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Date : 20210430

Dossier : 486-HC-41635

 

Référence : 2021 CRTESPF 49

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

au Parlement

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

ENTRE

 

Chambre des communes

demanderesse

 

et

 

Alliance de la Fonction publique du Canada

 

défenderesse

Répertorié

Chambre des communes c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une demande visant la prolongation d’un délai pour mettre en œuvre une décision arbitrale

Devant : Dan Butler, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la demanderesse : Carolyn LeCheminant-Chandy, avocate

Pour la défenderesse : Amy Kishek, avocate

Affaire entendue par vidéoconférence,

les 1er et 2 février et 10 et 11 mars 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction et historique

[1] Un barracuda se cache dans la présente affaire. Il ne s’agit pas du féroce prédateur océanique qui vient à l’esprit, mais plutôt d’une création artificielle qui habite les profondeurs numériques. Qu’il s’agisse d’une menace ou d’une aide, la présence de ce barracuda est un élément central de l’histoire que les éléments de preuve nous raconteront.

[2] Le 10 décembre 2019, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a rendu une décision arbitrale réglant un différend de négociation collective entre la Chambre des communes (ou la « demanderesse ») et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse ») à l’égard de l’unité de négociation composée de tous les employés de la demanderesse faisant partie du groupe de l’Exploitation, à l’exception des nettoyeurs à temps partiel classifiés OP-A, et de l’unité de négociation composée de tous les employés de la demanderesse faisant partie du sousgroupe des services postaux du groupe du Soutien administratif; voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Chambre des communes, 2019 CRTESPF 121 (la « décision »). Dans sa preuve, la demanderesse fait référence aux unités en les appelant le groupe OSG.

[3] La Loi sur les relations de travail au Parlement (L.R.C. (1985), ch. 33 (2e suppl.); la « LRTP ») exige normalement la mise en œuvre des modalités d’une décision arbitrale dans les 90 jours suivant la date à laquelle la décision devient exécutoire pour les parties, comme il est énoncé à l’article 59 comme suit :

Mise en œuvre des décisions arbitrales

59 Les conditions d’emploi sur lesquelles statue une décision arbitrale sont, sous réserve de l’affectation par le Parlement, ou sous son autorité, des crédits nécessaires, mises à effet par les parties dans les quatre-vingt-dix jours à compter de la date où la décision arbitrale lie les parties ou dans le délai plus long que la Commission juge raisonnable d’accorder sur demande de l’une des parties.

 

[4] En vertu de l’article 59, une partie peut demander à la Commission de prolonger la période de mise en œuvre pour une période plus longue que « la Commission juge raisonnable d’accorder ».

[5] La date de mise en œuvre des modalités de la décision était le 9 mars 2020.

[6] Le 28 février 2020, la demanderesse a présenté une demande en vertu de l’article 59 de la LRTP afin d’obtenir une prolongation de 180 jours pour mettre en œuvre la décision pour les unités de négociation (la « demande de prolongation »).

[7] Dans un argument daté du 19 mars 2020, la défenderesse a soutenu que la demande devrait être rejetée.

[8] La demanderesse a répondu aux arguments de la défenderesse le 27 mars 2020.

[9] Le 3 avril 2020, la défenderesse a déposé une plainte en vertu de l’article 70 de la LRTP, alléguant que la demanderesse n’a pas mis en œuvre les modalités de la décision dans le délai prescrit par l’article 59 (le « dossier de plainte »). Le mécanisme de plainte prévu à l’article 70 est rédigé comme suit :

70(1) L’employeur et l’agent négociateur qui ont signé une convention collective ou sont liés par une décision arbitrale peuvent, dans les cas où l’un ou l’autre cherche à faire exécuter une obligation qui, selon lui, découlerait de cette convention ou décision, renvoyer l’affaire à la Commission, dans les formes réglementaires, sauf s’il s’agit d’une obligation dont l’exécution peut faire l’objet d’un grief de la part d’un employé de l’unité de négociation visée par la convention ou la décision.

(2) Après avoir entendu l’affaire qui lui est renvoyée au titre du paragraphe (1), la Commission se prononce sur l’existence de l’obligation alléguée et, selon le cas, détermine s’il y a eu ou non manquement.

[…]

 

[10] Dans son dépôt du 3 avril 2020, la défenderesse a demandé que la Commission examine le dossier de plainte [traduction] « en même temps que » la demande de prolongation. La Commission a estimé que la demande était une demande visant à regrouper les deux dossiers.

[11] Le 22 avril 2020, la demanderesse a indiqué à la Commission qu’elle s’opposait au regroupement des dossiers.

[12] La Commission a tenu une téléconférence le 29 avril 2020 pour discuter de la demande de prolongation et du dossier de plainte. Après avoir examiné les arguments des parties, la Commission a décidé de ne pas regrouper les deux questions. Elle a également accueilli une demande de la défenderesse visant à présenter de brefs arguments supplémentaires relativement à la demande de prolongation, en ordonnant qu’ils soient reçus au plus tard le 13 mai 2020. La Commission a indiqué que le 20 mai 2020 était la date à laquelle la demanderesse pouvait, si elle le voulait, présenter une réplique.

[13] Le 13 mai 2020, la défenderesse a présenté d’autres arguments dans le cadre de la demande de prolongation. Au-delà de ses autres arguments sur le fond de la demande, elle a demandé que la Commission entende l’affaire par voie d’audience.

[14] Le 20 mai 2020, la demanderesse a soumis une réplique aux arguments de la défenderesse du 13 mai 2020. La demanderesse ne s’est pas opposée à ce que l’affaire se poursuive par voie d’audience, comme l’a demandé la défenderesse. Elle a également indiqué que les parties avaient convenu de tenter de résoudre les deux questions dont la Commission est saisie – soit la demande de prolongation et le dossier de plainte – par voie de médiation. Au cas où la médiation ne réussirait pas, les parties ont demandé conjointement qu’une audience soit prévue en octobre 2020 pour la demande de prolongation.

[15] La Commission a approuvé la décision des parties de chercher à régler leurs différends par voie de médiation et a décidé de mettre en suspens l’examen de la demande de prolongation et du dossier de plainte. Elle a indiqué qu’elle tiendrait une audience pour la demande de prolongation en octobre 2020, dans la mesure du possible, si elle était nécessaire.

[16] Les 20 mars et 5 mai 2020, la présidente de la Commission a rendu des ordonnances qui suspendaient les délais réglementaires pour les questions dont la Commission était saisie en raison des répercussions de la pandémie de COVID-19 (la « pandémie »). Les effets de ces ordonnances et d’autres directives émises par la présidente ont effectivement suspendu de nombreuses activités de la Commission, y compris la médiation, pendant un certain nombre de semaines. La médiation de la demande de prolongation et du dossier de plainte a été retardée jusqu’aux 26 et 27 octobre 2020. Les parties n’ont pas été en mesure de régler les questions à ce moment-là.

[17] Le 28 octobre 2020, au nom des parties, la demanderesse a demandé à la Commission de prévoir une audience pour la demande de prolongation et de continuer à tenir le dossier de plainte en suspens.

[18] Le 28 octobre 2020, la Commission a informé les parties que le dossier de plainte serait maintenu en suspens en attendant la décision de la Commission concernant la demande de prolongation. En même temps, elle a demandé aux parties de répondre, au plus tard le 13 novembre 2020, à la question suivante : [traduction] « Si les modalités de la décision arbitrale ont maintenant été pleinement appliquées, quelles questions précises reste-t-il à trancher en ce qui concerne la prolongation demandée du délai de mise en œuvre de la décision arbitrale? ».

[19] La réponse de la demanderesse, datée du 13 novembre 2020, indiquait que les taux de rémunération futurs pour l’unité de négociation ont été rajustés le du 14 mai 2020 et que le rajustement apparaissait sur la paye du 10 juin 2020. Les paiements rétroactifs sont apparus sur la paye du 8 juillet 2020, et d’autres rapprochements de paye ont été traités le 10 novembre 2020.

[20] La demanderesse a indiqué que la demande du 28 février 2020 visant à prolonger de 180 jours le délai de mise en œuvre de la décision demeure la question précise à trancher.

[21] La défenderesse a convenu que la question en litige était celle de savoir si la Commission ferait droit à la demande de prolongation de la demanderesse et [traduction] « sanctionnerait la mise en œuvre tardive ».

[22] Après avoir reçu les réponses des parties, la Commission a procédé à la mise au rôle de cette audience. La question à trancher est la demande de la demanderesse, datée du 28 février 2020, visant à obtenir une prolongation de 180 jours pour mettre en œuvre la décision.

[23] Je fais remarquer que la défenderesse a demandé à la Cour d’appel fédérale de procéder au contrôle judiciaire d’une disposition de la décision. Cette demande a été abandonnée par la suite. La question soulevée dans la demande de contrôle judiciaire n’a aucune incidence sur la question à trancher dans la présente décision.

II. Résumé de la preuve

[24] La demanderesse a présenté ses éléments de preuve par l’entremise de deux témoins : Martine Flibotte, directrice principale, Gestion et efficacité des talents, et Noémie Boivin, directrice adjointe, Relations avec les employés. Morgan Gay, négociateur pour la défenderesse, a témoigné pour son compte.

[25] Certains des éléments de preuve présentés par les parties étaient très détaillés, s’appuyant souvent sur de multiples chaînes de courriels qui se chevauchaient. J’ai pris en compte tous les éléments de preuve dans ma décision, mais j’ai choisi de résumer seulement les éléments que j’estime les plus utiles pour comprendre le contexte du différend et les plus pertinents à ma décision.

A. Mme Flibotte

[26] Mme Flibotte est responsable de diverses fonctions à la Chambre des communes, notamment la classification, la rémunération et les avantages sociaux, le centre de services des ressources humaines (RH), les systèmes de RH et la gestion de l’information, l’optimisation des activités et la gestion du changement.

[27] Mme Flibotte a souligné que la Chambre des communes est une entité complètement autonome et distincte qui n’a aucun lien avec le Conseil du Trésor (CT) en ce qui concerne les programmes et les processus. Par un décret de 2011, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, maintenant connu sous le nom de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), tient à jour le système de paye que la Chambre des communes est tenue d’utiliser.

[28] La demanderesse engage sa propre équipe de conseillers en rémunération et en avantages sociaux. L’équipe fournit des services aux employés de la Chambre des communes, aux députés et à leur personnel, ainsi qu’aux employés du Service de protection parlementaire (SPP) qui faisaient partie du personnel de la Chambre des communes avant la création du SPP en tant qu’organisation distincte. La demanderesse ne recourt pas aux services du centre des services de paye du gouvernement du Canada.

[29] En tant qu’« organisme en saisie directe de la paye », la Chambre des communes a un accès direct au système de paye Phénix de SPAC et est en mesure de mener à bien des opérations basées sur Phénix par elle-même.

[30] Comme d’autres organisations de la région de la capitale nationale, la demanderesse doit faire face à une situation difficile de recrutement et de maintien en poste de conseillers en rémunération et en avantages sociaux. Depuis le regroupement des services de paye du gouvernement du Canada à Miramichi, au Nouveau-Brunswick, le bassin de conseillers expérimentés à partir duquel recruter a été réduit et les taux de roulement sont élevés. La témoin a rapporté qu’environ 30 % des postes de conseillers de la demanderesse étaient vacants entre 2018 et 2020. Compte tenu du faible nombre de conseillers expérimentés disponibles, la demanderesse a dû former de nouvelles recrues, souvent de l’extérieur du secteur public. Mme Flibotte a indiqué qu’il faut environ un an pour amener une nouvelle recrue au niveau de réalisation de transactions de paye plus courantes. Pour effectuer des transactions de paye plus complexes, la demanderesse a dû repenser et réorganiser son fonctionnement.

[31] Selon Mme Flibotte, comme la demanderesse ne se fie pas au centre de services Phénix pour les transactions de paye, la Chambre des communes n’a pas connu les problèmes largement médiatisés éprouvés avec Phénix dans la fonction publique centrale. Il n’y a pas eu d’arriéré dans les transactions de paye, les taux d’erreur ont été très faibles et l’aide d’urgence aux employés a été nécessaire dans moins de 0,1 % des cas.

[32] Il incombe à SPAC de mettre à jour les [traduction] « tableaux de paye » du système Phénix en se fondant sur les renseignements fournis par la demanderesse, lesquels nécessitent habituellement quelques semaines pour être remplis. Les conseillers en rémunération et en avantages sociaux de la demanderesse utilisent ensuite les tableaux de paye de Phénix pour calculer les nouveaux taux de rémunération à venir et la rémunération rétroactive des employés touchés. La demanderesse jouit d’une souplesse et d’une autonomie complètes dans la vérification et l’administration des taux de rémunération et des montants rétroactifs. Si les employés éprouvent des problèmes, ils communiquent avec l’équipe de la rémunération et des avantages sociaux de la demanderesse.

[33] Mme Flibotte a souligné qu’au cours de l’été 2019, elle a appris l’existence d’un protocole d’entente (PE) conclu entre le CT et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC). Le PE décrivait une approche modifiée du calcul et de l’administration des paiements rétroactifs à l’aide de Phénix, connue sous le nom de « traitement rétroactif de masse » ou, de façon plus générale, de « Barracuda ». Le PE prévoyait que les modifications apportées aux éléments de rémunération existants et nouveaux devaient être mises en œuvre dans les 180 jours suivant la signature d’une convention collective. Les augmentations de rémunération futures et les montants rétroactifs qui doivent être traités manuellement par les conseillers en rémunération – des situations qui ne sont pas prises en compte par Barracuda – devaient être mises en œuvre dans les 560 jours suivant la signature.

[34] Le CT et SPAC ont invité les employeurs parlementaires (Chambre des communes, Sénat, Bibliothèque du Parlement et SPP, ou « les partenaires parlementaires ») à une réunion le 10 juillet 2019, afin d’introduire le nouveau traitement rétroactif de masse. Mme Flibotte n’a pas assisté à la réunion. Elle a chargé Mme Boivin, appuyée par Annick McNeil, gestionnaire de la rémunération et des avantages sociaux, de prendre l’initiative sur les questions liées au nouveau traitement rétroactif de masse.

[35] Mme Flibotte a témoigné qu’elle comprenait que le nouveau processus prescrit par le PE ne s’appliquait pas à la Chambre des communes. Elle a souligné qu’il y avait eu des discussions entre les partenaires parlementaires et qu’ils avaient convenu qu’ils continueraient d’utiliser le processus manuel actuel pour mettre en œuvre de nouveaux taux de rémunération et des paiements rétroactifs. Les partenaires ont communiqué cette décision à SPAC le 18 octobre 2019.

[36] À la suite d’une conférence téléphonique avec SPAC le 4 décembre 2019 concernant la mise en œuvre d’une décision arbitrale visant une unité de négociation du SPP, Mme Flibotte a reçu un courriel de Mme McNeil qui indiquait que SPAC exigeait de la Chambre des communes qu’elle utilise le nouveau traitement rétroactif de masse et que le traitement manuel n’était pas possible. Mme Flibotte a déterminé que l’équipe avait besoin d’un avis écrit officiel à cet effet de la part de SPAC et de plus de renseignements.

[37] Parmi les préoccupations de son équipe, Mme Flibotte a souligné que Barracuda ne revenait pas aux transactions passées pour mettre à jour les salaires réels aux fins des paiements rétroactifs. Au lieu de cela, il appliquait un pourcentage composé aux taux de rémunération futurs. La vérification rétrospective des taux de rémunération ne serait plus possible avec Barracuda.

[38] Mme Flibotte a appris l’existence de la décision le 11 décembre 2019, soit le lendemain de sa publication par la Commission.

[39] Au cours d’une brève conversation téléphonique le 20 décembre 2019, SPAC a partagé une description de haut niveau du nouveau traitement rétroactif de masse. Mme Flibotte a témoigné qu’elle a dit à SPAC que la Chambre des communes avait besoin de plus de renseignements et qu’elle voulait avoir l’occasion de poser des questions à ce sujet. Une conversation de suivi avec SPAC a eu lieu le 7 janvier 2020. Mme Flibotte a décrit l’information transmise par SPAC comme un bon résumé qui permettrait à son équipe d’examiner la façon dont le traitement rétroactif de masse pourrait fonctionner dans son environnement. SPAC a indiqué que Barracuda fonctionnait toutes les deux semaines et que SPAC pourrait intégrer un essai pour un autre groupe de la Chambre des communes au mois de février.

[40] Mme Flibotte a témoigné que bon nombre des préoccupations de la demanderesse au sujet du nouveau traitement rétroactif de masse provenaient de problèmes éprouvés avec une version antérieure de Barracuda, lancée en 2018. À l’époque, SPAC encourageait la Chambre des communes à utiliser Barracuda, mais son utilisation n’était pas obligatoire. L’équipe de la rémunération et des avantages sociaux a mené une série d’essais en se fondant sur la convention collective précédente du groupe OSG. Près de la moitié des dossiers de paye ont été immédiatement trouvés en erreur en utilisant Barracuda. Après avoir corrigé 324 problèmes, l’équipe a revu les 689 dossiers actifs et non actifs. Plus de 80 % contenaient des erreurs et tous devaient être refaits manuellement. Selon l’essai OSG de 2018, Mme Flibotte a indiqué que la demanderesse n’a pas utilisé la version antérieure du traitement rétroactif de masse pour toute autre unité de négociation. Pour assurer l’exactitude, ce qui était extrêmement important pour la demanderesse, elle a toujours utilisé le traitement manuel.

[41] Dans un courriel daté du 21 janvier 2020, Mme Flibotte a informé SPAC que la Chambre des communes continuait d’analyser ses options et d’évaluer les répercussions du traitement rétroactif de masse. Elle a demandé à SPAC d’identifier une personne-ressource avec laquelle son équipe pourrait travailler pour mettre à jour les tableaux de paye afin qu’elle puisse traiter manuellement les révisions de paye à l’approche de la date limite de mise en œuvre de la décision. Lorsque SPAC a fourni le nom d’une personne-ressource le 23 janvier 2020, Mme Flibotte a dit qu’elle croyait que cela signifiait que la Chambre des communes pouvait procéder au traitement manuel comme elle l’avait fait dans le passé. Le 24 janvier 2020, Mme Flibotte a informé SPAC que son équipe espérait procéder à des révisions manuelles en février. Elle a également promis de faire parvenir un résumé des observations et des considérations sur le nouveau traitement rétroactif de masse dans un courriel séparé.

[42] Trois jours plus tard, Steve Dufour, un directeur général de SPAC, a envoyé un courriel à Mme Flibotte qui exprimait ses craintes quant à la réticence de la Chambre des communes à adhérer au nouveau traitement. Il a indiqué que toutes les organisations devaient adhérer au nouveau traitement et a demandé la poursuite des discussions avec la Chambre des communes.

[43] Le 30 janvier 2020, Mme Flibotte a envoyé un résumé détaillé des préoccupations concernant le nouveau traitement rétroactif de masse à M. Dufour.

[44] L’équipe de Mme Flibotte a remis les nouveaux tableaux de paye et la décision à SPAC le 5 février 2020.

[45] SPAC a répondu aux préoccupations concernant le traitement rétroactif de masse soulevées par la Chambre des communes lors d’une conversation téléphonique le 6 février 2020 et par écrit le 9 février 2020. SPAC était d’accord avec certaines des préoccupations, mais a souligné que le traitement rétroactif de masse s’était révélé efficace dans d’autres situations.

[46] Selon la témoin, la situation s’est aggravée lorsque, le 10 février 2020, SPAC l’a informée que de nouveaux taux de rémunération ne seraient pas chargés dans Phénix tant que la question de l’utilisation du nouveau traitement rétroactif de masse ne serait pas résolue. Elle a répondu que la Chambre des communes ne pouvait pas adopter le traitement, bien qu’elle puisse réexaminer cette option à l’avenir, a répété que la Chambre des communes ne relevait pas de la gouvernance de SPAC ou du CT, et a demandé quelles étaient les prochaines étapes à suivre pour téléverser les tableaux de paye. Le même jour, Mme Flibotte a informé Pierre Parent, dirigeant principal des ressources humaines de la Chambre des communes, et Michel Patrice, sous-greffier, Administration, de la situation.

[47] Des échanges à des niveaux supérieurs entre la Chambre des communes et SPAC ont eu lieu jusqu’au 21 février 2020. Ce jour-là, Mme Flibotte a fait un compte-rendu à M. Parent, indiquant encore une fois que la demanderesse pourrait convenir avec SPAC d’un essai du traitement rétroactif de masse si les tableaux de rémunération étaient mis à jour afin que le traitement manuel puisse se poursuivre. SPAC a accepté d’élaborer des scénarios d’essai avec la Chambre des communes, mais a maintenu sa position de ne pas mettre à jour les tableaux. La Chambre des communes a transmis des scénarios à SPAC le 4 mars 2020 et en a discuté avec SPAC le 12 mars 2020.

[48] Le 19 mars 2020, Mme Flibotte a de nouveau fait un compte-rendu à M. Parent et à M. Patrice. Elle a déclaré que l’examen des scénarios avec SPAC avait permis de rassurer quelque peu la demanderesse quant à ses préoccupations et qu’elle espérait que les essais apporteraient une plus grande assurance. Elle a indiqué que SPAC l’avait informée que le traitement manuel actuel serait désactivé dès qu’une nouvelle fonction de rapprochement de paye serait en place à l’automne. Mme Flibotte a témoigné qu’elle a recommandé que la demanderesse procède aux essais et analyse ensuite les résultats. S’ils pouvaient avoir confiance en ces résultats, elle recommanderait de soumettre l’unité de négociation au nouveau traitement.

[49] Les essais ont été réalisés le 26 mars 2020. Mme Flibotte a témoigné que la Chambre des communes a décidé d’aller de l’avant avec le nouveau traitement rétroactif de masse après l’exécution des essais et en a informé SPAC le 1er mai 2020.

[50] Mme Flibotte a indiqué que la pandémie a compliqué le travail de son équipe à partir du début de mars. Il a fallu du temps pour organiser le transfert d’équipement afin de permettre aux employés de travailler à domicile. Les horaires de travail ont été rajustés, étant donné que de nombreux employés avaient des enfants à la maison.

[51] Le 25 mai 2020, satisfaite de l’exactitude des résultats obtenus grâce au nouveau traitement, la demanderesse a informé les gestionnaires de la mise en œuvre des augmentations de salaire pour le groupe OSG. Mme Flibotte a confirmé que les nouveaux taux de rémunération étaient dans le système de paye depuis le 14 mai 2020 et qu’ils avaient été pris en compte dans la paye du 10 juin 2020. Les employés ont reçu leurs montants rétroactifs sur la paye du 8 juillet 2020. Le 6 novembre 2020, une fois le programme de rapprochement opérationnel dans Phénix, d’autres paiements ou recouvrements ont eu lieu.

[52] En contre-interrogatoire, Mme Flibotte a souligné qu’environ 400 dossiers de paye ont été touchés par la décision. À la question de savoir si les changements à apporter à la paye et aux avantages sociaux étaient habituels, Mme Flibotte a déclaré qu’ils n’étaient pas courants par rapport aux transactions quotidiennes, mais que son équipe avait déjà eu à gérer de tels changements. Elle a convenu que la décision ne comportait pas de nouvelles indemnités ou primes et qu’il n’y avait pas de problème de classification ou de reclassification.

[53] En ce qui concerne la précédente ronde de négociations collectives pour le groupe, Mme Flibotte a témoigné que le délai de mise en œuvre avait été respecté grâce à une prolongation convenue avec la défenderesse. Lors de la ronde plus récente, la demanderesse a proposé une période de mise en œuvre de 150 jours, sachant qu’elle avait besoin de plus de temps en raison de problèmes de dotation et pour revoir le traitement manuel.

[54] Mme Flibotte a confirmé qu’elle se rappelait avoir su qu’il y avait eu des conversations en juillet 2019 entre le Bureau du directeur parlementaire du budget (BDPB), la Bibliothèque du Parlement et SPAC au sujet du nouveau traitement rétroactif de masse, mais elle a déclaré qu’elle ne se rappelait pas avoir vu la chaîne complète de courriels à propos de ces discussions. Plus précisément, elle ne se rappelait pas avoir été au courant en juillet 2019 que le BDPB avait compris de SPAC que le nouveau traitement était obligatoire. Elle ne se souvenait pas non plus avoir vu un courriel sur le travail effectué par un membre de l’équipe qui exprimait ses préoccupations au sujet du traitement rétroactif de masse lorsqu’il a été envoyé en août.

[55] La témoin a admis qu’elle a pris connaissance du traitement rétroactif de masse dans le mois suivant un échange de courriels survenu en septembre. Cet échange faisait suite à des réunions entre les partenaires parlementaires, le CT et SPAC. Dans le cadre de cet échange, un représentant du CT a déclaré que le CT comprenait que les organismes parlementaires tenteraient de mettre en œuvre des changements de rémunération en utilisant le processus décrit dans le PE conclu entre le CT et l’IPFPC. Mme Flibotte a nié qu’il y ait eu une entente à cet égard et a déclaré qu’elle ne savait pas si la Chambre des communes avait accepté une offre d’aide du CT. (Mme Flibotte a ensuite témoigné que son équipe a été en mesure d’obtenir les outils disponibles auprès du CT et de SPAC et que le nouveau traitement était un sujet dans les réseaux de discussion réguliers.)

[56] Quant à la suggestion selon laquelle, dès août ou septembre 2019, la Chambre des communes a eu l’occasion d’entamer des discussions en vue de préparer le nouveau traitement, Mme Flibotte a répondu que la suggestion n’était pas tout à fait exacte. Elle a soutenu que son équipe croyait que le traitement manuel continuerait de s’appliquer.

[57] Mme Flibotte a admis qu’il était possible que le nouveau traitement rétroactif de masse soit meilleur pour la Chambre des communes, mais que l’expérience de 2018 d’un taux élevé d’erreurs après avoir utilisé une version antérieure de Barracuda a amené la demanderesse à faire preuve d’une extrême prudence. Elle a indiqué que son équipe corrige encore les erreurs de 2018 à ce jour.

[58] À la question de savoir si, par un courriel daté du 4 décembre 2019, la Chambre des communes savait que l’utilisation du nouveau traitement était obligatoire, Mme Flibotte a répondu que le représentant de SPAC qui avait fait cette déclaration l’avait fait sans autorisation. Elle a dit qu’elle n’avait pas donné suite à la déclaration et qu’elle ne savait pas si un membre de son personnel avait fait un suivi.

[59] Les notes de la réunion du 6 février 2020 avec SPAC indiquent que Mme Flibotte a demandé à SPAC pourquoi il s’inquiétait du fait que la Chambre des communes continue d’utiliser le traitement manuel. Elle a expliqué qu’elle avait posé cette question parce que SPAC n’avait jamais fourni de réponse claire quant à la raison pour laquelle le nouveau traitement rétroactif de masse était obligatoire. En fin de compte, a-t-elle expliqué, la Chambre des communes n’avait pas d’autre choix que d’adopter le nouveau traitement puisqu’en mars 2020, SPAC lui a dit que le traitement manuel ne serait plus possible d’ici l’automne 2020.

[60] À la question de savoir pourquoi la demanderesse n’avait pas envisagé de tester le nouveau traitement avant février 2020, étant donné qu’elle avait soulevé des préoccupations dès août 2019, Mme Flibotte a répondu qu’il n’était toujours pas clair, avant février 2020, quels rôles son équipe aurait à jouer dans le cadre du nouveau traitement. L’équipe avait besoin d’une meilleure compréhension de ces rôles avant d’entreprendre des essais.

[61] À la question de savoir pourquoi son équipe n’a pas commencé à travailler sur les tableaux de paye avant janvier 2020, étant donné que la décision a été publiée le 10 décembre 2019, Mme Flibotte a répondu que la directrice des relations avec les employés lui avait demandé de les mettre en suspens. Au début des essais en février, cinq membres de l’équipe y participaient en même temps sur un effectif total d’environ 20 personnes, et certains employés ont été retirés d’autres portefeuilles pour les aider. Plus tard, avec le début de la pandémie, la poursuite du travail a été difficile pendant plusieurs semaines, mais Mme Flibotte ne pouvait pas dire exactement combien de temps a été perdu à cause de la pandémie.

[62] Interrogée en outre sur la raison pour laquelle elle n’a pas transmis les questions à ses supérieurs avant février, Mme Flibotte a expliqué que son courriel du 10 février 2020 était la première fois qu’elle informait ses supérieurs par écrit, mais qu’elle les avait préalablement tenus à jour oralement.

[63] Mme Flibotte a confirmé qu’elle n’a participé à aucune discussion sur l’approche de la défenderesse pour demander une prolongation.

[64] En réinterrogatoire, Mme Flibotte s’est rappelée qu’à la mi-février, elle avait estimé qu’il faudrait 90 jours supplémentaires pour mettre en œuvre les dispositions relatives à la rémunération de la décision. À la fin du mois de février, elle a revu sa pensée, compte tenu de la nécessité de faire des essais, et a estimé qu’il faudrait 180 jours supplémentaires.

[65] À la question de savoir si le nouveau Barracuda était opérationnel à l’été 2019, la témoin a déclaré qu’elle pensait qu’il ne l’était pas. Elle a témoigné que SPAC n’a pas avisé la Chambre des communes à l’automne 2019 que le traitement manuel n’était pas disponible; il n’a pas non plus fourni d’avis officiel selon lequel l’utilisation de Barracuda était obligatoire.

B. Mme Boivin

[66] Employée comme directrice adjointe des relations avec les employés depuis un peu moins de deux ans et demi, Mme Boivin relève de la directrice, Melanie Leclair. Dans son rôle, Mme Boivin n’est pas responsable de la paye et des avantages sociaux, mais travaille en étroite collaboration avec l’équipe de la rémunération et des avantages sociaux pour mettre en œuvre les dispositions de la convention collective.

[67] Mme Boivin a témoigné qu’elle a pris connaissance du nouveau PE conclu entre le CT et l’IPFPC à l’été 2019 et qu’elle en a vu une copie. Elle n’a pas assisté à la réunion du 10 juillet 2019, lorsque le CT et SPAC ont accueilli les partenaires parlementaires pour leur présenter le nouveau traitement rétroactif de masse. Elle a assisté à une réunion avec le CT le 21 août 2019 au sujet du processus.

[68] Mme Boivin a souligné que les partenaires parlementaires ont par la suite accepté d’envoyer une réponse commune au CT l’informant qu’ils ne concluraient pas de PE au sujet du nouveau traitement rétroactif de masse, qu’ils continueraient d’utiliser le traitement manuel, mais respecteraient les codes de rémunération révisés dans le système Phénix. Un collègue de la Bibliothèque du Parlement a envoyé la réponse commune le 27 septembre 2019. Selon Mme Boivin, il n’y a pas eu d’autre communication avec le CT à ce sujet.

[69] La témoin a déclaré que son équipe a reçu la décision le 10 décembre 2019 et qu’elle a suivi le processus interne normal, en avisant la section de la rémunération et des avantages sociaux.

[70] Le 27 décembre 2019, Mme McNeil, de l’équipe de la rémunération et des avantages sociaux, a reconnu que l’équipe n’avait pas reçu d’approbation pour mettre en œuvre des révisions de la paye en fonction d’une conversation avec Mme Leclair. Mme Leclair a dit à Mme Boivin qu’elle voulait avoir une meilleure idée du temps qu’il faudrait pour mettre en œuvre la décision avant d’aller plus loin. Le 9 janvier 2020, Mme Leclair a dit à Mme Boivin que le retard pourrait être plus long que d’habitude.

[71] L’équipe de Mme Boivin a préparé une présentation résumant les dispositions de la nouvelle convention collective du groupe OSG en collaboration avec le président de la section locale du syndicat, Roger Thompson. Mme Boivin a examiné et approuvé la présentation. À sa connaissance, des réunions en personne avec les employés pour transmettre l’information ont eu lieu en janvier ou février 2020, avant que les employés ne soient renvoyés chez eux au début de mars en raison de la pandémie.

[72] Mme Boivin a indiqué qu’elle croyait que, lors des réunions avec les employés, la demanderesse n’avait pas fourni de dates précises pour la mise en œuvre des révisions salariales. En février 2020, Monique Enright de son équipe a dit à M. Thompson que la demanderesse ne serait pas en mesure de respecter le délai de mise en œuvre de 90 jours, mais qu’elle travaillait avec SPAC pour assurer la mise en œuvre dès que possible.

[73] Mme Boivin a confirmé avoir envoyé un courriel, en copie conforme à M. Thompson, qui indiquait que les nouveaux taux de rémunération seraient pris en compte dans la paye du 10 juin 2020, et que les paiements rétroactifs figureraient sur la paye du 8 juillet 2020.

[74] En contre-interrogatoire, Mme Boivin a déclaré qu’elle n’avait assisté à aucune réunion avec le CT en septembre 2019 et qu’elle n’avait jamais rencontré de représentants de SPAC pendant cette période. Elle n’était pas au téléphone avec SPAC le 28 août 2019, mais elle a reconnu avoir reçu une copie conforme de la correspondance à ce sujet.

[75] Lorsqu’on lui a présenté un courriel daté du 25 juillet 2019, qui avait été envoyé par un collègue principal au BDPB et indiquait que des organismes distincts avaient été informés que l’utilisation du nouveau traitement rétroactif de masse était obligatoire, Mme Boivin a répondu que la Chambre des communes n’avait reçu aucun renseignement officiel du CT à cet effet. Elle a déclaré qu’elle croyait que le CT n’avait peut-être pas compris le statut de la Chambre des communes.

[76] La témoin est d’accord avec l’idée que SPAC pouvait modifier le système de paye sans l’approbation de la Chambre des communes, mais, à son avis, cela ne signifiait pas que la Chambre des communes devait utiliser le nouveau traitement rétroactif de masse. Elle a reconnu que SPAC avait finalement supprimé l’accès au traitement manuel, mais elle a déclaré qu’elle n’avait pas cru plus tôt que cela se produirait. Ce n’est que bien plus tard que SPAC a confirmé que l’utilisation de Barracuda était obligatoire.

[77] Mme Boivin a indiqué que son équipe n’avait pas envisagé la possibilité de signer des PE avec des agents négociateurs en ce qui concerne le traitement rétroactif de masse parce qu’une fois de plus, l’équipe n’estimait pas que son utilisation était obligatoire pour la Chambre des communes. Elle n’a pas donné suite à une offre du CT visant à aider les parties à aller de l’avant avec les PE. Bien qu’elle ait considéré que le courriel du CT du 18 septembre 2019 qui transmettait l’offre était une communication officielle, elle ne l’a pas vu comme une demande officielle d’utiliser le traitement rétroactif de masse. Elle a fait remarquer que le courriel avait été rédigé avec soin, indiquant que [traduction] « […] [le CT] croit comprendre que vos organisations tenteront de mettre en œuvre des conventions collectives ou la rémunération avec effet rétroactif conformément à la nouvelle méthodologie […] ».

[78] Mme Boivin a témoigné qu’elle n’a pas participé aux discussions en 2018 qui ont mené à une entente avec l’agent négociateur en vue de prolonger les délais de mise en œuvre, mais elle a confirmé qu’elle était au courant de la situation. À la question de savoir pourquoi, compte tenu de la situation en 2018, elle n’avait pas communiqué plus tôt avec la défenderesse quant à la mise en œuvre de la décision, Mme Boivin a déclaré qu’elle partageait régulièrement des renseignements avec M. Thompson, mais elle a confirmé qu’à sa connaissance, personne n’avait communiqué avec la défenderesse avant février 2020 au sujet de la question du traitement rétroactif de masse. Elle a également confirmé qu’en juillet ou en août 2019, la demanderesse n’a pas soulevé auprès de la défenderesse la possibilité d’un PE en ce qui concerne la mise en œuvre de la rémunération.

[79] Mme Boivin a convenu que la demanderesse n’avait à aucun moment indiqué à la défenderesse qu’elle souhaitait une prolongation du délai de mise en œuvre de la décision. Elle a témoigné que la demanderesse devait savoir clairement combien de temps il faudrait pour mettre en œuvre les révisions salariales avant d’examiner toute entente avec la défenderesse au sujet d’une prolongation. Elle a reconnu qu’il y avait une distinction entre la section locale de la demanderesse et l’AFPC et qu’une entente avec l’AFPC serait nécessaire si les délais devaient être prolongés.

[80] À la question de savoir pourquoi la demanderesse n’a pas entrepris des démarches avec la défenderesse plus tôt, étant donné qu’elle savait que le CT essayait de négocier un PE dans toutes ses conventions collectives en ce qui concerne le traitement rétroactif de masse, Mme Boivin a réitéré que la demanderesse croyait toujours que le traitement n’était pas imposé à la Chambre des communes et qu’il était prématuré de s’adresser au syndicat.

[81] Interrogée sur la justification de la demanderesse de proposer une période de mise en œuvre de 150 jours à la table de négociation, Mme Boivin n’a pas pu s’en souvenir précisément, se souvenant seulement que la demanderesse avait besoin de plus de temps.

[82] Mme Boivin a déclaré qu’elle ne savait pas très bien pourquoi la directrice des relations avec les employés a demandé à l’équipe de la rémunération et des avantages sociaux de retarder la mise en œuvre. Elle a répété qu’elle croyait que Mme Leclair voulait avoir plus de temps pour savoir combien de temps durerait le traitement des rajustements de salaire. Mme Boivin a convenu que les éléments de rémunération de la décision à mettre en œuvre ne sont pas trop complexes.

C. M. Gay

[83] M. Gay est employé par la défenderesse au poste de négociateur national. À ce titre, il participe aux négociations collectives depuis 14 ans et est responsable d’un grand éventail de groupes, y compris toutes les unités de négociation de l’AFPC dans l’enceinte parlementaire. Son affectation à l’unité de négociation en l’espèce remonte à 2007, couvrant cinq conventions collectives.

[84] M. Gay a témoigné qu’il a pris connaissance pour la première fois de la demande de prolongation du délai de la demanderesse lorsqu’elle a présenté sa demande à la Commission et qu’il en a été surpris. Entre la date de la décision et la date de la demande, il n’y a eu aucune discussion avec la demanderesse au sujet d’une prolongation.

[85] Le témoin a déclaré qu’au cours des négociations, la demanderesse avait proposé une période de mise en œuvre de 150 jours. Il s’est rappelé qu’elle avait indiqué qu’il pourrait y avoir des problèmes et qu’il serait utile de disposer de plus de temps pour que son système puisse gérer les paiements. M. Gay a décrit la discussion comme superficielle.

[86] À l’audience d’arbitrage des différends tenue le 12 septembre 2019, selon M. Gay, la demanderesse a expliqué que sa proposition d’une période de mise en œuvre de 150 jours tenait compte de l’expérience de la compétence du CT et qu’elle accorderait à la demanderesse un délai supplémentaire pour traiter les nouveaux taux de rémunération. M. Gay ne se rappelle pas que la demanderesse ait exprimé des préoccupations au sujet de son partenariat avec SPAC à l’audience.

[87] Le témoin a déclaré que la défenderesse ne connaissait rien du processus de mise en œuvre avant de recevoir la décision.

[88] M. Gay a soutenu qu’il ne savait pas si la demanderesse avait communiqué avec la section locale de l’AFPC au sujet de la mise en œuvre de la décision. Il a effectivement reçu des messages de M. Thompson et d’autres membres de l’équipe de négociation qui demandaient quand les employés recevraient leur augmentation de salaire.

[89] À la question de savoir si la demanderesse avait informé l’agent négociateur des difficultés rencontrées avec SPAC ou de la méthode de mise en œuvre à un moment quelconque avant la publication de la décision, le témoin a répondu qu’il n’avait aucun souvenir de ce genre.

[90] M. Gay a indiqué que la seule modification apportée à la rémunération et aux avantages sociaux en dehors de la décision consistait en une disposition simplifiée de rémunération intérimaire dans la convention collective.

[91] M. Gay a d’abord entendu dire que la demanderesse procédait à la mise en œuvre des nouveaux taux de rémunération dans le courriel du 15 mai 2020 qu’elle lui a envoyé. Il ne pouvait se souvenir d’aucune autre communication avant cette date.

[92] Le témoin ne se rappelait pas non plus que la demanderesse ne l’ait jamais informé qu’il existait une nouvelle méthode de calcul.

[93] M. Gay a souligné que, d’après son expérience, il était typique pour un employeur et un agent négociateur de discuter des échéanciers de mise en œuvre. Il avait déjà participé à de telles discussions à la Chambre des communes et dans la fonction publique. Dans le cadre de négociations avec le CT et l’Agence du revenu du Canada (ARC), M. Gay a indiqué que l’employeur avait communiqué avec l’agent négociateur pour lui faire part des développements ayant une incidence sur la mise en œuvre, mais pas nécessairement en détail.

[94] Dans le cas de l’ARC, les parties ont négocié un délai plus long pour la mise en œuvre des taux de rémunération en échange d’un paiement tardif. M. Gay a également fait référence à des échanges similaires dans les règlements de l’AFPC avec le CT et dans les règlements concernant d’autres agents négociateurs.

[95] L’interrogatoire principal s’est terminé avec le témoin confirmant qu’il était le représentant de la défenderesse auprès duquel la demanderesse aurait dû s’adresser pour tout contact au sujet d’une prolongation de la mise en œuvre.

[96] En contre-interrogatoire, la demanderesse a demandé au témoin si les conseillers en rémunération exigeraient le calcul rétroactif des droits à l’égard d’une série de dispositions de convention collective. M. Gay a convenu que ce serait le cas pour les employés saisonniers accrédités pour une période indéterminée (SAPI) en ce qui a trait à ce qui suit : toutes les heures travaillées, la prime de 4,6 % en remplacement des jours fériés payés désignés, les heures supplémentaires effectuées pendant les jours fériés payés désignés, les heures supplémentaires régulières et la prime de 6,0 % en remplacement des vacances. Dans le cas des employés qui travaillent selon un horaire régulier de 35 heures, il faudrait recalculer la prime payée pour les postes intérimaires, les heures supplémentaires, les indemnités de maternité et parentales et, dans certains cas, l’indemnité de départ.

[97] Dans le cadre du réinterrogatoire, M. Gay a indiqué que : (1) la plupart des dispositions de la convention collective pour lesquelles des recalculs rétroactifs étaient nécessaires étaient en vigueur depuis un certain temps; (2) les employés SAPI représentent environ le quart de l’unité de négociation; (3) les représentants locaux ne sont pas autorisés à donner leur consentement à une demande de prolongation de la mise en œuvre.

III. Résumé de l’argumentation

[98] Les deux parties ont présenté des arguments finaux très détaillés au cours d’une journée d’audience complète. Les résumés qui suivent abrègent substantiellement leurs arguments, en mettant l’accent sur les éléments qui me semblent plus importants. Néanmoins, j’ai examiné tous leurs arguments.

[99] La jurisprudence citée par les parties comprend des décisions rendues par deux tribunaux prédécesseurs, soit l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (ancienne CRTFP) et la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP). Dans la présente décision, ces deux commissions sont désignées comme l’« ancienne Commission ».

A. Pour la demanderesse

[100] La demanderesse a formulé la question à laquelle la Commission doit répondre comme suit : [traduction] « Quelle période de mise en œuvre plus longue, le cas échéant, la Commission juge-t-elle raisonnable dans ces circonstances? ». Pour répondre à cette question, la demanderesse a soutenu que la Commission doit tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents concernant la mise en œuvre jusqu’à la date de l’audience.

[101] La Commission devrait accorder une importance considérable à la preuve qui se situe entre la date de la décision et la date de la demande. Toutefois, il est tout à fait approprié que la Commission examine tous les éléments de preuve jusqu’à la date d’une audience, chaque fois que cela se produit. Il n’y a pas de précédent pour la pertinence d’une date limite.

[102] À l’appui de son argument, la demanderesse a cité Conseil du Trésor c. Conseil de l’est des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral, 2014 CRTFP 13 (la « décision Jaworski »), la seule affaire qui porte sur une demande de prolongation de délai concernant une décision arbitrale. La décision portait sur la preuve jusqu’à la date de l’audience de l’ancienne Commission (voir le paragraphe 27).

[103] Dans Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada ( dossiers de la CRTFP 148-02-367 et 151-02-13 et 14 (1991012), [1999] C.R.T.F.P.C. no 119 (QL); la « décision de 1999 »), l’ancienne Commission a examiné les dates auxquelles les taux de rémunération ont été mis en œuvre après qu’une demande de prolongation a été présentée. Pour l’un des groupes concernés, l’ancienne Commission a accordé une prolongation jusqu’à la date de mise en œuvre réelle.

[104] Suivant le précédent de la décision de 1999, la Commission a le droit d’examiner l’annonce de la demanderesse des dates de paiement dans son courriel à l’agent négociateur le 15 mai 2020. Si une audience avait eu lieu plus près de la date de la demande, la Commission aurait raisonnablement eu connaissance des faits concernant la mise en œuvre réelle des dispositions relatives à la rémunération de la décision.

[105] Dans le même ordre d’idées, la Commission peut également examiner la preuve concernant les effets de la pandémie, qui a été déclarée après que la demanderesse a présenté sa demande.

[106] La demanderesse a soutenu que la Commission a la possibilité d’ordonner une période de prolongation autre que les 180 jours demandés. Dans Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (dossier de la CRTFP 151-02-12 (19890818); [1989] C.R.T.F.P.C. no 219 (QL), l’ancienne Commission a fixé une date de mise en œuvre qui était d’environ un mois inférieure à la date proposée par le demandeur.

[107] La jurisprudence indique que plusieurs approches ou critères sont possibles lorsqu’il s’agit d’une demande de prolongation, mais selon la demanderesse, toutes les approches ou tous les critères appuient sa demande de prolongation.

[108] Dans Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada (dossier de la CRTFP 151-02-4 (19691118), [1969] C.R.T.F.P.C. no 11 (QL); la « décision de 1969 »), au paragraphe 5, l’ancienne Commission décrit la disposition de prolongation de la loi initiale comme une « soupape de sécurité » conçue pour les situations « […] normalement imprévisibles au moment de la signature de la convention, ou de situations qui se développent par la suite et qui sont indépendantes de la volonté de l’employeur ».

[109] La demanderesse a soutenu que sa demande de prolongation satisfait au critère de la décision de 1969. L’obligation d’utiliser le nouveau traitement rétroactif de masse était une nouvelle situation imprévue.

[110] La décision Jaworski, au paragraphe 68, met en garde contre une interprétation stricte de « soupape de sécurité » et conclu que d’autres considérations peuvent être évaluées « […] même dans les cas où il y a eu bonne foi, transparence et diligence raisonnable […] ». Au paragraphe 79, l’ancienne Commission a reconnu que le temps nécessaire à la mise en œuvre d’une décision pouvait dépendre de « différentes variables », y compris la disponibilité de personnes pour accomplir les tâches nécessaires. Même dans les cas où un employeur a fait preuve de diligence raisonnable dans une situation qui n’était pas imprévue, d’autres facteurs peuvent entrer en jeu (voir le paragraphe 81).

[111] La demanderesse a soutenu que, comme dans la décision Jaworski, la Commission devrait considérer la disponibilité de conseillers en rémunération comme un facteur dans sa décision.

[112] Dans la décision de 1999, l’ancienne Commission a souligné l’exigence selon laquelle un employeur doit traiter avec diligence les situations imprévues (aux pages 4 et 5). La décision Jaworski met également l’accent sur la diligence de l’employeur (au paragraphe 78).

[113] La demanderesse a évoqué la décision de l’ancienne Commission dans Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 103, qui indique, aux paragraphes 21 et 24, que lorsqu’un employeur prévoit des problèmes de mise en œuvre, il devrait soulever la question à la table de négociation. La demanderesse a fait valoir qu’elle l’avait effectivement fait, un facteur qui devrait militer en sa faveur.

[114] La décision Association des chefs d’équipe des chantiers maritimes du gouvernement fédéral c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 139, invoquée par la demanderesse n’est pas pertinente parce qu’il ne s’agit pas d’une demande de prolongation.

[115] Alliance de la fonction publique du Canada c. Service de protection parlementaire, 2020 CRTESPF 1, porte principalement sur une plainte déposée en vertu de l’article 70 de la LRTP. La demande de prolongation dans cette affaire n’a pas été accordée, ayant été jugée hors délai.

[116] Dans Service de protection parlementaire c. Association des employé(e)s du Service de sécurité de la Chambre des communes, la Commission a publié une décision-lettre datée du 6 février 2020 (la « décision-lettre relative au Service de protection parlementaire ») dans laquelle elle a reconnu que [traduction] « […] la complexité d’avoir à traiter avec d’autres entités pour mettre en œuvre des paiements » constituait un facteur.

[117] La demanderesse a renvoyé la Commission au « dossier de demande » pour d’autres commentaires au sujet des décisions invoquées par l’agent négociateur.

[118] Deux ordonnances rendues par la Commission, le 20 mars et le 5 mai 2020 respectivement, ont suspendu certains délais réglementaires en raison de la pandémie. La demanderesse a soutenu que les ordonnances démontrent à quel point les activités normales ont été touchées par la pandémie.

[119] Que ce soit par les critères de la décision de 1969 ou en vertu de la décision Jaworski, la demanderesse a soutenu qu’une prolongation est justifiée étant donné qu’elle a été confrontée à des circonstances [traduction] « uniques, sans précédent et imprévisibles » indépendantes de sa volonté. La demanderesse a fait des suivis constants auprès de SPAC pour demander le traitement manuel des nouveaux taux de rémunération et, plus tard, pour demander que le nouveau traitement rétroactif de masse soit mis à l’essai en tant que diligence raisonnable requise avant la mise en œuvre avec Barracuda.

[120] Le témoignage de Mme Flibotte a montré que la demanderesse a constamment utilisé le traitement manuel pour calculer les nouveaux taux de rémunération à venir et les paiements rétroactifs depuis l’introduction du système Phénix. La seule exception a été l’expérience difficile en 2018 lors de l’utilisation d’une version précédente de Barracuda.

[121] Les éléments de preuve confirment qu’au cours de la période précédant la décision, la Chambre des communes a continué de comprendre qu’elle mettrait en œuvre la rémunération manuellement. Après avoir reçu des renseignements préliminaires à la fin de l’été 2019 au sujet du PE conclu entre le CT et l’IPFPC concernant le nouveau traitement rétroactif de masse, la demanderesse a précisé qu’elle n’utiliserait pas le nouveau traitement, se joignant aux partenaires parlementaires pour en informer le CT le 27 septembre 2019. Selon Mme Boivin, la demanderesse n’a pas eu d’autres nouvelles du CT.

[122] L’équipe de la rémunération et des avantages sociaux est allée de l’avant en fonction du principe qu’elle mettrait en œuvre les taux de rémunération manuellement et a informé SPAC en octobre que la Chambre des communes ne conclurait pas de PE pour adopter le traitement rétroactif de masse.

[123] La première fois que la Chambre des communes a appris de SPAC qu’elle devait utiliser le nouveau traitement, c’était à l’occasion d’une conférence téléphonique tenue le 4 décembre 2019. Cependant, Mme Flibotte a déclaré que l’information ne provenait pas d’une source officielle.

[124] Après que la Commission a rendu la décision, SPAC a finalement décidé qu’elle ne téléverserait pas les tableaux de paye soumis par la Chambre des communes tant que la question de l’utilisation du nouveau traitement rétroactif de masse n’aurait pas été réglée. Cette position était imprévisible, inattendue et échappait au contrôle de la demanderesse.

[125] Des réunions intenses avec SPAC ont commencé en janvier 2020. Dans un courriel adressé à M. Dufour à SPAC, Mme Flibotte a demandé le nom d’une personne-ressources qui l’aiderait à téléverser les tableaux de taux et a déclaré que la Chambre des communes assumerait l’entière responsabilité de faire traiter les rajustements de salaire par son équipe de la rémunération et des avantages sociaux. La demanderesse a fait part de ses préoccupations au sujet du nouveau traitement rétroactif de masse le 30 janvier 2020 et a envoyé les tableaux des taux à SPAC le 5 février 2020. Ce n’est que le 10 février 2020 que la demanderesse a reçu les renseignements [traduction] « alarmants » de M. Dufour selon lesquels SPAC indiquait que [traduction] « […] les taux de rémunération ne doivent pas être versés dans Phénix » tant que la question de l’utilisation du nouveau traitement rétroactif de masse n’avait pas été résolue. Jusqu’au 10 février 2020, tous les éléments de preuve indiquaient que la Chambre des communes pouvait effectuer le traitement normal. Selon les arguments de la demanderesse, le courriel de M. Dufour à cette date a été [traduction] « l’obstacle » qui a obligé la demanderesse à réaliser qu’elle aurait besoin de plus de temps pour mettre en œuvre la décision.

[126] La demanderesse a soutenu que des efforts [traduction] « extrêmes et diligents » se sont poursuivis après le 20 février 2020 pour résoudre la situation grâce à des échanges de haut niveau entre la Chambre des communes et SPAC. De plus, le 10 février 2020, Mme Flibotte a proposé que la demanderesse et SPAC mettent à l’essai des scénarios utilisant le nouveau traitement si SPAC acceptait de mettre à jour les tableaux de taux. SPAC n’a pas accepté et l’impasse s’est poursuivie.

[127] Selon la demanderesse, son offre d’effectuer des essais a démontré la diligence raisonnable soulignée dans la décision Jaworski. À la lumière de son expérience en 2018 avec une version plus ancienne de Barracuda, il aurait été irresponsable de procéder sans essai. La demanderesse a soutenu que c’est l’expérience de 2018 qui a conduit à son [traduction] « extrême prudence ».

[128] Le 12 mars 2020, la demanderesse a appris pour la première fois de SPAC que le traitement manuel ne serait pas disponible à l’avenir, ce qui a amené Mme Flibotte à informer ses supérieurs qu’il serait nécessaire que la Chambre des communes adopte l’utilisation de Barracuda.

[129] Le 1er mai 2020, après l’essai dont elle a demandé l’exécution, la demanderesse a informé SPAC qu’elle avait décidé d’adopter le nouveau traitement.

[130] Au-delà de la diligence dont elle a fait preuve de façon constante, la demanderesse a soutenu que la Commission devrait tenir compte de ces cinq autres facteurs qui appuient la demande de prolongation : (1) la complexité des rajustements de salaire, (2) la pénurie de conseillers en rémunération, (3) le fait qu’elle ait soulevé la question de la mise en œuvre de la paye à la table de négociation, (4) ses communications avec la section locale de l’AFPC et (5) la pandémie.

[131] La demanderesse a soutenu que la rémunération pour l’unité de négociation est généralement complexe. De nombreuses modalités de la convention collective doivent être modifiées. Cette complexité justifie la diligence de la demanderesse à s’assurer que la rémunération est mise en œuvre avec exactitude.

[132] Le petit bassin de conseillers en rémunération disponibles à partir duquel recruter et le fait que bon nombre des conseillers en rémunération de la demanderesse étaient nouveaux compliquaient sa tâche. Ses efforts continus pour doter l’équipe de la rémunération et des avantages sociaux démontrent également sa diligence.

[133] Avant même que la demanderesse ne sache quelle position SPAC adopterait en ce qui concerne l’obligation d’adopter le nouveau traitement rétroactif de masse, la demanderesse a déclaré qu’elle devait normalement surmonter des [traduction] « défis énormes » dans la mise en œuvre de la rémunération. Pour cette raison, elle a soulevé la question du délai de mise en œuvre tant dans la négociation collective que lors de l’audience d’arbitrage de différends.

[134] La demanderesse a maintenu des communications étroites avec les représentants locaux de la défenderesse. Mme Boivin a témoigné qu’elle a dit à la section locale que la demanderesse ne serait pas en mesure de respecter l’échéance de mise en œuvre de la paye. Elle a tenu des séances d’information avec les membres de la section locale, les informant qu’elle travaillait en étroite collaboration avec SPAC pour mettre en œuvre les nouveaux taux de rémunération le plus rapidement possible.

[135] La pandémie a forcé la suspension de délais dans tous les domaines, causant des retards, comme l’illustrent les ordonnances de la Commission. Mme Flibotte a témoigné de la difficulté à installer les conseillers en rémunération pour qu’ils travaillent à domicile et de la diligence de la demanderesse à faire avancer les activités malgré la pandémie.

[136] La demanderesse a conclu son argumentation en mettant de nouveau l’accent sur l’autonomie de la Chambre des communes et sur les éléments de preuve qui ont démontré le caractère raisonnable de son point de vue selon lequel elle pouvait continuer à utiliser le traitement manuel pour mettre en œuvre les rajustements de salaire. Selon la demanderesse, la Commission devrait considérer la séparation complète de la Chambre des communes du CT, un fait qu’elle a constamment communiqué à SPAC, comme un facteur qui l’emporte sur tous les autres.

B. Pour la défenderesse

[137] La défenderesse a laissé entendre que les parties n’étaient pas complètement en désaccord au sujet de la jurisprudence, bien que la défenderesse trouve plus de prudence dans les décisions. À son avis, la jurisprudence souligne que l’octroi d’une prolongation doit être exceptionnel et qu’il s’agit là d’un dernier recours.

[138] Même si des considérations plus larges comme la diligence, la bonne foi et la transparence sont appliquées lors de l’examen de la preuve, la défenderesse a soutenu qu’il est évident que les actions et les inactions de la Chambre des communes ont précipité le problème de mise en œuvre.

[139] La demanderesse a soulevé [traduction] « tout et n’importe quoi » lorsqu’elle a énuméré les facteurs qu’elle estime que la Commission devrait prendre en considération. Toutefois, il n’y a pas de lien réel entre les facteurs qu’elle a invoqués et les causes réelles des retards de mise en œuvre.

[140] Par exemple, la demanderesse n’a pas indiqué où et comment les lacunes particulières en dotation ont effectivement nui à la mise en œuvre de la décision, ne faisant que des conjectures. Dans la mesure où il y avait des problèmes de dotation, ils étaient courants et auraient pu être prévus. La Chambre des communes aurait pu prévoir comment régler ces questions afin de ne pas retarder la mise en œuvre de la décision.

[141] Quant à la prétendue complexité des éléments de rémunération, la demanderesse a encore une fois omis d’établir un lien avec les causes réelles du retard. La plupart des éléments de rémunération étaient relativement courants, faisant intervenir des dispositions existantes de la convention collective. Rien de vraiment inhabituel n’est sorti de la ronde de négociation ou de la décision pour rendre la tâche plus difficile que la normale pour les analystes de la paye. Comme l’a indiqué M. Gay, la modification négociée qui portait sur la rémunération intérimaire a simplifié la disposition.

[142] La demanderesse a de nouveau invoqué un argument lorsqu’elle a indiqué que la pandémie était un facteur à prendre en considération. Il n’y a pas de preuve concrète devant la Commission établissant la cause et l’effet, comme le nombre d’heures de retard attribuable à la pandémie ou la façon dont elle a retardé les essais et la mesure dans laquelle elle l’a fait. En fait, au mois de mai, alors que la pandémie s’intensifiait, des essais ont été effectués.

[143] En ce qui a trait à l’utilisation d’éléments de preuve postérieurs à la présentation de la demande, la défenderesse a fait remarquer que la jurisprudence indique dans une certaine mesure que la Commission est disposée à examiner de tels éléments de preuve. Toutefois, le cœur de la question doit être ce que la demanderesse savait lorsqu’elle a présenté la demande de prolongation.

[144] La demanderesse a insisté sur la diligence dont a fait preuve la Chambre des communes pour assurer la mise en œuvre des rajustements de salaire. Les éléments de preuve ne corroborent pas cette description. Dans les 90 jours qui ont suivi la publication de la décision, la demanderesse faisait constamment [traduction] « traîner les choses ». Par exemple, il lui a fallu 44 jours avant d’envoyer les tableaux de taux à SPAC. La demanderesse a peut-être agi avec plus de diligence en mars, avril et mai 2020, mais cette [traduction] « diligence de dernière minute » n’est pas pertinente.

[145] La défenderesse a contesté le fait que les développements concernant l’exigence imposée par SPAC d’utiliser le nouveau traitement rétroactif de masse étaient imprévus ou imprévisibles. La demanderesse avait de l’expérience dans l’utilisation d’une version antérieure de Barracuda en 2018, mais elle n’a jamais cherché à améliorer le processus en soulevant des préoccupations plus tôt avec SPAC. Elle s’est contentée de résister et de maintenir son caractère exceptionnel.

[146] À la fin de l’été 2019, la Chambre des communes était bien consciente que le nouveau traitement rétroactif de masse se profilait à l’horizon. Le 25 juillet 2019, les partenaires parlementaires connaissaient la position de SPAC selon laquelle l’utilisation du nouveau traitement rétroactif de masse était obligatoire. Le 28 août 2019, M. Hickey a averti que SPAC assumait la responsabilité du traitement rétroactif de masse, qu’il serait mis en œuvre d’ici la mi-octobre, que SPAC n’avait pas d’autre plan d’urgence et que, dans les faits, la Chambre des communes serait à la merci de SPAC. Décrivant une impasse, M. Hickey a indiqué que le traitement manuel de tout n’était pas non plus idéal.

[147] Mme Flibotte a témoigné qu’elle n’a vu le courriel de M. Hickey que plus tard, ce qui n’est guère un indicateur de diligence. Elle a témoigné qu’elle a appris l’existence du PE conclu entre l’IPFPC et le CT à l’été 2019, mais il semble qu’il n’y ait eu aucun engagement ultérieur sur la question. La Chambre des communes n’a pas fait de suivi pour confirmer ce qui se passait. Si elle avait fait appel à SPAC à ce moment-là, la demanderesse aurait bien compris ce que SPAC lui demandait de faire.

[148] Les renseignements fournis par SPAC à l’été 2019 étaient complets. La défenderesse a fait référence aux présentations de SPAC qui ont accompagné le courriel d’information de M. Hickey du 28 août 2019. Dans le cadre de la [traduction] « nouvelle méthodologie », SPAC a déclaré que [traduction] « les comptes qui doivent être traités manuellement ont une date limite de mise en œuvre plus longue que les comptes qui sont traités automatiquement ». SPAC a décrit les échéanciers détaillés qui s’appliqueraient, ainsi que les responsabilités des différents partenaires.

[149] Quel que soit le scénario, selon la défenderesse, la Chambre des communes savait qu’elle était confrontée à un problème de mise en œuvre. Elle le savait, compte tenu de l’expérience difficile de l’utilisation de Barracuda en 2018 et de l’information fournie par SPAC à l’été 2019, et pourtant elle n’a jamais discuté avec SPAC de l’expérience de 2018 ni des développements de l’été 2019. Elle n’a pas non plus discuté avec l’agent négociateur. Ces deux échecs signifient un manque de diligence.

[150] Plutôt que de discuter avec SPAC, la demanderesse a mis fin à toute la discussion. De concert avec ses partenaires parlementaires, elle a décidé de rejeter l’utilisation du nouveau traitement rétroactif de masse. Le 8 septembre 2019, le CT a offert d’aider à élaborer des PE ou à [traduction] « […] aller de l’avant conformément à la méthodologie décrite dans le PE ». Mme Boivin a témoigné qu’elle n’avait pas vu le courriel du CT comme une demande officielle d’utiliser le nouveau traitement rétroactif de masse.

[151] En ce qui a trait à la demande d’information du CT auprès des partenaires parlementaires [traduction] « pour mieux fournir de l’aide », les partenaires ont déterminé qu’ils n’avaient pas besoin de fournir de l’information. L’occasion de s’attaquer de front aux questions de mise en œuvre a été perdue, et la Chambre des communes a insisté pour faire cavalier seul.

[152] La défenderesse a soutenu que, tout au long de l’automne 2019, la demanderesse n’a rien fait à l’interne pour traiter avec l’analyse de M. Hickey concernant le nouveau processus de mise en œuvre, et encore moins communiquer ses préoccupations à l’externe. M. Hickey a terminé le travail de détermination des questions soulevées par le nouveau traitement en août, mais Mme Flibotte n’a pas fait de suivi pour aviser SPAC des préoccupations de la demanderesse avant le 30 janvier 2020.

[153] Sur la base des renseignements communiqués par SPAC lors d’une conférence téléphonique tenue le 10 décembre 2019, la Chambre des communes savait que le nouveau traitement rétroactif de masse s’appliquait à tous les utilisateurs de Phénix et qu’elle ne serait plus en mesure d’utiliser le traitement manuel. Mme Flibotte a affirmé que l’information ne provenait pas d’une source officielle. De l’avis de la demanderesse, la Chambre des communes a soutenu en fait que, parce qu’elle n’avait pas entendu l’information de la bonne personne, elle pouvait écarter l’information. La position qu’elle a adoptée est à l’opposé de la diligence raisonnable. Peu importe si l’information transmise pendant la téléconférence était officielle ou non, la demanderesse aurait dû [traduction] « se renseigner pour le découvrir ». Omettre de le faire correspondait [traduction] « à de la négligence ».

[154] L’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle ne savait pas pendant une bonne partie de la nouvelle année que SPAC ne téléverserait pas ses tableaux de taux est fallacieuse. Elle savait au début de décembre 2019 qu’elle ne serait pas en mesure d’utiliser le traitement manuel.

[155] Parce qu’elle a insisté pour conserver son autonomie, la demanderesse est la véritable source de l’obstacle. Mme Leclair a retardé de plusieurs semaines la remise de tableaux de taux à l’équipe de la rémunération et des avantages sociaux. Mme Flibotte s’est conformée, ordonnant à son équipe de ne pas faire le travail. Par conséquent, la demanderesse a perdu le premier mois de la période de mise en œuvre de 90 jours. Presque les deux tiers de cette période se sont écoulés avant que les tableaux de taux ne soient envoyés à SPAC, bien qu’il soit entendu que, par le passé, SPAC pouvait avoir besoin de deux à six semaines pour les mettre en œuvre.

[156] Le 28 janvier 2020, SPAC a signalé à Mme Flibotte que Barracuda avait été utilisé avec succès pour plus de 75 000 employés. Néanmoins, la demanderesse voulait procéder à des essais. Les essais auraient dû être effectués des mois plus tôt.

[157] La défenderesse a cité d’autres exemples pour démontrer ce qu’elle prétend être le manque de diligence de la demanderesse. Le 6 février 2020, Mme Flibotte a demandé à SPAC pourquoi la Chambre des communes ne pouvait pas se retirer du nouveau traitement rétroactif de masse, mais pourquoi ne l’a-t-elle pas demandé plus tôt? Elle a témoigné qu’elle l’a dit à ses supérieurs le 10 février 2020, mais pourquoi ne l’a-t-elle pas fait plus tôt, étant donné ce que la demanderesse le savait au 10 décembre 2019? La Chambre des communes a appris de SPAC que Barracuda avait été utilisé avec succès pour 75 000 employés, mais elle n’a jamais communiqué avec les autres employeurs concernés pour connaître leur expérience. Bien qu’on lui ait assuré à plusieurs reprises qu’elle pourrait poursuivre le traitement manuel, au 31 janvier 2020, Mme Flibotte gardait toujours sa position. Aucun plan d’action n’a été mis en place avant le 18 février 2020, et ce dernier était toujours fondé sur l’utilisation du traitement manuel.

[158] Selon la jurisprudence, une partie devrait présenter une demande de prolongation du délai pour une mise en œuvre dès que possible. La défenderesse a demandé pourquoi la demanderesse avait attendu jusqu’au 28 février 2020 pour en présenter une. Elle a soutenu que la demanderesse n’avait pas d’autre plan que de faire ce qu’elle voulait et de s’adresser à la Commission au dernier moment pour [traduction] « demander pardon ».

[159] Tant la décision Jaworski que la décision de 1999 mettent l’accent sur la transparence et la bonne foi. La défenderesse a soutenu que la transparence et la bonne foi de la demanderesse devraient être jugées en fonction de l’incapacité de la demanderesse à communiquer avec elle au sujet des questions de mise en œuvre. Dans la décision Jaworski, au paragraphe 80, la Commission a indiqué, comme étant favorable à l’employeur, le fait qu’il « a fait preuve de transparence au sujet de ses difficultés à respecter le délai de mise en œuvre et en a discuté avec le défendeur ».

[160] Rien ne prouve que les communications de la demanderesse avec les représentants locaux de l’agent négociateur comprenaient des renseignements sur la nature des difficultés de mise en œuvre auxquelles la demanderesse était confrontée. Comme l’a souligné M. Gay, le CT et d’autres employeurs discutaient avec les agents négociateurs de ces questions. M. Gay a témoigné qu’il avait été surpris par la demande. Il n’avait reçu aucune indication préalable de la part de la demanderesse selon laquelle il y avait un problème.

[161] La défenderesse a qualifié la demande de la demanderesse d’un total de 270 jours pour mettre en œuvre les dispositions de la décision comme étant [traduction] « inédite et sans précédent ».

[162] La défenderesse a indiqué que si la Commission devait envisager une prolongation, une période de 68 jours serait le maximum qui pourrait être justifié.

[163] La défenderesse a résumé sa position comme suit. La demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de justifier la nécessité d’une prolongation. Aucun retard de mise en œuvre n’a été causé par quelque chose d’imprévu ou échappant au contrôle de la demanderesse. La demanderesse n’a pas fait preuve de transparence et n’a pas fait preuve de bonne foi dans ses relations avec l’agent négociateur. Elle n’a pas communiqué ouvertement et n’a pas échangé de renseignements pertinents à la relation de négociation. Les retards étaient uniquement imputables à la demanderesse.

[164] La défenderesse a ajouté que la Commission est libre de conclure que la demanderesse n’a pas interprété la situation correctement tout au long de la procédure ou que sa lecture de la situation était déraisonnable. La Commission devrait se demander si un employeur raisonnable aurait agi de la même façon, compte tenu des mêmes faits.

C. Réfutation de la demanderesse

[165] La demanderesse a relevé plusieurs erreurs dans l’argumentation de la défenderesse et a proposé des corrections comme suit.

[166] Les partenaires parlementaires n’ont été informés qu’en juillet 2019 que le nouveau traitement rétroactif de masse s’appliquerait aux organismes distincts. La Chambre des communes n’est pas un organisme distinct.

[167] La demanderesse a soutenu que, quelque temps avant le 19 septembre 2019, la Chambre des communes avait conclu une entente avec SPAC selon laquelle elle traiterait elle-même les paiements rétroactifs une fois les taux de rémunération entrés dans le système. Cette entente a éliminé l’obligation de conclure un PE et démontre le caractère raisonnable de la compréhension de la demanderesse selon laquelle elle pouvait continuer à utiliser le traitement manuel.

[168] La Chambre des communes n’était pas obstinée dans son approche. Les préoccupations soulevées au sujet de l’utilisation de Barracuda étaient importantes et raisonnables. Les systèmes utilisés par la Chambre des communes ne sont pas les mêmes que les systèmes utilisés ailleurs ou ne sont pas compatibles avec ces systèmes.

[169] Il n’est pas vrai qu’il n’y avait rien de nouveau ou de différent dans les préoccupations que Mme Flibotte a portées à la connaissance de SPAC en janvier 2020 par rapport à ce que M. Hickey a mentionné en août 2019. Barracuda ne fonctionnait pas à l’été 2019. Les préoccupations exprimées à SPAC en janvier 2020 tenaient compte de nouveaux renseignements fondés sur le système en direct qui était devenu opérationnel dans l’intervalle.

[170] La Commission n’a pas à choisir entre la prolongation de 180 jours proposée par la demanderesse ou aucune prolongation. Elle peut déterminer toute période de prolongation qui lui paraît raisonnable. Compte tenu des éléments de preuve selon lesquels 99 % des rajustements de salaire ont été mis en œuvre au 8 juillet 2020, la Commission pourrait utiliser cette date pour ordonner une prolongation de 121 jours.

IV. Analyse

[171] Le mandat de la Commission en l’espèce est clairement établi par l’article 59 de la LRTP, qui est rédigé comme suit :

Mise en œuvre des décisions arbitrales

59 Les conditions d’emploi sur lesquelles statue une décision arbitrale sont, sous réserve de l’affectation par le Parlement, ou sous son autorité, des crédits nécessaires, mises à effet par les parties dans les quatre-vingt-dix jours à compter de la date où la décision arbitrale lie les parties ou dans le délai plus long que la Commission juge raisonnable d’accorder sur demande de l’une des parties.

 

[172] Lorsqu’elle est saisie d’une demande de prolongation de plus de 90 jours pour la mise en œuvre d’une décision arbitrale, la Commission peut ordonner toute période plus longue qu’elle « juge raisonnable ». Il incombe à la demanderesse de prouver la nécessité d’une prolongation et le fondement de la période de mise en œuvre qu’elle propose. La Commission peut accorder la prolongation demandée par la demanderesse si elle la « juge raisonnable », peut substituer une autre prolongation qu’elle juge raisonnable, ou peut rejeter la prolongation proposée parce qu’elle est déraisonnable. Les conclusions de la Commission appliquent la norme civile de preuve, selon la prépondérance des probabilités.

[173] Pendant près d’un an, la Commission n’a pas été en mesure de procéder à une audience pour statuer sur cette demande. Le début de la pandémie en mars 2020 a retardé de plusieurs mois le processus de médiation que les parties avaient décidé de poursuivre. Une fois que la Commission a appris que la médiation d’octobre 2020 n’avait pas abouti à un règlement, elle a procédé à la mise au rôle d’une audience par vidéoconférence, mais les premières dates disponibles convenant aux parties n’étaient pas avant février 2021, et une prolongation était nécessaire en mars 2021. Le fait que la Commission doive maintenant se pencher sur une situation qui s’est produite il y a plusieurs mois est quelque peu inhabituel pour ce genre de procédure. Toutefois, cela ne modifie pas de façon importante le mandat que la Commission doit remplir.

[174] La demanderesse a formulé comme suit la question à laquelle la Commission doit répondre : [traduction] « Quelle période de mise en œuvre plus longue, le cas échéant, la Commission juge-t-elle raisonnable dans ces circonstances? ». La formulation est appropriée.

[175] La jurisprudence disponible pour m’aider à rendre ma décision n’est ni exhaustive ni particulièrement controversée. La plupart des décisions ne sont pas récentes. La plupart ne traitent pas de décisions arbitrales, bien que la distinction dans la jurisprudence entre la mise en œuvre d’une décision et la mise en œuvre d’un règlement négocié (examiné dans la décision Jaworski) ne semble pas importante en l’espèce.

[176] Dans l’ensemble, je tire des affaires citées par les parties plusieurs thèmes fondamentaux. Une demande de prolongation ne doit pas être considérée comme une demande de routine. Des dispositions comme l’article 59 de la LRTP existent pour faire face à des circonstances exceptionnelles, lorsque des facteurs largement imprévus ou imprévisibles, normalement hors du contrôle de l’employeur, retardent sa capacité à respecter l’échéance de 90 jours prévue par la loi, malgré des efforts concertés. L’image d’une soupape de sécurité introduite dans la décision de 1969 demeure en général convaincante.

[177] La jurisprudence ne prescrit pas de liste définitive des facteurs déterminants. Ils diffèrent d’une situation à l’autre, ce qui fait que l’enquête de la Commission est essentiellement fondée sur les faits. Un argument en faveur d’une prolongation exige une preuve des éléments qui retardent ou bloquent la mise en œuvre et, peut-être plus important, des efforts de l’employeur pour y remédier. À cet égard, des considérations telles que la diligence, la transparence et la bonne foi entrent en jeu dans l’évaluation des actions de l’employeur.

[178] L’enquête sur les faits devrait-elle comporter des éléments de preuve d’événements postérieurs à la demande de prolongation? Citant la décision de 1999 et la décision Jaworski en tant qu’autorités justificatives, la demanderesse soutient que je devrais examiner les développements après le 28 février 2020, qui est la date de dépôt. Cela dit, la demanderesse a également admis qu’il fallait accorder un [traduction] « poids considérable » à la preuve entre la date de la décision et la date de la demande. Je fais remarquer que la défenderesse a accepté qu’il y ait [traduction] « une certaine indication » que la Commission était disposée à examiner les éléments de preuve postérieurs à la demande.

[179] Une mise en garde s’impose. Je ne crois pas que la jurisprudence donne le champ libre à la fourniture d’éléments de preuve postérieurs à la demande. Dans la décision de 1999, la Commission a examiné la preuve des dates réelles, postérieure à la demande, lorsque la mise en œuvre a été terminée pour deux unités de négociation. Néanmoins, la décision de la Commission sur le bien-fondé de l’acceptation d’une prolongation pour une unité, mais non la seconde, semble avoir été fondée principalement sur des éléments de preuve antérieurs à la demande. Les éléments de preuve postérieurs à la présentation de la demande ont été pris en compte dans la décision de la Commission, mais essentiellement pour déterminer une nouvelle date limite de prolongation pour une unité de négociation – à la date coïncidant avec la date de mise en œuvre réelle.

[180] Dans la décision Jaworski, il est également évident que la décision de la Commission reposait principalement sur des éléments de preuve qui existait jusqu’à la date de la demande de prolongation. Bien que la décision ne le précise pas clairement, il se peut que le nouveau délai fixé par la Commission et la prolongation de la mise en œuvre d’un peu moins de deux mois tienne compte de son évaluation des développements postérieurs à la présentation de la demande. Même si c’est le cas, la décision ne peut être interprétée que comme suggérant que la preuve postérieure à la demande a un usage limité pour déterminer la durée raisonnable d’une prolongation, si une prolongation est par ailleurs justifiable. Les éléments de preuve postérieurs à la demande n’auront normalement pas de pertinence pour statuer sur le bien-fondé principal de la demande elle-même.

[181] Le seul élément de preuve postérieur à la demande qui me semble utile en l’espèce est le relevé du moment où la rémunération a été révisée de façon continue et du moment où les paiements rétroactifs ont été effectués, soit en mai 2020 et en juillet 2020 respectivement. Comme dans la décision de 1999 et peut-être dans la décision Jaworski, ces éléments de preuve peuvent entrer en ligne de compte lorsqu’il s’agit de déterminer la durée d’une prolongation, si une prolongation est accordée. Je ne crois pas qu’il contribue de façon significative à l’établissement d’une conclusion sur la question de savoir s’il convient d’accorder une prolongation, quelle que soit la durée de celle-ci.

[182] Les autres éléments de preuve postérieurs à la demande dont je suis saisi et qui présentent une quelconque pertinence portent sur les efforts de la demanderesse pour tester l’application de Barracuda, afin d’être convaincue qu’elle peut aller de l’avant avec la mise en œuvre, ainsi que la pandémie, qui est devenue une préoccupation impérieuse en mars 2020.

[183] Bien que l’intérêt de la demanderesse pour la possibilité de tester l’application du nouveau traitement rétroactif de masse soit apparu plus tôt, ce n’est que le 19 mars 2020, date de l’exposé présenté à M. Parent et à M. Patrice, que Mme Flibotte a en fait recommandé de procéder aux essais. En contre-interrogatoire, elle a soutenu que les rôles à jouer par son équipe dans le nouveau traitement rétroactif de masse n’étaient pas clairs avant février 2020, ce qui a empêché le traitement d’essai. Son explication n’est pas très convaincante. Si la Chambre des communes avait décidé d’approcher plus tôt SPAC au sujet de la mise à l’essai, il semble fort probable que les rôles que joueraient les membres de son équipe auraient été mieux connus plus tôt.

[184] Des essais ont été effectués le 26 mars 2020. Mme Flibotte a témoigné que le 1er mai 2020, la Chambre des communes a informé SPAC qu’elle avait décidé de procéder au nouveau traitement rétroactif de masse.

[185] D’une part, la préoccupation de la demanderesse à l’égard des essais indique clairement une diligence de sa part. La preuve de l’expérience très difficile de 2018 d’appliquer une version antérieure de Barracuda fournit une justification suffisante de la préoccupation de la demanderesse d’assurer l’exactitude de la mise en œuvre des rajustements de salaire. Toutefois, sur le plan négatif, les éléments de preuve indiquent que l’essai lui-même a pu être effectué rapidement. Moins d’une semaine s’est écoulée entre la décision de procéder aux essais et le moment où ils ont été réellement exécutés. Si la demanderesse avait organisé des essais plus tôt, aurait-il été nécessaire de présenter une demande de prolongation ou, dans l’affirmative, aurait-elle pu proposer une prolongation plus courte?

[186] Dans l’ensemble, j’estime que les éléments de preuve postérieurs à la demande au sujet des essais – qu’ils soient positifs ou négatifs pour la position de la demanderesse – n’éclairent pas grandement ma décision.

[187] En ce qui concerne la pandémie, il est incontestable que l’urgence sanitaire due à la COVID-19 était un facteur imprévisible qui échappait au contrôle de la demanderesse. Néanmoins, compte tenu du moment de la grave éclosion de cas de COVID-19, cela n’explique pas pourquoi la demanderesse n’a pas été en mesure de respecter son obligation de mettre en œuvre la décision dans les 90 jours. Il n’est pas non plus clair, selon les éléments de preuve, à quel point le retard de traitement de la paye du groupe OSG a été causé par la pandémie.

[188] L’examen de la demande doit être fondé essentiellement sur la preuve de ce qui s’est produit et de ce que la demanderesse savait jusqu’à la date de la demande de prolongation.

[189] L’argumentation de la demanderesse repose, du moins en grande partie, sur l’argument selon lequel elle n’aurait pas pu prévoir les développements cruciaux qui sont survenus après la publication de la décision le 10 décembre 2019. La description de ces développements a surtout porté sur les renseignements [traduction] « alarmants » reçus le 10 février 2020 de M. Dufour selon lesquels SPAC ne téléverserait pas les tableaux de paye dans le système Phénix tant que la question de l’utilisation du nouveau traitement rétroactif de masse ne serait pas résolue. Selon la demanderesse, tous les éléments de preuve jusqu’à cette date indiquaient qu’elle pouvait suivre le traitement manuel normal. Le courriel de M. Dufour était l’obstacle qui a obligé la demanderesse à réaliser qu’elle aurait besoin de plus de temps pour la mise en œuvre.

[190] L’information contenue dans le courriel de M. Dufour a confirmé l’obstacle, mais était-il vraiment imprévu ou imprévisible? Était-il raisonnable que la demanderesse maintienne sa position jusqu’au début de février 2020 selon laquelle l’utilisation du nouveau traitement rétroactif de masse ne serait pas obligatoire, étant donné son statut exceptionnel et celui de ses partenaires parlementaires parmi les employeurs utilisant le système Phénix?

[191] Je ne trouve pas cet élément de l’argumentation de la demanderesse convaincant. Si, en effet, son personnel a estimé que l’utilisation de Barracuda ne serait pas obligatoire avant de recevoir le courriel de M. Dufour, il n’en reste pas moins évident qu’il y avait beaucoup de signaux en cours de route qui présageaient une réalité différente.

[192] Au cours de l’été 2019, l’existence du PE conclu entre le CT et l’IPFPC est devenue largement connue des utilisateurs du système Phénix. Le PE a été spécifiquement présenté aux partenaires parlementaires dès le 10 juillet 2019. Il me semble qu’à partir de ce moment-là, il y avait un signal clignotant qui indiquait que quelque chose de très important était en train de se produire. Le changement se profilait à l’horizon. Les séances d’information de SPAC, qui ont eu lieu plus tard au cours de l’été 2019, ont clairement fait état de ce changement et de ce qu’il signifierait pour les utilisateurs de Phénix.

[193] Il est évident que la Chambre des communes a été informée, ou aurait dû l’être, des répercussions possibles de la modification imminente, compte tenu du courriel de M. Hickey du 28 août 2019 à des collègues, dont Mme Boivin. Un autre signe clair est rapidement apparu sous la forme de l’offre du CT du 8 septembre 2019 visant à aider à l’élaboration d’un PE ou à aller de l’avant avec la nouvelle méthodologie décrite dans le PE.

[194] Malgré l’analyse de M. Hickey et l’approche du CT, la preuve indique que la Chambre des communes et ses partenaires parlementaires sont restés persuadés que le nouveau traitement rétroactif ne s’appliquait pas à eux. Cette confiance était-elle raisonnable, à ce moment ou plus tard?

[195] Les partenaires parlementaires auraient pu se rassurer, en partie à partir d’un courriel daté du 25 juillet 2019, par la croyance que le nouveau traitement rétroactif de masse s’appliquerait aux [traduction] « organismes distincts », mais pas à eux. Toutefois, les renseignements plus détaillés reçus plus tard au cours de l’été auraient dû remettre en question cette confiance. Notamment, les exposés d’information de SPAC annexés par M. Hickey le 28 août 2019 font référence de façon générique aux employeurs, comme dans les employeurs qui utilisent Phénix, sans faire de distinction entre les différentes catégories d’employeurs. Je n’ai rien lu dans les exposés qui pourrait être interprété avec confiance comme exemptant explicitement les employeurs de l’enceinte parlementaire.

[196] À ce moment-là et dans les mois qui ont suivi, il semble clair que la Chambre des communes a continué d’être animée par une croyance inébranlable qu’elle avait un statut spécial parmi les employeurs. Cette conviction était évidente tout au long du témoignage de Mme Flibotte. Elle a témoigné que la Chambre des communes avait toujours utilisé le traitement manuel et que son statut spécial distinct, à son avis, signifiait qu’elle pourrait continuer à l’utiliser. Bien que je ne doute pas de la sincérité de sa croyance, je me demande s’il s’agissait d’une interprétation entièrement raisonnable de la situation émergente, si ce n’est au cours de l’été et au début de l’automne 2019, au moins en décembre 2019.

[197] Les éléments de preuve montrent qu’il y a eu une conférence téléphonique avec SPAC le 4 décembre 2019 concernant la mise en œuvre d’une décision arbitrale pour une unité de négociation du SPP. Après cet appel, Mme Flibotte a reçu un courriel de Mme McNeil indiquant que SPAC exigeait l’utilisation du nouveau traitement rétroactif de masse et que le traitement manuel n’était pas possible. À mon avis, il est difficile de ne pas considérer le 4 décembre 2019 comme un tournant définitif. Le fait que Mme Flibotte semble avoir écarté les renseignements reçus de Mme McNeil parce qu’ils ne comprenaient pas, à son avis, un avis écrit officiel, indique, à mon humble avis, une réticence déraisonnable à accepter la réalité émergente de la situation.

[198] La Commission a publié la décision le 10 décembre 2019. Mme Flibotte en a été informée le lendemain.

[199] Le compte-rendu de ce qui a suivi donne des indications de diligence de la part de la demanderesse pour comprendre et traiter la situation, mais aussi des indications qu’elle a elle-même été l’auteur de retards.

[200] Mme Flibotte a reçu de SPAC une description de haut niveau du nouveau traitement rétroactif de masse le 20 décembre 2019. Elle a demandé de plus amples renseignements et a fait un suivi auprès de SPAC le 7 janvier 2020. Elle a décrit l’information transmise par SPAC à ce moment-là comme [traduction] « un bon résumé » qui a permis à son équipe d’examiner comment le traitement rétroactif de masse pourrait fonctionner dans son environnement. Elle a aussi appris de SPAC qu’elle pourrait intégrer un essai pour une unité de négociation parlementaire en utilisant Barracuda au cours du mois de février.

[201] À la fin de janvier et au début de février, le rythme et la gravité des interactions avec SPAC semblent s’être accrus. Les échanges entre les parties lors d’une conversation téléphonique le 6 février 2020 et par écrit le 9 février 2020 ont de plus en plus marqué leur désaccord. Mme Flibotte s’est tournée vers la haute direction de la Chambre des communes pour demander son intervention.

[202] Les actions de Mme Flibotte pendant cette période démontrent une détermination diligente à représenter les intérêts de la demanderesse et à faire avancer la mise en œuvre. Cependant, le problème est qu’elles ont été accomplies que quelques semaines avant la fin de la période de mise en œuvre de 90 jours. À une date aussi tardive, avec l’échéance de la mise en œuvre imminente, la diligence de la demanderesse à maintenir sa position semble presque contre-productive en rétrospective. Quoi qu’il en soit, cela a eu pour effet de retarder ce qui est devenu inévitable – la demande à la Commission. La jurisprudence suggère que ces demandes soient présentées le plus tôt possible; voir, par exemple, la décision Jaworski, au paragraphe 81. Je crois qu’il n’est pas déraisonnable de suggérer que la demanderesse aurait pu demander une prolongation un peu plus tôt à la Commission, ne serait-ce que sur une base conditionnelle. Cela dit, je considère que le moment de la demande, soit un peu plus de deux semaines avant la date limite de mise en œuvre prévue par la loi, est malheureux, mais pas déterminant.

[203] La demanderesse a fait valoir que la pénurie de conseillers en rémunération était un facteur qui influait sur ses efforts de mise en œuvre, ce qui est un argument raisonnable. Toutefois, il est difficile de donner au facteur un poids plus que mineur sans des renseignements plus clairs pour décrire le retard réel attribuable à la pénurie.

[204] La demanderesse a également laissé entendre que la complexité des rajustements de salaire requis a contribué au défi auquel elle était confrontée. Les éléments de preuve sur cet élément sont mitigés. Le contre-interrogatoire de M. Gay a confirmé le nombre important de dispositions de la convention collective pour lesquelles des recalculs manuels auraient pu être nécessaires. Toutefois, il a également été prouvé que la plupart des dispositions en question étaient en vigueur depuis un certain temps. Il est évident qu’elles nécessitaient un travail minutieux, mais apparemment, ce n’était pas un travail nouveau ou imprévu.

[205] Du côté plus clairement négatif, la preuve indique que l’équipe de la rémunération et des avantages sociaux n’a pas commencé à travailler sur les tableaux de paye immédiatement après la décision, et pas avant le début du mois de janvier. Mme Flibotte a déclaré que la directrice des relations avec les employés lui avait demandé de suspendre ses activités. Pourquoi? Mme Boivin a déclaré qu’elle comprenait que Mme Leclair voulait avoir une meilleure idée du temps qu’il faudrait pour mettre en œuvre la décision avant d’aller de l’avant. Le 9 janvier 2020, Mme Leclair a dit à Mme Boivin que le retard pourrait être plus long que d’habitude.

[206] La preuve ne fournit pas une explication satisfaisante du retard. Ce n’est que le 5 février 2020, soit près de deux mois après la publication de la décision, que Mme Flibotte a fourni les nouveaux tableaux de paye et la décision à SPAC. L’intervention de Mme Leclair semble avoir été assez contre-productive. Dans son rôle, elle aurait certainement été au courant de l’obligation légale de mise en œuvre dans les 90 jours. Sa position de retarder de façon inexplicable et, à mon avis, déraisonnable a retardé le processus de mise en œuvre d’un mois ou plus.

[207] Dans la mesure où la jurisprudence laisse entendre que la transparence est l’un des facteurs à prendre en considération pour évaluer le bien-fondé d’une demande de prolongation, je conclus que les éléments de preuve militent sérieusement contre la position de la demanderesse. À aucun moment, de l’été 2019 à la mise en œuvre des nouveaux taux de rémunération de façon continue en mai 2020, la demanderesse n’a discuté avec l’agent négociateur de façon substantielle, d’abord au sujet des nouveaux renseignements sur l’évolution du système de paye de Phénix, puis, après le début de décembre 2019, au sujet des répercussions possibles du nouveau traitement rétroactif de masse pour la mise en œuvre de la décision. La demanderesse a fait participer des représentants syndicaux locaux à la tenue de séances d’information à l’intention des membres au sujet de la décision et a prévenu M. Thompson qu’il pourrait y avoir des retards. Cet engagement était louable et utile, mais l’agent négociateur, représenté par M. Gay, avait le pouvoir de représenter les intérêts des membres et de traiter des questions de mise en œuvre.

[208] Malgré la preuve que l’agent négociateur avait contribué à une ronde de négociations antérieures en convenant d’un délai de mise en œuvre prolongé, l’idée qu’il pourrait être approprié de l’approcher de nouveau afin de discuter de la façon de surmonter les problèmes émergents de mise en œuvre ou de la possibilité d’une prolongation ne semble jamais avoir traversé l’esprit des fonctionnaires responsables de la Chambre des communes. Le témoignage de M. Gay a confirmé que l’agent négociateur était resté dans l’ignorance pendant toute la durée, pour quelque raison que ce soit.

[209] La demanderesse a fait valoir qu’en tant que facteur favorable, elle a proposé une période de mise en œuvre plus longue dans les négociations collectives et lors de l’audience d’arbitrage de différends, dans les deux cas sans succès. Le témoignage de M. Gay laisse entendre qu’une discussion sur la proposition de la demanderesse n’était détaillée à aucune des étapes. Les séances de négociation se sont déroulées avant l’été 2019 (voir 2019 CRTESPF 121, au par. 6). Il est évident que l’initiative du traitement rétroactif de masse de SPAC, telle qu’elle a été comprise à l’été 2019, n’aurait pas été discutée à la table. La Chambre des communes avait des renseignements pertinents sur l’initiative au moment de l’audience d’arbitrage des différends du 12 septembre 2019, mais M. Gay s’est souvenu qu’il n’y avait encore aucune présentation détaillée des problèmes de mise en œuvre ou des plans de SPAC pour justifier le délai de mise en œuvre plus long proposé.

[210] À mon avis, la preuve concernant les propositions de la demanderesse visant à allonger la période de mise en œuvre dans la négociation et à l’arbitrage n’a qu’une valeur limitée. Elle indique que le temps requis pour mettre en œuvre de nouvelles dispositions sur la rémunération a été une préoccupation constante pour la demanderesse. D’autre part, parce que les propositions ont été faites dans la négociation bien avant l’initiative de SPAC à l’été 2019 et le 12 septembre 2019, lors de l’audience d’arbitrage de différends alors que les interactions avec SPAC étaient encore à un stade précoce, elles ne peuvent être considérées comme un indicateur sérieux de transparence aux fins de la demande.

V. Conclusions

[211] L’analyse de la preuve révèle à la fois des facteurs favorables à une prolongation de la période de mise en œuvre et des facteurs qui ne le sont pas. Il incombe à la Commission d’évaluer le reste de la preuve, de déterminer quelle période de mise en œuvre plus longue, le cas échéant, semble raisonnable dans les circonstances. Mon évaluation sommaire du reste de cette preuve est la suivante.

[212] Plusieurs considérations militent en faveur de la demande de la demanderesse. La plus importante est le fait qu’un acteur externe, SPAC, a joué un rôle démesuré qui a grandement compliqué la tâche de la demanderesse. De toute évidence, la Chambre des communes n’était pas en mesure de contrôler le déroulement des événements initiés par SPAC qui l’ont finalement obligée à utiliser le nouveau traitement rétroactif de masse. Tout le système de paye changeait, et la Chambre des communes ne pouvait pas contrôler ce changement et n’était pas en mesure de le faire. Je fais remarquer que dans sa décision-lettre relative au Service de protection parlementaire, la Commission a tenu compte dans sa décision de [traduction] « […] la complexité d’avoir à traiter avec d’autres entités pour mettre en œuvre des paiements », faisant référence à SPAC.

[213] La préoccupation de la Chambre des communes d’assurer l’exactitude du traitement utilisé pour mettre en œuvre de nouveaux taux de rémunération sur une base continue et pour traiter les paiements rétroactifs, ainsi que sa détermination à maintenir cette préoccupation au premier plan tout au long du processus, étaient certainement louables.

[214] Au cours des premiers mois de 2020, les représentants de la demanderesse ont fait preuve de persistance dans leurs interactions avec SPAC et, par la suite, grâce à des discussions avec SPAC et à des essais, ils ont pu atténuer suffisamment leur souci d’exactitude pour appuyer une décision d’aller de l’avant et d’utiliser Barracuda. Comme je l’ai indiqué, la demanderesse a fait preuve d’un degré évident de diligence lorsqu’elle s’est engagée plus activement auprès de SPAC au début de 2020.

[215] Une considération supplémentaire a modestement favorisé la demanderesse, soit la difficulté qu’elle a éprouvé à affecter suffisamment de ressources humaines pour effectuer le travail (comme dans la situation décrite dans la décision Jaworski, au par. 74). Cette considération aurait pu valoir plus s’il y avait eu des éléments de preuve précis justifiant le retard réel causé par les questions de dotation.

[216] Je dois ajouter que rien dans la preuve ne m’amène à conclure que la demanderesse a agi de mauvaise foi à un moment donné.

[217] La preuve qui milite contre la demande est substantielle.

[218] La demanderesse a soutenu que je dois considérer comme facteurs majeurs son autonomie et la preuve qui a démontré le caractère raisonnable de son point de vue selon lequel elle pouvait continuer à utiliser le traitement manuel. Il est compréhensible que la Chambre des communes veuille défendre son statut distinct dans toute la mesure du possible. La pratique passée qui appuie sa croyance selon laquelle elle avait un accès continu au traitement manuel comporte aussi un certain poids. Toutefois, la preuve me porte à croire que sa détermination à s’en tenir à la pratique passée et à la conviction que le statut unique de la branche législative du gouvernement l’a isolée de l’évolution du système en général n’a finalement pas bien servi ses intérêts.

[219] Comme l’a prouvé le décret de 2011, le gouvernement a exercé son autorité sur l’utilisation du système de paye Phénix et a exigé de la Chambre des communes qu’elle utilise ce système. Que le gouvernement de l’époque puisse par la suite réviser Phénix en introduisant de nouvelles exigences, comme l’utilisation du nouveau traitement rétroactif de masse, et lier les utilisateurs de Phénix à ces exigences, semble incontestable. À l’été 2019, il devenait clair que le système était en train de changer.

[220] En s’appuyant sur sa croyance en son statut distinct et sur ses pratiques antérieures au cours des mois suivants, je crois que la Chambre des communes a mal interprété la situation. Elle a manqué des occasions de définir plus précisément comment elle serait touchée par les changements apportés à Phénix, et elle a perdu du temps pour gérer ces changements. Malgré les renseignements préventifs de M. Hickey et d’autres, et malgré les invitations de SPAC et du CT à discuter, elle ne l’a pas fait, du moins jusqu’en décembre 2019. Son omission à le faire suggère un manque de diligence dans la période précédant la décision qui jette une ombre sur la plus grande diligence qu’elle a démontrée au début de 2020.

[221] À cet égard, je trouve très difficile de conclure que les circonstances que la demanderesse a commencé à aborder de manière plus directe au début de 2020 peuvent être décrites comme étant [traduction] « imprévues » ou [traduction] « imprévisibles ». Comme l’a fait remarquer la Commission dans sa décision-lettre relative au Service de protection parlementaire, [traduction] « la difficulté de mettre en œuvre la décision en raison des problèmes de Phénix [était] réelle, mais elle n’aurait pas pu être imprévue ».

[222] À mon avis, deux autres éléments importants pèsent lourdement contre la demanderesse. Le premier est que l’intervention de la directrice des relations avec les employés, qui est largement inexpliquée, a retardé d’un mois, sinon davantage, le travail sur les tableaux de paye et sur leur remise à SPAC. Ce retard a probablement aussi contribué à la date relativement tardive de la demande de prolongation présentée à la Commission.

[223] Le deuxième élément qui a un poids important est le fait que la demanderesse n’a pas discuté avec l’agent négociateur à quelque moment que ce soit, mais surtout dans la période qui a suivi la publication de la décision par la Commission, lorsque la demanderesse a de plus en plus compris l’ampleur des problèmes de mise en œuvre auxquels elle était confrontée. Les questions de rémunération sont essentielles à une relation de négociation.

[224] La défenderesse était en mesure d’aider la demanderesse à résoudre ces problèmes, comme elle l’a fait lors d’une ronde de négociation précédente, lorsqu’elle a accepté une période de mise en œuvre prolongée. Au cours de la période postérieure à la décision, la défenderesse n’a jamais eu la possibilité de jouer un rôle ou d’envisager la possibilité d’une prolongation volontaire. À tout le moins, un employeur animé par l’impératif de maintenir une relation ouverte et forte avec un agent négociateur aurait dû tenir l’agent négociateur concerné bien informé de l’évolution de la situation et l’aurait fait. La Chambre des communes ne l’a pas fait. Ses communications avec des représentants locaux au début de 2020 au sujet de la décision, aussi louables soient-elles, n’ont pas compensé l’absence de contact quelconque avec M. Gay ou avec tout autre fonctionnaire autorisé à prendre des décisions au nom de l’AFPC au sujet des problèmes de mise en œuvre. La seule discussion a eu lieu en mai 2020, essentiellement après les faits, et seulement pour informer M. Gay de la mise en œuvre imminente des dispositions sur la rémunération. La demanderesse n’a pas été transparente.

[225] Le reste des considérations, à mon avis, n’établit pas qu’une prolongation de 180 jours de la période de mise en œuvre de la décision est raisonnable. Dans l’ensemble, la preuve révèle plus d’éléments qui nuisent à la demande de la demanderesse que d’éléments qui l’appuient. Cela dit, la situation n’est pas noire ou blanche.

[226] Il serait déraisonnable, à mon avis, d’accorder une prolongation aussi longue que les 180 jours demandés par la demanderesse, compte tenu du reste de la preuve, mais il serait également déraisonnable de rejeter entièrement la demande. Il y avait des éléments qui échappaient au contrôle de la demanderesse et qui rendaient difficile la mise en œuvre des dispositions relatives à la rémunération dans le délai de 90 jours prévu par la loi. Ces éléments appuient l’octroi d’une prolongation. Toutefois, les considérations négatives importantes que j’ai indiquées m’obligent à envisager une prolongation plus courte.

[227] Dans son argumentation, la défenderesse a laissé entendre que si la Commission envisageait une prolongation, une période de 68 jours serait la plus justifiée. La suggestion de la défenderesse aurait pour effet de prolonger la période de mise en œuvre jusqu’au 14 mai 2020, date à laquelle, selon la preuve, la demanderesse a rajusté les taux de rémunération dans le système de façon continue. Je « juge raisonnable » la solution de rechange proposée par la défenderesse, au sens de l’article 59 de la LRTP. Elle prévoit une période de prolongation d’un peu plus de deux mois, ce qui, à mon avis, est conforme au reste de la preuve et est approprié dans les circonstances.

[228] Si l’on prolonge la période de mise en œuvre à une date ultérieure, comme le 10 juin 2020, lorsque les rajustements de salaire ont été pris en compte dans la rémunération des employés, ou le 8 juillet 2020, lorsque la plupart des paiements rétroactifs ont été effectués, cela dépasserait ce qui, à mon avis, est raisonnable, à la lumière de la preuve.

[229] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[230] La demande est accueillie en partie.

[231] En vertu de l’article 59 de la LRTP, la période de mise en œuvre des dispositions de la décision est prolongée jusqu’au 14 mai 2020.

Le 30 avril 2021.

Traduction de la CRTESPF

Dan Butler,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 

 

 

 

 

 

 

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