Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté une plainte concernant le devoir de représentation équitable relativement à la façon dont la défenderesse avait traité ses préoccupations au sujet d’une salle à manger en milieu de travail. Sa principale préoccupation était le ton qu’un président local utilisait lorsqu’il échangeait avec lui au sujet de cette question et la façon dont la défenderesse traitait ses plaintes subséquentes au sujet de ce ton. La défenderesse a soutenu que la plainte devrait être rejetée au motif qu’elle était hors délai et qu’elle ne soulevait pas de cause défendable. La Commission a conclu que la plainte ne soulevait pas de cause défendable, car les questions soulevées par le plaignant portaient sur des affaires internes du syndicat. Le devoir de représentation équitable ne s’applique que lorsque deux conditions sont satisfaites : 1) l’agent négociateur représente un employé dans une question ou une affaire visée par une convention collective ou par la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art 2), et 2) la représentation porte sur une question entre l’employé et son employeur. Dans le présent cas, aucune des deux conditions n'avait été satisfaite.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20251031

Dossier: 561-02-52504

 

Référence: 2025 CRTESPF 144

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Young-Jun Jung

plaignant

 

et

 

Alliance de la fonction publique du Canada

 

défenderesse

Répertorié

Jung c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Christopher Rootham, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour la défenderesse : Sandra Gaballa, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 11 et 12
juillet 2025.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Aperçu

[1] Il s’agit d’une plainte fondée sur le devoir de représentation équitable. Young-Jun Jung (le « plaignant ») reproche à l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) d’avoir manqué à son devoir de représentation équitable. L’AFPC répond en me demandant de rejeter la présente plainte parce qu’elle ne soulève pas de cause défendable.

[2] J’ai conclu que le plaignant n’a pas démontré de cause défendable selon laquelle l’AFPC a manqué à son devoir de représentation équitable.

[3] Le devoir de représentation équitable s’applique uniquement à la façon dont un agent négociateur représente un employé dans sa relation avec son employeur. La plainte porte sur le ton utilisé par un président local lorsqu’il a écrit au plaignant et sur la façon dont l’AFPC et son élément ont traité ses plaintes à ce sujet. L’objet de la présente plainte ne relève pas du devoir de représentation équitable de l’agent négociateur. Par conséquent, je dois rejeter la plainte.

II. Contexte de la plainte

[4] Le plaignant travaille à Emploi et Développement social Canada. Il fait partie d’une unité de négociation représentée par l’AFPC. L’AFPC est divisée en plusieurs éléments. Le plaignant fait partie d’un élément appelé le Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC). Chaque élément est divisé en plusieurs sections locales; le plaignant est représenté par la section locale 581 du SEIC.

[5] Le 19 novembre 2024, le plaignant a envoyé un courriel à la direction de la section locale 581 du SEIC pour lui faire part de certaines préoccupations au sujet de son milieu de travail. L’une de ses préoccupations concernait les installations de la salle à manger. Il a terminé ce courriel en disant qu’il [traduction] « […] partageait cela avec vous, pas comme une accusation » contre la direction, pour l’instant. Il voulait seulement que ses préoccupations fassent l’objet d’une enquête par la section locale 581 du SEIC à cette étape parce qu’il craignait d’être ciblé par la direction si elle apprenait ses préoccupations. Le président local de la section locale 581 du SEIC a répondu le 25 novembre 2024. Le plaignant n’a aucune préoccupation au sujet de cette réponse.

[6] Plusieurs employés avaient des préoccupations au sujet de la salle à manger de ce lieu de travail. Par conséquent, le président local a fait part de ses préoccupations au sujet de la salle à manger à la direction, en particulier au directeur régional. Le 21 janvier 2025, le directeur régional a envoyé un courriel à tous les employés pour leur dire qu’ils pouvaient utiliser une pièce à un autre étage de leur immeuble pour dîner. Le plaignant n’aimait pas cette solution parce que marcher ou prendre l’ascenseur vers un autre étage lui enlèverait du temps pour le dîner et les pauses.

[7] Plus tard dans la journée, le plaignant a commencé une série de messages Microsoft Teams avec le président local. Le plaignant a dit au président local qu’il n’était pas satisfait de se rendre à un autre étage pour ses pauses ou son dîner. Le président local a répondu comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] J’apprécie votre suggestion et n’hésitez pas à la partager avec votre chef d’équipe/gestionnaire ou à répondre au courriel. Vous pouvez avoir cette voix et défendre les intérêts de votre équipe. Le syndicat ne dicte pas ce que la direction doit faire, nous signalons les préoccupations et proposons des solutions et si elles sont collaboratives, elle les prendra et si non, vous savez ce qui se passe […]

[…]

 

[8] Le plaignant est contrarié et s’oppose à la phrase « Le syndicat ne dicte pas ce que la direction doit faire […] », et il affirme qu’il n’a jamais laissé entendre que le syndicat pourrait dicter quoi faire à la direction.

[9] Le plaignant a répondu au président local quelques minutes plus tard pour dire qu’il était déçu de sa réponse et que [traduction] « […] vous n’avez plus besoin de vous occuper de cette question de ma part ». Le président local a répondu quelques minutes plus tard, déclarant ceci :

[Traduction]

[…]

Une partie de toutes nos responsabilités consiste à travailler les uns avec les autres, nous avons tous une voix et un rôle à jouer dans l’obtention d’un environnement de travail sain. Nous appuyons vos questions et nous les signalons à la direction. Je ne suis pas sûr de vos attentes. Vous avez peut-être mal compris le rôle du syndicat dans tout cela, le syndicat est là pour défendre et protéger vos droits tels qu’énoncés dans la CC. Nous défendons continuellement la santé et la sécurité de nos membres et demandons à l’employeur d’être proactif en ce qui concerne les questions liées au retour au bureau.

[…]

 

[10] Le plaignant est contrarié et s’oppose à la phrase « Vous avez peut-être mal compris le rôle du syndicat dans tout cela […] ».

[11] Le plaignant a poursuivi la discussion sur Microsoft Teams, affirmant qu’il avait trouvé les commentaires du président local [traduction] « très impolis » et qu’ils l’avaient contrarié. Il a conclu en disant ceci : [traduction] « Je ne laisserai pas tomber cela ».

[12] Un peu plus d’une demi-heure plus tard, le plaignant a envoyé un courriel à la boîte de réception de la section locale 581 du SEIC pour se plaindre du président local. Son courriel demande ceci : [traduction] « où va mon argent [cotisations syndicales] » et demande à la section locale de reconsidérer si le président local est la bonne personne pour défendre les employés. Le vice-président, Finances, de la section locale 581 du SEIC a répondu environ une semaine plus tard pour expliquer comment les cotisations syndicales étaient dépensées et pour dire qu’une section locale du syndicat ne peut pas forcer un employeur à faire des choses et qu’elle se limite à s’assurer que les politiques existantes sont appliquées. Le plaignant a répondu moins d’une demi-heure plus tard pour se plaindre à nouveau de l’utilisation par le président local du mot « dicter » dans le message que j’ai exposé plus tôt. Il y a eu ensuite un échange de courriels dans lesquels le plaignant et l’équipe de la direction de la section locale 581 du SEIC se sont accusés mutuellement de langage inapproprié, et l’équipe de la direction a accusé le plaignant de harcèlement.

[13] Entre-temps, le 22 janvier 2025, le plaignant a fait part de ses préoccupations au sujet du président local à la région de l’Ontario du SEIC, et la vice-présidente nationale de la région de l’Ontario est intervenue. Elle s’est entretenue avec le plaignant le 29 janvier, et ce dernier lui a envoyé une copie de ses messages Teams et courriels au moyen d’une présentation PowerPoint le lendemain. Le résultat de cette conversation a été qu’elle essaierait d’organiser une conversation à trois entre le plaignant, le président local et elle. Cependant, elle n’a pas fini par le faire, en partie en raison de ses propres problèmes de santé.

[14] Un nouveau vice-président l’a remplacée pour une période de deux mois pendant qu’elle était en congé. Ce nouveau vice-président s’est entretenu avec le plaignant le 11 avril 2025. Le plaignant était frustré de cet appel parce que (comme il l’a écrit au nouveau vice-président immédiatement après) et il a dit ce qui suit : [traduction] « […] vous sembliez ne pas comprendre du tout la nature de mes plaintes et vous avez continué de demander des éclaircissements sur des points qui n’étaient pas du tout liés au but de la réunion, pour autant que je l’aie compris. » Le nouveau vice-président a répondu qu’il communiquerait avec lui pour un suivi, mais il ne l’a jamais fait.

[15] D’autres courriels ont été échangés entre le plaignant et plusieurs vice-présidents et le président national du SEIC au sujet de ses préoccupations. Finalement, le président de la section locale a refusé de participer à la médiation avec le plaignant au sujet de ses préoccupations, et le SEIC a conclu que ses préoccupations ne soulevaient pas de preuve à première vue qui justifierait une enquête en vertu du processus de plainte établi dans les règlements de l’AFPC. Il a envoyé une lettre confirmant cette décision le 20 mai 2025.

III. Nature de la plainte

[16] Le plaignant a déposé la présente plainte le 5 juin 2025. Il conteste les messages Teams du président local que j’ai cités plus tôt. Il conteste également le fait que le président local n’ait pas fait assez d’efforts pour résoudre ce problème avec lui. Enfin, il conteste le fait que le SEIC et son vice-président national n’en ont pas fait assez pour régler son différend avec le président local ou comprendre ses préoccupations.

[17] À titre de réparation, le plaignant demande une indemnisation pour détresse mentale, des « mesures administratives » contre le président local et le vice-président national du SEIC, et la publication de leurs commentaires et de la décision de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») à tous les membres du SEIC.

IV. Processus de détermination de la plainte

[18] L’AFPC a répondu à la plainte en déclarant qu’elle était en grande partie hors délai parce que la plupart des événements visés par la plainte se sont produits plus de 90 jours avant qu’elle ne soit présentée et qu’elle n’a pas soulevé de cause défendable. Le plaignant a déposé une réponse de 20 pages à ces arguments, concluant [traduction] qu’« il n’y a pas d’autre audience requise pour fournir une compréhension complète à la Commission ».

[19] À la lumière de ces arguments, j’ai décidé de traiter par écrit les deux objections préliminaires de l’AFPC. J’ai donné aux deux parties l’occasion de présenter d’autres arguments. Aucune des parties n’a déposé d’autres arguments.

V. La plainte ne soulève pas de cause défendable

[20] Le cadre de la cause défendable est bien établi à la Commission. Dans le cadre d’une évaluation d’une cause défendable, la Commission traite les faits allégués par le plaignant comme étant vrais et détermine ensuite si le plaignant a présenté des arguments défendables selon lesquels l’agent négociateur a manqué à son devoir de représentation équitable. Autrement dit, « […] les allégations factuelles du plaignant doivent suggérer que les décisions, les actions ou les omissions du défendeur pourraient être considérées comme arbitraires ou discriminatoires ou découlant de mauvaise foi […] » (tiré de Gonzague c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2024 CRTESPF 38, au par. 61).

[21] C’est l’approche que j’ai appliquée dans le présent cas. Ma tâche en le faisant au moyen d’arguments écrits a été facilitée par le fait que presque toutes les relations du plaignant avec son agent négociateur étaient écrites et que les appels téléphoniques importants qui ont eu lieu ont été immédiatement suivis de courriels résumant ces appels.

[22] Comme je l’ai dit dans l’aperçu de la présente décision, le plaignant a déposé la présente plainte alléguant un manquement au devoir de représentation équitable. Toutefois, le devoir de représentation équitable ne s’applique que lorsque ces deux conditions sont remplies : (1) un agent négociateur représente un employé dans le cadre d’une question ou d’un dossier visé par une convention collective ou la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), et (2) la représentation porte sur une question entre l’employé et son employeur; voir Serediuk c. Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (UCCO-SACC-CSN), 2023 CRTESPF 71, au paragraphe 20, et Carter c. Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (UCCO-SACC-CSN), 2025 CRTESPF 31, au paragraphe 23. Cela signifie que les questions communément appelées « affaires syndicales internes », y compris les conflits interpersonnels, dépassent la portée d’une plainte relative au devoir de représentation équitable; voir Carter, au paragraphe 25.

[23] La présente plainte porte sur un conflit interpersonnel entre le plaignant et le président local et sur la façon dont le SEIC a traité (ou a décidé de ne pas traiter) ce conflit interpersonnel. Cela signifie que l’objet de la plainte ne relève pas du devoir de représentation équitable.

[24] Le plaignant a soutenu qu’il ne s’agissait pas d’une question d’affaires internes du syndicat parce qu’il se plaignait du syndicat, déclarant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] le dépôt de la plainte auprès de la commission ne visait pas uniquement un membre [le président local et le vice-président national], mais plutôt le syndicat dans son ensemble pour ne pas avoir représenté équitablement tous ses membres et pour sa négligence à répondre aux préoccupations soulevées par ses membres concernant leur [le syndicat] gestion et leur manque d’intégrité dans le traitement de l’arbitrage entre leur direction et les membres lorsqu’une question se pose.

Le plaignant soutient que le conflit entre le plaignant et [le président local] n’a pas été traité de bonne foi par la défenderesse […]

[…]

 

[25] Respectueusement, il s’agit là d’une description parfaite des affaires syndicales internes. Le plaignant ne conteste pas la façon dont l’AFPC l’a représenté dans un dossier lié à l’emploi. Il conteste le ton de la correspondance du président local avec lui et la façon dont le SEIC a traité son différend avec le président local.

[26] Enfin, le plaignant soutient que l’AFPC a renoncé à son droit de soutenir que la présente plainte porte sur des affaires internes du syndicat. Je ne suis pas d’accord. Pour expliquer, avant de présenter la plainte auprès de la Commission, le plaignant a écrit à l’AFPC, qui a renvoyé ce courriel au SEIC. Le courriel du plaignant faisait référence à la possibilité de présenter une plainte relative au devoir de représentation équitable, ce qui, selon le SEIC, signifiait qu’il demandait de l’aide pour présenter cette plainte. Le SEIC a refusé d’aider, soulignant qu’il n’aide pas les membres à porter plainte contre lui-même. Plus précisément, son directeur de la représentation et des relations de travail a écrit ceci :

[Traduction]

[…]

Je pense qu’il y a peut-être une certaine confusion quant à la nature de votre plainte. Le syndicat n’aide pas les membres à présenter des plaintes relatives au devoir de représentation équitable auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral. Vous devrez présenter votre plainte directement auprès de la Commission. Ces plaintes portent sur des questions liées à la représentation, c’est-à-dire les griefs.

[…]

 

[27] Le plaignant soutient que ce courriel n’indique pas qu’il ne pouvait pas présenter la présente plainte, de sorte que l’AFPC ne peut pas présenter cet argument maintenant. Je ne suis pas d’accord. L’énoncé [traduction] « [v]ous devrez présenter votre plainte directement auprès de la Commission » ne constitue pas une renonciation au droit de l’AFPC de s’opposer à la présente plainte. Le courriel indique simplement que le SEIC n’aidera pas le plaignant à présenter sa plainte. L’AFPC n’a pas renoncé à son droit de présenter une défense à la plainte.

[28] Compte tenu de ma conclusion selon laquelle la plainte ne soulève pas de cause défendable, je n’ai pas besoin d’examiner l’argument de l’AFPC selon lequel elle est également hors délai.

[29] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[30] La plainte est rejetée.

Le 31 octobre 2025.

Traduction de la CRTESPF

Christopher Rootham,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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