Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que l’employeur avait enfreint la convention collective lorsqu’il a prévu qu’elle ne travaillerait pas un jour férié alors qu’elle aurait plutôt dû se voir offrir la possibilité de travailler – le grief porte sur un libellé de la convention collective qui n’existe plus – au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a accepté d’accueillir son grief – il lui a offert un quart de travail compensatoire en échange de celui qu’elle avait perdu, qui devait être effectué dans les 60 jours suivant la réponse au grief au deuxième palier – la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas accepté la proposition de l’employeur, par conséquent, elle a demandé d’être rémunérée pour 12,75 heures au taux correspondant à une fois et demie son taux de salaire habituel – la Commission a indiqué qu’un long exposé sur l’interprétation adéquate de la clause précise de la convention collective n’aurait aucune raison d’être dans un cas où l’employeur a établi qu’il avait contrevenu à cette clause et a accueilli le grief lors de la procédure de règlement des griefs – la véritable question à trancher était celle de la réparation appropriée qui devait être accordée à la fonctionnaire s’estimant lésée par suite du grief qui a été accueilli au deuxième palier – l’employeur a soutenu que la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’était pas rendue disponible pour effectuer le quart de travail supplémentaire offert, qu’elle avait contrecarré l’entente et qu’il avait satisfait à ses obligations au titre de l’engagement pris dans la réponse au deuxième palier – l’agent négociateur a fait valoir que la fonctionnaire s’estimant lésée était en droit de recevoir une réparation en espèces et n’avait pas à travailler un quart – la Commission a conclu qu’elle ne voyait aucune ambiguïté dans la réponse au deuxième palier en ce qui concerne le nombre d’heures pour lesquelles la fonctionnaire s’estimant lésée devait être rémunérée et devant être portées à son crédit – l’employeur avait effectivement porté les quatre heures et demie de congé au crédit de la fonctionnaire s’estimant lésée, comme il s’était engagé à le faire – maintenant, il devait payer à la fonctionnaire s’estimant lésée les 12,75 heures au taux applicable des heures supplémentaires, soit une fois et demie son taux de salaire normal, tel qu’il était établi en 2011.

Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190315
  • Dossier:  566-02-7003
  • Référence:  2019 CRTESPF 35

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

TAMMY L. CUMMINGS

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Cummings c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Corinne Blanchette, Syndicat des agents correctionnels du Canada – Union of Canadian Correctional Officers – CSN (UCCO-SACC CSN)
Pour l'employeur:
Caroline Engmann, avocate
Affaire entendue à Victoria (Colombie-Britannique),
le 26 octobre 2018.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        Tammy L. Cummings, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a allégué que l’employeur, le Service correctionnel du Canada (le « SCC »), avait enfreint la clause 26.10 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et le Syndicat des agents correctionnels du Canada – Union of Canadian Correctional Officers – CSN (l’« agent négociateur »), qui a expiré le 31 mai 2010 (la « convention collective »), lorsqu’il a prévu qu’elle ne travaillerait pas un jour férié ([traduction] « mise en congé » (statted-off en anglais)), alors qu’elle aurait plutôt dû se voir offrir la possibilité de travailler. Cette clause n’existe plus dans les conventions collectives qui ont suivi, puisqu’un nouveau régime de traitement des quarts les jours fériés a été établi.

2        Le1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique(CRTEFP) qui remplace Commission des relations de travail dans la fonction publiqueet le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec laLRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013.

3        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la LCRTEFP et de la LRTFPpour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « LCRTESPF ») et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « LRTSPF »).

II. Résumé de la preuve

4        En vertu de la convention collective, l’employeur avait l’obligation d’assigner les jours fériés à l’agent correctionnel (CX) qui avait travaillé le moins d’heures pendant un jour férié. Selon la fonctionnaire, ces heures devaient être calculées pour chaque jour férié, et non à la fin de l’exercice, comme l’employeur l’a fait dans son cas. S’ils travaillaient un jour férié, les CX avaient droit à leur salaire habituel pour le quart, auquel s’ajoutait une compensation au taux d’une fois et demie leur salaire pour chaque heure travaillée, ce qui représentait 2,5 fois leur salaire pour ce quart de travail.

5        Le différend en l’espèce est survenu lorsque la fonctionnaire n’a pas été appelée à travailler le jour de la fête de Victoria en mai 2011.

6        Jason Stewart occupait un poste classifié CX-02, à l’Établissement William Head, à Victoria, en Colombie-Britannique (l’« établissement »). Au moment du dépôt du grief, il était membre du comité local d’établissement des horaires. À ce titre, M. Stewart a collaboré avec la direction de l’établissement et il a élaboré des quarts par rotation et géré les horaires et les politiques relatives aux horaires.

7        Entre 2006 et 2011, l’employeur informait les CX de l’établissement du pourcentage d’entre eux qui ne travailleraient pas lors des prochains jours fériés. Ces employés mis en congé touchaient leur salaire normal pour cette journée-là, mais n’étaient pas tenus de travailler.

8        Selon le témoignage de M. Stewart, un CX qui souhaitait travailler un jour férié donné présentait une demande. L’employeur conservait un registre des demandes et assignait les jours fériés en fonction du nombre d’heures travaillées pendant les jours fériés au cours de l’exercice par le CX qui souhaitait travailler un jour férié donné. Le CX qui avait travaillé le moins d’heures pendant des jours fériés au cours de l’exercice était inscrit à l’horaire de travail du prochain jour férié.

9        La mise en congé des employés était plus compliquée lorsque les jours de congé prévus d’un CX avaient lieu lors d’un jour férié, conformément aux rotations prévues à l’horaire. En pareil cas, leur premier jour de travail inscrit à l’horaire était réputé être leur jour férié et ils n’étaient habituellement pas tenus de travailler; ils étaient cependant rémunérés au taux normal pour la journée. Un CX qui souhaitait travailler le jour de son congé de rechange pouvait aussi demander de ne pas être mis en congé ce jour-là; dans ce cas, s’il était appelé au travail, il était rémunéré au taux majoré.

10         L’employeur tenait à jour une liste des employés mis en congé. Le nom des employés qui étaient prêts à travailler les jours fériés figurait sur cette liste. Les noms des CX sur la liste étaient classés en fonction du nombre d’heures qu’ils avaient travaillées pendant des jours fériés au cours de l’exercice. Les travailleurs de quarts se voyaient attribuer le droit de refuser en premier les heures de travail les jours fériés, et ils étaient suivis des CX qui travaillaient les quarts de jour, du lundi au vendredi. Les travailleurs de quarts devaient être appelés en premier, parce qu’ils effectuaient les quarts visés par les mises en congé.

11         Dans son témoignage, M. Stewart a souligné que si un CX était appelé au travail un jour férié et qu’il refusait, le nombre d’heures offert et refusé était considéré comme ayant été travaillé dans le calcul du nombre total annuel d’heures de travail pendant des jours fériés. Si le CX était appelé et que l’établissement ne recevait aucune réponse, les heures n’étaient pas imputées au CX.

12         Le jour férié d’un CX mis en congé équivalait à 8,5 heures de travail. Les CX qui travaillaient habituellement un quart de 12,75 heures et qui étaient mis en congéétaient rémunérés pour le quart de 12,75 heures, à leur taux habituel. Cependant, ils devaient à l’employeur 4,25 heures, qu’ils devaient rembourser en travaillant à un moment mutuellement convenu ultérieurement ou en utilisant les crédits de congé annuel. Les CX qui travaillaient habituellement un quart de 12,75 heures et qui travaillaient un jour férié étaient rémunérés pour tout le quart de 12,75 heures sans avoir à concilier les heures.

13         La fonctionnaire a déclaré qu’elle occupait aussi un poste classifié CX-02 à l’établissement. Elle avait été mise en congé pour la fête de Victoria en 2011, mais avait demandé d’être inscrite sur la liste de rappel (pièce 5). Lorsque cette liste a été publiée, elle a remarqué que ses heures avaient été consignées de manière inexacte. Le registre indiquait qu’elle avait accumulé 25,5 heures de travail pendant des jours fériés, alors que, selon la preuve qu’elle a présentée, 12,75 heures auraient dû y figurer.

14         Lorsque la fonctionnaire a pris connaissance de l’erreur, elle a envoyé un courriel au gestionnaire correctionnel, Horaires et déploiement(GCHD) (pièce 6), qui était chargé de l’horaire. Elle souhaitait qu’il corrige les heures qui lui avaient été imputées à tort pour la fin de semaine pascale plus tôt au cours de l’année, lorsqu’elle avait demandé à être mise en congé pour le Vendredi saint seulement, ce qui équivalait à 12,75 heures, et non à 25,5 heures, comme l’indiquait la liste de rappel du mois de mai.

15         Selon la fonctionnaire, elle n’a jamais reçu de réponse. Après la fête de Victoria, elle a découvert qu’un autre agent qui avait accumulé 25,5 heures avait été rappelé pour travailler le jour férié en question. Elle a interrogé le GCHD à ce sujet, et il lui a dit que le nombre d’heures qui lui avaient été imputées était exact, puisqu’elle avait été appelée pour un jour férié antérieur, et que l’établissement n’avait reçu aucune réponse.

16         La fonctionnaire a nié avoir reçu un appel de l’établissement au cours de la fin de semaine pascale. Elle a demandé les relevés de ses appels entrants et sortants à son fournisseur de téléphone cellulaire lesquels, selon son témoignage, établissaient qu’elle n’avait reçu aucun appel le jour en question. Elle a présenté ces relevés à l’employeur.

17         Il s’est avéré qu’une erreur d’écriture avait été commise, et que les heures de la fonctionnaire et celles de l’autre CX avaient été inversées. L’autre CX était censé se voir imputer 25,5 heures, et la fonctionnaire était censée se voir imputer 12,75 heures. N’eût été cette erreur, elle aurait eu droit au quart de travail que l’autre CX a travaillé le jour de la fête de Victoria.

18         Audeuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a accepté d’accueillir le grief de la fonctionnaire (pièce 3, onglet 2). Il lui a offert un quart de travail compensatoire en échange de celui qu’elle avait perdu, qui devait être effectué dans les 60 jours suivant la réponse au grief au deuxième palier. La fonctionnaire a déclaré que l’employeur n’avait pas proposé un quart de travail compensatoire particulier en échange de celui qu’elle avait manqué lorsqu’elle n’avait pas été appelée le jour de la fête de Victoria. Même si l’employeur l’avait fait, cela n’aurait rien changé, puisque la fonctionnaire a été incapable de trouver un service de garde d’enfants qui lui aurait permis d’effectuer le quart de travail compensatoire dans les 60 jours suivant le jour férié et que, pour cette raison, ce quart n’a jamais été prévu à l’horaire.

19         Selon le témoignage de la fonctionnaire, elle n’a pas accepté la proposition de l’employeur énoncée dans la réponse au deuxième palier. Par conséquent, elle demande d’être rémunérée pour 12,75 heures au taux correspondant à une fois et demie son taux de salaire habituel.

20         D’autre part, l’employeur a déclaré que son obligation était de veiller à ce que les jours fériés soient équitablement distribués aux fins des heures supplémentaires. Il avait en place un système en vertu duquel les jours fériés étaient distribués en rappelant des CX au travail, si leurs services étaient requis. Si les CX n’étaient pas rappelés au travail au moyen de ce système, ils étaient rémunérés pour huit heures et demie à leur taux de salaire habituel et n’étaient pas tenus de travailler. Ceux qui travaillaient touchaient la prime.

21         Une erreur a été commise dans l’enregistrement des heures de rappel de la fonctionnaire pour le jour de la fête de Victoria en mai 2011 et, par conséquent, aucune occasion de travailler ne lui a été offerte. L’employeur a proposé d’y remédier en offrant à la fonctionnaire la possibilité de travailler des heures supplémentaires, ce que cette dernière a refusé, selon l’employeur. Celle-ci a refusé l’offre en 2012, puis l’a refusée de nouveau lorsqu’elle lui a été proposée une deuxième fois. Elle a refusé l’offre une fois de plus lorsqu’elle lui a été offerte de nouveau le matin de l’audience. L’employeur a tenté de bonne foi de régler le grief, mais la fonctionnaire n’a tout simplement pas accepté sa proposition. Elle ne voulait pas travailler ces heures-là; elle voulait seulement recevoir une rémunération équivalente.

22         Stephen Phillips était le GCHD de l’établissement au moment du dépôt du grief. Il était chargé de la production de tous les horaires et de la création de la liste des mises en congés et de la liste de rappel. Il a déclaré qu’à l’occasion des 11 jours fériés, chaque année, l’établissement est fermé, et que les CX dont les services ne sont pas requis sont mis en congé. Les CX qui ont été mis en congé lors d’un jour férié peuvent signaler leur disponibilité à travailler le jour férié en question. En cas de rappel, s’ils ne répondent pas ou s’ils ne sont pas disponibles, les heures de disponibilité signalées s’ajouteront aux heures travaillées pendant un jour férié sur la liste de mise en congé.

23         Selon l’horaire de la fonctionnaire pour la période du 18 avril au 30 mai 2011 (pièce 3, onglet 3), elle a pris congé les 23 et 25 avril. Comme le 22 avril correspondait au Vendredi saint et à sa journée de repos, son jour férié de rechange tombait le 23 avril. Par conséquent, selon son horaire et les témoignages des témoins, elle était en congé pourles deux jours fériés de Pâques 2011. Son nom a été ajouté à la liste de rappel du 23 avril (pièce 4). Le bureau du GCHD tenait à jour un tableur indiquant les jours fériés que chacun des CX s’était vu offrir, avait refusé ou avait travaillé (pièce 3, onglet 5).

24         Le 23 avril 2011, la fonctionnaire a été rappelée au travail. Le bureau du GCHD n’a reçu aucune réponse à l’appel et n’a pas pu laisser un message. M. Phillips a déclaré que la connexion n’avait pas été établie, mais que l’appel avait été fait à deux reprises. Il a été enregistré sous la forme [traduction] « aucune réponse » et 12,75 heures ont été imputées à la fonctionnaire, en plus des 12,75 heures pour lesquelles elle avait demandé congé le jour du vendredi saint, ce qui explique le total de 25,5 heures noté sur la liste de rappel qui a été utilisée pour la fin de semaine de la fête de Victoria. L’erreur figurant dans la liste utilisée en mai 2011 ne découlait pas d’une inversion entre les heures de la fonctionnaire et celles de l’autre CX; le problème était que tous deux auraient dû avoir 25,5 heures, puisque l’autre agent avait aussi refusé un rappel au travail le 26 avril 2011, et que ces heures n’avaient pas été enregistrées.

25         Lorsque M. Phillips a reçu le courriel de la fonctionnaire contestant la liste de rappel pour la fin de semaine de la fête de Victoria, il lui a répondu en personne. Lors de leur rencontre, la fonctionnaire lui a dit qu’elle n’avait jamais reçu d’appels ni de courriers vocaux de l’établissement le 23 avril. Il a alors changé le nombre d’heures accumulées par la fonctionnaire à 12,75 heures, ce qui était exact selon la fonctionnaire. L’employeur a rejeté le grief (pièce 1), mais il a ajusté les heures de jours fériés de la fonctionnaire pour tenir compte de la méthode de suivi convenue.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

26         Les jours fériés et les heures supplémentaires sont deux choses différentes, et la disponibilité des CX à cet égard est tenue à jour sur deux listes distinctes. Les jours fériés sont visés par la clause 26.10 de la convention collective, que la Commission a interprétée de façon constante. Si une erreur de rappel est commise, la réparation appropriée est le paiement en espèces. C’est ce que la fonctionnaire a demandé dans son grief; elle n’a pas demandé d’avoir la possibilité de travailler un quart d’heures supplémentaires au taux majoré.

27         Le rejet du grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs a été infirmé au deuxième palier. La réparation appropriée à l’égard du manquement, que l’employeur a reconnu, n’était pas indiquée. Le libellé de la clause 26.10 de la convention collective et la pratique y afférente sont clairs; les personnes à rappeler un jour férié sont classées par ordre hiérarchique. Les CX qui refusent une offre de travail sont réputés avoir travaillé, et les heures leur sont imputées aux fins de la distribution. Selon la preuve présentée par M. Stewart et la fonctionnaire, si aucun contact n’est établi avec un CX, les heures ne sont pas imputées à ce CX.

28         M. Stewart est à la fois membre de l’exécutif de l’agent négociateur et membre du comité d’établissement des horaires. Il faut accorder plus de poids à la preuve de M. Stewart qu’à celle de M. Phillips, qui ne joue aucun rôle au sein du comité d’établissement des horaires. M. Stewart occupe un poste privilégié et préférentiel et est mieux en mesure d’appliquer la convention collective. La compréhension de la fonctionnaire était la même compréhension que celle de M. Stewart et elle a souligné l’erreur de M. Phillips à M. Stewart. Si l’interprétation de M. Phillips était juste, pourquoi n’a-t-elle pas été confirmée au deuxième palier?

29         M. Phillips a renvoyé à deux mesures en lien avec le travail les jours fériés, qui peuvent être décrites comme suit : [traduction] « nous avons offert, ils ont refusé »; elles renvoient à l’expression d’un manque de volonté de travailler. M. Phillips a déclaré que la fonctionnaire avait été appelée et que les appels ne se sont pas rendus; la Commission est dans le noir en ce qui concerne les appels. La question est celle de savoir ce qui s’harmonise le mieux avec la preuve. Le sous-directeur a admis que l’employeur avait commis une erreur. Par conséquent, la question à trancher concerne uniquement la réparation à accorder.

30         La présente Commission a déterminé que la réparation appropriée dans un cas comme celui-ci est le paiement du quart de travail au taux approprié (voir Saindon c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 73; Purchase c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 66; Hopkins c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 50). Le paiement en espèces est confirmé par la décision rendue dans Federal White Cement Ltd. v. United Cement Workers, Local 368, (1981) 29 LAC (2d) 342. La réparation appropriée serait le paiement de 12,75 heures au taux correspondant à une fois et demie le taux de salaire horaire normal de la fonctionnaire en avril 2011.

31         S’il subsiste un doute quant à la version de l’histoire à accepter, celle de la fonctionnaire ou celle de M. Phillips, la Commission doit se pencher sur la conduite des parties (voir Hunt c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 65). L’ensemble des témoignages doit être examiné, et la Commission doit déterminer comment ces témoignages s’emboitent (voir Faryna c. Chorny, [1952] 2 DLR 354). Lorsqu’elle est examinée dans son ensemble, la  version de la fonctionnaire est plus crédible et plus compatible avec la vérité, surtout compte tenu du fait que l’employeur a accueilli son grief au deuxième palier.

B. Pour l’employeur

32         Les faits en l’espèce sont explicites. Il s’agit d’interpréter la clause 26.10 de la convention collective. Une offre de travail un jour férié a-t-elle été faite à une employée qualifiée et facilement disponible, et l’employeur a-t-il offert le travail en commençant par l’employé ayant accumulé le moins d’heures de travail pendant des jours fériés depuis le début de l’exercice?

33         La fonctionnaire était qualifiée, tout comme le CX qui s’est vu offrir les heures de travail. Tous deux avaient accumulé le même nombre d’heures, soit 25,5. Sur ce point, ils étaient à égalité. En vertu de la clause 26.10 de la convention collective, il faut déterminer le sens de « facilement disponibles ». Une liste (pièce 3, onglet 7) des heures pour chaque CX, y compris les heures offertes au CX que celui-ci a refusées ou est réputé avoir refusées, est disponible.

34         Selon l’employeur, si un CX est appelé pour travailler des heures de travail et qu’il est impossible de le joindre, les heures qui lui auraient été proposées sont considérées comme des heures travaillées. Sur ce point, l’agent négociateur et l’employeur ont des divergences d’opinions. L’agent négociateur a fait valoir que si aucun contact n’est établi, comme dans le cas de la fonctionnaire, les heures ne sont pas ajoutées aux heures travaillées par le CX. L’employeur a fait valoir que si un CX a souligné qu’il était disponible pour travailler un jour férié, mais qu’il est impossible de le joindre lors d’un appel, cela équivaut à refuser les heures, qui seront ajoutées aux heures travaillées par le CX.

35         Tous les CX dont les noms figurent sur la liste ont indiqué qu’ils étaient disponibles pour travailler. Si l’employeur en appelle un et qu’il n’y a pas de réponse, alors le CX n’est pas disponible et, par conséquent, il n’a aucun droit. S’il n’y a pas de réponse, l’employeur conclut que le CX n’est plus disponible ou qu’il a refusé le poste. Les CX inscrivent leur nom sur la liste de congé afin d’indiquer leur consentement à travailler et leur disponibilité, s’ils reçoivent un appel. Il serait impossible pour l’employeur de gérer les rappels au travail un jour férié si les CX, en indiquant leur nom sur la liste de rappel, n’indiquaient pas par la même occasion leur volonté à travailler, au besoin. Une tentative infructueuse de joindre un CX lors d’un rappel au travail est considérée comme un refus de travailler, ce qui est tout à fait compatible avec la convention collective.

36         Une preuve claire, forte et convaincante démontre que M. Phillips a appelé la fonctionnaire à deux reprises le 23 avril afin de lui offrir du travail. Il incombait à celle-ci de démontrer que les appels n’ont pas été faits. Elle aurait pu demander les registres des appels de l’établissement pour déterminer si ces appels avaient été faits.

37         Pour tenter de régler la situation au palier le plus bas, l’employeur a offert à la fonctionnaire la possibilité de travailler un quart de travail supplémentaire. Il y a peu de preuve, sinon aucune, qu’elle n’aurait pas été en mesure d’accepter la réparation offerte au deuxième palier et de régler cette question au cours du même exercice. Par conséquent, la fonctionnaire ne devrait pas avoir droit à une prime en espèce (voir Baldasaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 54, aux paragraphes 60 et 61).

38         Même si la fonctionnaire avait droit à une prime en espèce, celle-ci ne devrait s’appliquer qu’à une période de huit heures et demie, et non de 12,75 heures comme l’a prétendu la fonctionnaire. Il ressort clairement de la preuve qu’il existe un ordre hiérarchique à respecter en ce qui concerne le rappel des employés lorsqu’il y a une offre de travail un jour férié (pièce 3, onglet 7). Rien ne garantit que la fonctionnaire se serait vu offrir un quart de travail de 12,75 heures si elle avait été rappelée au travail le jour en question. De plus, quatre heures et demie de congé annuel ont été créditées à la fonctionnaire, lesquelles elle a utilisées pour les jours fériés en avril 2011. Cependant, dans sa demande de réparation (énoncée à la pièce 9), la fonctionnaire a insisté sur le fait qu’elle devait se voir créditer les heures de nouveau. L’employeur lui a offert exactement ce qu’elle recherchait, soit 12,75 heures supplémentaires. Ce n’est pas la faute de l’employeur si la fonctionnaire ne s’est pas rendue disponible et qu’elle a écarté cette possibilité.

39         Le grief devrait être rejeté. La décision de l’employeur d’offrir à la fonctionnaire la possibilité d’effectuer un quart de travail supplémentaire ne devrait pas lui être reprochée au motif qu’elle ne sert pas ses intérêts.

IV. Motifs

40         Le présent grief porte sur un libellé de la convention collective qui n’existe plus, et il relève de la catégorie juridique des affaires de minimis,qui signifie « négligeables » ou « minimes ». Un long exposé sur l’interprétation adéquate de la clause 26.10 de la convention collective n’aurait aucune raison d’être dans un cas où l’employeur a établi qu’il avait contrevenu à cette clause et a accueilli le grief lors de la procédure de règlement des griefs. Il n’est pas possible non plus de déterminer de façon concluante à la présente date tardive si la fonctionnaire a été appelée pour le quart de travail en question comme l’a prétendu M. Phillips, même si je suis convaincue sur la foi de son témoignage que l’appel a effectivement été fait, puisqu’il s’agissait de la procédure suivie par l’établissement et qu’aucune preuve ne l’a contredit.

41         La véritable question à trancher est celle de la réparation appropriée qui doit être accordée à la fonctionnaire par suite du grief qui a été accueilli au deuxième palier. Aucune des parties n’a soutenu que, en raison du fait que la fonctionnaire n’avait pas accepté l’offre présentée au deuxième palier et n’y avait pas donné suite, cette offre était nulle et non avenue. Au contraire, les deux parties semblaient l’avoir acceptée comme question de fait.

42         La réparation a été présentée dans la réponse au deuxième palier (pièce 3, onglet 2) sous la forme du remboursement des quatre heures et demie de congé annuel et de l’offre d’un quart de travail supplémentaire de 12,75 heures, qui devait être effectué dans les 60 jours suivant la date de cette réponse, soit le 28 février 2012. La fonctionnaire ne s’est pas rendue disponible pour effectuer ce quart de travail supplémentaire et, à l’exception d’une très brève allusion dans son témoignage au fait qu’elle était une mère seule à l’époque, elle n’a guère fourni de raisons pour expliquer son absence de disponibilité. Il est fort probable que l’élément de motivation ait été l’interprétation de la réparation appropriée plutôt que sa disponibilité.

43         À l’audience, j’ai souligné aux parties que, essentiellement, le grief avait été accueilli dans la réponse au deuxième palier. L’employeur a persisté à dire que la fonctionnaire ne s’était pas rendue disponible pour effectuer le quart de travail supplémentaire offert, qu’elle avait contrecarré l’entente, et qu’il avait satisfait à ses obligations au titre de l’engagement pris dans la réponse au deuxième palier. D’un autre côté, l’agent négociateur a invoqué des décisions que la Commission a rendues dans d’autres affaires à l’appui de son argument selon lequel la fonctionnaire était en droit de recevoir une réparation en espèces et n’avait pas à travailler un quart.

44         Selon le raisonnement dans Hunt,au paragraphe 43, la justification d’un paiement est d’éviter tout préjudice pouvant découler de la création d’un quart de travail à l’intention de la fonctionnaire, pour les autres employés qui ont été privés de l’offre de ce quart de travail supplémentaire. Contrairement à ce qui prévalait dans Baldasaro, la fonctionnaire n’aurait pas pu effectuer des heures supplémentaires au cours de l’exercice, qui a pris fin le 31 mars 2012. La réponse au deuxième palier a été rédigée le 28 février 2012, et la fonctionnaire ne l’a reçue que le 18 avril 2012, ce qui tombait durant l’exercice 2012-2013. Il s’agissait d’un tout nouvel exercice aux fins de l’accumulation et du calcul des heures de congé.

45         Au deuxième palier, l’employeur a accordé à la fonctionnaire un quart de travail de 12,75 heures supplémentaires, qui devait être effectué dans un délai de 60 jours, auquel s’ajoutait la remise des quatre heures et demie de congé utilisées pour le jour férié tombant le 23 mai 2011. L’employeur a soutenu que si un paiement devait être versé, il devait l’être pour huit heures et demie seulement, ce qui correspond au nombre habituel d’heures pour lesquelles sont rémunérés les CX qui ne sont pas tenus de travailler, mais qui sont quand même rémunérés.

46         Je ne vois aucune ambiguïté dans la réponse au deuxième palier en ce qui concerne le nombre d’heures pour lesquelles la fonctionnaire devait être rémunérée et devant être portées à son crédit. L’employeur a effectivement porté les quatre heures et demie de congé au crédit de la fonctionnaire, comme il s’était engagé à le faire. Maintenant, il doit payer les 12,75 heures, au taux applicable des heures supplémentaires, soit une fois et demie le taux de salaire normal de la fonctionnaire, tel qu’il était établi en 2011.

47         N’eût été la réponse au deuxième palier (pièce 3, onglet 2), l’issue du présent grief aurait été différente.

48         Pour tous les motifs énoncés ci-dessus, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

49         Le grief est accueilli.

50         L’employeur doit rémunérer la fonctionnaire pour les 12,75 heures, au taux applicable des heures supplémentaires, soit une fois et demie son taux de salaire normal, tel qu’il était établi en 2011.

Le 15 mars 2019.

Traduction de la CRTESPF

Margaret T.A. Shannon,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.