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Date: 20250925

Dossier: 560-02-50877

 

Référence: 2025 CRTESPF 125

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Code canadien du travail

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

David Gilding

plaignant

 

et

 

Conseil du Trésor

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

défenderesse

Répertorié

Gilding c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant une plainte visée à l’article 133 du Code canadien du travail

Devant : Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour la défenderesse : Maritza Woël, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés le 21 février, le 30 mars et le 14 avril 2025.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Résumé

[1] David Gilding (le « plaignant ») a présenté une plainte alléguant que la défenderesse, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), a agi contrairement aux articles 133 et 147 du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2; CCT) lorsqu’il a retiré ses outils de défense après avoir exercé ses droits en vertu de l’article 147 du CCT.

[2] La défenderesse a soulevé une objection préliminaire, soutenant que la plainte était hors délai et qu’elle devait être rejetée sans tenir d’audience. Elle a été faite au‑delà du délai obligatoire de 90 jours pour présenter une plainte pour représailles à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), tel qu’il est énoncé à l’article 133(2) du CCT. Ce délai obligatoire ne peut pas être prorogé.

[3] Le plaignant ne conteste pas le fait que la plainte a été déposée après l’expiration du délai de 90 jours. Toutefois, il affirme que le délai de 90 jours n’aurait pas dû être calculé comme allant jusqu’à ce qu’il ait pris connaissance de son droit de recours, après quoi il affirme avoir présenté la présente plainte dans ce délai de 90 jours. Il soutient également que les représailles de la défenderesse à son encontre sont continues, de sorte que sa plainte a été présentée correctement dans le délai de 90 jours.

[4] L’objection est accueillie et la plainte est rejetée, car elle a été présentée des mois après le délai de 90 jours établi par le législateur. Le délai ne commence pas une fois qu’un plaignant a pris connaissance de son droit de recours. Et la preuve ne permet pas de conclure que les actes de représailles allégués sont continus.

II. Analyse et motifs

A. Le délai de 90 jours a-t-il commencé une fois que le plaignant a pris connaissance de ses droits?

[5] Non, le délai de 90 jours n’a pas commencé une fois que le plaignant a pris connaissance de ses droits. La Commission a examiné cet argument, et la loi est bien établie selon laquelle le fait de ne pas connaître le droit de recours ne retarde pas le début du délai de 90 jours pour présenter une plainte. (Muise c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2024 CRTESPF 128). L’article 133(2) du CCT stipule :

Délai relatif à la plainte

133(2) La plainte est adressée au Conseil dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où le plaignant a eu connaissance — ou, selon le Conseil, aurait dû avoir connaissance — de l’acte ou des circonstances y ayant donné lieu.

 

[6] Je note que dans les arguments écrits à l’appui de la présente instance, le plaignant ne conteste pas le fait que sa plainte a été présentée après l’expiration du délai de 90 jours qui a commencé lorsqu’il a appris ou aurait dû savoir que l’acte de représailles allégué était la décision de la défenderesse de lui retirer ses outils de défense.

[7] La Commission s’est penchée sur la question de droit soulevée par le plaignant quant à sa méconnaissance de son droit de recours dans Hérold c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 132, dans laquelle elle a déclaré ce qui suit :

14 La plaignante avance qu’elle n’a appris que le 27 février 2009 qu’elle pouvait déposer une plainte et, à son dire, qu’elle pouvait « poursuivre son syndicat ». L’ignorance de la plaignante de l’existence de ses droits ne peut être invoquée pour faire fi des délais qu’impose la Loi […]

 

[8] Cette Commission a déclaré ce qui suit dans Cuming c. Butcher, 2008 CRTFP 76 :

[43] Le libellé de Loi ne dit pas que le commencement du délai de 90 jours pour présenter une plainte correspond à la date à laquelle une personne est informée de l’existence d’un recours possible en vertu de la Loi. Il stipule que les plaintes doivent être présentées « dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu […] connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu […] » […]

 

[9] Je note que l’argument du plaignant sur ce point de droit n’a été étayé par aucun cas connexe.

[10] Je ne vois aucune raison de m’écarter de ces décisions antérieures et, pour les mêmes raisons, je rejette l’allégation selon laquelle l’absence de connaissance d’un droit de recours retarde le délai de présentation d’une plainte.

B. La prétendue mesure de représailles est-elle continue de sorte que le délai de 90 jours pour présenter une plainte ne s’appliquerait pas?

[11] Non, les représailles alléguées ne sont pas continues de sorte que le délai de 90 jours ne s’appliquerait pas. Bien que le plaignant allègue qu’il a subi un préjudice en se faisant retirer ses outils de défense et en subissant les pertes connexes, comme les possibilités d’heures supplémentaires, cela découle d’une décision.

[12] Le plaignant soutient que l’acte de représailles allégué se poursuit. Par conséquent, la date limite pour présenter une plainte n’était pas celle qu’affirme la défenderesse. Il fait valoir qu’il serait déraisonnable et injuste de fixer une date limite pour les représailles continues au premier incident ou événement de représailles.

[13] Autrement, a-t-il soutenu, cela créerait une situation dans laquelle un employeur pourrait continuer à exercer ses représailles, sans entrave, si un plaignant ne connaît pas son droit de présenter une plainte, ne veut pas le faire ou ne le fait pas dans les 90 jours suivant le premier événement ou les représailles continues.

[14] La défenderesse a cité Gupta c. Canada (Procureur général), 2015 CF 535, à l’appui de son argument selon lequel les faits devant moi n’énoncent pas une poursuite des représailles. Ce cas n’est pas pertinent, étant donné qu’il porte sur un régime juridique différent et ne traite pas spécifiquement de la qualité d’une mesure de représailles continue.

[15] Je prends note de l’analyse sur le point d’un grief continu allégué fournie dans Bowden c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2021 CRTESPF 93 :

[35] L’arbitre de différends dans British Columbia v. B.C.N.U. (1982), 5 L.A.C. (3d) 404, s’est fondé sur la définition d’un grief continu énoncé dans […] Canadian Labour Arbitration […], à la page 35, comme suit :

[Traduction]

[…] La récurrence du dommage ne rend pas un grief isolé continu […]

[36] Dans Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Ministry of the Attorney General), 2003 CanLII 52888 (ON GSB), l’arbitre de différends a posé la question à laquelle il faut répondre : [traduction] « Est-ce qu’il [le grief] concerne une conduite continue plutôt qu’un acte qui a des conséquences continues? »

 

[16] Dans Bowden, la Commission cite également, avec approbation, Fontaine c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2012 CRTFP 39, comme suit :

24 Dans Canadian Labour Arbitration, onpropose [sic], au paragraphe 2:3128, la définition suivante de la notion de « grief continu » :

[Traduction]

[…] Quoi qu’il en soit, le critère le plus communément utilisé pour déterminer s’il existe une violation continue est celui issu du droit contractuel, c’est-à-dire qu’il doit y avoir un manquement récurrent à une obligation, pas seulement des dommages récurrents.

[Je mets en évidence]

 

[17] Dans les faits devant moi, le délai de 90 jours qui a commencé avec la décision ou les connaissances qui ont entraîné le retrait des outils de défense du plaignant sert à promouvoir le règlement rapide et efficace des différends en milieu de travail.

[18] Cela donne aux parties une plus grande possibilité de récupérer des éléments de preuve pertinents, y compris l’identification et l’entrevue de témoins potentiels. Tous ces intérêts souffrent avec le temps, comme ce serait le cas si j’acceptais les arguments du plaignant selon lesquels le préjudice continu qu’il subirait en n’étant toujours pas autorisé à porter ses outils de défense constitue un acte de représailles continu.

[19] Conformément aux autorités que j’ai citées, je conclus que l’absence continue d’outils de défense du plaignant constitue un dommage récurrent et non des représailles récurrentes.

[20] Par conséquent, la preuve a établi que cette plainte a été présentée au-delà de la période de 90 jours exigée par la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) et qu’elle est donc hors délai. Elle est rejetée.

[21] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


III. Ordonnance

[22] J’ordonne le rejet de la plainte.

Le 25 septembre 2025.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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