Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Rémunération d'intérim - Compétence - Classification - Recevabilité - Fardeau de la preuve - les fonctionnaires s'estimant lésés étaient agents de programme WP 03 - leur description de poste avait été réécrite en 1999, et ils ont présenté des griefs puisqu'ils la considéraient comme incomplète; les griefs ont été réglés en 2001, et la description de poste a été reclassifiée, mais maintenue au niveau WP 03 - les fonctionnaires s'estimant lésés ont contesté, en présentant des griefs de classification qui n'étaient pas encore réglés au moment où le grief en question a été entendu - peu de temps après, la description de poste a été modifiée encore par l'ajout de trois nouvelles fonctions, et l'employeur a annoncé la création de nouveaux postes WP 04 - les fonctionnaires s'estimant lésés ont obtenu des postes nouvellement créés à ce niveau et déposé un grief réclamant une rémunération d'intérim de 1999 à la date à laquelle ils ont accédé à ces nouveaux postes - la preuve a révélé qu'une comparaison << technique >> des descriptions de poste de WP 03 et WP 04 démontrait qu'elles étaient identiques à près de 90 % - les fonctionnaires s'estimant lésés ont témoigné que leurs fonctions n'avaient pas du tout changé depuis 1999 - l'arbitre avait compétence pour entendre le grief, puisqu'il s'agissait d'une question de rémunération d'intérim et non de reclassification - le grief n'était pas irrecevable non plus, puisqu'il avait été déposé dans le délai prescrit par la convention collective - il l'avait été dès que les fonctionnaires s'estimant lésés avaient eu connaissance du contenu de la nouvelle description de poste WP 04 - l'employeur a modifié cette description des fonctions pour donner aux occupants des postes WP 04 un plus grand rôle d'évaluation et de gestion du risque posé par les détenus - on n'a avancé aucune preuve pour démontrer que les fonctionnaires s'estimant lésés s'étaient acquittés de fonctions qui figuraient dans la description de poste des WP 04, mais pas dans celle des WP 03 - en fait, la preuve a démontré que leurs fonctions n'avaient pas du tout changé depuis 1999 - accueillir le grief aurait équivalu à reclassifier les fonctionnaires s'estimant lésés, ce pourquoi l'arbitre n'avait pas compétence - les fonctionnaires s'estimant lésés ne s'étaient pas acquittés du fardeau de la preuve. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-02-07
  • Dossiers:  166-2-31814
    166-2-31815
  • Référence:  2005 CRTFP 13

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

ROGER TOUSIGNANT ET DENIS PARADIS

fonctionnaires s'estimant lésés

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)


employeur



Devant :   Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés :  Glen Chochla, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Stéphane Hould, avocat


Affaire entendue à Sherbrooke (Québec),
du 23 au 25 février et à
Montréal (Québec), du 8 au 10 juin 2004.


[1]    Le 15 février 2002, les fonctionnaires s'estimant lésés ont inscrit des griefs demandant d'être rémunérés au niveau WP-04, à compter du 19 février 1999, pour les tâches et responsabilités qu'ils ont assumées depuis cette date.

[2]    Les fonctionnaires s'estimant lésés demandent, en plus de la rémunération au niveau de classification supérieure, les intérêts encourus au taux consenti par les Bonds du Trésor, ainsi qu'un montant forfaitaire annuel de 2 000 $, à compter du 19 février 1999, pour compenser les ennuis subis et les dépenses encourues en rapport aux griefs.

[3]    Les griefs reposent sur la clause 64.07 de la convention collective, intervenue entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe des Services des programmes et de l'administration (signée le 19 novembre 2001; date d'expiration : le 20 juin 2003). La clause 64.07 se lit comme suit (pièce G-1) :

64.07
a)Lorsque l'employé-e est tenu par l'Employeur d'exécuter à titre intérimaire une grande partie des fonctions d'un niveau de classification supérieur et qu'il ou elle exécute ces fonctions pendant au moins trois (3) jours de travail ou postes consécutifs, il ou elle touche, pendant la période d'intérim, une rémunération d'intérim calculée à compter de la date à laquelle il ou elle commence à remplir ces fonctions, comme s'il ou elle avait été nommé à ce niveau supérieur.
b)Lorsqu'un jour désigné comme jour férié payé survient durant la période de référence, le jour férié est considéré comme jour de travail aux fins de la période de référence.

[4]    Les fonctions et responsabilités assumées par les fonctionnaires s'estimant lésés, dans leurs postes d'agents de programmes, ont été modifiées au cours des ans suivant l'évolution de la division des programmes correctionnels au sein du Service correctionnel du Canada. La chronologie des événements qui sont à l'origine des griefs remonte à la description de poste d'agent de programme en vigueur en janvier 1996 (pièce G-17). Le comité de classification a recommandé, en mai 1996, que le poste d'agent de programme soit classifié au niveau WP-03 (pièce G-18). Cette classification au niveau WP-03 a été reconnue en décembre 1997, attribuant ainsi le même niveau de classification aux agents de programmes et aux agents de gestion de cas.

[5]    Cette parité n'a été valable que pour une courte période de temps, le poste d'agent de gestion de cas étant remplacé par celui d'agent de liberté conditionnelle, qui a été classé au niveau WP-04 le 16 janvier 1998 (pièce G-6). L'employeur doit alors reconsidérer d'autres postes susceptibles d'être touchés par cette décision et la description de tâches des agents de programmes doit aussi être réexaminée dans le contexte du projet de la nouvelle norme de classification générale. Advenant qu'une reclassification soit nécessaire, elle serait rétroactive au 16 janvier 1998.

[6]    Une nouvelle description pour le poste d'agent de programme fut rédigée et remise aux fonctionnaires le 2 février 1999. MM. Tousignant et Paradis ont inscrit des griefs à l'encontre de cette description de poste qu'ils considéraient comme incomplète (pièces G-8 et G-9). Les fonctionnaires s'estimant lésés demandent aussi de réévaluer le niveau de classification suite à la modification de la description de poste.

[7]    L'employeur a reconnu, dans ses réponses aux divers paliers de la procédure de grief, la nécessité de réviser la description du poste d'agent de programme (pièces G-10 et G-11). Une nouvelle description de poste fut rédigée suite à une entente intervenue en médiation entre les parties le 6 juillet 2001. Cette description est en vigueur à la date des griefs, c'est-à-dire mars 1999. Les fonctionnaires s'estimant lésés demandent d'obtenir de l'employeur le pointage et le niveau de classification du poste avant la fin du mois de septembre 2001 (pièce G-19). Le rapport du comité de classification émis à la fin du mois de septembre 2001 recommande de maintenir la classification du poste au niveau WP-03 (pièce G-20).

[8]    La description de poste modifiée, suite à l'entente de médiation, reconnaît que les agents de programme ont un rôle à jouer dans l'évaluation des besoins des délinquants en regard des programmes correctionnels (précisés au plan correctionnel du détenu) et dans l'évaluation du risque de récidive en regard des critères criminogènes. Avant les modifications, ces fonctions se retrouvaient seulement dans la description de poste des agents de liberté conditionnelle. Selon les témoignages des fonctionnaires s'estimant lésés, les éléments suivants, qui apparaissent dans la mise à jour du 10 septembre 2001 (pièce G-21), identifient ces nouvelles fonctions :

Activités principales

  • Conseiller le chef programmes sur la prestation de nouveaux programmes et/ou le renouvellement de programmes spécifiques à sa spécialité et proposer de nouvelles ressources.

    . . .

  • Évaluer les besoins ainsi que le niveau des besoins des délinquants en rapport avec les objectifs spécifiques des programmes auxquels ils sont référés et réviser les besoins identifiés au plan correctionnel.

    . . .

  • Évaluer les progrès des délinquants, évaluer le risque de récidive quant aux facteurs criminogènes traités lors de l'évaluation finale du programme... renseigner et conseiller les décideurs (CNLC, EGC, etc.) sur l'évolution des délinquants en rapport à leurs besoins spécifiques.

    . . .

  • Compléter des évaluations du programme dans le cadre du processus d'évaluation initiale régionale.

    . . .

  • Contribue avec le chef programme à l'encadrement des nouveaux employés dans le domaine de sa spécialité.

. . .

Responsabilités

(1)Information utilisée par d'autres

. . .

      Partager avec le délinquant l'information contenue dans les rapports sur les progrès afin de l'informer de sa performance dans le programme. Cette information est utilisée par les ALC pour qu'ils ajustent le plan correctionnel.

...

[9]    Le réexamen des descriptions de travail pour les intervenants du secteur des programmes se poursuit. Le Comité national du programme d'acquisition de compétences psychosociales souligne dans le rapport de sa réunion tenue du 26 au 28 mai 1999 que l'objectif relié au réexamen des descriptions de travail est d'attribuer à tous les groupes travaillant dans le secteur des programmes la classification de niveau WP-04 (pièce G-7). L'employeur aurait tenu compte de l'incidence possible de la norme générale de classification sur l'évaluation de la description du poste d'agent de programme et de sa classification (avril 2000, pièce G-12). Un autre facteur à considérer est l'impact au niveau des ressources financières et humaines, ainsi que sur des changements organisationnels que cette révision de poste peut amener (avril 2000, pièce G-13). Le comité senior du personnel a aussi souligné la question des coûts reliés à une reclassification des postes d'agent de programme et les problèmes de transposition avec la norme générale de classification (juin 2000, pièces G-14 et G-15; octobre 2000, pièce G-16).

[10]    Suite à cette démarche, de nouveaux postes d'agents de programmes correctionnels et d'agents de programmes sociaux sont annoncés le 23 janvier 2002 (pièce G-23). Le commissaire adjoint aux opérations et programmes correctionnels souligne que les agents de programmes auront des responsabilités accrues en ce qui a trait à l'évaluation du risque de récidive des délinquants et à la détermination des progrès que réalisent ceux-ci. Les nouveaux postes d'agents de programmes correctionnels seront créés et classifiés au niveau WP-04, à compter du 1er avril 2002.

[11]    Le commissaire adjoint a souligné, dans sa note de service du 23 janvier 2002, que la tâche liée aux prestations des programmes s'est accrue par suite de l'application de la directive établissant un cadre pour l'élaboration et la gestion des programmes correctionnels. Cette directive a souligné que le processus d'accréditation des programmes et des unités est en place depuis le mois de janvier 1999 et a précisé l'importance du contrôle de la qualité et de la formation et de l'accréditation du personnel (pièce G-24).

[12]    Un processus de nomination sans concours a été mis en opération pour combler les nouveaux postes d'agents de programmes correctionnels (WP-04) (pièce G-27). Le processus de sélection est ouvert aux personnes détenant des postes d'agent de programme (WP-03) et qui se qualifieront selon les étapes suivantes :

  1. L'employé doit compléter le questionnaire de déclaration d'intérêt qui sera acheminé au comité national de sélection;

  2. Une évaluation du candidat est complétée par son gestionnaire;

  3. Les candidats doivent participer à une formation obligatoire de trois jours et ils feront l'objet d'une évaluation par les formateurs;

  4. Le comité national de sélection déterminera si le candidat rencontre les exigences et s'il se qualifie pour le nouveau poste;

  5. Les employés qualifiés recevront une lettre d'offre d'emploi pour le nouveau poste.

[13]    Un processus similaire s'applique pour les nouveaux postes d'agent de programme social (WP-03), qui sont aussi créés le 1er avril 2002, sauf en ce qui a trait à la durée de la formation obligatoire, qui est de cinq jours.

[14]    La formation offerte aux agents de programmes visait, entre autres, à développer leurs compétences sur trois éléments principaux (pièce G-32) :

. . .

  • Capacité de déterminer les besoins de la population et de contribuer à la planification de gestion des programmes.

  • Capacité d'examiner le plan correctionnel et les présentations en vue d'une participation à des programmes pour veiller à ce que les critères relatifs aux programmes soient respectés.

  • . . .

  • Capacité d'évaluer et de gérer le risque et d'en faire état dans le contexte du programme.

...

[15]    Selon les fonctionnaires s'estimant lésés, ces compétences devaient être acquises par les agents de programmes pour qu'ils puissent assumer les principales activités, précisées dans les descriptions de travail de l'agent de programme depuis 1993 (pièce G-33) :

La première compétence indique que le titulaire :

Conseille le chef programmes sur la prestation de nouveaux programmes et/ou le renouvellement de programmes spécifiques à sa spécialité et propose les contrats de marché de service;

La seconde compétence indique qu'il ou elle :

Procède à l'évaluation préalable à l'admission des participants au programme;

Procède à l'évaluation du participant dans le programme donné;

La troisième compétence est déjà incluse au facteur #4 des connaissances et habilités :

Connaissance de la stratégie de gestion de cas.

La quatrième compétence indique qu'il ou elle :

Analyse, évalue la qualité de la prestation des services à contrat.

Recherche de nouvelles ressources professionnelles dans le domaine de sa spécialisation.

[16]    Selon les fonctionnaires s'estimant lésés, ces compétences (visées à la formation) devaient être acquises par les agents de programmes pour assumer l'activité principale suivante, énoncée au point 4 des activités principales de la description de poste de janvier 1996 (pièce G-18) :

...

4.Effectuer les rapports de fin de programmes; informer les intervenants des lacunes et progrès réalisés par les participants aux programmes en fonction des objectifs au plan correctionnel; recommander les interventions appropriées en fonction de la gestion du risque.

...

[17]    Les mêmes activités ont été reprécisées à la description de travail, rédigées en octobre 2001 (pièce G-21) et ont été citées au paragraphe 9 de la présente décision.

[18]    L'énoncé de qualités pour le poste d'agent de programme (révisé en juillet 1997) précise ce qui suit (pièce G-34) :

CONNAISSANCES

La Mission et les objectifs corporatifs.

Processus d'évaluation du risque et des besoins du Service correctionnel du Canada.

. . .

CAPACITÉS ET COMPÉTENCES

. . .

Capacité d'analyser les résultats d'évaluation du risque et des besoins, d'examens de dossiers et d'entrevues avec des clients, ainsi que de recommander les programmes de niveau d'intensité appropriés.

. . .

Capacité de participer de manière efficace aux conférences de cas tenues dans le cadre de l'évaluation du risque et des besoins des délinquants, de même qu'à l'élaboration des plans correctionnels.

...

[19]    Les fonctionnaires s'estimant lésés ont précisé que les agents de programmes doivent être compétents en regard de l'évaluation du risque selon les éléments précisés aux "Instructions Permanentes (726)", relatives à la Gestion des Programmes correctionnels, en date du 12 janvier 1999 (pièce G-35). Selon ces Instructions, les agents de programmes doivent avoir une formation en évaluation du risque afin d'être en mesure de déterminer si un délinquant peut participer à un programme. Les facteurs définis à l'évaluation initiale du délinquant ainsi que le risque de récidive qu'il présente sont pris en considération dans cette démarche. Si l'agent de programmes détermine que le programme ne convient pas au délinquant, le cas est référé à l'agent de liberté conditionnelle qui doit en préciser les raisons au comité des programmes qui prendra la décision finale.

[20]    Les fonctionnaires s'estimant lésées admettent, dans leurs témoignages, que les fonctions et responsabilités qu'ils ont assumées comme agents de programmes ont évolué au cours des ans. Les agents de programmes désiraient que leur description de poste soit complète et reconnue au niveau national, lors de l'exercice de la norme générale de classification. Ils ont appris à gérer le risque et à l'évaluer en relation avec les critères criminogènes dans la pratique de leurs fonctions et en travaillant en relation avec les agents de libération conditionnelle, qui avaient une formation à cet égard. À compter de 1999, les agents de programmes sont plus impliqués dans les rencontres avec les détenus et dans leurs évaluations en relation avec leurs plans correctionnels et les évaluations versées à leurs dossiers. En juillet 2001, ils ont fait ajouter à leur description de fonctions qu'ils doivent partager avec les agents de gestion de cas leurs évaluations en regard du plan correctionnel et des modifications à y apporter. Avant 1999, environ 15 % des détenus référés à des programmes pouvaient être refusés par les agents de programmes, car les agents de libération conditionnelle connaissaient peu les programmes. Aujourd'hui, environ 5 % des détenus sont refusés aux programmes précisés dans leur plan correctionnel initial. Maintenant, les agents de programmes recommandent les modifications au plan correctionnel du détenu, qui doit être modifié par l'agent de libération conditionnelle et l'équipe de gestion de cas. Depuis 1999-2000, la Commission nationale des libérations conditionnelles exige, de plus en plus souvent, de voir les rapports des agents de programmes.

[21]    La comparaison effectuée par les fonctionnaires s'estimant lésés de la description du poste d'agent de programme (juillet 2001; pièces G-21 et G-22) et la description du poste d'agent de programme correctionnel (1er avril 2002; pièce G-25) démontre que 90% des fonctions et responsabilités sont identiques. Pour eux, les " nouvelles " fonctions apparaissant dans la description du poste d'agent de programme correctionnel (WP-04) étaient assumées par les agents de programmes même si elles n'étaient pas incluses dans leur description de fonctions (WP-03).

[22]    Ewen Newton, agent de classification, a précisé que les éléments rayés à la description de travail des agents de programmes correctionnels (pièce G-39 b)) apparaissaient dans la description de 2001 pour les agents de programmes (pièces G 21 et G-22). Les passages soulignés à la pièce G-39 b) ne se retrouvent pas dans la description des agents de programmes de 2001. La comparaison " mécanique " de la pièce G-39 b) ne compare que les mots utilisés et ne fait pas référence au fond des responsabilités. M. Newton précise que Denis Barbe, directeur intérimaire des programmes de réinsertion sociale à l'administration centrale, est l'auteur de la description de poste d'agent de programme correctionnel de 2002. M. Newton a eu connaissance de la correspondance relative à l'évaluation des griefs des fonctionnaires s'estimant lésés et a recommandé à Brenda Marcoux, conseillère en relations de travail, de discuter des éléments qui y sont soulevés avec M. Barbe.

[23]    Denis Barbe a présenté un historique des programmes. Des programmes éducatifs sont en place depuis 1988, et des programmes au niveau du développement personnel commencent à se développer. À cette époque, les cours sont prodigués par des agents de correction ou des enseignants, et il n'y a pas de poste d'agent de programme. Entre 1990 et 1995, des postes d'agent de programme sont créés et sont classés au niveau WP-02 et, plus tard, WP-03. Un processus d'accréditation des programmes est mis sur pied et relève d'un comité d'experts internationaux. Les programmes offerts par les établissements sont évalués par un comité d'une autre région pour assurer un contrôle de qualité. Les agents de programmes reçoivent une formation et un suivi par vidéo est effectué afin d'être accrédité au niveau national. Les diplômés (criminologie; psychologie; sciences sociales; etc.) sont recherchés pour combler les postes d'agents de programmes car ils ont un rôle à jouer en regard de la gestion du risque pour un détenu.

[24]    Le développement des programmes de réinsertion sociale incite le service à impliquer davantage les agents de programmes dans l'équipe de gestion de cas et dans l'identification et l'évaluation des besoins. Dans son témoignage, M. Barbe a identifié les trois éléments différents dans la nouvelle description de tâches des agents de programmes correctionnels qui sont précisés à la pièce G-42 comme suit :

  1. Membre à part entière de l'équipe de gestion pour confirmer ou informer les références aux programmes suite à l'évaluation initiale. Ce qui implique la consultation des agents de programmes lors de l'élaboration des plans correctionnels (à l'évaluation initiale et/ou lors des révisions), ainsi que la participation des agents de programmes au comité des programmes où doivent avoir lieu des discussions cliniques sur les inscriptions aux programmes de chacun des cas. Le rôle des agents de programmes correctionnels n'est plus simplement celui d'un communicateur de l'information mais il peut contester et même ultimement amener un changement dans une décision des agents de libération conditionnelle. Le rôle des agents de programmes correctionnels lors de ces réunions est donc beaucoup plus étendu.

  2. Les agents de programmes, suite à leur participation au processus d'évaluation initiale et continue des délinquants doivent conseiller les Chefs programmes sur les besoins de la population de l'unité où ils travaillent (ceci incluant tous les délinquants du centre de responsabilité). Ce qui implique la participation des agents de programmes à des réunions de planification correctionnelle où l'on discute des priorités de programmes pour l'ensemble de la population.

  3. Tenir compte de la gestion du risque dans l'évaluation des participants au programme en utilisant la nouvelle grille de rapport introduite par l'administration centrale conformément à la formation nationale sur la gestion du risque.

...

[25]    Lors de son témoignage, M. Barbe précise comme suit les éléments des activités principales qui ont été modifiées dans la description de travail des agents de programmes correctionnels (pièce G-25) :

Activités principales

  • Évaluer et analyser les données sur le(la) délinquant(e), à titre de membre de l'équipe de gestion des cas, afin de déterminer s'il(elle) doit participer à un programme en vue d'influer sur les facteurs de risques liés à la réinsertion sociale.

  • Analyser et interpréter les résultats des tests et préparer des rapports détaillés de fin de programmes reposant sur les évaluations et les objectifs de l'intervention.

  • Évaluer les besoins en matière de programmes à l'intention des délinquant(e)s de façon continue et interpréter les progrès du(de la) délinquant(e) et sa participation aux programmes en relation avec les objectifs cités dans le plan correctionnel.

  • Donner des conseils éclairés relatifs à l'élaboration et à la révision des plans correctionnels en tenant compte des besoins des délinquant(e)s et des programmes qui conviennent pour diminuer le risque.

  • Compléter les évaluations propres aux programmes dans le cadre du processus d'évaluation initiale. Déterminer les besoins actuels et futurs des délinquants(e)s et groupe de délinquant(e)s en matière de programmes et planifier en conséquence.

  • Offrir du counseling direct et des séances de groupe aux délinquant(e)s dans les milieux carcéraux et communautaires.

  • Intervenir de façon active auprès des délinquant(e)s qui ont été orientés vers des programmes afin de les motiver et de les encourager à participer à des programmes et à modifier leur comportement.

  • Offrir des programmes correctionnels efficaces reposant sur les normes nationales relatives aux besoins criminogènes des délinquant(e)s. Il est nécessaire d'utiliser des procédures rigoureuses d'assurance de la qualité afin d'assurer la conformité aux normes nationales et aux exigences de l'accréditation dans le but de dispenser les programmes efficacement. Bon nombre de ces agent(e)s dispensent une variété de programmes à des niveaux d'intensité différents, dans le but de répondre aux besoins des délinquant(e)s.

  • Faire la promotion des résultats des programmes correctionnels en relation avec le potentiel de réinsertion sociale. Informer, donner des conseils éclairés et offrir des séances de sensibilisation au personnel du Service correctionnel en ce qui concerne les exigences de l'accréditation, les normes nationales, les mesures d'assurance de la qualité, les instruments d'évaluation psychométrique, le contenu des programmes, les objectifs d'intervention et le lien avec la réinsertion sociale, la clientèle cible, les rapports de fin de programmes et les résultats.

  • Assurer la liaison avec d'autres employés (agent(e) de libération conditionnelle, psychologues, agent(e) de correction, gérant(e) d'unité) afin d'assurer l'échange de renseignements pertinents sur la participation des délinquant(e)s aux programmes.

  • Établir des liens avec des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux afin qu'ils puissent offrir des programmes ou des composantes de programmes.

[26]    La formation donnée aux agents de programmes pour les qualifier aux postes d'agent de programmes correctionnels précise trois éléments :

  • Connaissance de l'ensemble des programmes correctionnels.

  • Rôle de l'agent de programmes correctionnels au niveau du comité des programmes institutionnels.

  • Évaluation de la gestion du risque.

[27]    Le manuel du participant distribué lors de la formation précise les éléments de la gestion du risque qui doivent maintenant être inclus dans le rapport post-programme (pièce E-3). Les commentaires à l'égard de la gestion des risques précisés par M. Barbe se présentent comme suit (pièce G-42) :

...

Commentaires :

Dans la description de tâches actuelle des deux employés, on fait référence à l'évaluation du risque, c'est à dire qu'on analyse les acquis des détenus en rapport avec les facteurs contributifs.

La gestion du risque tel que conçu dans la nouvelle description de tâche[s] et tel que présentée lors de la formation sur la gestion du risque implique une connaissance et l'application des 4 éléments de la gestion du risque (évaluation initiale; planification; prestation et évaluation des changements) et de la capacité à recommander des stratégies de gestion du risque pour réduire le niveau de risque de chacun des cas. Les stratégies de gestion du risque telle que celles enseignées lors de la formation peuvent inclure des programmes autres que ceux pour les quels [sic] l'agent a été formé, ou encore des signes précurseurs d'une désorganisation, ou encore des indices annonçant l'augmentation d'un niveau de besoin etc.

[28]    Selon M. Barbe, ces éléments, qui ne se retrouvaient pas aux rapports post-programme effectués par les agents de programmes (pièces E-5 à E-7), deviennent le point central des rapports demandés aux agents de programmes correctionnels, qui doivent maintenant se conformer à la grille d'évaluation précisée à la pièce E-3.

[29]    Selon l'employeur, les agents de programmes participaient au comité de gestion de cas en 1996. Ils ont été reconnus comme partie intégrante de ce comité dans la description de poste de 1999. Au nouveau poste d'agent de programmes correctionnels, ils participent au comité au même niveau que les agents de libération conditionnelle. Les agents de programmes pouvaient recommander qu'un détenu se voit refuser un cours ou soit orienté vers un autre mais, selon la description de poste qui était en vigueur en 1999, c'est le comité des programmes qui décidait. La nouvelle description pour le poste d'agent de programmes correctionnels de 2001 élargit cette intervention.

[30]    Le sous-commissaire aux ressources humaines a été conseillé par Mme Marcoux relativement aux présents griefs. Mme Marcoux était une des correspondantes aux pièces G-35 à G-46. Au moment de la rencontre avec les fonctionnaires, qui est précisée à la pièce G-40 a), Mme Marcoux n'avait pas pris connaissance de la comparaison mécanique entre les descriptions de poste d'agents de programmes et d'agents de programmes correctionnels (pièce G-39 b)). Mme Marcoux précise qu'en octobre 2002, elle était toujours en attente des réponses des gestionnaires de l'établissement de Cowansville relativement aux tâches du nouveau poste effectivement mises en application (pièce G-41). Dans le précis de grief déposé comme pièce G-45, elle conclut:

...

Plusieurs discussions ont eu lieu avec la division des programmes de réinsertion, la division de la classification ainsi qu'avec la gestion locale (directrice de l'établissement et l'ancien surveillant des employés) dans le but de s'assurer que les employés ne faisaient pas, avant le 1er avril 2002, les tâches faisant parties de la nouvelle description de poste des agents de programmes correctionnels (WP-04). Il fut difficile de répondre clairement à cette question puisque la gestion locale a mentionné que les tâches des employés, en pratique, n'avaient pas vraiment changées [sic] depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle description de poste (WP-04). Comme les différences entre les deux postes sont très techniques et pas très évidentes pour les gens qui ne sont pas des spécialistes en la matière, il semble être difficile pour la gestion locale de tracer une ligne claire entre l'ancien poste d'agent de programme (WP-03) et le nouveau poste d'agent de programme correctionnel (WP-04). En fait, comme nous pouvons le voir dans le document préparé par M. Barbe, les tâches ne sont pas vraiment nouvelles, c'est la façon de les effectuer ainsi que le contexte dans lequel elles s'effectuent qui ont été modifiés.

...

[31]    Gilles Lacasse, directeur adjoint des programmes correctionnels à l'établissement de Cowansville, a été consulté relativement aux trois éléments identifiés par M. Barbe à la pièce G-42. Son évaluation, précisée à la pièce G-43, maintient que les employés seraient en mesure de démontrer que les éléments précisés aux points 1 et 2 de la pièce G-42 ont fait partie de leurs tâches avant 2002. Relativement à la gestion du risque, il s'interroge si l'employeur peut démontrer que des changements importants sont appliqués, outre le formulaire, depuis la formation pour qualifier les agents de programmes correctionnels.

Arguments

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés

[32]    Le représentant des fonctionnaires s'estimant lésés soumet que l'employeur reconnaît, depuis 1998, que les agents de programmes doivent être classés au même niveau que les agents de libération conditionnelle.

[33]    La description de travail des agents de programmes a été clarifiée en juillet 2001 et appliquée rétroactivement à février 1999. La classification du poste a été maintenue au niveau WP-03 en septembre 1999 (pièce G-20).

[34]    L'employeur a décidé de créer un nouveau poste d'agent de programmes correctionnels et une description de travail a été rédigée au mois de janvier 2002 (pièces G-23 et G-25). Les employés ont suivi et réussi la formation, se qualifiant ainsi pour occuper les nouveaux postes. Ces postes d'agents de programmes correctionnels ont été classés au niveau WP-04.

[35]    Les fonctionnaires s'estimant lésés ont ainsi des griefs basés sur la clause 64.07 de la convention collective, alléguant qu'ils effectuent les fonctions de niveau WP-04 depuis le 19 février 1999 et qu'ils sont en droit d'être rémunérés à ce niveau.

[36]    La preuve démontre clairement que les fonctionnaires s'estimant lésés ont assumé, en grande partie, des fonctions de niveau WP-04. La comparaison entre les descriptions de travail d'agents de programmes et d'agents de programmes correctionnels n'indique qu'une légère différence qui découle de la formation qu'ils ont reçue antérieurement à leurs nominations, ne les disqualifiant pas à recevoir la rémunération de niveau WP-04 pour la période située entre le 19 février 1999 et le 1er avril 2002.

[37]    L'employeur a, en fait, reclassifié l'ancien poste d'agent de programmes au niveau WP-04 et il doit rémunérer, en conséquence, les employés qui ont assumé les fonctions de ce niveau. Suivant la décision rendue par la Cour fédérale dans l'affaire Stagg c. Canada (Conseil du Trésor) , [1993] A.C.F. no. 1393 (QL) que le fonctionnaire avait le droit d'être rémunéré au niveau de classification supérieure, après qu'il ait exécuté des fonctions qui ont été reconnues, après-coup, de niveau de classification supérieure, cette décision doit recevoir application aux présents dossiers. Suivant le principe précisé à la décision Charpentier c. le Conseil du Trésor (Environnement Canada) dossiers de la CRTFP 166-2-26197 et 26198 (1997) (QL), une fois que l'employeur reconnaît que le poste est d'une classification supérieure, le fonctionnaire a le droit d'être rémunéré à ce niveau s'il en a effectué les fonctions et reconnaître ces faits ne constitue pas une reclassification rétroactive.

[38]    Dans la décision Macri c. le Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord) dossier de la CRTFP 166-2-15319 (1987) (QL), l'arbitre a retenu que la fonctionnaire a assumé des fonctions d'une position de niveau supérieur, bien que l'employeur ait évalué le niveau de classification du poste au niveau inférieur. Selon la Cour d'appel fédérale (Sa Majesté La Reine du Chef du Canada et Lenda Macri, [1988] A.C.F. No. 581) en rendant une telle décision, l'arbitre n'a pas usurpé les pouvoirs des agents de classification.

[39]    La nature des présents griefs n'est pas rattachée à la classification du poste mais bien à la rémunération attachée aux fonctions assumées par les fonctionnaires s'estimant lésés pour une période déterminée. Cette orientation a été retenue aux décisions rendues par la Commission dans Woodward c. le Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada) , 2000 CRTFP 44 et par la Cour d'appel fédérale dans Blais c. sa Majesté la Reine, [1986] A.C.F. No. 918 et devrait recevoir application dans les présents griefs.

[40]    L'étude comparative des descriptions de fonctions déposée lors des arguments souligne que les fonctionnaires s'estimant lésés ont assumé 89,8 % des tâches énumérées dans la description d'agents de programmes correctionnels. Ils ont ainsi démontré qu'ils ont exécuté à titre intérimaire une grande partie des fonctions d'un niveau de classification supérieur, ouvrant ainsi droit à la rémunération à ce niveau suivant la clause 64.07 de la convention collective. Le représentant des fonctionnaires s'estimant lésés admet, lors de sa réplique, que l'employeur a augmenté l'implication des agents de programmes dans l'évaluation du risque, mais pas d'une façon substantielle.

[41]    Suivant la preuve présentée lors de l'audience, les fonctionnaires s'estimant lésés ont participé à l'évaluation du risque relié aux facteurs criminogènes et ont eu un rôle à jouer relativement au plan correctionnel des détenus depuis février 1999. Ces fonctions n'ont pas été modifiées substantiellement dans la nouvelle description d'agents de programmes correctionnels, l'employeur reconnaissant que seul le formulaire d'évaluation a été modifié (M. Lacasse). Mme Marcoux précise qu'il lui est difficile de faire les distinctions entre les deux fonctions. M. Barbe reconnaît que, à part le rapport final d'évaluation, les fonctions sont semblables et que les fonctionnaires participaient à l'évaluation du risque et du plan correctionnel comme agents de programmes. Il prétend que la formation leur a donné une connaissance plus large de l'ensemble des programmes, mais les témoignages des fonctionnaires s'estimant lésés démontrent qu'ils possédaient ces connaissances avant et les mettaient en pratique depuis 1999.

[42]    Relativement à l'objection relative à la tardivité des griefs formulée en objection préliminaire par l'employeur, les fonctionnaires s'estimant lésés soumettent que les griefs ont été soumis dans les 25 jours de la prise de connaissance du contenu de la description de travail pour le poste d'agent de programmes correctionnels datée du 15 février 2002 (pièce G-25).

Pour l'employeur

[43]    Par les griefs objets des présents dossiers, les fonctionnaires s'estimant lésés tentent de contourner la décision de classification de leur poste d'agent de programmes correctionnels au niveau WP-03, qui est datée du 28 septembre 2001 (pièce G-20). Suite aux griefs de description de tâches que les fonctionnaires s'estimant lésés avaient inscrits en février et mars 1999 (pièces G-8 et G-9), une nouvelle description de tâches pour le poste d'agent de programmes a été rédigée et signée par les fonctionnaires s'estimant lésés le 9 octobre 2001 (pièces G-20 et G-21). La décision déterminant que ce poste est de niveau WP-03 est contestée devant une autre instance et n'est pas finalisée.

[44]    Les fonctionnaires s'estimant lésés demandent à l'arbitre de comparer le contenu des descriptions de postes d'agent de programmes et d'agent de programmes correctionnels selon l'allégation qu'elles sont similaires. Cet exercice trouve son application dans la nature de classification et n'est pas de la juridiction de l'arbitre.

[45]    Aucune preuve n'a été soumise démontrant que les fonctionnaires s'estimant lésés ont assumé des tâches qui sont au-delà de leur description de fonctions pour le poste d'agent de programmes qu'ils occupaient entre février 1999 et avril 2002. Au contraire, les fonctionnaires s'estimant lésés ont témoigné aux faits qu'ils effectuaient des tâches reliées à l'évaluation du risque et à la participation aux équipes de gestion de cas et que ces tâches étaient décrites aux pièces G-21 et G-22.

[46]    L'arbitre de grief n'a pas de compétence en matière de classification et ce principe s'applique lorsque les fonctionnaires s'estimant lésés s'acquittent des fonctions de leurs postes mais allèguent à leurs griefs que ces fonctions sont classifiées à un niveau supérieur dans d'autres postes. La décision est, en ce sens, dans Gvildys c. le Conseil du Trésor (Santé Canada) , 2002 CRTFP 86, et devrait recevoir application, les faits allégués étant semblables à ceux aux présents dossiers.

[47]    Même si les fonctionnaires s'estimant lésés avaient démontré que les postes d'agent de programmes et d'agent de programmes correctionnels sont identiques en terme de fonctions et responsabilités, l'arbitre ne peut pas avoir de compétence en ces cas, qui relèvent d'un exercice de classification. Ce principe a été établi à la décision Dougherty c. le Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel) dossiers de la CRTFP 166-2-25137 à 25142 et 166-2-25162 (1994) (QL).

[48]    Aux présents dossiers, il appert que les griefs sont une tentative détournée d'obtenir la reconnaissance d'une reclassification à un niveau supérieur des postes d'agent de programmes. Le raisonnement du Juge de la Cour fédérale dans Chadwick c. Canada (Procureur général) , [2004] A.C.F. no. 605 (QL) peut recevoir application a contrario aux présents dossiers.

[49]    Selon la preuve, les nouveaux postes d'agent de programmes correctionnels, qui ont été classes WP-04, comprennent de nouvelles responsabilités en regard de trois éléments précisés au courriel déposé comme pièce G-42. L'élément central des nouvelles responsabilités se situe au niveau de l'évaluation du risque et d'une implication à part entière des agents de programmes correctionnels à l'équipe de gestion de cas et au comité des programmes. Les agents de programmes correctionnels participent à des réunions de planification pour l'ensemble de la population carcérale, exerçant ainsi un rôle élargi. Une nouvelle grille de rapport tenant compte de la gestion du risque dans l'évaluation des participants aussi a été introduite par l'administration centrale.

[50]    Subsidiairement, les fonctionnaires s'estimant lésés n'ont pas démontré que, dans les faits, ils auraient exécuté en grande partie les fonctions de niveau WP-04 depuis le mois de février 1999. Ils ont prétendu que leurs tâches n'ont pas changé, contrairement à l'employeur qui a démontré que les attentes sont accrues au nouveau poste d'agent de programmes correctionnels. Les éléments nouveaux sur lesquels les rapports d'évaluation doivent être maintenant centrés n'apparaissent pas dans les rapports effectués par les agents de programmes avant l'installation des nouveaux postes d'agent de programmes correctionnels (pièce E-5).

[51]    Subsidiairement, la décision Coallier, [1983] F.C.J. No. 813 doit recevoir application, aucun élément ne démontrant de motif pour faire rétroagir la décision pour plus de 25 jours avant la date du 15 février 2002.

Motifs de la décision

[52]    Dans leurs griefs, les fonctionnaires s'estimant lésés demandent d'être rémunérés au niveau WP-04 pour avoir assumé des tâches et responsabilités de ce niveau pour la période débutant le 19 février 1999 jusqu'au 1er avril 2002. Ces griefs sont fondés sur la clause 64.07 de la convention collective, qui prévoit qu'un employé qui est tenu par l'employeur d'exécuter une grande partie des fonctions d'un niveau de classification supérieur pendant au mois trois jours de travail ou postes consécutifs a droit à la rémunération rattachée à ce niveau de classification.

[53]    Comme les fonctionnaires s'estimant lésés réclament la rémunération du niveau WP-04 pour la période déterminée, qui s'étend du 19 février 1999 au 1er avril 2002, leurs griefs rencontrent l'élément temporel (plus de trois jours) précisé dans la convention collective. Suivant le raisonnement précisé par la Cour fédérale dans la décision Stagg (supra), un grief présenté par un employé réclamant une rémunération provisoire et fondé sur une clause de la convention collective présentant un libellé similaire a trait à la rémunération et non pas à la classification. Ainsi, l'argument de l'employeur selon lequel les fonctionnaires s'estimant lésés rechercheraient la reclassification de leur poste d'agent de programmes ne peut être retenu, n'étant pas démontré par le libellé des griefs en cause.

[54]    Les fonctionnaires s'estimant lésés ont présenté de leurs griefs sur réception de la description de travail pour le poste d'agent de programmes correctionnels. Ils ont donc eu connaissance des circonstances donnant lieu aux griefs lorsqu'ils ont reçu la description de travail d'agent de programmes correctionnels le 15 février 2002. Ayant inscrit leurs griefs le même jour, l'arrêt Coallier (supra) ne peut pas recevoir application aux présents dossiers.

[55]    La preuve a démontré que les programmes correctionnels en place dans les institutions depuis 1988 ont beaucoup évolué. Ceux qui les dispensent ont vu leurs responsabilités croître et l'augmentation du nombres de programmes offerts. Les dispensateurs de programmes sont devenus des spécialistes formés pour dispenser certains programmes particuliers, puis pour certaines familles de programmes. Un processus d'accréditation de programmes a été instauré; les établissements et les dispensateurs de programmes ont été évalués et accrédités. Ces changements ont amené des modifications en regard des descriptions de travail des divers intervenants et les classifications de leurs postes ont été modifiées en conséquence de l'accroissement de leurs responsabilités.

[56]    Je comprends que les fonctionnaires s'estimant lésés, dans le cours de cette évolution du travail d'agent de programmes, ont constaté que certaines de leurs responsabilités étaient accentuées et que des tâches nouvelles s'ajoutaient et (ou) devenaient plus complexes. Ce constat est à l'origine de leurs revendications de faire modifier leur description de travail depuis 1998, et de leurs griefs de février et mars 1999 (pièces G-8 et G-9).

[57]    Les fonctionnaires s'estimant lésés voulaient alors faire reconnaître que leur implication professionnelle au niveau des programmes avait la même importance que celle des agents de libération conditionnelle. En décembre 1997, les deux fonctions avaient été classées au niveau WP-03. Malheureusement, la transformation du poste d'agent de gestion de cas à celui d'agent de libération conditionnelle a, de nouveau, rétabli l'avantage d'un niveau plus élevé pour l'agent de libération conditionnelle dès janvier 1998.

[58]    Ces griefs ont été réglés suite à une entente de médiation et la description de travail d'agent de programmes a été mise à jour le 10 septembre 2001 et présentée aux fonctionnaires en novembre 2001 (pièces G-21 et G-22). Bien que l'objectif de réexamen des descriptions de travail était d'attribuer à tous les groupes un niveau WP-04 selon le Comité national du programme d'acquisition de compétences psychosociales (pièce G-7), la nouvelle description de fonctions pour le poste d'agent de programmes a été maintenue au niveau WP-03 en septembre 2001 (pièce G-19).

[59]    À la fin du mois de janvier 2002, l'employeur a annoncé que de nouveaux postes d'agent de programmes sociaux (WP-03) et d'agent de programmes correctionnels de niveau WP-04 seraient créés le 1er avril 2002 (pièces G-27 et E-1). Pour les fins de la présente, seules les postes d'agent de programmes correctionnels sont pertinents. Un processus de nomination sans concours a été établi et les personnes titulaires de poste d'attache d'agent de programmes (WP-03) étaient admissibles pour participer au processus de sélection.

[60]    M. Barbe a témoigné au fait que l'employeur voulait précisément confier un rôle plus grand aux agents de programmes correctionnels en ce qui a trait à l'évaluation du risque présenté par un détenu en regard des critères criminogènes. Il a précisé que l'employeur voulait accroître l'influence que les agents de programmes avaient auprès des autres intervenants du secteur des programmes correctionnels en accroissant leur champ d'intervention à l'ensemble des programmes et en rendant plus formelle leur participation au comité des programmes et de gestion de cas. Ces éléments sont précisés à la pièce G-42. De ce témoignage, je retiens que l'employeur a effectivement voulu enrichir, le rôle et les fonctions de l'agent de programmes en créant le nouveau poste d'agent de programmes correctionnels à partir du 1er avril 2002. Bien que la décision de classifier le poste d'agent de programmes correctionnels au niveau WP-04 ne m'a pas été soumise, je perçois, dans l'ensemble de la preuve que ces responsabilités accrues au niveau de l'évaluation et de la gestion du risque seraient à l'origine de cette classification au niveau supérieur.

[61]    Les fonctionnaires s'estimant lésés ont souligné que l'étude comparative des descriptions de travail (pièce G-26) démontre que 89,8 % des articles de la description du poste d'agent de programmes correctionnels sont des copies des articles de la description du poste d'agent de programmes de juillet 2001 et comportent les mêmes exigences. (Voir le document déposé lors du plaidoyer et intitulé : Étude comparative (EC-2.)).

[62]    De la preuve soumise par les fonctionnaires s'estimant lésés, je conclus qu'ils ont, depuis février 1999, participé aux réunions de l'équipe de gestion de cas et du comité de programmes ainsi qu'à des rencontres de planification correctionnelles. Ils ont aussi démontré qu'ils ont effectivement tenu compte des éléments reliés aux risques de récidive et aux facteurs criminogènes lorsqu'ils devaient procéder à l'évaluation des détenus, soit lors de l'admission à un programme ou de l'évaluation post-programme. Ils ont effectivement partagé avec les autres intervenants et avec les délinquants les informations tirées de ces évaluations, ainsi que celles apparaissant aux plans correctionnels et aux dossiers auxquels ils ont eu accès.

[63]    Ces fonctions et responsabilités ont été effectivement incluses dans leur description de travail d'agent de programmes mise à jour le 10 septembre 2001, tel que reporté au paragraphe 8 de la présente décision.

[64]    Cette description de travail d'agent de programmes mise à jour en 2001 a été soumise à la classification pour réévaluation. Le rapport du comité de classification, daté du 28 septembre 2001, arrive à la conclusion que les groupe et niveau WP-03 demeurent recommandés (pièce G-20). Sans entrer dans les détails du rapport, il appert que l'ensemble des fonctions et responsabilités précisées à la description de tâches d'agent de programmes (2001) a été considéré, ainsi que les précisions fournies par Mme Dubé (directrice de l'établissement de Cowansville) en regard des tâches assumées par les agents de programmes. Il n'est pas à l'intérieur de la juridiction qui m'est attribuée comme arbitre par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) d'évaluer l'exactitude de cette classification du poste d'agent de programmes ou de celle attribuée au poste d'agent de programmes correctionnels suivant l'article 7 de la LRTFP.

[65]    Les éléments qui sont reliés à la description de travail pour le poste d'agent de programmes sont de niveau WP-03. En assumant les tâches et responsabilités de la description de travail modifiée le 10 septembre 2001, les fonctionnaires s'estimant lésés ont exécuté des fonctions de niveau WP-03 rattachées à leur poste d'agent de programmes, et ce, jusqu'au 2 février 1999, date à laquelle la description de travail modifiée à la suite de l'entente de médiation leur a été soumise. À cette date du 2 février 1999, je dois constater que la description de travail est un exposé complet et courant de leurs fonctions et responsabilités, en conformité avec le libellé de la clause 55.01 de la convention collective. S'il en était autrement, les griefs d'exposé des fonctions auraient été maintenus et n'auraient pas été réglés par les parties lors de la médiation.

[66]    Ainsi, jusqu'au 2 février 1999, les fonctionnaires s'estimant lésés n'ont pas exécuté, à titre intérimaire, une grande partie des fonctions d'un niveau de classification supérieur au sens de la clause 64.07 de la convention collective. Il reste à évaluer si les fonctionnaires s'estimant lésés ont exécuté des tâches de niveau WP-04 à partir du mois de février 1999 jusqu'au 31 mars 2002, pour la période indiquée aux griefs.

[67]    La preuve soumise par les fonctionnaires s'estimant lésés est au fait qu'ils ont effectué les mêmes fonctions depuis longtemps et que les responsabilités d'évaluer le risque de récidive et de déterminer des progrès des détenus leurs ont été reconnues à la description de travail modifiée le 10 septembre 2001. Ils n'ont pas témoigné que de nouvelles fonctions et responsabilités leur auraient été assignées par l'employeur ou auraient été accrues entre février 1999 et le 31 mars 2002, mais bien qu'ils avaient effectué les mêmes fonctions pendant toute la période en cause.

[68]    Suivant les études comparatives effectuées par les parties, environ 90 % des fonctions et responsabilités identifiées à la description de travail du nouveau poste d'agent de programmes correctionnels se retrouvaient à la description de travail du poste d'agent de programmes. Ainsi, la très grande partie des fonctions exécutées par les détenteurs de ces 2 postes sont identiques. Cet élément ne fait pas pourtant en sorte que l'agent de programmes assume " une grande partie des fonctions d'un niveau de classification supérieur " au sens de la clause 64.07. S'il en était ainsi, l'agent de programmes, en exécutant les seules fonctions inscrites à sa description de tâches, sans assumer aucune des responsabilités particulières et distinctives du poste d'agent de programmes correctionnels, assumerait des responsabilités d'un niveau de classification supérieur. Si j'arrivais à une telle conclusion, je reconnaîtrais aux fonctions et responsabilités d'agent de programmes, le niveau de WP-04, ce qui est au delà de ma compétence.

[69]    Pour conclure que les fonctionnaires s'estimant lésés ont droit d'être rémunérés au niveau WP-04, je dois être en mesure de constater qu'ils ont, au cours de la période en cause qui se termine le 31 mars 2002, assumé des fonctions qui sont précises dans la description de tâches du poste d'agent de programmes correctionnels et qui ne se retrouvent pas dans la description de tâches du poste d'agent de programmes. Comme ils ont témoigné qu'ils assument les mêmes fonctions depuis longtemps et que ces fonctions ont été reconnues lors de la réécriture de la description de travail pour le poste d'agent de programmes, je dois en déduire qu'ils n'ont pas assumé, entre le 3 février 1999 et le 31 mars 2002, de fonctions et responsabilités au-delà de leur description de travail.

[70]    Pour être en mesure de faire droit à leurs griefs, les fonctionnaires s'estimant lésés auraient dû me démontrer qu'ils ont assumé des tâches au-delà de leur description de travail. Ces tâches devraient être tirées de celles précisées dans les trois éléments énumérés par l'employeur (M. Barbe) qui constituent un accroissement aux anciennes tâches d'agent de programmes. Selon la preuve soumise par les fonctionnaires s'estimant lésés, ces derniers n'ont pas démontré qu'ils auraient été tenus par l'employeur d'exécuter, à titre intérimaire, des fonctions de niveau de classification supérieur. Faire droit aux griefs en de telles circonstances reviendrait à toute fin pratique à reclassifier le poste d'agent de programmes au niveau WP-04, ce qui est hors de la jurisdiction qui m'est attribuée par l'article 7 de la LRTFP.

[71]    Le nouveau poste d'agent de programmes correctionnels, établi le 1er avril 2002, attribue aux fonctionnaires s'estimant lésés de nouvelles fonctions et responsabilités et démontre que, à partir de ce moment, ils ont été tenus par l'employeur de les assumer. Les fonctionnaires s'estimant lésés n'ont pas réussi à assumer le fardeau de la preuve qui leur incombait de démontrer qu'ils avaient assumé ces nouvelles fonctions et responsabilités pour la période de février 1999 jusqu'au 31 mars 2002.

[72]    Les échanges de correspondances déposés comme pièces G-38 à G-41 et G-43 à G-45 avaient comme objectif de clarifier la positon de l'employeur afin de fournir une recommandation au dernier palier de la procédure de griefs. Les éléments contenus ne peuvent avoir une influence dans l'évaluation que je dois effectuer de la justesse des présents griefs. Il ne m'est d'aucune utilité de savoir si les personnes ayant participé à l'élaboration de la recommandation soumise au décideur au dernier palier de la procédure de griefs étaient toutes de la même opinion ou si elles ne partageaient pas, en tout ou en partie, les raisons motivant ladite recommandation. Mon rôle d'arbitre se situe plutôt à évaluer si les faits apportés en preuve lors de l'audience soutiennent l'allégation relative au non-respect de la clause 64.07 de la convention collective à savoir que les fonctionnaires s'estimant lésés auraient assumé des tâches de niveau WP-04 pour la période en cause.

[73]    Les décisions soumises par les parties ne sont pas utiles au présent dossier ; les faits qui y sont soulevés étant différents. Dans la décision Charpentier (supra), l'arbitre a conclu qu'il n'avait pas compétence pour octroyer une rémunération intérimaire dans le cadre de postes de niveaux différents qui ne se distinguaient que par la ville où les fonctions étaient exécutées.

[74]    Dans Stagg (supra), la Cour fédérale a évalué que la nature du grief relevait de la rémunération et non pas de la classification et que l'article 7 ne peut pas faire obstacle à l'exécution des obligations de rémunération prévues à la convention collective. Bien que ce principe peut recevoir application au présent dossier, il a été prouvé dans l'affaire Stagg (supra) que des modifications à la Loi sur l'immigration, entrant en application le 1er janvier 1989, avaient conféré à la requérante des responsabilités accrues. Aucune preuve de cette nature n'a été produite au présent dossier démontrant un accroissement des responsabilités entre février 1999 et le 31 mars 2002.

[75]    Dans la décision Macri (supra), la fonctionnaire s'estimant lésée a prouvé qu'elle avait assumé des fonctions d'un niveau supérieur. De plus, certains agissements de l'employeur (réajustement rétroactif de salaire) ont été considérés par l'arbitre comme une admission, par l'employeur, que la fonctionnaire s'estimant lésée avait effectué des tâches d'une classification supérieure. Aucune admission de cette nature ne se retrouve au présent dossier. Au contraire, l'employeur soumet que les responsabilités des fonctionnaires s'estimant lésés ont été augmentées au poste d'agent de programmes correctionnels à compter du 1er avril 2002.

[76]    Dans la décision Woodward (supra), il a été établi que la fonctionnaire s'estimant lésée avait assumé les fonctions de niveau de classification supérieur pour toute la période précédant une reclassification à la baisse, ce qui n'est pas le cas dans la présente instance.

[77]    Dans la décision Blais (supra), rendue par la Cour d'appel fédérale, il a été démontré que l'importance des tâches rattachées au poste avait été augmentée, ce qui a été reconnu par une reclassification à la hausse. Le fonctionnaire s'estimant lésé avait assumé les tâches du poste reclassifié pour toute la période en cause, ce qui n'est pas le cas dans le présent dossier.

[78]    Dans la décision Gvildys (supra), la preuve démontre que deux niveaux de classification ne se distinguaient que par l'exigence d'un diplôme universitaire pour le plus élevé. La conclusion tirée par l'arbitre, à partir de ces éléments, n'est d'aucune utilité ici.

[79]    Dans la décision Dougherty (supra), les faits en litige démontrent que des surveillants correctionnels exécutent les mêmes fonctions dans des établissements différents. Ces fonctions sont classifiées différemment et l'arbitre a refusé d'accorder une rémunération intérimaire dans une telle situation. Cette décision n'est d'aucune aide au présent dossier.

[80]    Par les motifs précisés à la présente, les griefs sont rejetés en conséquence.

[81]    En terminant, je dois reconnaître qu'une longue période s'est écoulée entre l'audience de ces griefs et la date de cette décision. J'aimerais rassurer les parties en affirmant que la Commission partage avec les parties l'importance d'un règlement rapide de toutes les questions dont elle est saisie et qu'elle s'efforce d'agir avec diligence dans tous les cas. Une combinaison de facteurs a malheureusement empêché de rendre cette décision plus rapidement. Je regrette les inconvénients que cette situation peut avoir causés aux parties.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

OTTAWA, le 7 février 2005

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