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Résumé :

Sanctiondisciplinaire ou mesure administrative - Congé de maladie interprétable commeune sanction pécuniaire - Libellé du grief original - Nouvelle questionsoulevée à l'arbitrage - Compétence - le fonctionnaire s'estimant lésé étaitconsul et délégué commercial principal à Düsseldorf, en Allemagne - l'employeurl'avait rappelé avant la fin de son affectation pour le réaffecter au poste deconsul et délégué commercial à Détroit, aux États-Unis - le fonctionnaires'estimant lésé avait présenté un grief pour contester « la sanctiondisciplinaire injuste qui [lui avait] été imposée pour une prétendueinconduite » - par la suite, il avait été en congé de maladie pendant huitsemaines à cause des événements qui avaient entouré son rappel, selon lui - lefonctionnaire s'estimant lésé avait renvoyé son grief à l'arbitrage -l'employeur a contesté la compétence de l'arbitre d'entendre les griefs - ilalléguait que le rappel du fonctionnaire s'estimant lésé était une décisionadministrative et non une sanction disciplinaire - il a ajouté que lefonctionnaire s'estimant lésé avait continué à toucher tous les avantagesauxquels il avait droit puisque sa classification était restée la même après sonrappel et sa réaffectation - le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu que seshuit semaines de congé de maladie constituaient une sanction pécuniaire - il aajouté que sa réaffectation pouvait être considérée comme une rétrogradation -l'employeur a répliqué que le grief ne faisait pas état d'une rétrogradation etque le fonctionnaire s'estimant lésé tentait de changer la nature de son griefà l'arbitrage - l'arbitre a jugé que les faits sur lesquels le fonctionnaires'estimant lésé se fondait, même s'ils étaient prouvés, n'auraient pas établi prima facie l'imposition d'unemesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire avant qu'il ne présenteson grief - elle a aussi jugé que le grief original ne faisait aucun état d'unesanction pécuniaire - de plus, elle a conclu que le fonctionnaire s'estimantlésé ne pouvait soulever la question d'une rétrogradation pour la première foisà l'arbitrage. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

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  • Date:  2002-05-07
  • Dossier:  166-2-30712
  • Référence:  2002 CRTFP 47

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

JOHN SCHOFIELD

fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR

employeur

Devant :  Marguerite-Marie Galipeau, présidente suppléante

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Ron Cochrane, Association professionnelle des agents du Service extérieur

Pour l'employeur :  Harvey Newman, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 4 au 8 mars 2002.

[1]   La présente décision fait suite aux observations préliminaires et aux exposés introductifs des deux parties présentés au début de l'audience convoquée à la suite du renvoi à l'arbitrage d'un grief déposé par John Schofield, un FS–02 qui est au service du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (Ministère) et qui était consul et délégué commercial principal au moment de la présentation du grief.

[2]   Le grief, déposé le 17 mars 2001, se lit comme il suit :

Je conteste la sanction disciplinaire injuste qui m'a été imposée pour une prétendue inconduite et qui eu pour résultat de me faire prématurément rappeler de mon affectation à Düsseldorf.

[3]   Les mesures correctives réclamées se lisent comme il suit (pièce E–1, onglet 3) :

[Traduction]

  • Que la décision de me rappeler soit annulée.
  • Que toutes les mentions de cette affaire soient retirées de mon dossier.

[4]   L'employeur a contesté la compétence d'un arbitre pour instruire et trancher l'affaire, tant avant l'audience qu'à l'audience elle-même.

[5]   L'employeur soutient que la décision de rappeler le fonctionnaire s'estimant lésé était de nature administrative et non disciplinaire au sens de l'alinéa 92(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (Loi).

[6]   En outre, l'employeur affirme que le fonctionnaire s'estimant lésé doit démontrer non seulement qu'il a écopé d'une mesure disciplinaire, mais aussi que cette mesure disciplinaire lui a fait subir une sanction pécuniaire.

[7]   L'avocat de l'employeur décrit le contexte factuel de la façon suivante : à la fin de l'été 2000, une plainte (pièce E–1, onglet 8) a été portée par le personnel embauché sur place à Düsseldorf au sujet de la façon dont le fonctionnaire s'estimant lésé gérait le bureau. L'affaire est venue à l'attention de M. Summerville, le ministre de l'ambassade, qui s'est penché sur la question; en décembre 2000, il a recommandé que le fonctionnaire s'estimant lésé soit relevé de son affectation. Après étude du dossier par des représentants du Ministère à Ottawa, il a été décidé d'appliquer cette recommandation, à l'été 2001.

[8]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a été muté au consulat général de Detroit, où il occupe actuellement le poste de consul et délégué commercial.

[9]   L'affectation du fonctionnaire à Düsseldorf a pris fin un an avant la fin de sa durée prévue de quatre ans (M. Schofield est resté à Düsseldorf environ six mois après la recommandation de mettre fin à son affectation là–bas).

[10]   L'avocat de l'employeur déclare que le retrait du fonctionnaire s'estimant lésé de son affectation à Düsseldorf a eu lieu pour des raisons administratives, afin d'assurer le bon fonctionnement du consulat du Canada dans cette ville. Comme le fonctionnaire s'estimant lésé est permutant et qu'il est nommé à un poste de FS–02, mais pas à un poste particulier, on a décidé de le muter de Düsseldorf à Detroit.

[11]   Me Newman soutient que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas fait l'objet d'une mesure disciplinaire et qu'il n'a pas non plus subi de sanction pécuniaire. Il est resté au même groupe et au même niveau, a continué à bénéficier de tous les avantages auxquels les FS ont droit et il n'y a aucune mention de mesures disciplinaires dans son dossier.

[12]   Pour sa part, le représentant de M. Schofield déclare qu'il y a bel et bien eu une mesure disciplinaire : le retrait de l'intéressé de son affectation à Düsseldorf. Il a déclaré que, pour éviter de perdre sa prime de service extérieur en rentrant à Ottawa, le fonctionnaire s'estimant lésé a accepté d'être muté à Detroit; en ce sens, on pourrait dire qu'il a limité les dommages. Toutefois, même s'il n'a pas perdu sa prime de service extérieur, M. Schofield a dû prendre huit semaines de congé de maladie, en mai et juin 2001; selon son représentant, la preuve démontre qu'il a été contraint à prendre ces congés pour des raisons directement liées aux événements qui ont entouré son retrait du poste qu'il occupait à Düsseldorf. M. Cochrane a affirmé que les huit semaines de congé de maladie que le fonctionnaire s'estimant lésé a dû prendre constituaient la « sanction pécuniaire » qu'il faut invoquer, en vertu de l'alinéa 92(1)b) de la Loi, pour que son grief soit arbitrable. Il a maintenu en outre que la nouvelle affectation du fonctionnaire s'estimant lésé pourrait être considérée comme une rétrogradation, puisque, même si son groupe, son niveau et son traitement n'ont pas changé, il n'est plus autorisé à superviser du personnel.

[13]   La chronologie des événements décrits par le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé se présente comme il suit :

7 septembre 2000 : le personnel embauché sur place se plaint du fonctionnaire s'estimant lésé;
24 octobre 2000 : le fonctionnaire s'estimant lésé entend parler de la plainte pour la première fois;
novembre 2000 : le fonctionnaire s'estimant lésé tente de répondre aux doléances de son employeur;
janvier 2001 :  on recommande que l'affectation du fonctionnaire s'estimant lésé à Düsseldorf prenne fin plus tôt que prévu (pièce E–1, onglet 23);

le fonctionnaire s'estimant lésé consulte des médecins;
26 mars 2001 : le fonctionnaire s'estimant lésé dépose son grief;
mai 2001 : le fonctionnaire s'estimant lésé prend trois semaines de congé de maladie;
11 juin 2001 : réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs;
juillet 2001 : le fonctionnaire s'estimant lésé prend cinq semaines de congé de maladie;
26 juillet 2001 : le fonctionnaire s'estimant lésé commence sa nouvelle affectation à Detroit.

[14]   Dans son déclinatoire de compétence, l'avocat de l'employeur insiste notamment sur le fait que le grief devrait être rejeté parce qu'il est impossible de prouver prima facie que le fonctionnaire s'estimant lésé avait subi une sanction pécuniaire au moment où il présentait son grief (en mars 2001), puisque les faits décrits par son représentant révèlent clairement que, même si l'on pouvait prétendre que les congés de maladie constituent une forme de sanction pécuniaire (et Me Newman n'admet pas que ce soit le cas), ces congés ont été pris plusieurs mois après le dépôt du grief. L'avocat souligne aussi que l'employeur n'a pas eu la possibilité, durant la procédure de règlement des griefs, de répondre à ce nouvel argument selon lequel les congés de maladie que le fonctionnaire s'estimant lésé a pris constituaient une sanction pécuniaire. Il maintient aussi que le grief ne le précisait pas (bien entendu, puisqu'il ne pouvait pas le faire, étant donné que les congés de maladie ont été pris après son dépôt). Enfin, il souligne qu'il n'y a eu aucune demande de modification du grief.

[15]   L'avocat de l'employeur résume sa thèse en déclarant que, puisqu'on n'a pas pu prouver qu'il y avait eu une sanction pécuniaire, l'affaire devrait s'arrêter net. Il affirme aussi qu'il est impossible de conclure à une rétrogradation s'il n'y a pas eu de baisse de traitement, qu'il n'était pas question de rétrogradation dans le grief et que le fonctionnaire s'estimant lésé ne devrait pas être autorisé maintenant à présenter un nouveau grief.

Motifs de la décision

[16]   Ce grief est rejeté faute de compétence.

[17]   Je suis d'avis que, même s'ils étaient prouvés, les faits tels qu'ils ont été présentés par le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé et sur lesquels celui–ci se fonde n'établiraient pas, prima facie, qu'il y a eu une « mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire » avant la présentation du grief.

[18]   Même si l'on pouvait prétendre que la fin hâtive de l'affectation du fonctionnaire s'estimant lésé peut être considérée comme une mesure disciplinaire (et le fardeau de la preuve serait lourd pour le fonctionnaire s'estimant lésé dans ce cas–là, compte tenu du droit de l'employeur de gérer le bureau, d'assigner les tâches et de prendre les mesures administratives qui s'imposent), il reste que la sanction pécuniaire que le fonctionnaire s'estimant lésé prétend avoir subie - parce qu'il a dû prendre des congés de maladie - est au moins prima facie non pas une sanction pécuniaire, mais un type de congé, et de plus un congé qui a été pris après le dépôt du grief. Même si je supposais qu'on puisse arguer que, dans la présente affaire, les congés de maladie que le fonctionnaire s'estimant lésé a pris pourraient être réputés constituer une sanction pécuniaire (et le fardeau de la preuve est vraiment très lourd dans ce cas–là aussi), le fait reste que ces congés ont été pris plusieurs mois après le dépôt du grief. Je suis convaincue que le fonctionnaire s'estimant lésé ne peut donc pas prétendre que, au moment où il a signé le grief en l'espèce, il avait subi une mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire. Par conséquent, même si les faits tels qu'ils ont été prétendus et présentés devant moi par le fonctionnaire s'estimant lésé étaient prouvés, ma conclusion qu'il n'y avait pas eu de sanction pécuniaire au moment où le grief a été présenté resterait la même. En outre, le grief lui-même ne fait pas état d'une sanction pécuniaire et il n'en est pas question non plus dans les mesures correctives réclamées; il n'y a pas eu non plus de demande de modification du grief. Par ailleurs, quant à l'argument selon lequel l'affectation à Detroit serait une rétrogradation, je souscris au raisonnement de l'avocat de l'employeur.

[19]   Pour tous ces motifs, ce grief est rejeté faute de compétence.

Marguerite-Marie Galipeau
présidente suppléante

OTTAWA, le 7 mai 2002.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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