de stage »);

· un grief pour l’évaluation de la période de stage de six mois (ensemble, le présent paragraphe et le paragraphe suivant décrivent « les griefs relatifs aux évaluations du rendement »);

· un grief pour l’évaluation de la période de stage de 9 mois.

 

[17] À la mi-octobre 2023, l’employeur a communiqué avec le défendeur et lui a demandé si le grief de renvoi en cours de stage pouvait être mis en suspens jusqu’à ce que les griefs relatifs aux évaluations du rendement soient entendus.

[18] Entre fin octobre et novembre 2023, la plaignante et le défendeur ont eu des discussions et échangé des courriels sur la façon de traiter les trois griefs. Il a proposé une stratégie et a ensuite décrit les prochaines étapes, ce qu’elle a accepté. Plus précisément, ils ont convenu de donner suite au grief de renvoi en cours de stage et de suspendre les griefs relatifs aux évaluations du rendement. La stratégie était assujettie à l’accord de l’employeur.

[19] Le 8 novembre 2023, le défendeur a communiqué avec l’employeur pour fixer une audience pour le grief de renvoi en cours de stage au plus tard le 8 décembre 2023; autrement, il renverrait le grief à l’arbitrage.

[20] L’employeur a fixé au 7 décembre 2023 l’audience au dernier palier pour le grief de renvoi en cours de stage. Le défendeur a prévu une réunion avec la plaignante le 30 novembre 2023 pour se préparer à l’audience.

[21] Le 4 décembre 2023, Mme Chartier a informé la plaignante qu’elle était en congé en raison d’une maladie, qu’elle se rétablissait et elle a suggéré de reporter l’audience du grief au dernier palier du 7 décembre 2023 afin de lui donner plus de temps pour se préparer. Mme Chartier a également informé la plaignante que l’employeur n’avait pas accepté de suspendre les griefs relatifs aux évaluations du rendement et il a indiqué qu’il voulait procéder à l’audience des griefs pour les deux avant le grief de renvoi en cours de stage. La plaignante a demandé à Mme Chartier s’il était possible de procéder à l’audience au dernier palier du grief de renvoi en cours de stage par elle-même, sans Mme Chartier, ou avec un autre représentant.

[22] Le lendemain, la plaignante et le gestionnaire de Mme Chartier ont échangé des courriels au sujet de la possibilité que la plaignante poursuive elle-même le grief, sans Mme Chartier, ou avec un autre représentant. Le gestionnaire de Mme Chartier a informé la plaignante que l’audience du grief du 7 décembre 2023 devrait être reportée pour deux raisons.

[23] Premièrement, il n’était pas possible qu’elle aille de l’avant avec le grief par elle-même parce que le défendeur était signataire du grief et que l’audience était au dernier palier. Deuxièmement, il n’était pas possible pour un autre représentant d’assister à la réunion parce que le préavis était court et que les autres représentants avaient déjà d’autres membres à défendre.

[24] L’audience de grief du 7 décembre 2023 pour le grief de renvoi en cours de stage a été annulée parce que Mme Chartier était malade et avait besoin de plus de temps pour se préparer à l’audience.

[25] Entre le 8 décembre 2023 et le 26 janvier 2024, le défendeur et la plaignante ont eu plusieurs échanges de courriels au sujet du report de l’audience. La plaignante était préoccupée par le fait de retarder le processus.

[26] Le défendeur et la plaignante ont tenté de trouver des dates pour les audiences de grief au début de janvier 2024. Ils ont discuté des options pour faire avancer les trois griefs et d’une stratégie recommandée pour qu’ils soient entendus ensemble au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le défendeur a également laissé entendre que si l’employeur n’était pas disposé à accepter la stratégie recommandée, il demanderait à l’employeur de répondre aux griefs aux premier et deuxième paliers pour les griefs relatifs aux évaluations du rendement, sans tenir d’audience. Cela aurait permis que les trois griefs soient entendus au dernier palier en même temps.

[27] La plaignante n’était pas d’accord avec la stratégie proposée par le défendeur pour les trois griefs. Elle voulait que le grief de renvoi en cours de stage soit entendu et que les griefs relatifs aux évaluations du rendement soient mis en suspens, comme le défendeur l’a suggéré à l’automne 2023, malgré la position de l’employeur de traiter d’abord les griefs relatifs aux évaluations du rendement.

[28] Dans un courriel daté du 2 février 2024, le défendeur a oublié que les griefs de la plaignante alléguaient des représailles de la part de l’employeur et qu’elle avait été victime de harcèlement. Dans un courriel daté du 7 février 2024, le défendeur a admis l’erreur, s’est excusé et l’a informée de la meilleure façon de procéder avec ses trois griefs.

[29] Le 5 février 2024, la présente plainte a été déposée auprès de la Commission.

[30] Dans leurs arguments, les parties ont fourni à la Commission des renseignements sur les événements qui se sont produits après la présentation de la plainte. Ces événements ne seront pas pris en considération parce qu’ils se sont produits trop tard.

III. Résumé de l’argumentation

A. Respect des délais

1. Pour le défendeur

[31] Le défendeur soutient qu’une plainte doit être déposée au plus tard 90 jours après la date à laquelle un plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance de l’action ou des circonstances qui ont donné lieu à la plainte. Il soutient que la Commission a toujours statué que le délai est obligatoire et qu’il n’existe aucun pouvoir discrétionnaire de le proroger (voir Pruden c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2017 CRTEFP 24; Esam c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicat des employées et employés nationaux), 2014 CRTFP 90, au par. 32; et Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 100).

[32] Selon le défendeur, la plainte a été déposée le 5 février 2024; par conséquent, les événements qui se sont produits avant le 7 novembre 2023 ne devraient pas être pris en considération. Le défendeur soutient que seules les allégations liées à des actions qui étaient connues ou qui auraient dû être connues par la plaignante dans les 90 jours précédant le dépôt de la plainte, soit le 7 novembre 2023 ou après, peuvent être examinées par la Commission.

2. Pour la plaignante

[33] La plaignante soutient que sa plainte a été déposée dans le délai prévu par la Loi. Elle fait valoir que l’article 190(2) de la Loi limite le délai dans lequel les plaintes peuvent être déposées devant la Commission, mais pas l’étendue de la preuve qui peut être utilisée. Elle soutient que les actes reprochés au défendeur se sont déroulés d’août à novembre 2023 et que leur exclusion favoriserait injustement le défendeur et lui causerait un préjudice car cela exclurait une preuve importante d’acte répréhensible, en particulier en ce qui concerne son licenciement. Elle soutient que sa plainte a été déposée dans les délais et que l’argument du défendeur selon lequel les allégations liées à des actes qui étaient connus ou auraient dû l’être dans les 90 jours précédant le dépôt de sa plainte n’est pas prescrit ou justifié en vertu de l’article 190(2) de la Loi.

B. Cause défendable

1. Pour le défendeur

[34] Le défendeur soutient que la plainte ne révèle pas une violation à première vue de la Loi et que la Commission devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et la rejeter sommairement.

[35] Selon le défendeur, dans ses décisions antérieures, la Commission a statué qu’une plainte peut être rejetée si le plaignant n’établit pas, à première vue, en quoi ses allégations se rapportent à chacun des articles 190(1)a) à g) de la Loi. Voir Exeter c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 14, au paragraphe 14; Russell c. Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada, 2011 CRTFP 7, au paragraphe 48; et Barrett c. Association canadienne des employées et employés professionnels, 2023 CRTESPF 66, aux paragraphes 69 et 70.

[36] Le défendeur soutient que la plaignante n’allègue pas de mauvaise foi ou de discrimination à l’égard de sa conduite, mais allègue qu’il a agi de façon arbitraire.

[37] Selon le défendeur, en plus des faits que la plaignante a invoqués, la Commission peut tenir compte de tout fait non contesté que les parties ont fourni pendant le processus de réception dans le cadre de son analyse; voir Corneau c. Association des juristes de Justice, 2023 CRTESPF 16, aux paragraphes 26 et 27.

[38] Le défendeur reconnaît qu’il lui incombe dans un premier temps d’établir que la plaignante n’a pas présenté de cause défendable d’une violation de l’article 187 de la Loi fondée sur les faits non contestés. Toutefois, elle doit « [...] préciser les allégations factuelles sur lesquelles se fonde la plainte et répondre aux questions qui constitueraient un manquement au devoir de représentation équitable [...] » (tiré de Payne c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 58). De plus, ses allégations factuelles ne peuvent pas consister en des arguments ou des allégations vagues.

[39] Le défendeur soutient que la plaignante allègue sans fondement que sa participation à son dossier a contribué à son licenciement parce que, dans sa plainte, elle a présenté un compte rendu déformé des événements qui se sont produits en citant de façon sélective certains courriels et en ignorant d’autres courriels clés. Il fait valoir qu’il est important d’examiner le tableau plus complet des faits exposés dans ses arguments.

[40] Le défendeur soutient qu’il a été très rigoureux dans sa représentation de la plaignante. Il a communiqué abondamment avec elle tout au long du processus et a été attentif à ses préoccupations. Il lui a expliqué la raison d’être du changement de stratégie et il lui a conseillé de conserver la stratégie initiale. Selon lui, changer de stratégie n’équivaut pas à un comportement arbitraire.

[41] Le défendeur soutient que l’erreur qu’il a commise relativement aux griefs et aux allégations de représailles et de harcèlement était mineure et qu’elle n’a pas porté préjudice à la plaignante. Selon le défendeur, l’erreur ne constituait pas une conduite arbitraire.

[42] Le défendeur soutient que l’allégation de la plaignante selon laquelle sa participation a contribué à son licenciement est spéculative et ne semble pas réaliste; voir Payne.

[43] Le défendeur soutient qu’il a fait avancer rapidement les griefs de la plaignante dans le cadre de la procédure de règlement des griefs et que l’audience prévue pour le 7 décembre 2023 a dû être annulée en raison de la maladie de Mme Chartier. Selon lui, la majeure partie du retard pris à fixer une nouvelle audience depuis le 7 décembre 2023 est attribuable aux questions de la plaignante au sujet du changement de stratégie. Il fait valoir que le rythme de progression de l’affaire n’est pas un comportement arbitraire.

2. Pour la plaignante

[44] La plaignante soutient qu’elle a présenté une preuve à première vue de violation de la Loi. Les arguments du défendeur ont commodément omis et déformé les faits pour les adapter à son récit, et elle a souligné des événements qui étaient arbitraires, discriminatoires et de mauvaise foi de la part du défendeur.

[45] Elle allègue ce qui suit :

· Le défendeur a omis de signaler plusieurs fois le harcèlement en milieu de travail, tant avant qu’après son renvoi en cours de stage.

· Son implication a mené directement à son licenciement.

· Il a été sélectif avec l’information qu’il a choisi de partager avec elle.

· Il a oublié des éléments fondamentaux de son dossier (allégations de représailles et de discrimination et de harcèlement personnel dans ses griefs).

· Il a retardé la date de l’audience de son grief de renvoi en cours de stage, a changé de stratégie et a refusé d’expliquer le raisonnement qui sous-tendait les changements.

· Il n’a pas tenu compte de l’effet de ses actes sur elle.

 

IV. Motifs

A. Respect des délais

[46] L’article 190(2) de la Loi établit un délai de 90 jours pour déposer une plainte. Il stipule qu’une plainte doit être déposée au plus tard 90 jours après la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance de l’action ou des circonstances qui l’ont motivée.

[47] La plainte a été déposée le 5 février 2024. Dans le présent cas, le début de la période de 90 jours avant la date à laquelle elle a été déposée correspondait au 7 novembre 2023. Les allégations concernant des incidents survenus avant cette date dépassent le délai de 90 jours. La plaignante a été renvoyée en cours de stage le 28 septembre 2023. L’allégation selon laquelle le défendeur a contribué au licenciement de la plaignante a été faite hors délai.

[48] Je conclus que le reste de la plainte a été déposée dans le délai de 90 jours.

[49] Les allégations sont les suivantes :

· si elle avait reçu des conseils différents ou, du moins, plus transparents et plus directs, elle aurait procédé différemment et aurait obtenu de meilleurs résultats;

· le représentant de l’agent négociateur de la plaignante n’a pas suffisamment enquêté sur son cas ou n’a pas adéquatement et raisonnablement représenté et pris en considération ses intérêts après son licenciement;

· ses préoccupations ont été délibérément ignorées, les stratégies ont été modifiées arbitrairement, et son représentant de l’agent négociateur n’a pas été transparent et direct et a été hostile dans les communications;

· des délais arbitraires lui ont été imposés pour fournir des réponses, même si le défendeur a souvent retardé ses délais;

· son comportement a eu les conséquences négatives suivantes :

· il a omis de signaler le harcèlement en milieu de travail;

· il y a eu un retard dans la mise au rôle d’une audience et dans l’obtention d’un résultat pour ses griefs.

 

B. Cause défendable

[50] L’article 187 de la Loi stipule qu’un agent négociateur et ses représentants ne peuvent pas agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi lorsqu’ils représentent un employé de l’unité de négociation.

[51] Pour démontrer une cause défendable, les allégations de la plaignante doivent démontrer que le défendeur a agi « [...] de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi [...] » dans sa représentation de la plaignante. Voir Tibilla c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2021 CRTESPF 118, au paragraphe 26; et Andrews c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2021 CRTESPF 141, au paragraphe 28.

[52] Pour déterminer s’il y a une cause défendable, la Commission pose la question suivante : si elle considère que tous les faits allégués dans la plainte sont vrais, y a-t-il une cause défendable selon laquelle le défendeur a contrevenu à l’article 187 de la Loi ? Voir Quadrini c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 37, au paragraphe 32; et Hughes c. Ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, 2012 CRTFP 2, au paragraphe 86.

[53] Pour rejeter une plainte pour absence de cause défendable, les faits allégués, s’ils sont reconnus comme étant vrais, doivent être absents ou insuffisants pour démontrer une cause défendable d’un manquement au devoir de représentation équitable.

[54] Le défendeur soutient que la plaignante n’a pas réussi à démontrer qu’il y avait une cause défendable, et je suis d’accord. Les faits présentés par les parties ne sont pas contestés. La décision Corneau indique, aux paragraphes 26 et 27, que les faits qui ne sont pas contestés et qui sont fournis pendant le processus de réception peuvent être invoqués pour démontrer qu’aucune cause défendable n’a été présentée.

[55] La plaignante allègue que les actions du défendeur étaient arbitraires, discriminatoires et de mauvaise foi parce qu’il n’a pas représenté ou considéré ses intérêts de façon adéquate ou raisonnable; qu’il a agi de manière arbitraire en ignorant ses préoccupations, en changeant ses stratégies, en manquant de transparence, en communiquant de manière hostile et en imposant des délais arbitraires; qu’il n’a pas signalé le harcèlement en milieu de travail; et qu’il a retardé la tenue d’une audience de grief.

[56] Après avoir examiné environ 600 pages d’arguments des parties, je conclus que la plaignante n’a pas présenté de cause défendable selon laquelle le défendeur a agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Il a proposé une stratégie pour faire avancer les griefs de la plaignante, sous réserve que l’employeur accepte de mettre en suspens les griefs relatifs aux évaluations du rendement. Lorsque l’employeur a décidé qu’il n’accepterait pas de le faire, le défendeur a proposé d’autres options à plusieurs reprises. Il ressort clairement de la documentation que les parties ont fournie que la plaignante voulait une ligne de conduite particulière et qu’elle n’accepterait rien d’autre que cette ligne de conduite.

[57] La Commission a toujours conclu que le mécontentement ou le désaccord d’un plaignant à l’égard de la façon dont un agent négociateur a traité un grief ne suffit pas à démontrer une infraction à la Loi. Voir Gonzague c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2024 CRTESPF 38, au paragraphe 62; Andrews c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2021 CRTESPF 141, au paragraphe 29; Sganos c. Association canadienne des agents financiers, 2022 CRTESPF 30, au paragraphe 102; et Burns c. Section locale 2182 d’Unifor, , 2020 CRTESPF 119, au paragraphe 77.

[58] Le rôle de la Commission n’est pas non plus de remettre en question les décisions d’un agent négociateur. Le devoir de représentation équitable n’exige pas qu’un agent négociateur suive les directives de ses membres lorsqu’il décide quels griefs poursuivre ou régler et quand négocier des prorogations de délai. Voir Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13, au paragraphe 69.

[59] Le défendeur a également fait preuve de diligence dans ses efforts pour proposer des options à la plaignante, et il a recommandé une stratégie pour donner suite à ses trois griefs. On ne m’a pas présenté de faits allégués qui, s’ils étaient reconnus comme vrais, démontreraient qu’il n’a pas représenté ou considéré les intérêts de la plaignante de façon adéquate ou raisonnable; qu’il avait agi de manière arbitraire en ignorant ses préoccupations, en changeant ses stratégies, en manquant de transparence, en communiquant de manière hostile et en imposant des délais arbitraires; qu’il n’avait pas signalé le harcèlement en milieu de travail; et qu’il avait retardé la tenue d’une audience de grief.

[60] Le défendeur a admis avoir oublié certains éléments fondamentaux du cas de la plaignante (allégations de représailles et de discrimination et de harcèlement personnel dans ses griefs). L’oubli d’éléments fondamentaux d’un grief pendant le traitement d’une affaire ne contrevient pas au devoir de représentation équitable. Ces erreurs fondamentales ne révèlent pas de cause défendable. Voir Noël c. Société d’énergie de la Baie James, 2001 CSC 39, au paragraphe 51; et Xu c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2020 CRTESPF 62, au paragraphe 20.

[61] On ne m’a fourni aucun fait allégué qui, s’il était reconnu comme vrai, pourrait démontrer que le défendeur a agi d’une manière qui démontrait une hostilité personnelle, une vengeance politique ou une malhonnêteté envers la plaignante; qu’il l’a traitée de façon inégale, en raison d’un favoritisme personnel ou d’un motif interdit par la LCDP ; ou qu’il a négligé ses intérêts de façon superficielle (qu’il manquait d’intérêt ou d’enthousiasme). Voir Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon [1984] 1. RCS 509, à la page 520.

[62] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[63] La plainte est rejetée.

Le 19 septembre 2025.

Traduction de la CRTESPF

Brian Russell,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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